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Titre: Pathologie digestive et THS
Année: 1999
Auteurs: - Boubli L.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF DE LA MENOPAUSE ET APPAREIL DIGESTIF

K. SFERLAZZO , L. BOUBLI , C. D'ERCOLE

Maternité Hôpital Nord Marseille

 

 

La ménopause peut se concevoir dans deux perspectives :

État de carence hormonale sévère dont le traitement doit intéresser toutes les patientes avec une durée et une posologie maximales supportables.

Au contraire état physiologique , dominé par un trouble du bien être dont la prise en charge devra s'efforcer d'être la plus anodine possible au plan thérapeutique.

La vérité se situe probablement entre les deux: toutes les femmes ne sont pas à égalité vis-à-vis des conséquences de la carence estrogénique et un bilan précis avantages inconvénients doit être réalisé pour chaque patiente avec des révisions itératives pour obtenir la plus grande efficacité des décisions thérapeutiques .

Des effets positifs sont habituellement associés au traitement substitutif : amélioration de la qualité de vie , intérêt aux plans osseux et cardiovasculaire

A l'inverse un traitement prolongé peut entraîner un risque supplémentaire de cancer du sein , les effets de prévention secondaire du risque cardiovasculaire sont discutés voire niés.

Enfin , des domaines d'application nouveaux apparaissent tels l'effet sur le système nerveux central , la sphère ORL et l'appareil digestif

LES DONNEES CLASSIQUES

Ont porté sur deux points

-L'effet du premier passage hépatique

a alimenté de nombreuses discussions et semble faire à l'heure actuelle de moins de polémiques

-l'effet sur le risque lithogène biliaire et son corollaire l'augmentation des cholécystectomies repose sur des considérations physiopathologiques

La contractilité vésiculaire à la cholecystokinine est corrélée à la réceptivité hormonale estrogénique

On observe une corrélation inverse pour les récepteurs à la Progestérone

Les premières publications scientifiques montraient la présence d'une bile lithogène sous traitement estrogénique. Les estrogènes exogènes d'origine équine modifient la composition de la bile en augmentant le pourcentage de cholestérol estérifié lithogène (Everson, 1991).

les stéroïdes sexuels possèdent également des récepteurs au niveau de la vésicule biliaire (Houlds, 1988) dont la stimulation module la motricité vésiculaire (Messa, 1990 ; Ryan 1991 ; Brown 1982). Récemment,il a été démontré que les estrogènes exogènes diminuent la contraction du sphincter d'Oddi (Tierney 1994). Il paraît probable que la conjonction de ces différents facteurs interviennent dans l'augmentation du risque de lithiase vésiculaire sous traitement hormonal substitutif.

2 études prospectives montrent une augmentation de l'incidence de cholécystectomie chez les femmes ménopausées sous THS :

-Pettiti(1) note une augmentation du risque RR=2,1 (IC : 1,5-3,0)

-Grodstein,(2) arrive aux mêmes conclusions: RR=2,1 (IC: 1,9-2,4)

Ce risque augmente parallèlement à la durée et aux doses d'estrogènes utilisées.

-Une étude rétrospective de La vecchia (3) va dans le même sens OR 1,9(1,3-3,1) mais ne note pas d'effet durée

L'INCONTINENCE ANALE

Le traitement hormonal substitutif pourrait améliorer l'incontinence anale chez la femme ménopausée avec ou sans rupture sphinctérienne comme le suggère une courte série publiée en 1997 (4 )

Les résultats montrent une disparition des symptomes après 6 mois de traitement chez 25 % des femmes et une amélioration de la qualité de vie dans 65% des cas. Cette observation mérite d'être étayée par d'autres études prospectives. L'action des estrogènes sur la continence anale est inconnue, différentes hypothèses sont soulevées mais les auteurs ne sont pas unanimes notamment sur la présence de récepteurs aux estrogènes et à la progestérone au niveau du sphincter anal lisse.

Ce domaine reste à exploiter, car l'incontinence anale concerne environ 10% de la population.

LA PATHOLOGIE TUMORALE COLORECTALE

Depuis 1980, Mc Michael et Potter ont formulé l'hypothèse selon laquelle les estrogènes exogènes auraient un rôle protecteur vis-à-vis du cancer colorectal et des polypes adénomateux colorectaux.

Cette hypothèse repose sur 2 possibilités :

réduction de la concentration en acides biliaires dans le colon par les estrogènes

action directe des estrogènes au niveau de la muqueuse colique.

