Nouveautés en hormonothérapie des
cancers du sein
M. ESPIé
Le Tamoxifène est la molécule de
référence dans le traitement du cancer du sein hormonodépendant de
la femme ménopausée en raison de son efficacité et de sa tolérance
tant en situation métastatique qu'en situation adjuvante.
Chez les patientes métastasées,
les inhibiteurs de l'aromatase (létrozole, anastrozole, exemestane) se sont
avérés au moins aussi efficace que le tamoxifène et moins toxique.
Il s sont donc actuellement en cours d'études en situation adjuvante et deux
essais ont été récemment publiés.
Les premiers résultats de l'étude
ATAC ont été présenté en décembre 2001 au congrès
de San-Antonio. Cet essai a recruté 9366 patientes ménopausées avec
un cancer du sein entre 1996 et 2000. Il comparait le tamoxifène à l'anastrozole
et à l'association des deux. La médiane de suivi était de 33,3 mois.
Sous anastrozole la survie sans rechute était supérieure aux deux autre
bras de traitement (p= 0,0129). Le « hazard ratio » entre l'anastrozole
et le tamoxifène était de 0,83 (IC : 0,71-0,96). La tolérance de
l'anastrozole a également été meilleure notamment en ce qui concerne
les bouffées de chaleur, les prises de poids, les leucorrhées, les cancers
de l'endomètre et les accidents thrombo-emboliques. Cet essai a été
actualisé en 2003 avec une médiane de suivi de maintenant 47 mois (Tableau
1).
En regroupant tous les évènements
il a été trouvé une survie sans évènements plus longue
sous anastrozole que sous tamoxifène (HR = 0,86 IC : 0,76-0,99, p = 0,03) Le
bénéfice a été plus net si l'on ne prend en compte que les patientes
dont la tumeur possédait des récepteurs hormonaux positifs (p = 0,014).
Il n'y a pas eu de bénéfice observé en faveur de l'association des
deux molécules. Ce bénéfice semble augmenté avec le temps avec
à 4 ans un bénéfice en valeur absolue de 2,3 % en faveur de
l'anastrozole. Il faut noter qu'il n'a pas été observé de bénéfice
chez les patientes qui avaient été traitées antérieurement par
chimiothérapie, mais les évènements observés sont peu nombreux
et ne permettent pas d'avoir de certitudes.
La toxicité et les effets indésirables
ont également été actualisés. Le tableau 2 résume les différences
significatives observées :
Au total 5,6 % des patientes ont arrêté
le traitement pour effets indésirables sous anastrozole contre 8,1 % sous tamoxifène
et 8,1 % sous l'association [1].
Le deuxième essai [2] publié
en adjuvant concerne 5187 patientes ménopausées traitées pendant
cinq ans par du tamoxifène et randomisée à l'issue entre un placebo
et du letrozole (fémara) à nouveau pour une durée de 5 ans. Cet essai
a été arrêté après une analyse intérimaire à
2,4 ans de médiane de suivi. Cette analyse montrait un bénéfice en
survie sans évènements en faveur du létrozole (132 évènements
sous placebo contre 75 sous létrozole, p £ 0,001) Il n'y a pas de différence
en mortalité (p = 0,25) La survie sans événement à 4 ans a été
estimée de 93 % sous létrozole et de 87 % sous placebo. Au moment de l'analyse
en valeur absolue on observait 4,1 % de rechute sous placebo contre 2,4 % sous létrozole
soit une différence de 1,7 % (tableau 2).Les bouffées vasomotrices, les
douleurs articulaires et les myalgies ont été plus fréquentes sous
létrozole de même que l'apparition d'une ostéoporose. Il a également
été noté davantage d'accidents cardiaques ou de fractures sous létrozole
sans que la différence soit statistiquement significative (tableau 4).
Il est dommage que cet essai ait été
arrêté de manière prématurée, sans bénéfice observé
en survie. Cela nous privera de cette donnée ainsi que des données de
toxicité. Par ailleurs cet arrêt risque d'entraîner l'arrêt
des autres essais du même type...
