Chapitre XI
INFLUENCE DE L'EXCES PONDERAL SUR L'INDICATION, LES RISQUES ET LA
SURVEILLANCE DE L'HORMONOTHERAPIE SUBSTITITUVE DE LA MENOPAUSE
J. BRINGER, P. LEFEBVRE
Introduction
La ménopause est une période de bouleversement important où les
modifications pondérales sont parfois au premier plan des préoccupations des femmes.
L'origine de cette prise de poids apparaît multifactorielle et nécessite une prise en
charge spécifique et adaptée. Le retentissement d'une surcharge pondérale n'est pas
anodin ou uniquement esthétique. En raison d'une modification de la répartition du tissu
adipeux à cette période, les conséquences d'un surpoids androïde sont délétères en
augmentant les risques cardio-vasculaires et carcinologiques.
L'efficacité du traitement hormonal substitutif sur les symptômes
climatériques et les bénéfices ressenties par les patientes facilitent souvent la mise
en place et le suivi de cette hormonothérapie. Mais le traitement hormonal substitutif de
la ménopause a surtout un rôle de prévention des complications à long terme liées à
la carence estrogénique, c'est à dire essentiellement la prévention du risque
d'ostéoporose et du risque cardio-vasculaire. L'impact de ce traitement sur les
variations pondérales et la distribution de la masse grasse à la ménopause, ainsi que
les interférences possibles de ce traitement hormonal substitutif sur les métabolismes
glucidique et lipidique, et plus encore l'effet coronoro-dilatateur des estrogènes
peuvent expliquer la réduction du risque cardio-vasculaire chez les femmes ménopausés.
Il convient également de s'interroger sur l'utilité d'un traitement hormonal substitutif
systématique chez les femmes obèses.
I - MENOPAUSE ET RISQUE CARDIO VASCULAIRE
Les affections coronariennes constituent de très loin la première
cause de mortalité et de morbidité de la femme ménopausée, bien avant le cancer du
sein.
L'arrêt de la sécrétion oestrogénique supprime la protection
vasculaire dont bénéficie la femme par rapport à l'homme. On dénombre chaque année en
France 20 000 accidents coronariens survenant chez des femmes. Ceci n'est pas seulement
lié à l'âge puisque la femme plus jeune, après castration, voit également ce risque
augmenter, indépendamment de l'âge.
Les oestrogènes endogènes dits "naturels" ont un effet
protecteur par plusieurs mécanismes :
En favorisant un profil lipidique moins athérogène (élévation du
HDL cholestérol, abaissement du LDL)
En stimulant la production par les cellules endothéliales de la
paroi artérielle de prostacycline, prostaglandine vasodilatatrice et anti
agrégante plaquettaire.
En améliorant la tolérance glucidique
Sans doute par d'autres mécanismes encore mal connus. (action sur la
pulsatilité artérielle par exemple).
Il est très important de noter que l'athérosclérose est éminemment
multifactorielle et que la sédentarité accrue avec l'âge, le tabagisme par ses effets
prolongés néfastes sur la paroi artérielle sont aussi des facteurs de première
importance.
Toutefois, de nombreuses enquêtes épidémiologiques dont certaines
très récentes bénéficiant d'un recul suffisant, dégagent très clairement une baisse
très significative de la mortalité cardiovasculaire chez les femmes traitées par des
oestrogènes per os de façon prolongée (beaucoup en provenance des USA). Des
coronarographies réalisées par deux autres ont visualisé in situ ce bénéfice. Les
oestrogènes diminuent les lésions, réduisant la fréquence des accidents coronariens et
celle des accidents mortels. Plus encore, la mortalité vasculaire globale des femmes
traitées par oestrogènes est diminuée.
Tout ceci bouleverse totalement notre mode de pensée. Jusqu'à une
date récente, les antécédents cardiovasculaires représentaient une contre indication
à la prescription du traitement hormonal substitutif. Aujourd'hui, le risque
cardiovasculaire peut faire envisager un traitement préventif de ces accidents par une
oestrogénothérapie substitutive.
Cet effet bénéfique des oestrogènes sur le risque cardio vasculaire
doit être analysé avec soin.