Il est constaté sur les modèles animaux expérimentaux que l'augmentation des acides biliaires secondaires dans la lumière digestive colique est promotrice vis-à-vis du cancer colique; par ailleurs, chez les personnes atteintes de cancer colique, il existe une augmentation des acides biliaires fécaux.

Les estrogènes exogènes diminuent la synthèse et l'excrétion d'acides biliaires aussi bien chez l'animal que chez l'homme et ceci au profit d'un excès de saturation en cholestérol de la bile à l'origine d'une augmentation de la formation de calculs pigmentaires comme ceci a été constaté chez la femme ménopausée sous traitement hormonal substitutif.

En plus d'une possible influence hormonale sur la synthèse et l'excrétion des acides biliaires, il paraît probable que les estrogènes exogènes ont un effet direct sur la muqueuse colique car il existe des récepteurs aux estrogènes au niveau des carcinomes colorectaux et sur la muqueuse adjacente péri tumorale.

In vitro, les estrogènes inhibent la croissance de cellules de cancers coliques humains.

Les femmes présentent un risque de cancer colorectal identique ou légèrement plus élevé que l'homme avant l'âge de 50 ans et une incidence moindre après, actuellement, on observe une légère diminution de la mortalité par cancer colorectaux chez la femme mais pas chez l'homme.

Au vue de ces constatations expérimentales et cliniques, différentes études ont été menées depuis 1975. Certaines ont émis l'hypothèse que la multiparité, l'âge précoce de la première grossesse et l'utilisation d'hormones sexuelles seraient protectrice vis-à-vis des tumeurs colorectales, cependant dans une analyse exhaustive de la littérature publiée en 1993 par Potteret al,il paraît peu probable que la parité et l'âge de la première grossesse soit des facteurs de risque, en revanche le traitement hormonal substitutif pourrait être protecteur aussi bien du cancer colorectal que des polypes adénomateux colorectaux (Potter, 1996) considérés comme lésion précancéreuse.

Une méta analyse regroupant toutes les publications sur l'association entre cancers colorectaux et " estrogènothérapie substitutive" entre 1975 et 1993 conclue à un RR=0,91 (IC: 0,60-1,38) pour les études de cohorte et un RR= 0,92 (IC: 0,71-1,20) pour les études rétrospectives cas témoins.

La possibilité d'un effet protecteur par le THS a été renforcée par quelques publications d'études épidémiologiques concernant l'augmentation de cancer colorectaux chez les patients utilisant le Tamoxifène comme traitement adjuvant (Etude Scandinave menée à Stockholm, RR=2,1 (IC : 0,8-5,6), et RR = 1,9 (IC: 1,1-3,3) sur toutes les études scandinaves combinées)( f-10).

Cette constatation n'a pas été retrouvée dans une autre étude

La littérature sur hormone et cancer colorectal n'est donc pas unanime, ne disposant d'aucune étude randomisée, qui serait susceptible de diminuer les biais, notamment les biais de sélection, il faudra attendre les résultats de la seule étude randomisée en cours (Women's Health Initiative, étude débutée en 1992 et dont les résultats seront publiés en 2007) pour avoir une opinion plus objective concernant ce sujet.

Actuellement, on recense 24 études publiées dont l'objet est représenté par risque de cancer colorectal et traitement hormonal substitutif. Une méta analyse récente (5) regroupe 19 études publiées jusqu'en décembre 1996 et montre une diminution du risque relatif de cancer colorectal (RR=0,82 (IC: 0,76-0,89) toutes études combinées) d'autant plus significative que les publications sont récentes (après 1990), plus importante chez les utilisatrices de plus de 5 ans que les utilisatrices récentes. Cependant il paraît difficile de conclure dans la mesure où toutes les études ne sont pas homogènes en termes de population, qu'il est difficile d'extrapoler des résultats pour des traitements non homogènes

Par ailleurs, les résultats portant sur les utilisatrices à long terme sont à interpréter avec prudence, dans la mesure où il s'agit de séries incluant un faible nombre de patientes.

Comme pour toute la littérature, les facteurs d'ajustement pris en compte dans l'évaluation du risque relatif sont extrêmement hétérogènes selon les études. Mais il est, souvent, constaté que la prise en compte des différents facteurs de confusion connus, n'influence que très peu le résultat en termes de risque relatif.

