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Titre: Le risque androgénique de la post-ménopause et le cancer du sein
Année: 2003
Auteurs: - Brettes Ph.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

Le risque androgénique
de la post-ménopause
et le cancer du sein

J.-P. BRETTES, C. MATTELIN

1. Rappel du risque œstrogénique

Si l'on exclut les cancers d'origine génétique liés à la transmission héréditaire de gènes mutés BRCA1-2 et CHECK2 concernant une population faible de femmes (6 %), mais dont le risque est particulièrement élevé d'avoir un cancer sein/ovaire au cours de la vie, on estime qu'environ 90 % des cancers sont hormono-dépendants, dont 75 % surviennent après la ménopause.

L'hormono-sensibilité du tissu mammaire normal et tumoral est établie. On attribue habituellement aux œstrogènes, et particulièrement à estradiol (E2), le rôle déterminant dans la promotion, la croissance et le développement des cancers. L'œstrogéno-dépendance de ces tumeurs repose sur une littérature scientifique abondante depuis trois décennies, dont les idées-forces les plus récentes peuvent être succinctement résumées ainsi :

•   Le niveau circulant des œstrogènes est étroitement corrélé avec le risque de survenue d'un cancer. Une différence de 10 % de concentration en œstrogènes dans le plasma peut être responsable d'une augmentation des cancers d'au moins 15 %.

   Avant la ménopause, E2, d'origine ovarienne, agit à distance sur le sein (mécanisme endocrine). Aux niveaux bas de E2 post-ménopausique, se substitue une biosynthèse intra-mammaire élevée de E2 (mécanisme intracrine) dont les précurseurs immédiats sont des androgènes surrénaliens. Le niveau d'activité des enzymes impliqués dans cette biosynthèse dépend des gènes métaboliques qui contrôlent leur activité. On connaît mieux aujourd'hui l'important polymorphisme de ces gènes concernant de façon différente chaque femme,

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•   Le cancer du sein hormono-dépendant concentre dans la tumeur les stéroïdes œstrogéniques. Deux enzymes essentiels - l'aromatase et la sulfatase - orientent les voies métaboliques vers la surproduction locale en œstrogènes (E1)), auxquels s'ajoute l'activité 17 bHSD de type 1 (synthèse E2). Leur surexpression détermine, à la suite des travaux du groupe Pasqualini, le concept de SEEM (selective œstrogen enzyme modulator).

•   À ce risque hormonal endogène qui leur est propre, chaque femme peut cumuler d'autres risques selon :

-   l'âge : puisque la courbe maximum d'incidence liée au cancer du sein dans les pays à forte prévalence, se situe autour de 65 ans ;

-   la corpulence : l'obésité viscérale tardive post-ménopausique atteint un nombre élevé de femmes occidentales exposées à un sur-risque hormonal endogène lié à l'activité aromatase corrélée avec la quantité d'adipocyte périphérique ;

-   la prise de THS : risque hormonal exogène, se greffe sur les risques précédents. THS (œstroprogestatif) agit sur la glande mammaire avec un sur-risque réel qui reste probablement modéré.

Les risques liés à l'environnement comme l'impact sur le sein des xéno-œstrogènes dérivés des polluants industriels et stockés dans les graisses, aux effets œstrogéniques certains, impliquant l'interrelation gène/environnement n'est jamais pris en compte, et risque de réserver bien des surprises sur l'importance de leur rôle délétère.

L'expression clinique et morphologique du risque hormonal œstrogéno-dépendant repose sur :

•   les données mammographiques (densités élevées) : prolifération du tissu mammaire, effet masque ;

•   probablement l'existence de mastodynies, avec ou sans traitement hormonal, reflet d'une sensibilité mammaire élevée en rapport étroit avec la biosynthèse hormonale intra-mammaire, intracrine, et qui devrait cesser d'être interprétée comme la seule expression algique des seins. Il s'agit d'un véritable facteur de risque de cancer nécessitant dès lors un ajustement strict, voire dans certains cas une contre-indication à THS ;

•   les données histologiques avec par exemple une augmentation relative des cancers du sein de variété lobulaire en particulier sous THS : RR ¥ 2 avec E seul - RR ¥ 4 avec E+P, dont on

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connaît les pièges cliniques et mammographiques à l'étape diagnostique.

2. Le risque androgénique de la post-ménopause

La notion d'androgéno-dépendance des cancers est plus récente, mais les travaux qui portent sur le risque androgénique bénéficient de l'avancée des connaissances des œstrogènes.

Les travaux actuels s'attachent à établir une corrélation entre les effets indirects ou directs des androgènes et le cancer du sein :

•   selon les niveaux circulants des androgènes ;

•   selon leurs métabolites actifs et leur influence hormonale de ceux-ci ;

•   selon l'activité enzymatique spécifique impliquée dans la synthèse intra-mammaire des androgènes ;

•   selon leur concentration intra-tumorale et leur rôle sur la prolifération hormono-induite.

