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Titre: Pourquoi opérer les lésions infracliniques : histoire naturelle des cancers du sein
Année: 1994
Auteurs: - Lefranc J.-P.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

POURQUOI OPERER LES LESIONS INFRACLINIQUES : HISTOIRE NATURELLE DES CANCERS DU SEIN IMAGES RADIOLOGIQUES INFRA-CLINIQUES

J P LEFRANC

Introduction

Différentes raisons expliquent l'extension des interventions chirurgicales pour lésions infra-cliniques du sein :

- Histoire naturelle des cancers du sein.

- Développement du dépistage mammographique

- Rapports entre les images infra-cliniques d'une part, au premier rang desquelles les microcalcifications, et les cancers in situ ou infiltrants et les lésions à haut risque d'autre part.

- Rôle de la chirurgie tant au plan diagnostique qu'au plan thérapeutique, la fiabilité des prélèvements par cytologie ou biopsies guidées étant actuellement en cours d'évaluation.

-HISTOIRE NATURELLE DES CANCERS DU SEIN

L'hypothèse d'un continuum (18) allant de l'hyperplasie simple, aux formes atypiques puis au cancer in situ n'a jamais été formellement démontrée, et l'éventuel passage d'un stade à l'autre sous l'influence de facteurs promoteurs, serait de toute façon inconstant.

Il n'existe pas dans le sein, contrairement à ce qu'on observe au niveau du col utérin ou du colon, de lésions réellement pré-cancéreuses. La dégénérescence des lésions bénignes, fibro-adénome, mastose fibro-kystique, papillome..., est exceptionnelle. L'apparition d'un cancer au sein d'un centre prolifératif d'Aschoff est discuté. Seules les hyperplasies atypiques constituent une augmentation significative de risque ultérieur de cancer du sein, facteur qui se cumule aux antécédents personnels ou familiaux (tableau I). Ainsi, des études nécropsiques (12), ont révélé la présence de carcinomes in situ chez 20% de jeunes femmes, alors que la fréquence cumulée des cancers invasifs n'est que de 5%. Il semblerait que 50% tout au plus des cancers in situ évolueraient vers l'invasion. Des différences de potentiel évolutif existent cependant entre les carcinomes intra-canalaires à petites cellules (formes papillaires, micro-papillaires, cribriformes, solides) et à grandes cellules (comédocarcinomes) comme le démontrent la pratique clinique et la biologie (phase S, aneuploïdie, incorporation de la Thymidine tritiée).

Les cancers du sein naissent au niveau de la portion terminale des canalicules (T.D.L.U)-(18). Leur genèse et leur extension le long de l'arbre galactophorique aboutissent à une très fréquente multifocalité qui atteint 60% des cas, mais qui intéresse en fait le plus souvent un même segment du sein, ce qui diffère de la multi-centricité. Cette notion explique que les récidives après traitement conservateur apparaissent dans plus de la moitié des cas dans le lit tumoral initial et que la pratique d'une quadrantectomie avec radiothérapie abaisse très significativement ce risque (17).

Le pronostic des cancers in situ traités, représentés essentiellement par les formes intra-canalaires est excellent : le risque métastatique, théoriquement nul, ne dépasse pas 1% à 2% dans les séries actuelles, risque explicable par l'impossibilité d'affirmer formellement l'absence de franchissement de la membrane basale .Cela est particulièrement vrai notamment pour les formes étendues multifocales surtout si elles s'accompagnent d'une réaction stromale inflammatoire comme cela est très souvent le cas des comédo-carcinomes. L'extension intra-mammaire des cancers galactophoriques in situ constituent le paramètre essentiel guidant leur traitement : les formes localisées bénéficient actuellement dans la majorité des cas d'un traitement conservateur (exérèse en zone saine et radiothérapie), les formes multifocales, étendues, d'une mastectomie totale avec curage axillaire et si possible reconstruction mammaire immédiate. Aucun traitement adjuvant n'est justifié.

Le pronostic et l'envahissement ganglionnaire, dont il reste le premier paramètre, des cancers infiltrants sont linéairement liés au volume tumoral, qu'il s'agisse du risque de rechute locale ou de celui d'une évolution métastatique, bien que d'autres facteurs entrent en ligne de compte. (différenciation histologique, récepteurs hormonaux, phase S...). Il est démontré que, quel que soit le modèle de croissance tumorale adopté, une dizaine d'années précède l'émergence clinique d'un cancer du sein de un cm. Cette période infra-clinique est particulièrement riche en acquisition par les cellules de leur potentiel métastatique, expliquant que 20 à 30% des tumeurs de moins de 1cm puissent s'accompagner de métastases ganglionnaires et que le taux de survie de ces lésions ne soient "que de" 95% à 10 ans.

Ainsi le dépistage n'est-il pas aussi précoce qu'on pourrait l'espérer, et dans l'étude de HOLLAND (5), 50% des cancers intra-canalaires dépistés mesurent plus de 5cm.

