MASTOPATHIES
BÉNIGNES ET RISQUE DE CANCER DU SEIN
M.
ESPIÉ1, A. DE ROQUANCOURT2 , B. TOURNANT1, F. PERRET1
1.
Centre des Maladies du Sein, Hôpital St Louis, Paris
2. Service d'Anatomo-pathologie Pr Janin, Hôpital St Louis, Paris
Introduction
Les
mastopathies bénignes recouvrent un vaste éventail de lésions
qu'il est impossible d'aborder ici dans leur intégralité. Nous
nous sommes donc cantonnés ici à leur relation avec le risque
ultérieur de survenue de cancer du sein.
Elles étaient autrefois regroupées sous le terme de mastose, ou
de mastose fibrokystique et c'est le grand mérite de Page [1] et de Carter
entre autres que d'avoir décrit et classé ces différentes
lésions et d'avoir tenté plus précisément de chiffrer
le risque ultérieur de développer un cancer du sein pour les patientes
atteintes.
Nous verrons que l'attitude thérapeutique à proposer à
ces patientes, souvent jeunes, porteuses de lésions diffuses, est très
difficile et peut conduire dans de rares cas à proposer une chirurgie
mutilante qui contraste avec la relative bénignité de l'affection
dont le pronostic, à ce stade, est toujours favorable.
Épidémiologie
[2]
Il est très difficile d'apprécier la fréquence de la pathologie
mammaire bénigne et encore plus celle des lésions frontières.
Il existe des données grâce aux rapports d'autopsie qui laissent
à penser qu'environ une femme sur deux pourra développer au cours
de sa vie une dystrophie fibrokystique et une femme sur cinq un fibroadénome,
mais si l'on s'intéresse aux études cliniques la prévalence
des dystophies mammaires biopsiées avant l'âge de 65 ans est d'environ
8 à 9% et des adénofibromes de 2,2 %. Il n'y a donc environ que
10% de maladies bénignes des seins diagnostiquées histologiquement.
Aucune étude épidémiologique n'a retrouvé de corrélation
entre l'âge des premières règles et la survenue ultérieure
d'une pathologie mammaire bénigne mais elles ne prennent généralement
pas en compte l'existence ou non d'une éventuelle hyperplasie, il en
est de même pour l'âge de la ménopause certaines études
cependant notant d'avantage de dystrophie kystique en cas de ménopause
tardive. La nulliparité augmenterait le risque de mastose kystique chez
les femmes jeunes, ceci n'est pas retrouvé pour les adénofibromes.
Les femmes multipares développeraient moins de kystes mais ceci n'est
pas retrouvé par tous et il ne semble pas y avoir de corrélation
avec l'âge de la première grossesse. L'allaitement ne semble pas
avoir d'effet protecteur.
L'existence d'antécédent familial de cancer du sein ne semble
pas augmenter le risque de mastose fibrokystique qu'elle soit associée
à des lésions atypiques ou non. Il faut noter que Dupont et Page
n'ont pas retrouvé de risque ultérieur de cancer du sein majoré
par les estrogènes chez des femmes avec hyperplasie atypique et antécedent
familial de cancer du sein par rapport aux femmes n'ayant pas pris de THSM [3]
.
L'obésité semble avoir un effet protecteur important tant par
rapport à la survenue de kystes que d'adénofibromes . Ceci est
retrouvé dans la quasi-totalité des publications [4] .
De nombreuses études retrouvent un rôle protecteur de la contraception
orale sur la maladie fibrokystique qui semble corrélé à
la durée d'utilisation; cet effet de la durée serait plus important
en cas d'atypies. Il n'a jamais été noté dans la littérature
d'augmentation du risque.
En ce qui concerne le traitement hormonal substitutif de la ménopause
on note une élévation du risque de développer une mastose
kystique corrélée pour certains à la durée d'utilisation.
Il faut noter cependant que Rohan [5] retrouve un risque augmenté de
maladies mammaire bénignes proliférantes chez les femmes sous
THS pendant plus de huit ans avec un risque relatif de 1,70 (IC : 1,06-2,72).
L'intoxication tabagique ne semble pas avoir d'effet sur le risque de mastose
quel que soit le degré d'atypie éventuellement associée
.
Les données concernant les facteurs de l'alimentation sont contradictoires.
Il n'a pas montré de corrélation avec la consommation d'alcool
y compris en cas d'atypies .Le rôle du café et des méthylxanthines
a été évoqué mais non retrouvé ultérieurement
.