Si E2 occupe une position clé dans l'étiologie et l'évolution des cancers, le rôle des androgènes dans la cancérogenèse devient aujourd'hui de plus en plus évident.

Aux bas niveaux d'androgènes circulants avec des niveaux élevés d'œstrogènes chez la femme jeune avant la ménopause, contrastent chez la femme plus âgée après la ménopause avec des niveaux circulants élevés d'androgènes et des niveaux bas d'œstrogènes en relation avec le cancer du sein.

Après la ménopause, les sources d'androgènes sont la surrénale pour la DHEA-S et la DHEA, la surrénale et l'ovaire pour la D4 androsténedione (D4A) et la testostérone (T) (1).

Le risque androgénique tardif dépend comme pour les œstrogènes, à la fois du niveau circulant des androgènes et de la production locale in situ intra-mammaire d'androgènes selon un mécanisme intracrine.

2.1. Les niveaux circulants élevés d'androgènes

•   sont étroitement associés avec le risque de cancer du sein (2) ;

•   les niveaux circulants des 4 androgènes sont associés au risque : très fortement pour la D4 et T (conversion directe en E), moins fortement pour la DHEA-DHEA-S (conversion indirecte en E, effet des métabolites).

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Il n'existe pas de source prédominante des androgènes pour expliquer le cancer du sein. En post-ménopause, les deux sources surrénalienne et ovarienne peuvent y contribuer.

Dans les états fibrokystiques, l'étude du contenu en stéroïdes du liquide des macrokystes en relation avec le risque de cancer montre :

•   une captation de DHEA contre un gradient de concentration ;

•   un métabolisme intrakystique de la DHEA en d'autres stéroïdes ;

•   des niveaux élevés de testostérone et des bas niveaux de progestérone (3).

2.2. La biosynthèse intra-mammaire d'androgènes

•   s'effectue par la conversion in situ des précurseurs androgéniques surrénaliens ;

•   dans le tissu mammaire normal, on observe des concentrations élevées de DHEA et de ses principaux métabolites, ainsi que des taux de D4A à des niveaux supérieurs à ceux du plasma ;

•   dans le tissu cancéreux hormono-dépendant, les concentrations intra-tumorales de DHEA, D4A, T, sont toutes fortement augmentées en comparaison avec le plasma. Ces hauts niveaux de concentration intra-mammaire suggèrent l'existence d'un système enzymatique puissant qui oriente les voies métaboliques vers la synthèse et la concentration de ces stéroïdes.

2.3. Le rôle de la DHEA

2.3.1. Aux concentrations physiologiques

•   est produit par la surrénale sous forme inactive (DHEA-S).

   DHEA désulfaté, actif, lié à l'activité d'un stéroïde sulfatase, se comporte comme un précurseur œstrogénique E1, E2, selon la voie aromatase.

   L'activité aromatase est élevée dans les tissus adipeux périphériques (surcharge pondérale) et dans les tissus adipeux mammaires (voie intracrine). (4)

•   DHEA est un précurseur de deux métabolites aux propriétés œstrogéniques. Il s'agit de l'étiocholanolone (urinaire) et de la D5 androstènediol plasmatique (A Diol). Ces deux métabolites entrent en compétition avec E2 sur les récepteurs œstrogéniques (5).

   LE RISQUE ANDROGéNIQUE DE LA POST-MéNOPAUSE ET LE CANCER DU SEIN   203

•   DHEA possède, sur la cellule MCF7, un effet prolifératif direct par une voie aromatase indépendante, en stimulant la prolifération cellulaire par activité de REa (6).

   Le rapport DHEA/cortisol bas augmente la synthèse de E2 intra-tumoral stimulant les mécanismes immunitaires. L'effet sur les cellules T Helper, en favorisant le phénotype cellulaire Th2, augmente la production de cytokines IL6 TNFa capable de stimuler la synthèse de E2 dans la cellule tumorale (5).

2.3.2. Dans la cellule cancéreuse

•   DHEA élevé stimule la croissance tumorale avec la même efficacité que E2. Dans les cancers localement évolués (stade IV), le niveau élevé de DHEA-S prédit la progression de la maladie comme agent œstrogénique (7).

 

En thérapeutique, THS augmente les concentrations plasmatiques de DHEA-S - ACTH, et donc stimule l'axe pituitaire adrénocortical dont l'activité est abaissée du fait de la ménopause (8).