Plusieurs études récentes ont montré que les oestrogènes pris par
voie orale (Prémarin, Progynova, Estrofem), diminuent le LDL cholestérol de 15 %,
élèvent le HDL cholestérol de 15 % mais aussi, ce qui est connu depuis longtemps,
augmentent les triglycérides de 20 à 25 % (VLDL triglycérides endogènes sécrétés
par le foie). Les oestrogènes utilisés par voie cutanée n'entraînent pas de
modification significative des fractions lipidiques HDL, LDL cholestérol ou VLDL
triglycérides. Il y a toutefois une élévation significative du HDL2 cholestérol,,
principale composante anti athérogène. Ainsi estil difficile de conclure au niveau
lipidique sur L'intérêt respectif des voies orale ou parentérale : la première
paraissant favorable sur HDL et LDL, la seconde mieux tolérée au niveau des
triglycérides.
Toutefois, il faut le souligner l'impact des oestrogènes et
de leur voie d'administration ne se résume pas aux seules modifications lipidiques.
Pour la pression artérielle, les oestrogènes per os
augmentent l'angiotensinogène et la rénine alors que la voie cutanée n'entraine pas de
modification de ces paramètres. Le risque de voir survenir une élévation des chiffres
de pression artérielle est donc théoriquement majoré par la voie orale, bien qu'une
telle crainte n'ait jamais été matérialisée dans des études comparatives controlées.
Le métabolisme des glucides : la ménopause n'altère pas
significativement le métabolisme glucidique même si l'hyperandrogénie relative tend à
altérer la tolérance au glucose. Il faut opposer les oestrogènes per os qui diminuent
la tolérance glucidique, en induisant une insulinorésistance et une voie cutanée qui
favorisel'insulinosécrétion et améliore la sensibilité à l'insuline.
- Une vasodilatation coronaire similaire à celle observée sous
anticalcique explique l'effet favorable de la prescription estrogénique sur l'angor à
coronaires saines survenant après la ménopause. Cet effet est essentiel à l'action
vasculaire favorable des estrogènes.
Les risques de thrombose : la ménopause s'accompagne d'une
élévation des facteurs VII et VIII du fibrinogène et de l'inhibiteur de la fibrinolyse,
le PAII (inhibiteur de l'activation du plasminogène de type I), facteurs favorisant a
priori la thrombose. Toutefois, la ménopause, une augmentation de l'antithrombine III,
facteur protecteur a pu être retrouvé, si bien que l'augmentation du risque n'apparait
pas clairement en dehors de celle liée à l'âge.
Les oestrogènes administrés per os : l'éthinyl estradiol administré
par voie orale induit une augmentation significative des facteurs VII, X et parfois du
fibrinogène ainsi qu'une diminution de l'antithrombine III avec des doses supérieures à
10 µg/jour. Ces variations sont beaucoup plus inconstantes avec les estrogènes
conjugués et les estrogènes naturels (17 Beta estradiol) pris par voie orale.
L'intensité et la fréquence des modifications observées à l'échelon individuel
dépend du terrain. Les estrogènes par voie per ou transcutanée n'induisent aucune
anomalie des facteurs de la coagulation chez les femmes qui n'ont pas de terrain à
risque.
Pour intéressantes que soient ces données, le problème du traitement
substitutif ne se résume pas à la composante oestrogénique. Le progestatif associé et
son impact propre ou lorsqu'il est combiné à l'estrogène sur les différents
paramètres métaboliques et vasculaires, la durée du traitement, le terrain à risque ou
non, influencent considérablement la balance bénéfices/risques.
En fait, nous ne disposons d'aucune étude comparant l'incidence des
complications vasculaires artérielles ou veineuses en fonction des différents
estrogènes utilisés par voie orale ou cutanée. En l'absence de telles données, il
n'est pas possible d'affirmer qu'une voie d'administration a définitivement démontré sa
supériorité. De même, aucune étude importante et randomisée n'a été réalisée chez
des sujets ayant des antécédents de phlébite profonde ou d'embolie pulmonaire. Quelques
rares études prospectives (Pettiti 1979) ou cas témoins (Boston Collaborative Drug
Surveillance Program) n'ont pas retrouvé une fréquence significativement plus élevée
d'accidents thrombotiques chezles femmes ayant un antécédent de thrombose veineuse.