Au total il ne semble donc pas y avoir de facteur exposant plus particulièrement
au risque de mastopathie, Tokunaga [6] a cependant retrouvé une plus
grande prévalence d'hyperplasie atypique chez les patientes ayant été
exposées aux irradiations provoquées par l'explosion des bombes
atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki.
Nous allons passer en revue les différentes lésions élémentaires
qui peuvent être rencontrées, en soulignant que plusieurs anomalies
sont fréquemment intriquées, que les foyers hyperplasiques sont
fréquemment multiples dans un même sein, voire bilatéraux
pour les lésions lobulaires. Pour chaque type de pathologie nous préciserons
les éléments pronostiques qui peuvent être dégagés
de la littérature en relation avec les autres facteurs de risque de survenue
de cancer du sein, en particulier les facteurs familiaux et la présence
de calcifications mammographiques.
Lésions
élémentaires
1.
Hyperplasie épithéliale
L'hyperplasie consiste en une augmentation du nombre des couches cellulaires
bordant la membrane basale. Ces couches normalement au nombre de deux (cellules
épithéliales et myo-épithéliales) sont ici supérieures
à quatre. L'hyperplasie épithéliale peut être de
type canalaire siégeant dans les galactophores de petit calibre inter
ou intra-lobulaires où elle réalise des aspects :
· de courant cellulaire.
· des projections épithéliales en flammèches.
· de fausses images en arche de pont.
· des aspects fenêstrés ou pseudo-cribriformes.
En fonction d'une part des aspects architecturaux de la prolifération
intra-luminale et d'autre part de la présence ou de l'absence d'anomalie
cytonucléaire, l'hyperplasie est qualifiée d'atypique ou non,
ce qui détermine le pronostic de la lésion. L'hyperplasie atypique
se caractérise soit par une augmentation du nombre de couche de cellules
épithéliales associée à des atypies cytonucléaires,
soit par des modifications architecturales et cytologiques analogues à
celles du cancer canalaire in situ de bas grade mais de trop petites dimensions
pour retenir le diagnostic de cancer [deux canaux pour Page [7] , et deux millimètres
pour Tavassoli [8] .
L'hyperplasie
épithéliale canalaire est dénommée par de nombreux
auteurs épithéliose. Aux USA, cette lésion est décrite
sous le vocable de " papillomatose " : ce terme de papillomatose prête
à confusion avec de véritables lésions papillaires comportant
un axe conjonctif revêtu d'une double assise cellulaire. Ces micro-papillomes
de siège distal dans la glande mammaire sont fréquemment associés
aux lésions d'hyperplasie canalaire et en partage la signification.
L'hyperplasie
épithéliale peut être lobulaire : ces lésions intéressent
les structures distales canaliculaires du lobule dont la lumière est
distendue. Elles peuvent s'étendre au canal intra ou sus-lobulaire. Lorsqu'il
s'agit d'une hyperplasie simple, les cellules épithéliales se
disposent sur 2 ou 3 couches prenant un aspect pseudo-stratifié. L'hyperplasie
lobulaire est dite atypique lorsque la lumière des canalicules distendues
à un moindre degré que dans le carcinome lobulaire in-situ est
occupée par une prolifération de cellules claires, monomorphes,
dépourvues d'atypie. Il persiste souvent des petites lumières
au sein de la prolifération tumorale. Cette lésion est très
proche du carcinome lobulaire in-situ dans lequel les lésions sont plus
étendues et où la distension des lumières canaliculaires
est plus marquée.
De
nombreux auteurs ont corrélé l'hyperplasie et l'hyperplasie atypique
avec le risque ultérieur de survenue de cancer du sein, y compris en
fonction des antécédents familiaux et/ou la présence de
microcalcifications sur la mammographie (Tableau I),
Tous
s'accordent à retrouver un risque augmenté. En cas d'hyperplasie
sans atypie ce risque varie de 1,3 à 2 et en cas d'atypies de 2,2 à
13 (2-9). Ma et Boyd [9] ont effectué en 1992 une méta-analyse
de 15 études concernant l'hyperplasie atypique et ont retrouvé
un risque relatif de 3,67 (IC: 3,16-4,26).
Tableau
I : Hyperplasies et risque relatif de survenue d'un cancer du sein
AUTEURS
|
Hyperplasies
sans atypies
(HSA)
|
Hyperplasies
avec atypies
(HA)
|
HA
et âge <50>
|
HA
et
ATCD fam.