2.4. Le rôle de la testostérone

•   une large étude prospective cas contrôle ayant enrolé plus de 4 000 femmes, montre que les valeurs plasmatiques moyennes de T total, T libre et E2 sont significativement élevées parmi les femmes qui développent un cancer du sein (9) ;

•   les niveaux plasmatiques élevés de T précèdent la survenue du cancer ;

•   la comparaison des concentrations sériques de T entre les valeurs les plus élevées et les plus basses, est associée à un risque relatif élevé de cancer du sein : RR = 6,2 (1) ;

•   après mastectomie pour cancer du sein dont le niveau d'activité aromatase intra-tumoral élevé a été établi, une étude rapporte une chute en post-opératoire de concentration plasmatique de E2 concomitante à une forte augmentation de testostérone plasmatique.

   La testostérone possède un effet stimulant sur la prolifération des cellules mammaires soit par effet indirect lié à sa conversion aromatasique, soit par effet direct en stimulant REa.

   Sur la cellule cancéreuse expérimentale androgéno-régulée, la testostérone augmente l'expression d'un isoforme de FGF (FGF8) qui contrôle l'angiogenèse et la croissance tumorale.

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2.5. Mécanisme de biosynthèse intra-mammaire locale d'androgènes

À partir de DHEA, la cellule mammaire est capable de synthétiser la dihydrotestostérone (DHT), androgène terminal de la voie des androgènes, grâce à la conversion métabolique de son précurseur immédiat, la testostérone. La synthèse de DHT est rendue possible localement grâce à l'activité de trois enzymes :

•   la 3bHSD qui convertit DHEA en D4A ;

•   la 17 bHSD type 5 qui convertit la D4A en T ;

•   la 5 a-réductase qui convertit T en DHT.

2.6. Expression de la 5 a-réductase (5aR)

La 5aR de type 1 détectée dans 58,3 % des cancers, catalyse la conversion de T en DHT, androgène bio-actif puissant qui agit sur le récepteur androgénique de la cellule.

80 % des cancers expriment le récepteur androgénique. La concentration de DHT est multipliée par 3 dans le tissu cancéreux comparé au plasma, ce qui suppose une production locale élevée de DHT.

Mais la production de DHT est rendue possible par l'expression, dans la cellule, de deux autres activités enzymatiques, la 3bHSD et la 17bHSD de type 5 (10).

2.7. Le rôle de la 5a-réductase locale dans la régulation
de la prolifération intracrine œstrogéno-induite

a. Rôle de la 5aR

La 5aR régule la production de DHT intra-mammaire.

DHT est un modulateur local de l'action androgénique en ce sens que cette hormone freine la prolifération œstrogéno-induite par son effet sur les récepteurs androgéniques, alors que E2 intra-mammaire stimule la prolifération par le biais des RE.

En effet, l'activité 5aR est inversement corrélée avec la taille tumorale, le grade histologique et le Ki67, et en relation positive avec les cancers bien différenciés.

DHT possède par ailleurs un effet pro-apoptotique dans les cellules cancéreuses.

b. Les voies de la biosynthèse hormonale locale des cancers
hormono-dépendants

   LE RISQUE ANDROGéNIQUE DE LA POST-MéNOPAUSE ET LE CANCER DU SEIN   205

La voie œstrogénique et la voie androgénique de la cancérogenèse mammaire sont résumées dans le schéma 1.

•   La voie œstrogénique

   Dans la cellule mammaire normale ou cancéreuse, la production locale de E2 à partir des précurseurs androgéniques DHEA, D4A, T, dépend de l'activité de trois enzymes : aromatase, sulfatase et 17HSD de type 1. E2 agit sur RE en stimulant la prolifération.

•   La voie androgénique

   Dans cette même cellule, la production locale de DHT à partir des mêmes précurseurs androgéniques DHEA, D4A, T, l'activité de trois enzymes 3bHSD, 17bHSD de type 5, 5aR, orientent vers la synthèse de DHT dont l'effet sur les récepteurs androgéniques freine la prolifération cellulaire.

   Dans la cellule cancéreuse hormono-dépendante, à partir des précurseurs androgéniques, la prolifération cellulaire dépend d'un équilibre entre l'activité enzymatique qui oriente vers la voie œstrogénique (E2) et stimule la prolifération, et celles qui orientent vers la voie androgénique, qui freine cette prolifération en agissant comme modulateur (DHT).
Schéma 2

   On conçoit ainsi le rôle important que revêt la synthèse locale de DHT et du niveau d'activité de la 5aR dans les mécanismes intracrines de la cellule mammaire normale et cancéreuse.

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Schéma 1 : représentant les mécanismes intracrines dans la cellule cancéreuse
selon deux voies androgénique et œstrogénique
des cancers du sein hormono-dépendants de la post-ménopause

Schéma 2 : biosynthèse hormonale intra-mammaire des cancers hormono-dépendants
de la post-ménopause selon l'activité enzymatique locale

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