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Titre: Tamoxifène et endomètre
Année: 1994
Auteurs: - Janky E.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Tamoxiféne

Chapitre XXXI

TAMOXIFENE ET ENDOMETRE

JANKY E., ABBOUD P., GALLAIS A.

Introduction

Connu depuis 1963, le Tamoxifène (TAM) est un anti oestrogène triphénylénique largement utilisé dans le traitement des cancers du sein, chez la femme ménopausée. Il inhibe la croissance tumorale en empêchant l'interaction des oestrogènes avec leurs récepteurs. Mais, il agit également sur les autres tissus sensibles aux oestrogènes : Utérus, Vagin, Hypothalamohypophyse .... avec des effets, quelques fois paradoxaux.

La mise en évidence, chez certaines patientes sous tamoxifène, de polypes utérins, d'une hyperplasie endométriale ou d'un adénocarcinome de l'endomètre soulève le problème, non pas tant de l'intérêt du traitement mais plutôt des modalités de son utilisation et de son suivi.

MECANISME D'ACTION DU TAMOXIFENE

1) Au niveau de la cellule tumorale mammaire

Le TAMOXIFENE se fixe sur le récepteur d'oestrogène ( RE) contenu dans le cytoplasme de la cellule empêchant la liaison oestrogène-récepteur. Le complexe TAM-RE pénètre dans le noyau de cellule et empêche la transcription du message hormonal. Il s'en suit une absence de synthèse des protéines cellulaires stimulées physiologiquement par l'oestradiol.

Mais, on ne peut résumer l'action du TAM à celle d'un simple inhibiteur compétitif de la liaison oestrogène-récepteur (18). Des études effectuées sur les récepteurs ont mis en évidence des sites récepteurs spécifiques du TAMOXIFENE (3,20).

En effet, si les oestrogènes, dans les lignées cellulaires oestrogénosensibles établies expérimentalement (2,3) à partir du cancer du sein, stimulent la biosynthèse des protéines et d'activités enzymatiques, induisent les récepteurs de la progestérone et ceux d'une glycoprotéine de poids moléculaire 52000 ( 52K), le Tamoxifène s'oppose à la synthèse des protéines, se comporte en Agoniste/antagoniste partiel pour l'induction des récepteurs de la progestérone, mais surtout se comporte en antagoniste pur pour l'induction des récepteurs de la protéine 52K. La présence de cette protéine serait directement corrélée à la croissance tumorale, permettant d'expliquer d'une part que les récepteurs d'oestrogène (RE) et progestérone (RP) sont insuffisants pour prédire avec certitude l'hormonosensiblité d'une tumeur et d'autre part que le TAM garde une activité même en absence de RE.

2) Au niveau de l'Endomètre

Le mécanisme d'action et les effets biologiques varient selon que la femme est ménopausée ou pas.

a) Après la ménopause

Le TAMOXIFENE entraîne des effets oestrogéniques faibles.

Cette action oestrogénique paradoxale du TAM résulte d'un effet spécifique de celui-ci sur l'utérus.

En effet, les taux plasmatiques d'oestrogènes (E2 et E1)restent bas, par contre, les gonadotrophines FSH et LH sont diminuées témoignant vraisemblablement d'un effet oestrogénique sur l'Hypothalamus.

Expérimentalement, CLARK ( in 9) a montré que le complexe TAM-RE est responsable d'une rétention nucléaire entrainant une réponse précoce oestrogènes like et une réponse tardive anti oestrogène.

b) Avant la ménopause

L'action du TAM est de type antioestrogénique. L'administration continue de 10 mg/jour de TAM n'interrompt pas la rythmicité des cycles.

La FSH est faiblement augmentée, le taux de E2 est supérieur au taux normal. Cette augmentation de E2 est attribuée à un effet CLOMID-LIKE par inhibition du rétrocontrôle négatif hypothalamo-hypophysaire. Toutefois, l'absence d'augmentation nette des gonadotrophines, leur absence d'effondrement par des concentrations élevées de E2, témoigne plutôt d'une action directe du TAM sur les ovaires.

Renaud (17) dans une étude portant sur 12 cas, obtient une atrophie endométriale dans plus de 2/3 des cas avec 40mg de TAM. Cet effet antagoniste est possible que, si la concentration plasmatique du TAM est 100 à 200 fois supérieure à celle de E2. Dans un cas où la tamoxifénémie était inférieure à 200 ng/ml, il constate une hyperplasie glandulokystique corrigée par 60mg de TAM.

Cette constatation soulève le problème d'une variation individuelle de la Tamoxifénémie.

EFFETS DU TAMOXIFENE SUR L'ENDOMETRE

( Après la menopause)

DE MUYLDER (9) trouve des lésions endométriales : polypes, Hyperplasie, adénocarcinome, dans 50% des cas traités pour cancer du sein, de 6 à 36 mois.

Ces effets paradoxaux ne sont pas récents car les premières observations ont été décrites en 1974 (4).

En 1986, dans une étude portant sur 58 cas de patientes traitées pour cancer mammaire par du TAM, PONS (16) trouve des manifestations cervico-vaginales dans 24 cas ( 41%) dont 7 cas ( 7 sur 24) de métrorragie, de polype, de fibrome.

En 1988, dans une étude portant sur 45 patientes suivies sur une période de 12-90 mois, le même auteur ( 17) trouve des manifestations du tractus génital dans 38 cas ( 84%) dont 23 manifestations cervico-vaginales, 15 manifestations utérines ( 11 cas d'hyperplasie, 2 fibrome, 2 adénocarcinome).

