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Titre: Est-il anodin de passer de la contraception au THS ?
Année: 2003
Auteurs: - Buhler M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Est-il anodin de passer
de la contraception au THS ?

Marianne BUHLER

L'exposé demandé peut se comprendre de plusieurs manières :

•   est-il anodin sur le plan physique et organique de passer d'hormones de synthèse à des hormones « naturelles » ?

ou...

•   est-il anodin de vieillir et sur le plan physique et sur le plan psychologique ?

Définitions

Anodin : qui calme la douleur.

Sans gravité.

Sans importance.

Sans intérêt.

La question ainsi posée contient partiellement la réponse.

1. Est-ce anodin pour la femme ?

A. Perception du vieillissement

Peut-on, dans la société de jeunisme actuelle, se poser la question : est-il anodin de vieillir ?

Une enquête sur la perception de l'âge chez les hommes et les femmes âgés de 45 à 49 ans montre que la limite acceptée et donc acceptable est 49 ans :

Avant, on est encore jeune, après on ne veut pas en entendre parler.

Erica Jung écrit :

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« De nos jours, on survit à la parturition et on se trouve confronté à la cinquantaine » ; « nous avons repoussé les limites de la vie et pourtant nous avons le culot de pester contre l'âge ».

Nous lisons partout que la cinquantaine n'est plus ce qu'elle était et que c'est le début d'une nouvelle vie.

L'« âgisme » sexisme de l'âge, frappe essentiellement les femmes ou tout du moins les frappent plus jeunes que les hommes.

Les publicitaires vantent dans la cinquantaine, la génération du baby boum et donc un potentiel économique non négligeable.

L'ILC « International Longevity Center » en 1995 publie un dossier intitulé : « La génération des 45-49 ans du baby boum au papy boum ».

À la moitié de leur vie, entre deux âges, à la fin de leur jeunesse, les 45-49 ans sont une génération à part entière.

Ces femmes ont eu 20 ans en 1968, ont gagné 1 an de vie supplémentaire tous les 4 ans.

Elles ont devant elles encore une longue vie.

Elles sont victimes d'une erreur de calcul : « Pourquoi moi qui me sent si jeune, je ne peux plus être enceinte alors que mon compagnon peut encore désirer procréer et y arriver avec une autre ? »

Cette « pause », bien que connue consciemment ou inconsciemment, paraît mal programmée, décalée par rapport à la « vraie vie ».

Elles ont conscience de pouvoir encore modifier dans un sens positif leurs vies mais l'approche de la cinquantaine les désarme.

Elles sont jeunes et la société les considère déjà comme vieilles, ce qui les déstabilisent.

Combien arrivent en consultation avec un retard de règles qu'elles attribuent à une grossesse possible.

La sentence (sanction ?) : « À votre âge, c'est probablement un dérèglement hormonal de la périménopause, n'est pas "entendable" ». Elle est considérée comme une agression caractérisée du médecin !

La femme de plus de 45 ans est déjà confronté à la perte de séduction.

Face à ce deuil annoncé, la beauté mature qui est valorisée apparaît comme une stratégie de défense de la société de consommation qui exalte à la fois féminité et personnalité.

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B. Femme et santé

Par une attitude active et volontaire, elles ont l'objectif de retarder le vieillissement de l'organisme, de le maintenir en forme le plus longtemps possible.

Elles s'occupent et entretiennent leur corps, leur peau, leurs cheveux, leur poids.

Elles s'astreignent à de nombreux régimes.

Elles vont régulièrement chez le médecin, le gynécologue arrivant en tête du médecin le plus consulté. Le dermato arrive en deuxième position.

C. Perception de la ménopause

Pour certaines, le cap n'existe pas.

Elles considèrent que c'est une construction du discours médical :

- Je ne ressens rien de particulier. 

- Où est le problème ?

Le traitement n'est pas abordé sous l'angle du bénéfice sexuel mais sous celui du bénéfice psychologique, physique et social.

D. Vieillesse

On ne se projette pas « vieux », l'âge de la vieillesse est flou : il n'y a pas d'âge précis.

Il dépend en fait de plusieurs facteurs, en particulier de perte de ses moyens physiques et/ou mentaus.

C'est aussi un « état d'esprit ».

Cette définition permet de se rassurer, d'autant plus que l'on se compare avec ses ascendants (parents ou grands-parents) au même âge.

- Je pensais, il n'y a pas longtemps à ma mère à 50 ans. Je faisais une comparaison avec moi. Chez cette génération à 50 ans on était vieux. Elle agissait comme une vieille, elle ne s'arrangeait pas, gardait sa blouse et était contente...

Donc vieux pour moi cela ne veut rien dire.

Sur les références à l'âge, tout le monde varie, en fonction de son propre vécu, mais aussi de celui de la société.

En 1932, les démographes appellent « vieillards » les personnes âgées de plus de 50 ans.

Après guerre, cette définition concerne les plus de 60 ans, et une génération plus tard, nous passons à 65 ans.

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L'âge de la vieillesse se déplace parallèlement à l'espérance de vie.

E. Inégalité pour la femme

L'âge de la ménopause en revanche ne bouge pas puisque même dans des écrits anciens il est toujours situé vers la cinquantaine, ce qui correspondait à la fin de la vie, il n'y a pas si longtemps, mais qui est très décalé actuellement.

Or, une autre définition a changé.

Qui se souvient de ce que l'on appelait, dans les livres de médecine, une primipare âgée ?

La primipare âgée était une femme qui accouchait pour la première fois après... 25 ans !

Il y a donc duperie.

