Prise en charge des symptômes
climatériques de la périménopause
M. BUHLER
Pendant de nombreuses années les symptômes de la ménopause
paraissaient être liés à la carence hormonale, estrogénique en particulier et tous les
troubles devaient donc être traités par des hormones commencées relativement
tardivement disaient certains, uniquement lors d'une ménopause dite
"confirmée".
Il apparaît que cette vue simpliste de la période dite " charnière
" ne permet pas de résoudre les problèmes posés par les femmes qui se plaignent de
nombreux troubles alors que leurs règles sont toujours présentes et même souvent encore
régulières.
1 - QUELS SYMPTOMES AVANT LA MENOPAUSE ?
a - Sueurs nocturnes bouffées de chaleur
Oldenhave [1] a publié dans le Lancet en 1994 une étude sur 5 213 femmes
âgées de 39 à 60 ans et il est intéressant de noter que des femmes âgées de plus de
39 ans, avec des règles régulières notent des épisodes de sueurs nocturnes et même de
bouffées de chaleur.
Or 25 % de ces femmes âgées de moins de 43 ans ont des cycles qui
restent réguliers jusqu'à 47 ans, ce qui montre que ce n'est pas juste avant l'arrêt
des règles que ces symptômes apparaissent. Si 41 % des femmes avec des cycles réguliers
se plaignent de symptômes vasomoteurs, ce taux monte à 85 % lorsque les cycles
s'allongent.
Des dosages plasmatiques n'ont pas pu mettre en évidence une relation
entre les bouffées de chaleur et des modifications des concentrations en E2 et E1. Même
si les concentrations plasmatiques d'estrogènes ne reflètent pas le fonctionnement réel
des ovaires, ce n'est pas la carence durable en estrogènes qui est responsable de ces
symptômes.
b - Sécheresse vaginale
Plus étonnant, 16 % des femmes se plaignent de sécheresse vaginale [1]
dès 39 ans alors que leurs règles sont normales. Et si 40 à 45 % des femmes
ménopausées depuis quatre à dix ans ont ce symptôme, il y a donc plus de 50 % des
femmes ménopausées qui n'auront jamais ce type de plainte. On peut donc penser qu'il n'y
a pas une corrélation totale entre la sécheresse vaginale et la carence estrogénique.
Ce phénomène semble peu étudié car dans les études sur les symptômes
climatériques ou sur le syndrome prémenstruel des femmes à la préménopause, ces
troubles sont peu cités et dans d'autres rubriques telles que dans les troubles de la
sexualité : la dyspareunie est citée à une fréquence de 38 % dans l'enquête faite par
le Professeur Mares [2].
Il est probable que de nombreux autres facteurs que la sécheresse
vaginale soient la cause de la dyspareunie, tels que la diminution de la libido, la
mauvaise image de soi, la fatigue notée par 25 % des femmes. Néanmoins, dans les
troubles cités dans ce même rapport, on note aussi 33 % de pollakiurie. Il est possible
que la sécheresse vaginale et la pollakiurie dont se plaignent ces femmes aient la même
origine, sûrement en partie due à des causes hormonales mais chez ces femmes d'autres
raisons doivent être cherchées pour pouvoir les comprendre et donc les traiter.
Les autres troubles sont soit une accentuation du syndrome prémenstruel
et une augmentation des troubles neuropsychiques.
c - Le syndrome prémenstruel
Il s'accentue en préménopause. considéré pendant longtemps comme
résultante d'une insuffisance lutéale, il semblait logique de traiter tous les
problèmes des femmes qui survenaient avant les règles par de la progestérone ou des
progestatifs. En effet :
- soit la femme ovule mal, n'a pas assez de progestérone et donc une
supplémentation s'impose ;
- soit elle secrète trop d'oestrogène et les progestatifs permettent de
faire la " balance ".
Si ce schéma est satisfaisant pour certaines femmes, il est reconnu, que
ce traitement ne permet pas le plus souvent de traiter les symptômes neuropsychiques qui
sont prépondérants dans le vécu des femmes.
Ce n'est pas un hasard si plus du tiers des femmes à cette période de
leur vie prennent des anxiolytiques. C'est particulièrement dans les jours, puis la et
les semaines qui précèdent leurs règles que les femmes se plaignent de ces symptômes.
Barlow [3] a demandé à 424 femmes âgées de 40 à 60 ans de parler de leur expérience
de la ménopause.
