THS
ET OBSERVANCE
Marianne
Buhler
Sèvres / Paris
DEFINITION
Il est
toujours difficile d’apprécier l’observance d’un traitement et de comprendre
les facteurs qui l’influence.
Il est
plus facile de connaître la prévalence d’un traitement qui est la proportion
de patient à un temps x sous traitement : une enquête transversale photographie
une population donnée et permet de l’estimer.
L’observance,
ou adhésion à un traitement se définie sur la durée.
Elle
peut être suivie de façon prospective en suivant une population sur plusieurs
mois ou années ; elle peut être évaluée de façon rétrospective en interrogeant
les patients sur la durée pendant laquelle ils ont pris ce traitement.
De
très nombreuses études ont été faites sur le THS ,essentiellement chez les anglo-saxons
et dans les pays nordiques pour essayer de savoir :
-
quelle est la durée moyenne des traitements,
- pourquoi
les femmes prennent puis arrêtent ce THS
- ce
qui peut influencer leur décision.
Nous
n’avons malheureusement aucune étude de grande ampleur en France pour comprendre
si les motivations, réticences, angoisses des femmes françaises sont les même
que dans les autres pays, nous nous baserons donc sur les études disponibles.
Nous allons essayer de comprendre ce qui va inciter une femme à prendre un THS,
à continuer et à arrêter.
FACTEURS
LIES AU MEDECIN - INFORMATION ET EDUCATION DES PATIENTS
LES
ETUDES
Elles
montrent des durées moyenne de prise de 2 mois à 10 ans !
Pour
la plupart anglo-saxonnes ou scandinaves elles ont étudié les raisons observées
d’arrêt du traitement substitutif de la ménopause.
Elles sont basées soit sur les différents types de traitements proposés, soit
sur les différentes populations traitées en comparant les situations qui permettent
la meilleure observance.
D’autres étudient la manière de prescrire et le déroulement de la consultation.
Ces
dernières ont pour point commun l’information de la patiente et le temps passé
en consultation ; la peur des effets secondaires et en particulier du cancer ;la
méconnaissance des effets positifs cardio-vasculaires, le rejet des saignements
et la motivation du médecin à la prescription.
1
- Type de traitement et observance
Ulrich
(1) en 1997 étudie 2151 femmes : 1435 d’entre elles prenaient un traitement
séquentiel et 716 aucun traitement préalable.
Kliogest leur est donné pendant 9 mois
Il y eu 48% d’arrêt avant 9 mois dans le 1er groupe (séquentiel vs
continu) et 38% dans le 2ème (aucun traitement vs traitement continu)
Les
femmes préfèrent à 91% ne pas saigner même si 58% pensent que c’est « acceptable »
Moins de 1% des femmes demandent des règles.
Les
saignements sont évoqués comme motifs d’arrêt dans de nombreuses études et les
femmes arrêtent leur traitement dans les 3 premiers mois si des spottings interviennent.
L’importance
de l’information sur les saignements est fondamentale dans le suivi du traitement.
2
- Type de population et observance
- Kotzan
et coll .en 1999 (2) comparent l’observance sur 3 ans de 3800 femmes blanches
(62%) et noires (38%)dans un dispensaire de Géorgie. Tous les mois les analyses
sont faites.
A 29 mois il restait 53,5% de femmes sous traitement puis les auteurs observent
2% d’arrêt supplémentaires tous les mois.
Les
femmes noires arrêtent plus leur traitement ;46 % de poursuite de traitement
chez les femmes noires et 57% chez les blanches.
L’observance
est meilleure chez les femmes plus jeunes ,sportives ,minces et de niveau d’éducation
supérieure.
Globalement à 3 ans plus de la moitié des femmes prenaient encore leur traitement.
Les raisons des arrêts prématurés ne sont pas analysés ici.
- Mac
Kinney (3) dans une étude menée dans deux populations distinctes l’une à Belfast
(GB) et l’autre à Portland (USA) met en évidence que le niveau de santé en particulier
de santé mentale joue dans l’observance du THS.
A
Belfast les femmes demandaient un traitement en premier pour améliorer de leur
troubles psychologiques ;
A Portland la demande est d’avoir un traitement sans règles .
Les Irlandaises ont changé leur traitement plus de 3 fois pour 18% d’entre elles
montrant donc qu’elles n’étaient pas satisfaites des traitements antérieurs
ce qui n’est pas étonnant car il ne répondait pas à leur préoccupation première.
Dans
cette étude ,comme dans beaucoup d’autres, les femmes les plus motivées sont
celles qui ont des BDC et qui ont des antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire
et d’ostéoporose.
Le prix
du traitement intervient : les femmes sans symptômes sont en effet tentées
d’arrêter plutôt que d’acheter leurs médicaments tous les mois.
- Oddens
(4) dans une étude menée au Danemark a interrogé 1015 femmes âgées de 45 à 65
ans ;
519 d’entre elles avaient eu des troubles climatériques
67 % ont consulté pour cette raison et 34 % ont eu une prescription de traitement.