Cependant, si avec le recul ces résultats
préliminaires se confirment, y compris en donnée de survie, les inhibiteurs
de l'aromatase remplaceront le tamoxifène en adjuvant chez les femmes ménopausées.
Bibliographie
[1] Baum M, Buzdar A, Cuzick
J, et al.: Anastrozole alone or in combination with tamoxifen versus tamoxifen alone
for adjuvant treatment of postmenopausal women with early-stage breast cancer: results
of the ATAC (Arimidex, Tamoxifen Alone or in Combination) trial efficacy and safety
update analyses. Cancer 2003; 98(9): 1802-10.
[2] Goss PE, Ingle
JN, Martino S, et al.: A Randomized Trial of Letrozole in Postmenopausal Women after
Five Years of Tamoxifen Therapy for Early-Stage Breast Cancer. N Engl J Med 2003;
9: 9.
|
˙Anastrozole |
˙Tamoxifène |
˙Anastrozole + Tam |
|
˙ |
˙N = 3125 |
˙N = 3116 |
˙N = 3125 |
˙Évènements
|
˙413 |
˙472 |
˙488 |
˙Rechutes locales |
˙84 |
˙101 |
˙107 |
˙Métastases |
˙195 |
˙222 |
˙246 |
˙Cancer controlatéral |
˙20 |
˙35 |
˙30 |
˙Controlatéral in situ |
˙5 |
˙5 |
˙5 |
˙Décès sans rechute |
˙109 |
˙109 |
˙100 |
128 M.
ESPIé Effet
indésirable Anastrozole Tamoxifène Anastrozole p +
Tamoxifène
Durée
médiane du traitement |
| | | |
˙(mois) |
˙37,3 |
˙36,9 |
˙36,5 |
˙ |
˙BVM |
˙35 % |
˙40,3 % |
˙40,7 % |
˙<0,001 |
˙Troubles musculaires |
˙30,3 % |
˙23,7 % |
˙24,7 % |
˙<0,001 |
˙Métrorragies |
˙4,8 % |
˙8,7 % |
˙8,6 % |
˙<0,001 |
˙Leucorrhées |
˙3 % |
˙12,2 % |
˙11,9 % |
˙<0,001 |
˙Cancer endomètre |
˙0,1 % |
˙0,7 % |
˙0,4 % |
˙0,007 |
˙Fractures |
˙7,1 % |
˙4,4 % |
˙5,7 % |
˙<0,001 |
˙AVC |
˙1,1 % |
˙2,3 % |
˙2,5 % |
˙<0,001 |
˙Accidents thrombo-emboliques |
˙2,2 % |
˙3,8 % |
˙4,4 % |
˙<0,001 |
NOUVEAUTéS
EN HORMONOTHéRAPIE DES CANCERS DU SEIN 129
Letrozole Placebo (N=
2575) (N= 2582)
Rechutes 61 (2,4 %) 106 (4,1
%) • Locales (sein) 6 19 •
Locales (paroi) 2 7 • Ganglionnaires
régionales 6 4 • A distance 47 76
« Nouveau primitif controlatéral » 14 26
Effets
indésirables |
˙Létrozole |
˙Placebo |
˙p |
˙Bouffées vasomotrices |
˙47,2 % |
˙40,5 % |
˙< 0,001 |
˙Métrorragies |
˙4,3 % |
˙6 % |
˙0,01 |
˙Arthrite |
˙5,6 % |
˙3,5 % |
˙< 0,001 |
˙Arthralgies |
˙21,3 % |
˙16,6 % |
˙<0,001 |
˙Myalgies |
˙11,8 % |
˙9,5 % |
˙0,02 |
˙Ostéoporose |
˙5,8 % |
˙4,5 % |
˙0,07 |
˙Fractures |
˙3,6 % |
˙2,9 % |
˙ns |
˙Evènements cardiovasculaires |
˙4,1 % |
˙3,6 % |
˙ns |
130 M.
ESPIé |