A la question " Avez-vous ressenti un jour le besoin d'un traitement
pour la ménopause ? ", 42 % d'entre elles ont répondu OUI et 53 % de ces femmes ont
situé la nécessité du traitement en période de pré ménopause. Leur besoin de
traitement était justifié par plusieurs symptômes, mais 69 % ne mentionnent que les
bouffées de chaleur et 18 % uniquement des symptômes psychologiques. Dans une étude
déjà ancienne de 1977, Stegg rapportait que les généralistes prescrivaient des
psychotropes entre 45 et 49 ans de façon beaucoup plus importante qu'à tout autre âge
de la vie.
L'étude de Marès nous montre que plus de 80 % des femmes sont gênées
dans leur vie sociale et familiale par de l'anxiété, de l'irritabilité et de
l'asthénie.
2 - LES TRAITEMENTS
Ils sont très peu nombreux. On peut distinguer 2 groupes de traitements :
1 - Les traitements symptomatiques des bouffées de chaleur ;
2 - Les traitements hormonaux :
- les traitements du syndrome prémenstruel ;
- les traitements hormonaux avec en particulier le schéma freinage
substitution.
2 - 1 - LES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES des bouffées de chaleur et sueurs
noctures
Le Véralipide (AGREAL)
Neuroleptique dérivé des benzamides, on le donne 20 jours par mois à la
dose de 1 comprimé par jour. Il est efficace contre les bouffées de chaleur à 80 % le
premier mois. Si les bouffées de chaleur réapparaissent la cure doit être renouvelée.
Ce traitement est spécifique et n'a pas d'action sur les céphalées ou palpitations. Sa
contre-indication est l'hyperprolactinémie.
Le Proxibarbal ou Centralgol
C'est un sédatif léger, il est efficace par son action centrale contre
les bouffées de chaleur ainsi que sur l'irritabilité et les troubles du sommeil. La dose
quotidienne est de 2 comprimés à 300 mg par jour. Ce traitement représentait en 1992
plus de la moitié des prescriptions dans les traitements non-hormonaux de la ménopause.
La clonidine (Catapressan) ou l'alphaméthyldopa (Aldomet)
Ils ont été aussi prescrits dans ce cadre. Ils produisent une
vasodilatation périphérique. La clonidine est prescrite à petite dose : 1/4 de
comprimé 3 fois par jour mais l'effet hypotenseur peut gêner les femmes qui ont une
hypotension orthostatique.
Dogmatil faible
Il a aussi été prescrit avec beaucoup de succès. Mais la survenue d'une
galactorrhée fait souvent abandonner le traitement.
L'acupuncture
21 femmes ont été traitées pour leur bouffées de chaleur par
acupuncture pendant 8 semaines. Le nombre de bouffées de chaleur a diminué de plus de
50% pendant le traitement et l'effet a persisté au moins trois mois après l'arrêt de
celui-ci.
2 - 2 - LES TRAITEMENTS HORMONAUX
Du syndrome prémenstruel
Si la progestérone ou les progestatifs donnés 10 à 15 jours par mois
permettent de soulager de nombreuses femmes, ils ne sont pas efficaces à 100 %.
1 - Hygiène de vie
Les recommandations d'hygiène de vie ne doivent pas être oubliées :
- café ;
- thé ;
- alcool ;
- et aussi la consommation de chocolat et des sucres rapides permettent de
limiter l'intensité du syndrome prémenstruel
.2 - Veinotoniques
Lorsque la composante congestive domine, les veinotoniques peuvent être
utilisés avec succès en particulier en cas d'oedème des membres inférieurs, mastodynie
et gonflement abdominal. Les veinotoniques diminuent la perméabilité capillaire et les
transferts d'eau et de protéines vers le milieu interstitiel.
3 - Thérapeutiques nutritionnelles
- Aux USA, l'huile d'onagre qui contient des composés entrant dans la
synthèse des prostaglandines E, dont le taux est souvent diminué dans le syndrome
prémenstruel a une efficacité semble-t-il supérieure au placebo.
- La vitamine B6, cocktails vitaminiques et sels minéraux ont été
utilisés dans des études anciennes.
4 - Les psychotropes
Prescription la plus fréquente entre 45 et 50 ans, les psychotropes ont
des effets secondaires trop importants pour qu'ils soient prescrits uniquement dans le
cadre du syndrome prémenstruel.