8 études de cohorte ont été publiées à ce jour, avec une période de suivi entre 4 et 14 ans, elles portaient sur l'incidence du cancer colorectal sous traitement hormonal substitutif sauf l'étude de Calle et al analysant la mortalité par cancers colorectaux sous THS.

13 études cas témoins ont été publiées jusqu'en Avril 1998, parmi ces études, 2 ont été publiées à 2 ans d'intervalle mais portant sur la même population ( Newcomb 1992 puis 1995 et Fernandez 1996 et 1998).

Seules les études de Newcombet al, et Rischet al, ont détaillés le THS utilisé,

l'étude de Davis prenait en compte dans son estimation le THS et la contraception orale. La plupart des séries ne faisaient pas de distinction entre cancer du colon et cancer du rectum, et ne prenaient pas en compte la localisation tumorale exacte.

 

 

On constate que 12 études sur 23 ( 7 prospectives et 5 rétrospectives) ne retrouvent pas de relation entre l'utilisation d'un THS et le cancer colorectal et seulement une étude ( Wu-Williams et al ) conclue à un surrisque chez les " femmes chinoises "utilisatrices d'estrogènes seuls ( RR= 2,9; p=0,01).

 

 

 

Les principales études portant sur THS et risque de cancer colorectal

Depuis plusieurs années, on considère les polypes adénomateux colorectaux, comme des lésions pré cancéreuses , il paraît donc intéressant d'analyser les relations entre cette pathologie et le THS. Peu d'études sont disponibles ,4 études rétrospectives dont 3 concluent à un effet protecteur du THS par rapport aux polypes colorectaux:

Potter et al(6) conclue à un effet protecteur du THS vis-à-vis de cette pathologie et ajoute un effet durée, OR( pour un THS >= 5 ans) = 0,39 ( IC: 0,23-0,67). ( 219 cas )

Chen et al (7)retrouve également un effet protecteur du THS et ceci d'autant plus prononcé que la durée d'utilisation est supérieur à 5 ans :

OR= 0,49 ( IC= 0,25-0,97) ( 187 cas)

Peipins et al (8) publie des résultats en faveur d'une réduction du risque d'adénomes colorectaux chez les femmes ménopausées traitées et les femmes avec une ménopause tardive. 115 cas

Jacobson et al (9) ne retrouve pas d'association entre polypes adénomateux non dégénéré et THS; le seul facteur de la vie reproductive ayant un effet protecteur est la présence de ménarche précoce avant l'âge de 13 ans (OR = 0,6 (IC: 0,4-0,9)) 128 cas.

D'autres études notamment prospectives sont nécessaires pour envisager un effet protecteur du THS sur l'apparition d'adénomes colorectaux.

CONCLUSIONS

L'effet du traitement hormonal substitutif de la ménopause semble être favorable vis à vis de la pathologie tumorale colorectale .

Les perspectives les plus encourageantes semblent passer par une diminution de l'incidence des polypes

Toutefois les données sont encore très imprécises et méritent des études prospectives.

Bien des données restent à préciser notamment l'augmentation d'incidence du cancer du colon droit chez les patientes ayant subi une cholécystectomie qui peut elle même voir son risque augmenté du fait de l'estrogénothérapie... 
Le rôle potentiellement néfaste des estrogènes sur certaines formes de cancers gastriques pourrait également se discuter.

Au total , l'appareil digestif constitue une nouvelle cible du traitement substitutif , mais de nombreuses inconnues persistent.

BIBLIOGRAPHIE

-1)Pettiti, (Gastroenterology 1988 jan 94 1 ; 91-5)

-2 )Grodstein, 1994(Grodstein F, Colditz GA, Stampfer MJ. Obstet Gynecol 1994 Jan;83(1):5-11)

-3)La vecchia (J epid Com Health 1992 46.3234-6)

-4 )Donnely V, O'Connell PR, O'Herlihy C.. Br J Obstet Gynaecol 1997; 104:311-315

-5)Hébert-Croteau N Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 1998;7:653-659

-6)Potter JD, Bostick RM, Grandits GA, Fosdick L, Elmer P, Wood J, Gramdsch P, Louis TA.

Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 1996; 5(10): 779-784.

-7)Chen et al .Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 1998; 7(3): 227-230

-8)Peipins et al. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 1997; 6(9): 671-675.)

-9)Jacobson JS, Neugut AI, Garbowski GC, Ahsan H, Waye JD, Treat MR, Forde KA.Cancer Causes Control. 1995; 6(6):513-518.)