Là encore, même si la stabilité des paramètres dela coagulation
observée avec l'estradiol per ou transcutané est rassurante, il convient d'être très
prudent et de réserver le traitement substitutif aux femmes pour lesquelles l'indication
d'une telle thérapeutique est bien argumentée (ménopause précoce, ostéoporose...). De
plus, aucune substitution hormonale ne doit être prescrite chez une patiente aux
antécédents thrombotiques personnels et/ou familiaux survenus avant l'âge de 40 ans,
sans avoir au préalable pratiqué les examens d'hémostase suivants : Temps de Céphaline
Active pour la détection d'un anticoagulant circulant, antithrombine III, protéïne C,
protéïne S. En fait, l'effet favorisant la stase veineuse des prescriptions de
stéroïdes, quels qu'ils soient peut toujours accroitre les risques de thrombose sur
terrain prédisposant.
II - PRISE DE POIDS ET MENOPAUSE
a. Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques sur la prise de poids à la ménopause
sont rares (10, 36,38)alors que nombreuses sont les femmes qui se plaignent d'une prise
pondérale durant cette période. Une prise de poids moyenne de 0,8 kg / an est observée
chez les femmes entre 42 et 50 ans (38). Cependant il existe une variation individuelle
importante de l'intensité de ce gain de poids, puisque 20 % des femmes prennent 4,5 kg ou
plus en 3 ans alors que 3% seulement perdent un poids comparable. La survenue d'une
ménopause naturelle au cours de cette période ne semble pas majorer, dans cette étude
(38), l'intensité de la prise pondérale. Les facteurs prédictifs du gain de poids sont
essentiellement la race (les femmes noires prennent plus de poids que les blanches) et la
diminution de l'activité physique.
Une étude européenne (10) a récemment évalué l'incidence des
différents évenements hormonaux pouvant déterminer des variations pondérales. La
ménopause arrive au second rang, après la grossesse, des événements invoqués dans la
prise de poids des femmes. 44 % des européennes disent avoir pris en moyenne 7, 8 kg au
moment de la ménopause.
Il semble donc qu'il existe une prise pondérale parfois importante lors
de la période péri et postménopausique avec des variations individuelles non
négligeables..
b. Quelle est l'origine de cette prise pondérale?
Mécanisme géneral :
L'obésité quelle qu'en soit la cause, est le résultat d'une
inadéquation entre les entrées alimentaires et les dépenses énergétiques.
L'alimentation peut être sensiblement modifiée à cette période de la vie où les
troubles du comportement alimentaire sont fréquemment observés. Cependant l'excédant
nutritionnel n'est pas toujours en cause et la prise de poids peut résulter d'une
réduction des dépenses énergétiques.
La dépense énergétique totale d'un individu résulte de trois
composantes :
- le métabolisme de base qui représente environ les 3/4 de la
dépense énergétique totale au repos. Il est soumis à des facteurs génétiques, lié
au sexe ( plus bas chez la femme) et diminue avec l'âge. La masse maigre, et en
particulier la masse musculaire, influence grandement ce métabolisme de base. Les
patientes obèses, ayant déjà effectué de multiples régimes, ont une masse maigre
diminuée et donc un métabolisme de repos moins important rendant encore plus difficile
la perte pondérale. Les femmes obèses de morphotype "androïde" semblent avoir
une dépense énergétique supérieure à celles des femmes "gynoïdes",
indépendamment des différences de masse grasse, masse maigre et âge (8).
- la thermogénèse dépend avant tout de la prise alimentaire.
La nature des nutriments et la durée du repas influencent, tout comme les facteurs
génétiques, la thermogénèse. En caricaturant, la dépense énergétique accompagnant
la digestion est d'autant plus élevée que le repas est long et riche en protéines,
d'autant plus basse que le repas est bref et riche en glucides.
- l'activité physique n'engendre pas plus de 15 à 20% de
la dépense énergétique totale chez les sujets sédentaires. Cette composante peut être
considérablement accrue en fonction de la durée et de l'intensité de l'exercice
physique. Avec des variations individuelles, la dépense énergétique augmente
progressivement lors de l'entrainement.
Spécificité de la période ménopausique
Les modifications du comportement alimentaire sont fréquentes à cette
période et dans certains cas l'augmentation quantitative des apports alimentaires est
évidente.
La baisse des dépenses énergétiques observée avec l'âge et au cours
de la période ménopausique peut donc résulter d'une réduction de la masse musculaire
et de l'activité physique. Chez certaines femmes, la thermogénèse alimentaire pourrait
aussi s'abaisser en raison d'une modification du régime privilégiant les glucides par
rapport aux protéines. Ainsi convient -il de souligner que la prise pondérale
fréquemment observée chez la femme entre 45 et 55 ans ne résulte pas uniquement de
l'augmentation des apports alimentaires. Les modifications qualitatives du régime et la
perte progressive de la masse musculaire induisent une diminution de la thermogénèse et
donc de la dépense énergétique liée au métabolisme de repos.