En 1991, DE MUYLDER (9) sur 46 patientes trouve un endomètre anormal 23 fois, 13 avaient un polype, 8 une hyperplasie et 2 un adénocarcinome.

En 1992, CORLEY (6) rapporta 4 cas d'hémorragie génitale chez des patientes ménopausées traitées par du TAM et dans les 4 cas, il s'agissait d'un polype endométrial.

LAHTI ( 13) effectue une surveillance par échographie vaginale à 103 patientes. Celles-ci avaient un cancer du sein et étaient divisées en 2

groupes : le groupe I composé de 51 patientes étaient sous Tamoxifène, le groupe II composé de 52 patientes ne recevaient pas du TAM. Il obtient 28% d'atrophie endométriale dans le groupe I contre 87% dans le groupe II(P= O,0001) quand l'épaisseur de l'endomètre était supérieure ou égale à 5mm, l'hystéroscopie + biopsie trouve 36% de polype dans le groupe Iadénocarcinome dans le groupe I contre 2 adénocarcinomes dans le groupe II dit de contrôle.

PARMI LES EFFETS DU TAMOXIFENE SUR L'ENDOMETRE :

Les adénocarcinomes constituent le souci le plus important.

FORNANDER (10) trouve une augmentation significative des adénocarcinomes de l'endomètre ( P : < 0,O1) chez des patientes recevant du TAM, après une durée de traitement de 5 ans

Depuis 1985 de très nombreuses publications révèlent cette association TAM + adénocarcinome de l'endomètre chez des patientes ayant un cancer du sein.

En 1993, SEOUD (21) dans une revue de la littérature trouve 61 cas d'adénocarcinome, 4 cas de sarcome ont été rapportés mais il ne semble pas avoir de corrélation avec le TAM.

Ce nombre croissant d'adénocarcinome soulève le problème :

- des modalités d'action du TAM

- les relations dose, durée d'exposition

- de l'indication et du suivi du traitement

MODALITES D'ACTION

- Stimulation d'un néoplasme endométrial préexistant (1) .

En effet, l'association de cancer de l'endomètre et cancer du sein n'est pas exceptionnelle.

- Réactivation post ménopausique d'un endomètre théoriquement atrophique (17)

- Effet oestrogène-like dèjà décrit. Ce mode d'action permet de rapprocher les cancers de l'endomètre bien différenciés survenus sous oestrogènes aux adénocarcinomes endométriaux de grade I sous TAM.

Il a été proposé d'ajouter un progestatif chez les patientes traitées avec du Tamoxifène dans le but de réduire les effets paradoxaux. Mais en réalité les résultats attendus ne sont pas obtenus. En outre, le progestatif entraverait l'action anti-tumorale du TAM ( in 9) et l'effet protecteur sur un 2è Neoplasme mammaire ( 10).

LES RELATIONS DOSE, DUREE D'EXPOSITION AU TAMOXIFENE

Certains auteurs trouvent une fréquence cumulative étroitement corrélée à la durée d'exposition. pour FORNANDER (10) cette fréquence est significativement plus élevée dès la 3ème année d'exposition.

Le risque d'adénocarcinome serait également plus élevé en cas d'utilisation de dose importante de TAM : supérieure ou égale à 4O mg /jour.

Mais les adénocarcinomes de l'endomètre se voient à des doses de 20mg/jour ( 9, 21) et déjà dans les 2 ans qui suivent le début du traitement .

La revue de la littérature effectuée par SEOUD ( 21) est riche d'enseignement :

- Dans 57% des cas les patientes étaient traitées depuis moins de 2 ans et dans 43 % des cas plus de 2 ans .

- 40,6% des patientes avaient une dose quotidienne de TAM inférieure ou égale à 30 mg/ jour, 59,4 % avaient une dose supérieure ou égale à 40 mg /jour.

- Enfin sur 27 cas bien documentés on note,

25 stade I ( 92, 60%) et 2 stade III ( 7,4%)

11 grade I ( 40, 7%) et 16 grade II et III ( 59, 3%)

Les Adénocarcinomes seraient découverts précocement.

Mais de pronostic histologique modéré à sévère.

La Prévention du cancer de l'Endomètre repose sur une meilleure sélection des patientes à mettre sous Tamoxifène , une adaptation de la dose et de la durée d'exposition et par une surveillance attentive des patientes.

- Meilleure sélection des patientes.

Dans une étude récente, FORNANDER trouve un nombre d'adénocarcinome significativement plus élevé chez les patientes recevant du TAM comparées à celles ne recevant aucun traitement adjuvant. Il réserve le TAM à des patientes ayant des risques de récidive en recevant celles présentant une notion d'endomètre oestrogénique sur une biopsie d'endomètre préthérapeutique.

- Adaptation de la posologie et de la durée d'exposition. Il semblerait que la meilleure adéquation serait obtenue avec une dose de 20mg/jour sur une durée d'exposition inférieure à 3 ans.

- La surveillance repose sur l'examen clinique tous les 6 mois.

L'echographie vaginale. L'augmentation de l'épaisseur de l'endomètre ( > 5mm) devrait faire pratiquer une hystéroscopie-biopsie.(13).

BIBLIOGRAPHIE

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Service de Gynécologie -Obstétrique CHRU de Pointe-à-Pitre - GUADELOUPE