94% l’ont pris
66% le prenait toujours au moment de l’étude.
Le taux global d’utilisation est de 18,4% de la population étudiée.
Les
femmes prennent plus le traitement si elles ont de nombreux symptômes et si
elles sont hystérectomisées ;elles arrêtent progressivement avec l’âge
,surtout si elles saignent
La peur de l’ostéoporose joue peu sur leur décision.
Toutes
ces études montrent globalement la même chose : le nombre de femmes traité
est relativement faible, dépend à priori des symptômes, de l’éducation, des
effets secondaires
Les femmes s’arrêtent progressivement au fil des ans de prendre ce traitement ;
Si à
l’inverse on regarde le taux de suivi en fonction de la manière de prescrire
on retrouve d’autres éléments qui permettent de comprendre différemment la faible
observance.
3
- Type de consultation et observance
De nombreux
auteurs (Rozenberg en 1999( 5); Sarrel en 1999 (6) ;Newton en 1997
(7), et le concensus publié par la NAMS en 1998 (8) démontrent que c’est lors
de la première consultation que tout se joue.
Mode
de consultation :
-
la durée de consultation :
Si l’attente
est longue et la consultation dure moins de 15 minutes l’observance sera de
moins de 45%
Si la consultation dure plus de 30 mn ,même si l’attente est longue la prescription
sera suivie dans 85 % des cas.
Une
conférence de consensus à Toronto avait montré en 1991 (11) qu’il faut 100 secondes
à une femme pour expliquer les raisons de sa venue et que le praticien l’interromps
en moyenne au bout de 28 secondes !
53 % des patientes repartent alors avec l’impression de ne pas avoir pu tout
dire
La différence est de 70 secondes !
- Le
déroulement de la 1ère consultation :
- elle doit être
longue et non interrompue ;
- le médecin doit
écouter la femme sur ses interrogations et ses peurs et aborder les
questions qu’elle n’ose pas poser (peur du cancer en particulier)
- il doit répéter
les messages clefs
- discuter avec
la femme des diverses possibilités de traitement
- évaluer en
personnalisant les bénéfices et risques de ce traitement
Il doit
savoir que :
- la 1ère
raison de ne pas prendre le traitement est la peur du cancer et la peur
des effets secondaires ;
- la 1ére raison
d’arrêt sont les saignements.
Tout
ceci doit être verbalisé lors de cette consultation ;
Des supports papiers doivent être donnés et la plupart des auteurs recommandent
de ne pas prescrire de traitement lors de la 1ère visite mais de
reconvoquer la femme dans un délai de 15 jours ou d’un mois pour lui donner
le temps de la réflexion.
Sarrel
(6) conseille de ne donner que des estrogènes pendant les 4 à 6 premières semaines
et de rajouter la progesterone qu’après la 2ème consultation.
- La
2ème consultation
Elle
doit durer au moins 15 mn
80 % des femmes repartiront avec une prescription.
Le médecin doit anticiper les effets secondaires et être particulièrement disponible
le premier mois au téléphone. .
Les recommandations sont un suivi rapproché car l’observance augmente si l’intervalle
entre les consultations est court.
La majorité des femmes arrêtent leur traitement le premier mois.
4
- Médecin et observance
Enfin
l’attitude du médecin, sa compétence et son niveau d’information doivent être
parfaits car les femmes sont de plus en plus informées et il doit pouvoir répondre
correctement à toutes les questions posées
.
Il doit être particulièrement motivé, être sûr du bien fondé de prendre un THS
et de l’intérêt de le prendre longtemps.
La vraie
question à se poser est de savoir si le médecin a le désir de s’investir
autant dans des consultations longues ,des appels téléphoniques fréquents ?
Il peut être tenter de penser qu’il est plus simple et même peut être plus sûr
pour lui que sa patiente arrête.
Il ne
faut sûrement pas négliger cet aspect de l’observance.
CONCLUSIONS
L’observance
du THS varie considérablement en fonction des études et des pays concernés.
Elles sont toutes très hétérogènes et les méthodologies très différentes.
Leur
point commun est que lorsque l’observance est élevée, il y a toujours une bonne
information des patientes, du temps passé en consultation et une motivation
très grande des médecins.
C’est
probablement pour cette raison que les études sur l’observance ont de très bon
taux de continuité alors que les études portant sur d ‘autres paramètres
ont des taux de suivi très différent.
Le seule étude de suivie française portant sur 2 ans de traitement (9), a montré
que 77,9% de femmes sous traitement per os et 73,4% de femmes sous traitement
associé patch et progestatif prennent toujours leur traitement à la fin de l’étude.
Ces chiffres sont de beaucoup supérieur à ce que l’on a l’habitude de voir.