Cela a amené certains à penser que la réduction de la mortalité liée au dépistage précoce par mammographie n'est qu'apparent et ne traduit en fait qu'une avance au diagnostic et au traitement. Le bénéfice des traitements adjuvants (chimiothérapie notamment), est cependant d'autant plus important que le volume cible est petit. De plus, il semblerait pour KOSCIELNY (7) que l'avance de 12 mois par le diagnostic mammographique réduirait de 30% le risque métastatique et pour TABAR (14) que la pratique d'une mammographie tous les trois ans par rapport à sa pratique annuelle, augmenterait le risque de métastases de 10%, que ce soit avant ou après 50 ans.

Les résultats des différents programmes de dépistage initiés aux Etats-Unis en 1964 (13) ont confirmé les données sur l'histoire naturelle des cancers du sein. Tous, sauf un (2) mettent en évidence une réduction importante par rapport à une population témoin de la mortalité. Les chiffres varient d'une étude à l'autre, en raison des modalités différentes (âge, périodicité, nombre de clichés, examen clinique ou non)(tableau II) La mammographie reste actuellement l'examen le plus performant, bien que le bénéfice, formel après 50 ans, reste discuté avant.

LES IMAGES RADIOLOGIQUES INFRA-CLINIQUES CONCERNENT :

Les microcalcifications, les opacités, de forme, de densité variables, les désorganisations de la trame architecturale, toutes images plus ou moins associées.

* les microcalcifications constituent le mode de découverte actuellement le plus fréquent des cancers du sein infra-cliniques, notamment des carcinomes canalaires in situ, dont le mode de révélation s'est ainsi considérablement modifié.

L'amélioration de la qualité des clichés, la pratique de clichés agrandis et centrés, l'utilisation de l'écran-grille ont considérablement accru le pouvoir de résolution de la mammographie et la fréquence des découvertes des microcalcifications. Celles-ci sont présentes dans plus de 60% des cancers du sein et ne s'accompagnent d'aucune traduction échographique à moins qu'il ne coexiste une véritable masse tumorale. L'aspect protéiforme des microcalcifications (disposition, régularité des contours, des formes, de leur taille...) a conduit LEGALL et Collaborateurs (8) à proposer en 1976 une classification tendant à guider les indications opératoires.

D'autres paramètres entrent en ligne de compte : nombre des microcalcifications dans un foyer (> à 20 ou 30), âge des malades, contours angulaires des amas, microcalcifications ébauchant l'arbre galactophorique selon un triangle, se dirigeant vers le mamelon ; augmentation des microcalcifications à deux examens successifs ... A l'exception peut-être des microcalcifications très nombreuses, irrégulières, grossières, vermiculaires des carcinomes à forte nécrose (comédocarcinome), il n'y a pas de corrélation exacte entre l'aspect des microcalcifications et l'anomalie histologique sous-jacente. Il ne s'agit tout-au-plus que d'une probabilité plus ou moins forte de rencontrer une lésion maligne (8).Cela explique les divergences d'indication opératoire d'un praticien à l'autre devant une même image, et justifie une double, voir en cas de divergence, une triple lecture dans les programmes de dépistage.

La numérisation des microcalcifications n'a pas encore fait la preuve de son efficacité. Les systèmes experts, les analyseurs d'image permettront peut-être de mieux sélectionner les patientes devant bénéficier d'une biopsie.

- Les carcinomes intra-canalaires et micro-invasifs constituent la lésion maligne le plus souvent diagnostiquée devant des microcalcifications, suivis des formes invasives (4).

- Les carcinomes intra-canalaires, les carcinomes infiltrants avec composante intra-canalaire extensive s'accompagnent presque constamment de microcalcifications (4), (100% des comédocarcinomes - 91% des autres formes).La corrélation entre extension histologique et radiologique est très forte pour les comédocarcinomes,plus faible pour les autres formes (5).A l'inverse les cancers lobulaires in situ s'accompagnent plus rarement de microcalcifications d'aspect d'ailleurs différent et parfois légèrement à distance du carcinome lui-même.

- Parmi les lésions bénignes, l'adénose plus ou moins sclérosante constitue la lésion le plus souvent découverte devant des microcalcifications. Les lésions prolifératives atypiques ne semblent pas présenter d'aspect radiologique particulier.

* Les opacités radiologiques infra-cliniques peuvent être dépistées mammographiquement et/ou échographiquement.

* La mammographie :

- les opacités peu denses, rondes ou ovoïdes, régulières et sans halo péri-tumoral, témoignent dans la quasi totalité des cas de lésions bénignes. Certains cancers dits organoïdes (colloïdes, médullaires) ou des lobulaires invasifs peuvent cependant adopter cet aspect, bien que globalement les lobulaires soient souvent mammographiquement muets.