Cancer sein
|
|
RR
|
RR
|
RR
|
RR
|
Dupont
(1985) |
1,9
|
5,3
|
-
|
11
|
Carter
(1988) |
1,9
|
3
|
5,7/2,3
|
5,4
|
London
(1992) |
1,6
|
3,7
|
5,9/2,3
|
7,3
|
Mc
Divitt (1992) |
1,8
|
2,6
|
-
|
-
|
Palli
(1991) |
1,3
|
13
|
-
|
-
|
Bodian
(1993) |
1,6
|
2,2
|
|
|
Dupont
retrouve un RR de 11 en cas d'hyperplasie atypique avec antécédent
familial et un RR de 8,3 en cas d'hyperplasie atypique avec microcalcifications
retrouvées à la mammographie [1] (Tableau II).
Tableau
II : Risque relatif de cancer du sein chez la femmes ayant une mastopathie proliférante.
risque relatif
Hyperplasie
sans atypie
Hyperplasies avec atypies
Calcifications |
1,6
4,4
1,8
|
Hyperplasies
sans atypie et :
Cancer familial
Pas de cancer familial
Calcifications
Pas de calcification |
2,1
1,5
1,9
1,5
|
Hyperplasies
atypiques et :
Cancer familial
Pas de cancer familial
Calcifications
Pas de calcification |
8,9
3,5
6,5
4,0
|
*
D'après Dupont et Page [1]
Ce
risque varierait également en fonction de l'âge lors de la découverte
de l'hyperplasie atypique.
Ces différences en fonction de l'âge expliquent peut-être
en partie les discordances suivant les populations étudiées par
les différents auteurs, de même que les difficultés diagnostiques
entre hyperplasie, hyperplasie atypique et cancer in-situ. Il est fort probable
que des lésions classées comme hyperplasie atypique par Dupont
et Page auraient été classées comme cancer in situ par
Bodian [10] ou par Carter [11] . Dans la série de Carter par exemple,
on note 8 % d'hyperplasie atypique alors qu'il n'y en a que 4 % dans la série
de Dupont et Page. Enfin tous les auteurs n'utilisent pas la même population
de référence : patients avec "seins normaux" ou, pour
d'autres, patients avec maladie bénigne non proliférative... Bodian
par ailleurs a pris en compte dans son analyse à la fois l'hyperplasie
lobulaire et canalaire atypique. S'il isole l'hyperplasie canalaire le risque
ultérieur de survenue d'un cancer du sein est plus élevé
(RR : 3,9). Marshall [12] a également séparé l'hyperplasie
canalaire atypique de l'hyperplasie lobulaire atypique, le risque relatif associé
à la première est de 2,4 (IC: 1,3- 4,5) et à la seconde
de 5,3 (IC: 2,7-10,4). En ce qui concerne l'hyperplasie lobulaire atypique l'élévation
du risque était plus importante chez les femmes pré-ménopausées
: RR 9,6 (IC: 3,3-27,8) que chez les femmes ménopausées: RR 3,7
(1,3-10,2).
Il faut bien sûr également tenir compte du recul pour chaque étude
et de l'importance de la population observée.
Ce risque varie également en fonction du temps. En effet toujours selon
Dupont et Page en cas d'hyperplasie atypique dans les 10 premières années
après le diagnostic, le risque relatif est de 9,8 il n'est que de 3,6
après dix ans. Alors qu'en cas d'hyperplasie sans atypie, il sera de
3,8 pendant les dix premières années puis de 1,1 après
10 ans, c'est à dire identique à celui des femmes de la même
tranche d'âge [13] .
Enfin
ces auteurs se sont intéressés à la prise d'estrogènes
comme traitement substitutif de la ménopause chez ces patientes avec
hyperplasie et n'ont pas retrouvé d'augmentation du risque de faire un
cancer du sein accru par les estrogènes y compris en cas d'antécédent
familial, ce risque étant même diminué [3] . En 1999 [14]
ces mêmes auteurs ont repris une série de plus de 9000 femmes biopsiées
pour un problème bénin entre 1952 et 1978 et suivi pendant 20
ans (médiane) et concluent que le THS n'est pas contre indiqué
en cas hyperplasie (atypique ou non) ou d'adénofibrome complexe.
2.
Associations lésionnelles
a)
Mastopathies complexes :
Cette
dénomination recouvre l'association de plusieurs lésions dystrophiques
(fibrose, kystes, adénose). Ces mastopathies complexes peuvent parfois
être associées à des lésions proliférantes
(hyperplasie épithéliale).