L’implication
du médecin dans l’observance du traitement est valable dans tous les domaines
thérapeutiques et une enquête européenne publiée récemment montre que l’efficacité
d’un traitement antibiotique est influencé par la qualité de relation médecin-malade.(Etude
PACE Perceptions of Antibiotics Compliance and Efficacity) (10)
Cette
étude confirme l’importance du facteur humain, que le médecin doit s ‘adapter
à son patient ( et non l’inverse) et que même si 60% des patients considèrent
avoir bien compris comment ils doivent prendre leur traitement, 85% d’entre
eux souhaiteraient davantage d’information.
Enfin,
le contexte médiatique ne doit pas être oublié ; il est évident que lorsque
de nombreux articles sur les méfaits des hormones et le risque de cancer font
la première page des journaux, il faut réassurer les patientes .
Si le médecin a la moindre ambivalence à ce moment, la patiente le sentira et
s’angoissera.
Cette
angoisse sera beaucoup moins importante si elle a pu discuter de ces points
précis avec son médecin et de préférence préventivement aux coups médiatiques.
Elle aura alors la possibilité de répondre - elle - même à ces articles.
L’observance est élevée lorsque l’information est complète et de bonne qualité
et qu’elle aborde tous les sujets en particulier les plus tabous comme la peur
de cancer.
ANNEXE :
LA PRISE DE DECISION
CONSENSUS
DE TORONTO (11)
Le consensus
de Toronto publié en 1991 s’est donné pour objectif de répondre à 3 questions :
- Quels sont les
élément de la communication médecins –malade les plus importants ?
- Que doit- on
faire de façon prioritaire pour améliorer cette communication ?
- Quelles sont
les questions importantes qui n’obtiennent pas de réponse ?
REPONSES :
1-
Quels sont les éléments de la communication médecin-malade les plus importants ?
La plupart
des plaintes contre les médecins n’ont pas pour sujet leur compétence mais de
leur manière de communiquer.
Seule une petite partie des consultations sont consacrées à l’éducation des
patients et une grande proportions de patients ne comprennent pas ce qui leur
est dit ou oublient ce qui est dit sur le diagnostic et le traitement.
La réduction de la TA est plus importante chez les malades qui sont autorisés
à parler de leur santé sans être interrompus.
Les études médicales ne sont pas axées sur la communication et l’éducation des
patients.
L’utilisation des techniques modernes de communications, les enregistrements
de consultation avec jeux de rôles sont connues pour améliorer la communication
de même que de participer à des groupes Balint.
2- Que
doit on faire de façon prioritaire pour améliorer cette communication ?
Le médecin
doit encourager son malade à parler de se qui le préoccupe sans l’interrompre ;
Cela améliore la satisfaction et l’efficacité de la consultation et ne prend
en moyenne que 2 ,5 mn au maximum et en moyenne 90 secondes !
Poser des questions ouvertes, faire des résumés rapides et fréquents de ce qui
a été dit, négocier et proposer divers types de traitement ou de prise en charge.
Vérifier que le patient a bien compris.
Utiliser des supports papier ou audiovisuels est d’une aide précieuse.
3-Quelles
sont les questions importantes qui n’obtiennent pas de réponse ?
Quels
sont les éléments spécifiques de communication pour maximaliser la satisfaction
du patient, sa collaboration sa qualité de vie et diminuer au mieux conflits
et recours judiciaire.
Si l’on connaît l’importance du début de la consultation on sait peu de chose
sur les informations échangées et les stratégies thérapeutiques utilisées lors
de la consultation.
A tous
les niveaux des études de médecine, il devrait y avoir une formation sur la
manière de se faire comprendre ,de faire passer un message, de connaître les
points faibles du praticien ,ce qui le fait réagir ,comment optimiser son attitude.
Les professeurs devraient aider les élèves à comprendre leurs propres résistances
ce qui leur permettraient de comprendre mieux celles de leurs patients.
Cette
conférence de consensus devrait faire partie intégrante de tous les programmes
des facultés de médecine ; tout le monde y gagnerai, patients et médecins.
BIBLIOGRAPHIE
- L.G ULRICH et coll.
InternationalJournal of Gynecology &Obstetrics 59 suppl1 (1997)
S11-S17
- J.A.KOTZAN et coll.
Pharmacotherapy 1999 19 (3) ;363 –369
- K.A.Mac KINNEY et
coll. Menopause 1998 ;5 : 174- 177 NAMS
- B.J.ODDENS et
coll :Obstet gynecol 1997 ; 90 :269 –77
- S.ROZENBERG et coll. :Int.J
Fertil 44 (1) :12-18,1999
- Ph. SARREL. Am J Obstet
Gynecol 1999 ;180 :S 33-40
- K. NEWTON et coll.
Obstet Gynecol.1998 ;92 : 580-4
- Consensus NAMS :
Ménopause 1998 ;5 ;69-76
- SERFATY et coll Poster
Yokohama Société Internationale de Ménopause 18-22 octobre 1999
- Etude PACE :.European
Respiratory Society in Quotidien du Médecin,n°6762 du 20 /09/00
- M.SIMPSON and coll.
BJM 1991 ;303 :1385-1387.
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