Les nouveaux risques utérins
C. D'ERCOLE, F. BRETELLE, B. COURBIèRE,
M. MOTTINO, R. SHOJAI, R. DESBRIERE, C. CHAU, L.
PIéCHON, L. BOUBLI*
En 20 ans, de nombreuses interventions,
surtout en endoscopie gynécologique ont été développées
: leur principal intérêt est une moindre agressivité chirurgicale
mais on peut se poser la question de leur retentissement sur la fonction de reproduction
et de leur comportement lors de la grossesse et de l'accouchement.
Parallèlement, le taux de césarienne
a augmenté de façon très importante et à côté des
préoccupations devant les utérus multicicatriciels, on assiste à
une augmentation importante des anomalies d'insertion placentaire dont le retentissement
peut être extrêmement péjoratif
Prise en charge d'un placenta accreta
L'incidence du placenta accreta était considéré
auparavant comme une pathologie obstétricale rare. Sa fréquence était
estimée à 1/10 000 à 1/20 000 dans les années 50 (1)
alors qu'elle se situe actuellement aux alentours de 1/2 500 (2, 3), voire
1/1 000 dans certaines séries récentes (4).
Cette augmentation de fréquence
est essentiellement due à l'augmentation du taux de césariennes et des
investigations endo-utérines (5). La situation la plus caricaturale du risque
de placenta accreta étant le placenta antérieur inséré sur une
cicatrice de césarienne. En 1985, Clark avait montré que dans cette situation,
le risque de placenta accreta était de 24 % en cas d'utérus unicicatriciel
et supérieur à 40 % en cas de bicicatriciel ou plus (tableau 1).
Cette association a été confirmée de façon claire par plusieurs
articles récents (6, 7).
Tableau 1 Incidence de placenta praevia
et accreta en fonction du nombre de césariennes (8)
Les complications possibles de ce placenta
accreta sont l'hémorragie de la délivrance, la rupture utérine et
l'envahissement des organes voisins.
Face à une telle situation, l'hystérectomie
de première intention était considérée comme la meilleure solution.
En 1972, l'étude de Fox (9) menée sur 622 cas de placenta accreta mettait
en évidence une mortalité maternelle de 5,8 à 6,6 % en cas d'hystérectomie
de première intention ; tandis qu'une tentative de traitement conservateur
se soldait par une mortalité maternelle entre 12,5 et 28,3 %.
Actuellement, plusieurs équipes
entreprennent un traitement conservateur dans le but de préserver la fertilité
(10, 11, 12, 13) utilisant éventuellement des traitements associés. Plusieurs
solutions ont été proposées sans qu'il y ait actuellement d'attitude
consensuelle : électrocoagulation peropératoire au laser Argon (14) résection
utérine partielle (15), traitement par ligatures artérielles 4, 16),
du méthotrexate avec des protocoles différents selon les auteurs (11,
13, 15, 17, 18, 19, 20) ou une embolisation des artères utérines associées
(4, 21).
Une série récente rétrospective
colligeant les cas de placenta accreta pris en charge sur les deux maternité
du CHU de Marseille entre 1993 et 2003 (48 cas spour 41 000 accouchements, soit
une fréquence de 1/854 accouchements) retrouvait les facteurs de risque précédemment
évoqués (tableau 2)
Tableau 2 : Facteurs étiologiques
de placenta accreta (série CHU Marseille)
Dans cette série, un traitement
conservateur a été entrepris dans 38 cas dont 33 fois avec succès
(69 % de l'ensemble des cas). 15 hystérectomies ont été pratiquées,
10 fois d'emblée et 5 fois après échec du traitement conservateur.
Le traitement le plus souvent associé au traitement conservateur était
une ligature artérielle. Dans 25 cas (53 %), le placenta a été
laissé en place en partie ou en totalité (tableau 3)
Tableau 3: traitements réalisés
lors de la prise en charge de 48 placenta accreta)
*LBAH : ligature bilatérale des
artères hypogastriques
De notre expérience et à
partir des autres cas publiés, la conduite à tenir suivante peut être
envisagée :
Si le diagnostic est prévisible
(placenta antérieur bas inséré et antécédent de césarienne),
un transfert materno-ftal doit être envisagé dans une structure comportant
un niveau de soin suffisant pour la prise en charge de la pathologie (chirurgien
compétent, réanimation maternelle et réanimation infantile ou néonatologie
en fonction de l'âge gestationnel) ; il faudra prévoir les mesures médicales
nécessaire à la prise en charge d'une hémorragie de la délivrance,
éventuellement programmer une embolisation artérielle. L'incision utérine
devra être réalisée impérativement à distance du placenta,
au besoin sous échoguidage.