Les femmes sont jeunes plus longtemps, leur espérance de vie augmente en permanence, mais l'âge de leurs ovaires est immuable : à 40 ans, une femme sur 2 ne pourra plus être enceinte, et si de plus en plus de femmes ont des enfants après 40 ans (augmentation de 50 % en quelques années) elles ne représentent pas plus de 1 à 3 % des grossesses.

600 femmes accouchent après 45 ans (sur 700 000 naissances).

Des analystes adressent des patientes pour grossesse car ils les sentent enfin prêtes pour être enceinte, mais pour nous, gynécologues, il est déjà trop tard : leur FSH est désespérément haute.

II. Quelles sont les femmes concernées
par le passage de la pillule au THS ?

À l'âge de la ménopause, 18 % des femmes ont eu une hystérectomie et 7 % une ovariectomie bilatérale.

13 % des femmes interrogées utilisaient une contraception d'après l'enquête menée sur plus de 1 580 femmes âgées de 45 à 65 ans, dans le cadre de l'étude « 50 ans, la vie devant soi ».

53 % des femmes avaient arrêté toute contraception longtemps avant la ménopause.

La question se pose aussi, de façon légèrement différente, lorsque les femmes demandent si elles doivent toujours « faire attention », ou si elles peuvent ne plus se préoccuper de leur contraception.

Parmi ces 13 % de femmes, combien utilisent une contraception orale ?

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On imagine alors que c'est pour ces femmes que se pose la question : « Quand, comment et pourquoi arrêter la pilule ? ».

Si ces femmes sont sous contraception orale à cet âge, c'est que pour une grande partie d'entre elles, elles sont parfaitement bien avec leur pilule et se demandent vraiment pourquoi il est nécessaire de l'arrêter.

Quels arguments pour les faire passer au THS ?

III. Est-ce anodin pour le médecin de faire
des consultations « spécialisées » en ménopause ?

Comment est perçu le médecin qui s'occupe de ménopause par leurs confrères qui s'occupent de stérilité, obstétrique et même de contraception ?

- ça ne doit pas être drôle.

- Tu n'en n'a pas marre de voir des vieilles toute la journée ? Toutes ces bonnes femmes qui viennent parler de leurs bouffées !

Ces consultations ont longtemps (toujours ?) été considérées comme moins nobles, moins glorifiantes, ingrates, par rapport à celles d'obstétrique ou de stérilité.

Décidément, hors de la procréation la femme intéresse peu !

Même parmi ceux dont le métier est l'écoute analytique.

Il est intéressant de noter que Marie-Christine Laznik dans sa thèse de doctorat en psychologie, Sexualité féminine à la ménopause, remercie ses collègues qui ont accepté d'être les interlocuteurs de sa thèse, « sur ce champ plutôt ingrat » qu'est le milieu de la vie !

Milieu de la vie ?

La représentation de la femme ménopausée est extrême.

Dans les congrès sur la ménopause, nous passons en fonction des exposés sur le sujet des questions posées sur la possibilité d'être encore enceinte à la perte d'autonomie digne du 5e âge.

Qui ne se souvient de cette vieille femme que l'on a vue et revue dans tous les exposés sur la ménopause comme image de ce que l'on serait si on refusait le THS miracle !

Faire des consultations de ménopause dans une maternité, qui de plus est spécialisée en stérilité, semble parfois paradoxal : il faut expliquer aux médecins « fiviste » qu'il y a une grande différence

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entre « ne plus pouvoir être enceinte ou bénéficier de Pma » et être ménopausée.

Cette différence c'est 10 ans en moyenne, ces 10 ans qui séparent le début des dosages hormonaux élevés de FSH qui font refuser un traitement de stimulation et ce que l'on peut appeler ménopause.

Imaginez des femmes de 35 à 40 ans qui viennent pour désir de grossesse et qui, alors que leurs cycles sont réguliers et qu'elles n'ont aucun trouble particulier, hormis leur stérilité, sont envoyées en consultation de ménopause sur la foi d'un dosage hormonal.

Il semblerait encore plus déplacé de faire ces consultations en hôpital gériatrique !

Alors, passer de la pilule à la substitution hormonale,
est-ce que cela peut se résumer à changer de type d'hormones ?

Non, bien entendu.

Doit-on obligatoirement lorsque l'on arrête la pilule à une patiente lui donner un traitement substitutif dans le même temps ?

Qu'en pense les femmes ?

Le gynécologue va, comme tout soignant, faire passer plus ou moins ses peurs et angoisses à ses patientes et ses convictions face à un traitement qu'il considèrera soit comme « obligatoire » soit comme « à risque ».

Celui qui est angoissé par le cancer sera plus réticent à l'hormonothérapie que celui qui entendra plus la demande d'un soulagement et d'une qualité de vie.

Quelle liberté a le gynécologue de prescrire ou pas des traitements ?

Est-il vraiment abusé, intoxiqué par une mafia de laboratoires pharmaceutiques qui en voulant médicaliser la ménopause voient leur intérêt financier ?

C'est ce que pensent certaines féministes américaines, considérant de plus que le but de ces traitements est de rester séduisante pour le plaisir des hommes, passant sous silence les bienfaits immédiats des traitements, ne serait-ce que sur les troubles du climatère.

Les dernières études publiées pendant l'été 2002 ont fait chuter de façon vertigineuse le nombre d'américaines hormono-substituées.

Quel est l'avenir de ces traitements ?

L'attitude française et européenne sera-t-elle identique ?

Aura-t-on enfin la possibilité de faire des études épidémiologiques en France et en Europe ?

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Lorsque la santé des femmes de plus de 50 ans aura une aussi grande importance que celle des autres catégories de la population, on pourra peut-être répondre à la question :

« Est-il anodin » (sans risque pour la santé) de prendre un traitement hormonal pendant des dizaines d'années, que ces hormones soient ou non « naturelles » ?