L'adénose
consiste en une augmentation du nombre des structures ductulaires constituant
le lobule. Elle peut prendre une "forme tumorale" et être
prise à tort pour un cancer. Histologiquement, l'adénose peut
revêtir deux aspects, soit "floride", soit sclérosante.
Jensen
[15] a retrouvé une augmentation du risque de faire un cancer du sein
en cas d'adénose sclérosante ce d'autant qu'il existe une association
avec de l'hyperplasie atypique. Le risque est modérément augmenté
en cas d'adénose sclérosante isolée (1,5 à 2)
il serait de 6,7 en cas d'association. Bodian [16] note également une
élévation statistiquement significative du risque à 2,2
(1,2-4)
en cas d'adénose isolée.
b)
Le centre prolifératif d'Aschoff encore appelé "radial
scar" ou cicatrice radiaire :
Son diagnostic
est tout d'abord évoqué par la mammographie, devant l'existence
d'une image stellaire sans opacité associée. Cette image ne
correspond souvent à rien de palpable. Une exérèse chirurgicale
est cependant nécessaire afin d'avoir un diagnostic histologique ce
d'autant qu'il peut y être associé un authentique adénocarcinome
.
Sur le plan histologique, le centre prolifératif d'Aschoff ne doit
pas être confondu avec un cancer infiltrant.
Il s'agit d'une lésion stellaire à centre scléreux, riche
en substance élascéinique où sont enchâssées
des formations glanduliformes (tubulaires) réparties de façon
irrégulière. En périphérie, galactophores et lobules
siège de lésions d'adénose et d'hyperplasie épithéliale,
forment une couronne à disposition radiaire. Des kystes peuvent en
outre s'observer. Le pronostic de cette lésion est lié au caractère
atypique ou non de l'hyperplasie épithéliale. Il convient de
ne pas méconnaître l'association d'une telle lésion avec
un carcinome infiltrant à un stade débutant, en particulier
de type tubuleux.
Jacobs et col. [17] ont effectué une étude cas témoins
à partir de l'étude prospective des infirmières nord-américaines
et ont montré que le nodule d'Ashoff augmentait le risque de développer
un cancer du sein, : RR = 1,8 (IC : 1,1 - 2,9). S'il existait des lésions
prolifératives sans atypies, le risque de développer un cancer
du sein en cas de cicatrice radiaire associée était de 3 (IC:1,7-5,5)
et de 1,5 (IC : 1,1-2,1) en son absence. En présence d'hyperplasie
atypique, le risque relatif en cas de nodule d'Aschoff associé s'élevait
à 5,8 et était sinon de 3,8 (IC : 2,4-5,9). La cicatrice radiaire
semble donc être en elle même un facteur de risque indépendant
de survenue ultérieure de cancer du sein.
c)
Maladie fibro-kystique
La maladie
fibro-kystique (MFK) est habituellement définie histologiquement comme
une association plus ou moins complexe et en quantité variable de lésions
bénignes : kystes et micro-kystes, adénose, fibrose, certains
auteurs y incluant les papillomes et les cicatrices radiaires (Centre Prolifératif
d'Aschoff). Divers types de cellules les constituent, épithéliales
et myo-épithéliales, tapissant canaux, kystes, lobules, entourées
de tissu conjonctif. Le revêtement épithélial des kystes
peut être en métaplasie idrosadénoïde, c'est à
dire prendre un aspect de type sudoral apocrine. Surtout les structures canalaires
ou lobulaires peuvent être le siège d'hyperplasie épithéliale
sans ou avec atypie.
Certains auteurs comme HAAGENSEN [18] distinguent les microkystes (< 3
mm) qui n'auraient pas de signification pathologique et les kystes de plus
grande taille, qui seraient associés à une augmentation de fréquence
de cancer du sein avec un risque apparaissant multiplié par 3 ou 4.
Les études plus récentes de DUPONT et PAGE [21] ne retrouvent
pas de corrélation entre l'existence de kyste sans autre lésion
associée et la survenue ultérieure de cancer du sein et ceci
quelle que soit leur taille.
En cas d'antécédent familial de cancer du sein, l'existence
de kystes pourrait cependant augmenter légèrement ce risque.
Plus récemment DIXON [19] dans une étude prospective, retrouve
une augmentation du risque de cancer chez les femmes porteuses de kystes palpables
[RR 2,81 (95 % CI: 2,17-3,59)] et le risque est plus élevé chez
les femmes âgées de moins de 45 ans, le risque étant par
ailleurs plus grand dans la première année qui suit la ponction-évacuation
du kyste.