Au cours de l'intervention, la situation
peut de façon caricaturale correspondre à deux situations :
• en cas d'hémorragie,
on peut proposer l'arbre décisionnel décrit dans la figure 1 ;
• en absence
d'hémorragie, le geste dépendra du type d'anomalies de l'insertion placentaire
;
• placenta accreta
partiel : on peut tenter un « découpage » du placenta de sorte à
ne laisser en place que la partie accreta ;
• accreta total
: la totalité du placenta est laissée en place ;
• percreta :
le placenta est laissé en place. Dans le cas particulier où l'effraction
utérine est cornuale, il est licite de pratiquer une résection utérine
partielle.
Lorsque le placenta est laissé
en place et en absence de saignement, certaines équipes préconisent systématiquement
un traitement complémentaire par ligature artérielles embolisation ou
méthotrexate. Il n'existe actuellement aucune preuve que ce traitement associé
soit plus efficace que l'abstention.
Figure 1: conduite à tenir
devant un placenta accreta hémorragique
Lorsque l'hystérectomie est indispensable
elle nécessite des précautions particulières notamment dans les cas
de placenta accreta avec invasion vésicale
En effet, le décollement vésico-utérin
est très hémorragique et ne doit pas être tenté. Par ailleurs
l'hystérectomie doit être totale, emportant le col.
Le protocole recommandé est le
suivant : le premier temps est une ouverture du péritoine pariétal au-dessus
de la vessie entre les artères ombilicales cela permet de décoller la
face antèrieure de la vessie et de mobiliser facilement le dome vésical
et l'utérus. Celui-ci est alors extériorisé ce qui permet de diminuer
l'hémorragie.
On pratique ensuite la ligature section
des annexes des ligaments ronds et des pédicules utérins. Il est recommandé
d'ouvrir le vessie au-dessous de l'insertion placentaire et de réaliser en
même temps que l'hystérectomie une cystectomie partielle.
On procèdera à la mise en
place de sondes urétérales qui ressortiront en trans cysto pariétale.
On procède ensuite à la fermeture de la vessie et du moignon vaginal.
Placenta percreta
intravésical Incision du péritoine
Décollement de la face antérieure
de la vessie
Hystérectomie + cystectomie
partielle
Bibliographie
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* Hôpital Nord Marseille.
250 C
D'ERCOLE, F BRETELLE, B COURBIèRE, M MOTTINO, R SHOJAI,
R DESBRIERE, C CHAU, L PIéCHON, L BOUBLI
|
˙Nombre
|
˙Nombre |
˙Placenta |
˙Placenta |
˙Proportion |
|
˙ |
˙de |
˙total |
˙praevia |
˙accreta |
˙des placenta |
˙ |
˙césariennes |
˙de patientes |
˙n=286 |
˙n=29 |
˙praevia et |
˙ |
˙antérieures |
˙(n = 97 799) |
˙(% du total) |
˙(% du total) |
˙accreta associés |
˙ |
˙0 |
˙92 917 |
˙238 (0,26) |
˙12 (0,01) |
˙5 % |
˙ |
˙1 |
˙3 820 |
˙25 (0,65) |
˙6 (0,16) |
˙24 % |
˙ |
˙2 |
˙850 |
˙15 (1,8) |
˙7 (0,82) |
˙47 % |
˙ |
˙3 |
˙183 |
˙5 (3) |
˙2 (1,09) |
˙40 % |
˙ |
˙4 |
˙29 |
˙3 (10) |
˙2 (6,9) |
˙67 % |
Facteur de risque N
(45) %
Césarienne 28 58,3 %
Curetage/aspiration 31 64,6 %
Autres • Hystéroscopie opératoire 2 • Métroplastie
(DES) 2 12,5 % • Grossese
extrautérine 1 • Malformation
utérine 1
Rien 4 8,3 %
LES
NOUVEAUX RISQUES UTéRINS 251
Geste N
(%) Remarques
Placenta en place 25 (53 %)
hystérectomie 15 (31 %) 5
secondaires
Cystectomie partielle 2 (4 %)
Ligatures artérielles 19 (40 %) 14
LBAH* 5 Tsisulnikov
Embolisations 2 (4 %)
Méthotrexate 5 (10,4 %)
Points de Cho 2 (4 %)
252 C
D'ERCOLE, F BRETELLE, B COURBIèRE, M MOTTINO, R SHOJAI,
R DESBRIERE, C CHAU, L PIéCHON, L BOUBLI
LES
NOUVEAUX RISQUES UTéRINS 253
254 C
D'ERCOLE, F BRETELLE, B COURBIèRE, M MOTTINO, R SHOJAI,
R DESBRIERE, C CHAU, L PIéCHON, L BOUBLI |