2 - 3 - LES TRAITEMENTS HORMONAUX
1 - La pilule contraceptive minidosée
EIle est de plus en plus courant chez des femmes âgées de plus de 40
ans, non fumeuse et sans risque cardiovasculaire connu de donner la pilule qui à la fois
permettra une contraception et évitera le syndrome prémenstruel, cycles irréguliers et
tous les troubles de la périménopause. La pilule sera arrêtée vers 50 ans pour
vérifier par des dosages hormonaux de FSH si la ménopause est installée, et changée
alors pour le traitement hormonal substitutif.
2 - Les progestatifs
Pour les femmes qui ont une contre-indication aux estrogènes de synthèse
ou ne désirant pas la pilule, on utilise un progestatif antigonadotrope qui va bloquer
l'ovulation. Il peut être utilisé seul, 20 jours sur 28 pour son effet contraceptif, 10
à 15 jours sur 28 pour pallier à l'insuffisance lutéale.
3 - Schéma freinage substitution
Le progestatif sera utilisé associé à un estrogène naturel dans le
cadre des schémas de freinage - substitution qui permet de diminuer les troubles dus à
la carence débutante d'estrogènes. Si ces symptômes d'hypoestrogénie persistent ou
augmentent, on augmentera de même la séquence d'estrogènes dans sa durée.
Progressivement la séquence d'estrogènes va augmenter et la progestérone diminuera. On
arrivera à la séquence classique de T.H.S.
CONCLUSION
Si tous les schémas thérapeutiques hormonaux commencent à être bien
connus et maîtrisés, ils ne répondent que partiellement à la demande des femmes. En
effet, les premiers symptômes de la ménopause sont pour 40 % des femmes des troubles
neuropsychiques tels que insomnies, asthénie, irritabilité. La prise de poids est un
thème récurrent quotidien des consultations.
Le vieillissement cutané et la prévention de la sécheresse cutané e ne
doivent pas être oubliés. Pour tous ces thèmes nous n'avons que peu de réponse s et il
est même étonnant de ne trouver quasiment aucune étude permettant de comprendre et donc
de traiter ces symptômes.
Pendant longtemps on disait qu'il n'y avait pas d'urgence à traiter la
ménopause et qu'il ne fallait pas traiter trop tôt pour éviter la surcharge
estrogénique due aux " reviviscences " ovariennes fréquente à cette période.
Actuellement, nous voyons que en fait 50 à 90 % des femmes non encore
ménopausées (c'est-à-dire ayant des règles spontanées dont la fréquence est de 1
mois à moins de 12 mois) se plaignent de troubles climatériques. C'est dès ce moment
que l'on doit traiter en adaptant bien sûr les traitements aux fluctuations normales de
cette période charnière.
BIBLIOGRAPHIE
[1] A. OLDENHAVE, C. NETELENBOS : Pathogenesis of climacteric complaints :
ready for the change The Lancet - Vol 343 - Marsch 12, 1994.
[2] ENQUETE " PREMIERS SIGNES " : Enquête nationale
multicentrique sur les premiers phénomènes thermovasomoteurs de la ménopause.
Coordination nationale : Pr. Pierre Marès (Hôpital Caremeau, CHRU de Nîmes) In :
Comment vos patientes vivent-elles leur ménopause ? Laboratoire ZYMA Ed, Rueil-Malmaison
1995, 28 pages.
[3] D. H. BARLOW, K.A. GROSSET, H. HART, D.M. HART : A study of the
experience of Glasgow women in the climacteric years. British Journal of Obstetrics and
Gynaecology. October 1989, Vol. 96, pp. 1192-1197.
[4] C. QUEREUX, R. TAURELLE, A. TAMBORINI : Traitement des troubles
psycho-neuro-végétatifs de la ménopause. Rev. Fr. Gyn-obs. 1987 - 82-7-9.
[5] Y. WYON, R. LINDGREN, T. and M. HAMMAR : Effects of acupuncture on
climateric vasomotor symptoms, quality of life, and urinary excretion of neuropeptides
among posmenopausal women. Menopause : The Journal of the North American Menopause
Society, Vol. n° 1, pp. 3-12.
[6] D. DEWAILLY : De la périménopause à la ménopause, intérêt d'un
schéma classique en hormonologie : le freinage-substitution. Gynécol. Obstét. Pratique,
1995, suppl. au n° 73 : 7-11.
M. BUHLER Hôpital de Sèvres.
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