Enfin l'existence d'antécédent familial de cancer du sein ne
semble pas augmenter le risque de mastose fibrokystique qu'elle soit associée
à des lésions atypiques ou non ? [20]
3.
L'adénofibrome :
Cette
lésion bénigne, de taille variable, comporte une double composante
épithéliale et conjonctive. La composante épithéliale
peut-être hyperplasique et présenter des caractères atypiques.
Elle survient essentiellement chez l'adulte jeune et classiquement n'augmente
pas le risque ultérieur de faire un cancer du sein. Cependant, plusieurs
auteurs dont Mc Divitt ont remis en cause cette donnée notant un risque
relatif de 1,7 lié à l'adénofibrome, le risque étant
encore augmenté s'il s'associe à l'adénofibrome une hyperplasie
épithéliale atypique ou non [21] . Levi [22] a également
retrouvé un risque augmenté par 1,6 (IC: 1,1-2,1) en corrélant
une importante population de 1461 femmes opérées d'un adénofibrome
et le registre des cancers du canton de Vaud en Suisse. Dupont et Page reprenant
le suivi d'une série de 1835 patientes [23] ont montré que ce
qu'ils définissaient comme fibroadénome " complexe "
était un facteur de risque de survenue de cancer du sein à long
terme. Le risque relatif est de 3,1 s'il s'agit d'un fibroadénome complexe,
de 3,88 lorsque au fibroadénome est associée une mastopathie proliférante
de voisinage et de 3,72 s'il existe en outre des antécédents familiaux
de cancer du sein. Ciatto [24] a contrario en corrélant 3938 diagnostics
cliniques et/ ou histologiques d'adénofibromes au registre toscan des
cancers ne retrouve pas de risque augmenté pour les adénofibromes
non opérés (SIR = 0,97, IC= 0,7-1,4) et un risque multiplié
par 2 (IC = 1,4-2,7) pour les adénofibromes opérés. Ces
résultats soulèvent l'ambiguïté du diagnostic clinique
d'adénofibrome.
Des carcinomes peuvent se développer au sein d'un adénofibrome.
Ces cancers peuvent être de tout type, canalaires ou lobulaires, infiltrants
ou "in-situ" .
4.
Les Papillomes :
Ces
proliférations papillaires bénignes se développent dans
les canaux. La plupart du temps ils siègent dans les canaux lactifères
de la région aréolaire mais ils peuvent siéger n'importe
où ailleurs dans le sein ; parfois dans un canal dilaté prenant
alors la dénomination de cystadénome papillaire intra-galactophorique.
Les papillomes solitaires surviennent dans les canaux lactifères et sont
révélés dans 70 % des cas par un écoulement mamelonnaire,
ou par une masse sous-aréolaire. Le papillome solitaire intra-kystique
se présente soit comme une masse palpable périphérique
soit comme une opacité à la mammographie. L'âge moyen de
survenue est 50 à 60 ans.
Carter retrouve pour les papillomes isolés une augmentation du risque
ultérieur de faire un cancer du sein [25] , de même que Bodian
[16] (RR: 1,7). Page [26] retrouve une élévation du risque multipliée
par 4 en cas de papillome avec une hyperplasie atypique en son sein ou à
son pourtour et ce risque de survenue serait localisé à l'endroit
du papillome.
Les
papillomes multiples se présentent comme des masses périphériques
et ont une propension à la récidive et au développement
de cancer soit concomitamment soit ultérieurement. Ils surviennent à
un âge plus jeune 40-50 ans.
Il existe d'autre part de minuscules papillomes souvent associés aux
lésions d'hyperplasie épithéliale canalaire simple ou atypique.
Ces micropapillomes souvent multiples rejoignent le risque lié aux hyperplasies
épithéliales canalaires.
CONDUITE
A TENIR
L'attitude
thérapeutique vis à vis de ces patientes est essentiellement basée
sur l'évaluation de risque ultérieur de survenue de cancer du
sein.
Nous avons vu que ce risque est fonction du diagnostic histologique précis,
porté par la biopsie, et de l'association à d'autres facteurs,
familiaux en particulier.
L'étendue des lésions est bien entendu également à
prendre en compte. Un petit foyer de microcalcifications isolé ne sera
pas traité de la même façon qu'une large plage de microcalcifications
correspondant à des lésions proliférantes présentant
des atypies envahissant la totalité de la biopsie. En règle générale,
les hyperplasies lobulaires sont plus diffuses, plurifocales (>50 % des cas),
voire bilatérales (30 - 40 % des cas), que les hyperplasies canalaires.
