Chapitre XXIX
DEPISTAGES DES ETATS PRENEOPLASIQUES DE L'ENDOMETRE
HAMOU Jacques
Introduction
Des circonstances et facteurs favorisants de l'hyperplasie de
l'endomètre, il se dégage un consensus quant à l'étiologie. Le dénominateur commun
est une stimulation prolongée et excessive oestrogénique non compensée.
Ces hyperplasies constituent des états réversibles dans bon nombre de
cas mais peuvent aboutir à un adénocarcinome.
I. CIRCONSTANCES ET FACTEURS FAVORISANTS
- L'âge : c'est un cancer de la femme ménopausée, et il n'est
retrouvé que dans 8 % des cas chez les patientes avant la ménopause.
- La parité : il est plus fréquent chez les nulligestes et en
cas d'infécondité.
- L'obésité : elle est rapportée dans 64 % des cas selon
Boutselis et dans 80 % pour Lynch. Cela du fait de la conversion accrue de
l'androstenedione en oestrone avec accumulation prolongée dans le tissu adipeux.
- Líhypertension et le diabète : ce sont des états
constitutionnels favorisants avec association fréquente. Elwood retient un risque relatif
de 2,8.
- Líhyperestrogénie : líaction prolongée des oestrogènes
induit une hyperplasie et Dockerty rapporte 20 % díadénocarcinomes dans le syndrome de
Stein et Leventhal. Il a également décrit des associations de ce cancer aux tumeurs
thécales.
Corrélativement à l'augmentation de l'utilisation des oestrogènes
dans les années soixante aux Etats-Unis, il a été constaté, une augmentation des
cancers de l'endomètre, puis diminution notable depuis que l'association d'un progestatif
est recommandée.
Le rôle protecteur des progestatifs, par leurs actions
anti-oestrogéniques, s'explique principalement par :
- diminution de la synthèse des récepteurs de l'estradiol,
- conversion de líestradiol en oestrone par la 17 déshydrogénase.
Enfin, rappelons que les posologies élevées et prolongées aboutissent
à une atrophie de l'endomètre.
II. DEPISTAGE DES ÉTATS PRÉCURSEURS PAR L'HYTEROSCOPIE
Ces hyperplasies, facilement identifiées à l'hystéroscopie, à
l'occasion d'un examen atraumatique et en ambulatoire, permet d'envisager un dépistage
sélectif chez les patientes à risques.
La permanence des états précurseurs de l'adénocarcinome invasif a pu
être confirmée par de nombreuses études tant rétrospectives que prospectives. Hertig,
à l'occasion d'une étude rétrospective, a confirmé la présence de carcinomes in situ
et d'hyperplasies adénomateuses atypiques 3 à 5 ans avant la constatation
d'adénocarcinomes invasifs. Corscaden et Gusberg estiment que les femmes présentant une
hyperplasie ont un risque relatif de 8.
L'hystéroscopie pourra, à partir de critères morphologiques,
identifier ces hyperplasies selon leur degré de sévérité en distinguant :
Les hyperplasies à bas risques qui dans la très grande majorité des
cas, sont réversibles spontanément ou par traitement médical comprennent les
hyperplasies simples, polypoïdes et glandulokystiques, les hyperplasies atypiques telles
les hyperplasies adénomateuses et carcinomes in situ sont celles qui peuvent déboucher
plus certainement vers une forme invasive.
- Hyperplasie simple : l'observation hysteroscopique montrera un
endomètre qui demeure tout à fait régulier, homogène mais épais (dépression créée
par líendoscope supérieure à 7 à 8 mm). Par ailleurs, à l'observation macroscopique,
cet endomètre présente tous les critères d'un endomètre eutrophique avec une densité
glandulaire satisfaisante et des glandes qui demeurent rectilignes.
- Hyperplasie polypoïde : Líendomètre prend un aspect
festonné avec de larges replis pouvant parfois prendre le caractère de véritables
pseudo-polypes mais là-encore, la structure demeurera rigoureusement normale et ces
formations sont totalement dépressibles sans autre dystrophie vasculaire ou modifications
architecturales glandulaires.