Quel est le rôle des modifications hormonales ?
La lipolyse stimulée par la noradrénaline est réduite chez les femmes
ménopausées. Les estrogènes paraissent avoir un rôle lipolytique au niveau des
graisses abdominales et lipogénique au niveau des adipocytes de la région fémorale.
L'administration percutanée de progestérone chez des femmes en phase folliculaire
stimule l'activité de la LPL de leurs adipocytes fémoraux (29). A la ménopause on
observe une abolition des disparités dans la répartition des dépots adipeux.
D'autres modifications hormonales, autres que celles concernant les
stéroïdes sexuels semblent en cause. Il n'est pas exclu qu'une réduction de la
sécrétion de l'hormone de croissance intervienne dans la diminution des masses
musculaires (et donc de la dépense énergétique basale). De même l'activation de
l'axe corticotrope (CRF-ACTH-Cortisol) (28) mise en jeu sous l'influence du stress si
fréquent à cette période de la vie, pourrait participer à la diminution de la masse
maigre ainsi qu'à l'augmentation des dépôts adipeux intra abdominaux.
Il semble que la surcharge pondérale observée à la ménopause soit
plus en rapport avec l'effet de l'age, et que les modifications de composition corporelle
répondent plus aux modifications hormonales de cette période.
III - RISQUES DE L'EXCES PONDERAL A LA MENOPAUSE
Les données épidémiologiques, dans la population générale, sur les
conséquences somatiques des obésités sont nombreuses. Elles mettent en évidence à la
fois une mortalité et une morbidité accrue chez les obèses. L'importance du surpoids
est à prendre en compte mais surtout sa répartition abdominale ou glutéo-fémorale. Il
importe de bien distinguer le type d'obésité androïde ou gynoïde, car les
conséquences néfastes de ces deux types d'obésité sont différentes.
. Impact de la prise pondérale sur le risque cardio-vasculaire
De nombreuses études épidémiologiques ont montré une corrélation
positive entre l'accumulation abdominale et surtout intra-abdominale de graisse et
l'augmentation du risque cardio-vasculaire.
La surcharge androïde, appréciée cliniquement par un rapport tour de
taille sur tour de hanche supérieur à 0,8 est associée à une insulinorésistance et un
hyperinsulinisme ainsi qu'à un profil lipidique athérogène (33). Indépendamment du
degré d'obésité, plus élevé est ce rapport, plus androïde et abdominale est la
répartition du tissu adipeux et plus grand est le risque de mort subite d'origine
cardio-vasculaire. La distribution androïde de la graisse est un paramètre plus
prédictif que le poids ou l'indice de masse corporelle, du profil athérogène des
lipides (18, 33). Chez les femmes âgées, ce rapport est également un meilleur marqueur
du risque de mortalité que l'indice de masse corporelle, une augmentation de ce
paramètre de 0,15 est associée à une augmentation du risque de mortalité de 60 %
(14). Le rapport tissu adipeux viscéral / tissu adipeux sous-cutané est mieux corrélé
aux facteurs de risque cardio-vasculaires que le rapport Taille / Hanche.
La répartition androïde est un facteur important de mortalité
cardio-vasculaire qu'elle soit associée ou non à une corpulence globale élevée. Par
contre, les patientes avec une répatition gynoïde de la graisse n'ont pas un risque
cardio-vasculaire accru.
. Excès de poids et risque carcinologique
Obésité et cancers génitaux féminins sont statistiquement corrélés
(15). Les anomalies hormonales liées à l'obésité et au morphotype androïde pourraient
contribuer à l'augmentation de l'incidence de certains cancers gynécologiques. Une
élévation de la fraction libre des estrogènes par baisse de la SHBG et une
aromatisation excessive des androgènes au niveau du tissu adipeux, toutes deux ont été
évoqués pour expliquer le développement de ces cancers estrogéno-dépendants. Le
risque accru des cancers du sein et de l'endomètre observé chez les patientes en
surpoids s'élève plus encore lorsqu'il existe une répartition androïde de la graisse
(13).Si les relations entre répartition androïde des graisses et cancer de l'endomètre
sont concordantes et bien documentées, celles avec le cancer du sein sont plus
discordantes L'obèsité androïde pourrait cependant augmenter le risque relatif de
cancer du sein chez les femmes ménopausées agées.