Pour certains, les hyperplasies lobulaires moins fréquentes que les canalaires
pourraient régresser après la ménopause.
Les hyperplasies canalaires sont quand à elles parfois multicentriques
(environ 30 %, rarement bilatérales (15-20 %).
1.
Surveillance ou traitement chirurgical
La
facilité de surveillance et donc de dépistage précoce d'un
petit cancer est à prendre en compte. A une femme ayant compris la nécessité
d'une surveillance régulière, facilement examinable et aux seins
radiotransparents, on proposera un simple suivi radio-clinique. A une femme
aux seins volumineux et dystrophiques, opaques ou remplis de calcifications
à la mammographie, on proposera parfois une thérapeutique chirurgicale.
Il est nécessaire de tenir compte des choix de la patiente, de son contexte
psychologique, de son environnement et des éventuels antécédents
familiaux. Une atteinte cancéreuse du sein controlatéral constitue
également un facteur de risque.
Une mammographie annuelle est recommandée, ainsi qu'un examen clinique
bisannuel. Il est nécessaire d'expliquer à la patiente que la
surveillance n'empêche pas la survenue du cancer. Son but est de détecter
le plus précocement possible un éventuel cancer.
A l'inverse chez les femmes atteintes de lésions franchement atypiques
éventuellement plurifocales atteignant les limites d'exérèse,
associées à des antécédents familiaux, le risque
de survenue de cancer du sein devient très élevé. On sera
alors amené à proposer parfois un geste chirurgical allant jusqu'à
la mastectomie simple avec éventuellement conservation de l'étui
cutané et de la plaque aréolomamelonnaire. Une reconstruction,
immédiate ou secondaire, est toujours proposée. Un suivi de l'autre
sein est indispensable.
Les adénofibromes complexes, les centres prolifératifs d'Aschoff
bénéficieront d'une exérèse simple emportant la
lésion et un peu de parenchyme adjacent .
2.
Thérapeutiques médicales
Des
essais d'hormonothérapie sont en cours, eu égard à l'éventuelle
hormonodépendance de ces lésions. Les récepteurs hormonaux
aux estrogènes et à la progestérone ont en effet été
retrouvés élevés surtout en cas de lésions lobulaires.
Les progestatifs n'ont jamais pu faire montre d'une quelconque efficacité
.
Les analogues de la LH-RH ont été essayés par plusieurs
auteurs mais la preuve de leur effet thérapeutique se heurte à
des difficultés méthodologiques et n'est pas encore établie,
il se pose de plus le problème de leur tolérance au long cours.
Le Tamoxifène (20 mg par jour) est en cours d'évaluation dans
la prévention de la survenue du cancer du sein chez les femmes à
haut risque. L'essai du NSABP a été arrêté de manière
précoce en raison d'une réduction significative de la survenue
de cancer chez les femmes traitées par rapport au groupe témoin
(45% de réduction). Cependant il est possible que cette molécule
ne fasse que retarder la survenue du cancer et on ne sait pas exactement pour
quelle catégorie de femmes cette thérapeutique est adaptée.
La toxicité à long terme n'est pas connue, même si les auteurs
ont rapporté un surcroît de cancer de l'endomètre et d'accidents
thrombo-emboliques mortels chez les femmes traitées. Il est impossible
de conclure sur une éventuelle réduction de mortalité -but
d'un essai de prévention-. Les essais britannique et italien se poursuivent
et répondront peut-être à ces questions.
Conclusion
Les
mastopathies bénignes n'augmentent pas dans leur grande majorité
le risque de survenue de cancer du sein, ce sont essentiellement les lésions
qui s'accompagnent d'une hyperplasie ce d'autant qu'elle est atypique qui nécessitent
toute notre attention ce d'autant qu'il n'y a actuellement aucun examen paraclinique
qui permette de distinguer avec certitude l'hyperplasie atypique du cancer in
situ, ni de prédire l'évolution éventuelle de l'un vers
l'autre.
[1]
Dupont WD and Page DL, Risk factors for breast cancer in women with proliferative
breast disease, N. Engl. J. Med., 1985, 312 : 146-151.
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du Sein, Encyclopédie Médico-Chirurgicale, 2001, 812A-10 :
[3] Dupont WD, Page DL, Rogers L and Parl FF, Influence of exogenous estrogens,
proliferative breast disease, and other variables on breast cancer risk, Cancer,
1989, 63 : 948-957.
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