- Les opacités avec microcalcifications sont bien évidemment plus suspectes, bien que certaines correspondent à des fibro-adénomes ou à des kystes en voie de calcification : l'aspect radiologique en est globalement caractéristique. - Les opacités stellaires avec ou sans microcalcifications témoignent plus souvent d'un carcinome infiltrant, souvent de type tubuleux, que d'un nodule d'Aschoff, où les spécules apparaissent prédominant par rapport au centre tumoral. Cette distinction est cependant actuellement suffisamment aléatoire pour proposer systématiquement la biopsie de toutes les opacités stellaires infra-cliniques.

* L'échographie

ne saurait constituer actuellement, dans les populations occidentales un moyen de dépistage de masse.La sémiologie des lésions suspectes est actuellement bien connue (11) : aspect irrégulier et hétérogène à grand axe vertical de l'anomalie, oedème péri-lésionnel, anomalie acoustique sous-cutanée, ou absorption postérieure du faisceau. L'apport de l'échographie apparait à certains très précieux (9,11) dans le cas d'images mammographiques ambigües. La découverte de carcinome sur des images uniquement échographiques restent cependant rare.

* Les désorganisations isolées de la trame architecturale, d'interprétation souvent délicate, témoignent de lésions infiltrantes (carcinomes tubuleux notamment) ou de lésions bénignes à type d'adénose sclérosante, de radial scar.

La fréquence des fausses images mérite d'être soulignée et justifie de refaire systématiquement des clichés agrandis et centrés, avant de décider de l'intervention chirurgicale

La pratique de prélèvements cytologiques ou biopsiques guidée par stéréotaxie et échographie permettra peut-être de mieux sélectionner les malades à opérer, et pour celles présentant un épithélioma, de réaliser d'emblée une intervention réellement carcinologique (exérèse au large avec ou sans curage axillaire).

BIBLIOGRAPHIE

- 1 COLETTE HJA, ROMBACH J.J, DAY N.E.Evaluation of screening for Breast cancer in a non randomised study (The Dom Project) by means of a case-control study.Lancet, 1984, 1224-1226.

- 2 DALES LG, FREIDMAN GD, COLLEN MF.Evaluating périodic multiphasic health check-ups : a controlled trial. J. Chron-Dis : 1979, 32, 385.

- 3 DUPONT W.D, PAGE D.L.Risks factors for breast cancer in women with proliferative disease. N Engl. J. Med 1985, 312, 146-151.

- 4 GUINEBRETIÈRE J.M. Microcalcifications mammaires : correlations histo-radiologiques à propos de 365 cas opérés à l'Institut G. Roussy. Thèse , Paris-Necker-Enfants-Malades, 1993.

- 5 HOLLAND R, HENDRICKS JHCL, VERBEEK ALM ET COLL.Extent, distribution and mammographic/histological correlations of breast ductal carcinoma in situ. Lancet 1990 : 335, 519-522.

- 6 HOWE GR, SHEUMAN GJ, SEMINCIEW R ET COLL.Estimated benefits and risks of screening for breast cancer- Can. Med.Assoc. J : 1981,124,399.

- 7 KOSCIELNY S, TUBIANA M, VATTERON M.J. Br J.Cancer: 1985, 52, 515-524.

- 8 LEGAL M. ET COLL.Bull. Cancer. Paris 1984, 71, 57-64.

- 9 LEVY L. MICHELIN J, LACAN A ET COLL.Aspects mammographiques et échographiques des cancers infra-cliniques du sein. Etude prospective d'une série de 294 cas histologiquement vérifiés.Communication libre. 96 congrès de l'A.F.C. Paris, octobre 1993.

- 10 LONDON S.J, CONOLLY J.L, SCHNITT S.J, COLDITZ G.A.A propective study of benign breast disease and the risk of breast cancer.JAMA, 1992, 267: 941-944.

11 J.MICHELIN : Atlas d'échographie mammaire et de mammographie.Masson, Paris, 1982.

- 12 NIELSEN M, THOMSEN JL, PRIMDAHL ET COLL.Breast cancer and atypic among young and middle aged women.. Br J. Cancer. 1987, 56, 814-819.

- 13 SHAPIRO S, VENET W, STRAX ET COLL.Ten to fourteen year effects of breast cancer on breast cancer mortality.. J. Natl. Cancer. Inst.1982, 69,349.

- 14 TABAR L, FAGERBERG G.CJG, GAD. A ET COLL.Reduction in mortality from breast cancer after mass screening with mammography. Lancet 1,1985, 829-832.

- 15 U.K Trial of early detection of breast cancer group.First results of mortality reduction in the U.K trial of early detection of breast cancer.. Lancet,1988, 411-416.

- 16 VERBEEK ALM, HENDRIKS JHCL, HOLLAND R. AND AL.Reduction of breast cancer mortality through mass screening with modern mammography : first results of the Nijmegen project 1975-1982. Lancet 1984, 1222-1224.

- 17 VERONISI U.Rationale and indications for limited surgery of breast cancer. World J. Surg : 1987,11,493-498.