IV - HORMONOTHERAPIE SUBSTITUTIVE, POIDS ET METABOLISME GLUCIDIQUE
Traitement hormonal substistutif et risque cardio-vasculaire
Le traitement hormonal substitutif peut modifier le risque
cardiovasculaire par différents mécanismes ; modifications des lipoprotéines, des
facteurs de la coagulation, action directe sur les vaisseaux mais aussi par son impact sur
le métabolisme du glucose et de l'insuline ou sur les modifications de la répartition
des graisses. Il est possible que la substitution hormonale retarde l'accumulation des
lipides dans l'abdomen. Plusieurs études ont montré que l'hormonothérapie empêche
l'accumulation abdominale de graisse observée sous placebo (19, 21). Compte tenu du
risque cardio-vasculaire accru en cas de surcharge androïde, ce mécanisme pourrait favoriser
l'effet préventif des estrogènes sur les complications vasculaires indépendamment
de leurs effets sur les lipides.
Estro-progestatif et prise de poids :
Outre leurs effets sur la répartition du tissu adipeux les hormones
stéroïdes peuvent intervenir sur la prise de poids de la période ménopausique.
Les estrogènes par l'intermédiaire des récepteurs aux estrogènes ou
par les récepteurs aux minéralocorticoïdes sont capables de favoriser la rétention
hydrosodée. Dans ces cas, il s'agit d'une prise pondérale transitoire en rapport avec un
excès d'eau et non pas un excès de masse grasse.
Les progestatifs, du fait de la grande homologie des récepteurs aux
hormones stéroïdiennes, peuvent avoir en dehors de leur effet progestatif, des effets
androgéniques, minéralocorticoïdes, glucocorticoïdes voire estrogéniques. Par ce
mécanisme, les dérivés à action androgéniques ou glucocorticoïdes peuvent favoriser
la prise de poids, la rétention hydrosodée et l'augmentation de la masse maigre.
L'effet sur la stimulation de la prise alimentaire rest encore à
évaluer.
La susceptibilité individuelle à la prise de poids sous traitement
estro-progestatif est importante.
Ménopause et métabolisme glucidique :
L'estradiol favorise la glycogénogenèse, l'assimilation musculaire du
glucose par voie oxydative et non oxydative, et la lipogenèse (4).Une étude
épidémiologique récente semble indiquer qu'il n'existe pas d'altération de la
glycémie aprés la ménopause par rapport à la pré-ménopause (1). Ces données sont
également retrouvées chez la femme diabétique dont les besoins en insuline ne sont pas
accrus après la ménopause (6).Il n'y a pas cependant de travaux précis de suivi post
ménopausique concernant la tolérance hydro-carbonée chez des femmes considérées à
risque en raison d'un surpoids, d'antécedents de diabète gestationnel ou familial ou
d'une préalable intolérance aux hydrates de carbonne.
La ménopause en elle même ne peut induire un diabète sucré,
cependant la privation estrogénique doit pouvoir contribuer à l'extériorisation d'un
diabète latent sur un terrain prédisposé.
Traitement hormonal substitutif et métabolisme glucidique
Peu de travaux ont évalué la tolérance glucidique de la suppléance
estroprogestative. Des études anciennes ont été réalisés avec des produits peu
utilisés actuellement dans ce but. La disponibilité de méthodes fines et reproductibles
d'évaluation de la sensibilité périphérique à l'insuline rend possible une meilleure
appréciation de ses perturbations sous l'influences des stéroïdes sexuels. Cependant
aucune étude a évalué de façon précise, dans une population à risque métabolique et
glucidique, les effets d'un tel traitement.
Les estrogénes :
Les études expérimentales ont montré que les estrogènes pouvaient
améliorer la sensibilité à l'insuline et la réponse insulinique à l'administration de
glucose . Les essais thérapeutiques de prescription d'estradiol en post ménopause,
notamment chez des femmes intolérantes au glucose, démontrent un amélioration
glycémique sous suppléance (27). Cette amélioration est observée malgré l'association
à l'acétate de noréthistérone.