- Remaniements glandulokystiques : Il s'agit là d'un aspect
déroutant avec des modifications profondes tant sur le plan vasculaire que morphologique
avec présence de nombreux kystes glandulaires translucides et une muqueuse peu épaisse.
Ces modifications d'origine principalement mécanique vont généralement régresser de
manière spectaculaire après un bref traitement progestatif.
- Hyperplasie adénomateuse atypique : Il s'agit là de
modifications déjà péjoratives avec modification de l'architecture glandulaire, se
traduisant macroscopiquement par un aspect cérébroïde de l'endomètre et une
vascularisation qui perd son caractère arborescent et prend un caractère spiralé.
- Carcinome in situ : Il s'agit de petites lésions focales plus
fréquemment observées près des cornes avec tous les caractères et stigmates observés
dans les adénocarcinomes invasifs. La muqueuse apparaît bourgeonnante avec des petites
plages de nécrose et une extrême fragilité et saignement au moindre contact. La
vascularisation étant particulièrement irrégulière prenant un aspect pathognomonique,
et la limite avec l'endomètre normal est généralement nette.
III. DEPISTAGE DES ÉTATS PRÉCURSEURS DE L'ADÉNOCARCINOME
Le dépistage généralisé des états précurseurs ne peut être
raisonnablement envisagé si l'on tient compte du faible taux de prévalence de
l'adénocarcinome (20 pour 100 000) ainsi que de la fiabilité médiocre de la cytologie
et des biopsies pour ces états. Seul un dépistage sélectif, s'adressant à la
population à haut risque est concevable.
La valeur de dépistage par microhystéroscopie réside tout d'abord
dans sa facilité de réalisation. Une fois la technique maîtrisée, elle devient un
examen de routine.
L'inconvénient majeur que pourrait constituer l'atrésie isthmique chez
les femmes ménopausées, disparaît par le fait de la présence très fréquente d'une
trophicité paradoxale chez ces patientes à risques permettant un examen atraumatique et
reproductible. La possibilité, même pour un débutant d'identifier ces différentes
hyperplasies et toute autre forme de pathologie organique intra-cavitaire, en fait une
technique utile chez les patientes symptomatiques. Nul doute que le sort de ce dépistage
sélectif suivra celui de la diffusion de l'hystéroscopie.
L'intégration de la biopsie endométriale dirigée par hystéroscopie
représente en terme de coût et d'efficacité une alternative prometteuse au curetage
abrasif.
IV. CONDUITE A TENIR EN POST MÉNOPAUSE
En présence de métrorragies, d'hydro-leucorrhées, trophicité
paradoxale isolée ou associée à une obésité, un diabète ou une hyperplasie,
l'hystéroscopie sera l'investigation de première intention après, bien sûr, líexamen
clinique.
Si l'aspect retrouvé est celui d'une hyperplasie polypoïde ou
adénomateux, une biopsie dirigée est alors pratiquée.
L'absence d'atypie histologique pourra être suivie par un traitement
progestatif avec contrôle hystéroscopique post thérapeutique. Dans le cas où la
symptomatologie s'avère rebelle ou récurrente et en l'absence d'autre pathologie
organique, une résection endométriale peut être alors envisagée.
Cette résection, intéressant les couches basales de l'endomètre,
entraîne la suppression de la cible aux oestrogènes et contribue bien sûr à la
prévention de l'adénocarcinome.
BIBLIOGRAPHIE
1. BOUTSELIS, J.G. "Histochemistry of the normal endometrium"
In: The Uterus, pp. 175. Int. Acad. of Pathol. Monograph, Vol. 14. Eds. H.J. Norris, A.T.
Hertig, and M.R. Abell. William and Wilken, Baltimore, 1973.
2. DOCKERTY, M.B., MUSSEY, G. "Malignant lesions of the uterus
associated with estrogen producing ovarian tumors". Am. J. Obstet. Gynecol. 61: 147,
1951.
3. HERTIG, A.T., SOMMERS, S.C., BENGLOFF, H. "Genesis of
endometrial carcinoma III. Carcinoma in situ". Cancer 2: 964, 1949.
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