L'étude importante de Rancho Bernado en Californie portant sur 1057
femmes de 50 à 79 ans, dont 31 % utilisent des estrogènes pour la plupart
sulfoconjugués, montre cependant une moyenne glycémique à jeun plus basse
significativement chez les utilisatrices d'estrogènes. L'association à l'acétate de
médroxyprogestérone n'altère pas l'effet plutôt bénéfique des estrogènes (2 )
Il resort des études existantes que le 17 béta estradiol n'ait pas
d'effet délétère sur la tolérance glucidique et puisse même avoir des effets
bénéfiques chez certaines femmes à risque, de façon voisine de ce qui est constaté en
matière d'hypercholestérolémie.
Les progestatifs :
En ce qui concerne l'action des progestatifs, les données sont
également parcellaires. La progestérone peut augmenter l'hyperinsulinisme et
l'insulinorésistance, elle entraîne à la fois l'augmentation de la glycogénogenèse
hépatique et la réduction de la clairance du glucose au niveau musculaire et adipeux
(27)
Les progestatifs issus de la nortestostérone ne paraissent pas
souhaitables, certains étant franchement diabètogène (6), d'autres favorisant
l'hyperinsulinémie et l'intolérance glucidique (acétate d'ethinodiol, noréthistérone
(33). Les progestatifs à activité androgénique sont à proscrire dans les surpoids
androïdes car ils favorisent l'insulinorésistance, l'hyperinsulinisme, les troubles du
métabolisme glucido-lipidique, l'hypertension artérielle et la prise de poids.
Les dérivés prégnanes paraissent en revanche anodins au plan
glucidique mais des études sur terrain à risque sont encore nécessaires. Aucune donnée
précise sur les 19 norprégnanes n'est disponible à l'heure actuelle, bien qu'une
impression favorable soit notée ( )
Association estro-progestative :
Dans un étude récente (12), l'insulinosensibilité, évaluée par le
minimal modèle, a été étudiée chez six patientes présentant une ménopause précoce.
Une altération significative mais modérée de la sensibilité à l'insuline a été
observée lors de l'utilisation orale et conjointe de 17 B estradiol (2 mg) et d'acétate
de médroxyprogestérone ( 5 mg) alors que durant la phase de traitement comportant
uniquement le 17 B estradiol aucune altération significative de l'insulinosensibilité
n'est notéé.
Dans une autre étude ( 16), l'administration de différentes
associations estroprogestatives a été étudiée:
- estrogénes équins 0,625 mg/jour en continu + levonorgestrel 0,075
mg/jour pendant 12 jours d'un cycle de 28 jours
- estradiol transdermique 0,05 mg/jour en continu + acetate de
norethindrone transdermique 0,25 mg/jour pendant 14 jours d'un cycle de 28 jours
L'association par voie orale entraine une altération de la tolérance
au glucose et une augmentation de la réponse insulinique au test de tolérance glucidique
intra-veineux. Cet effet n'est pas observé avec le traitement transdermique. Cependant
dans les deux types de traitement, il n'y a pas de modification de l'insulinorésistance
avant ou après traitement.
Les utilisatrices d'estrogènes conjugués associés à de l'acétate de
médroxyprogestérone ont dans un e étude rétrospective (2) des glycémies et des
insulinémies à jeun inférieures à celles de patientes ne prenant pas de traitement
hormonal.
L'hyperinsulinémie secondaire à l'insulinorésistance peut augmenter
le risque cardio-vasculaire, mais les modifications du métabolisme de l'insuline liés
aux thérapeutiques hormonales utilisées chez la femme ménopausées sont elles
également délétère ?
Les patientes avec une obésité androïde ont une diminution de la
consommation de glucose par rapport à des patientes de poids comparable mais avec une
répartition gynoïde. Or plusieurs études ont montré que l'hormonothérapie empêche
l'accumulation abdominale de graisse observée sous placebo (19,22). La répartition du
tissu adipeux influence donc également le métabolisme du glucose.
V - L'OBESITE CONTRE INDIQUE T'ELLE UN TRAITEMENT HORMONAL
SUBSTITUTIF DE LA MENOPAUSE ?
En cas d'obésité, la prescription d'une hormonothérapie substitutive
nécessite de prendre en compte de différents paramètres afin de mieux préciser
l'utilité de sa mise en place et les conditions de sa surveillance, en particulier en
regard de sa tolérance et de son innocuité.
Obésité et risque d'ostéoporose
L'indice de masse corporelle est globalement corrélé avec la densité
osseuse chez les patientes pré- et post-ménopausiques (21,35,37). Les patientes obèses
sont donc relativement protégées vis à vis de l'ostéoporose post-ménopausique.
A la ménopause, ces possibilités d'aromatisation du tissu adipeux des
androgènes en estrogènes rendent comptent de la persistance d'une imprégnation
estrogénique post-ménopausique non négligeable qui minimise les conséquences
apparentes ou non de la carence estrogénique. La plupart des patientes obèses ont ainsi
un risque d'ostéoporose faible et ne justifient donc pas un traitement préventif
systématique de la perte osseuse. Une étude récente vient de confirmer ce fait (35)
Obésité et risque cardio-vasculaire
En cas d'obèsité androïde il existe un risque cardiovasculaire accru.
Un THS parait séduisant chez la femme présentant une surcharge androïde, mais nous ne
disposons pas actuellement de confirmation de l'intérêt d'une telle option par des
données épidémiologiques réalisées sur ce terrain.
L'obésité expose à l'hypertension artérielle qui peut être majorée
lors de l'hormonothérapie substitutive par une augmentation de la synthèse hépatique
d'angiotensinogène : cela parait être le cas notamment lors de la prescription des
estrogènes par voie orale et des progestatifs de synthèse
Obèses et risque carcinologique gynécologique
Obésité et cancers génitaux féminins (Endomètre, Seins) sont
statistiquement corrélés (4).De plus, les patientes obèses ont souvent une hypertrophie
mammaire rendant l'examen clinique de ces seins moins performant. L'analyse mammographique
est parfois gênée par le volume et la densité mammaire si bien que la détection
clinique et mammographique des lésions suspectes de cancer du sein à un stade précoce
est plus malaisée et gêne la sécurité de la surveillance.
Quels produits utiliser ?
Le type de produit, la forme galénique utilisée et les modalités de
prescription doivent tenir compte du poids de la patiente.
L'estrogénothérapie n'est pas toujours bien tolérée du fait d'une
rétention hydrosodée avec prise de poids initiale, favorisée par l'effet des
estrogènes sur la perméabilité capillaire. Sur ce terrain les antécédents de
mastopathies bénignes sont fréquents, et l'instauration du THS doit se faire à distance
du début de la ménopause, après une phase d'hypoestrogénie afin d'éviter la
réapparition des mastodynies et l'entretien de mastopathies fibrokystiques.
Une élévation des triglycérides peut s'observer sous
estrogénothérapie dans les obésités androïdes, elle fait courir le risque de
pancréatite aiguë dans les formes sévères mais exceptionnelles.
L'absorption per ou transcutanée des estrogènes est modifiée et
souvent diminuée en cas d'obésité, nécessitant une posologie adaptée et également un
site d'application éloigné des zones de lipodystrophies. Dans certains cas l'intensité
de la sudation peut gêner le maintien d'un patch.
Les progestatifs à activité androgénique sont à proscrire dans les
surpoids androïdes car ils favorisent l'insulino-résistance, l'hyperinsulinisme, les
troubles du métabolisme glucido-lipidique, l'hypertension artérielle et la prise de
poids. Certaines patientes peuvent avoir une sensibilité individuelle au THS qui accentue
leur surcharge pondérale. Toute prescription mérite donc un suivi individualisé,
notamment dans les premiers mois de traitement afin d'adapter les doses et les voies
d'administration en fonction des effets secondaires et de la tolérance observés.
CONCLUSION
A la ménopause, la prise pondérale, les modifications de répartition
du tissu adipeux avec un morphotype plus androïde, contribuent à l'augmentation du
risque vasculaire.
Il existe des arguments théoriques et expérimentaux en faveur de
l'utilité, notamment préventive cardio-vasculaire, du traitement hormonal substitutif de
la ménopause mais en cas d'obésité, la preuve du bénéfice clinique de cette
prescription n'a pas encore été apportée en raison de l'absence de données
épidémiologiques suffisantes sur les risques vasculaires et carcinologiques de ce
traitement dans cette situation. Il convient donc de rester prudent dans l'indication d'un
tel traitement, d'utiliser initialement de faibles doses d'estrogènes et progestatifs
sans effets norstéroïdes, et surtout de renforcer la surveillance sur ce terrain.
BIBLIOGRAPHIE
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Service d'Endocrinologie, Hôpital Lapeyronie, 555 route de Ganges 34059
MONTPELLIER CEDEX.
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