Dépistage
de la trisomie 21 : Tests successifs ou tests sequentiels ?
JP Bernard
,MV Senat, Y Ville
CHI Poissy Saint
Germain
Introduction
Historiquement le premier facteur de risque de trisomie 21qui a été reconnu
a été l’âge maternel. Plus l’âge de la patiente est âgé plus ce risque augmente.
Dans les années 70 une première stratégie de dépistage basé uniquement
sur l’âge maternel a été initialisée dans plusieurs pays . Basé sur des critères
économiques il a été proposé que 5 % des patientes bénéficient d’une amniocentèse,
et un âge seuil a été fixé entre 35 et 38 ans selon les pays. Cette politique
entraîne un taux de détection de l’ordre de 25 % car l’âge moyen des femmes
qui accouchent est en France voisin de 28 ans. Les femmes jeunes ont individuellement
moins de risque de concevoir un enfant trisomique , mais elles sont tellement
plus nombreuses ……que 75 % des enfants trisomiques naissent de mères âgées de
moins de 38 ans.
C’est pourquoi d’autres
stratégies de dépistage ont été développées, et notamment le dépistage par les
marqueurs biochimiques dans le sérum maternel qui est le premier à avoir été
mis en place. En effet, un certain nombre d’études ont montré que le dosage
de marqueurs biochimiques dans le sérum maternel entre 14 et 17 semaines d’aménorrhée
pouvait être utile pour identifier des grossesses affectées par la trisomie
21. Le risque lié à l’âge maternel combiné au dosage sérique de la fraction
libre de la b hCG (b hCG libre) et de l’ µ fto-protéine (AFP) ou de la b hCG
totale, de l’ µ fto-protéine (AFP), et de l’striol non conjugué (E3) constituent
actuellement les 2 tests de dépistage les plus performants(1).
Parallèlement à cette stratégie de dépistage par les marqueurs sériques, l’échographie
du premier trimestre de la grossesse (entre 11et 14 SA) s’est imposée comme
un test de dépistage de la trisomie 21 performant par la mesure de la clarté
nucale (2). En effet, en cas de clarté nucale augmentée, le risque de
trisomie 21 est considérablement accru. En utilisant un calcul de risque tenant
compte de l’âge maternel , de la clarté nucale, des antécédents d’aneuploidies
au cours d’une grossesse indexe et en utilisant le seuil de risque de 1/300
on obtient une sensibilité de 75 à 85% pour un taux de faux-positifs de 5%.
Ces progrès significatifs dans notre aptitude à sélectionner des populations
à risque de trisomie 21 ont cependant un effet pervers : un certain nombre
d’institutions ou de médecins, ne se forgent pas une politique de dépistage
. Croyant répondre à l’obligation de moyen ils font passer la population au
travers de tamis successifs qui retiennent chacun 5% de la population. L’âge
puis la nuque, puis les marqueurs sériques maternels puis l’échographie morphologique.
La prévalence des anomalies chromosomiques baissant à chaque « filtre »
la valeur prédictive positive des test s’abaissent lorsqu’ils surviennent en
deuxième troisième voire quatrième rang.: ces dépistages sont appelés successifs
.
On peut utiliser plus rationnellement les tests de façon séquentielle, c’est
à dire que l’on va faire rentrer la patiente dans un nouveau test non pas comme
dans la méthode précédente en utilisant au départ toujours le risque initial
lié à l’âge, mais en la faisant rentrer dans chaque nouveau test avec le risque
qui a été calculé à l’issue du test précédent. Cette méthode à l’avantage d’être
plus économe en gestes invasifs puisque les taux de faux positifs ne vont plus
s’additionner. Par contre elle présente un défaut structurel puisqu’il n’est
pas logique d’attendre que tous les tests soient effectués pour informer la
patiente , et qu’un certain nombre de patientes seront prélevées lors des tests
intermédiaires quand celui ci fait apparaître une risque très élevé. On fera
moins de gestes mais on est incapable de prévoir et de maîtriser leur nombre.
Les dépistages successifs, s ‘apparentent pour les patientes à une véritable
course d’obstacles , le ftus passant son examen de la trisomie tous les mois
jusqu'à 4 mois de grossesse ! Les dépistages séquentiels s’apparentent
eux à un conduite « le nez sur le compteur » dont on sait qu’elle
aboutit souvent à un accident.
Il est nécessaire en 2OO1 de considérer que les couples doivent pouvoir accéder
au premier trimestre à un véritable conseil génétique, ou seront pris en compte
les facteurs les plus fortement liés à ce risque : L’âge maternel, un antécédent
de trisomie, la mesure de la clarté nucale et les marqueurs sériques. Ceux ci
ne sont pour l’instant disponibles en France qu’au cours du deuxième trimestre,
ce qui interdit cette démarche en seul temps. Mais plusieurs études ont montrées
(3-10) que les marqueurs sériques du premier trimestre (PAPPA et HCG libre)
font pratiquement jeu égal avec les marqueurs du deuxième trimestre. Leur utilisation
n’entraîne ni perte de chances, ni prise de risque.
En utilisant un algorithme de risque intégrant âge maternel et antécédents d’aneuploidie,
âge gestationnel, mesure échographique de la clarté nucale, PAPP-A et fraction
libre de la b hCG,il a été possible d’obtenir un taux de détection de 90% pour
un taux de faux-positifs de 5%; ou un taux de détection de 80% pour un taux
de faux-positifs réduit à 1 à 2%. Le dépistage au premier trimestre présente
également l’avantage de permettre la réalisation du caryotype par biopsie de
trophoblaste, technique rapide et fiable. Elle permet de réaliser un caryotype
ftal dès 11SA avec un résultat d’examen direct en quelques jours et une confirmation
par cultures cellulaires obtenues en 10 jours
Les avantages potentiels d’un dépistage aussi précoce sont clairs: réduction
des traumatismes psychologiques et physiques liés à l’interruption médicale
de grossesse tardive en cas de trisomie 21, réduction des coûts thérapeutiques
à la fois par la réduction du nombre d’amniocentèses générées par le dépistage
et donc également par la réduction du nombre de fausses-couches induites
Références
(1). Wald NJ, Cuckle
HS, Densem JW, Nanchahal K, Royston P, Chard T, Haddow JE, Knight GJ, Palomaki
GE, Canick JA. Maternal serum screening for Down’s syndrome in early pregnancy.
B.M.J. 1988; 297: 883-7
(2). Snijders RJ,
Noble P, Sebire N, Souka A, Nicolaides KH. UK multicentre project on assessment
of risk of trisomy 21 by maternal age and fetal nuchal-translucency thickness
at 10-14 weeks of gestation. Fetal Medicine Foundation First Trimester Screening
Group [see comments]. Lancet 1998 ;352 :343-6.
(3). Haddow JE, Palomaki
GE, Knight GJ, Williams J, Miller WA, Johnson A. Screening of maternal serum
for fetal Down's syndrome in the first trimester. N Engl J Med 1998;338:955-61.
(4). Macri JN, Spencer
K, Aitken DA, Garver K, Buchanan PD, Muller F, Boué A. First-trimester free
b hCG screening for Down Syndrome. Prenatal Diagnosis,1993; vol.13: 557-562
(5). K.Spencer, J.N.Macri,
D.A.Aitken, J.M.Connor. Free b hCG as first-trimester marker for fetal trisomy.
Lancet 1992; 13: 1480
6). Spencer K, Macri
JN, Aitken DA, Connor JM. Free b -hCG as first-trimester marker for fetal trisomy.
Lancet 1992; 13: 1480
(7) . Wald NJ, Kennard
A, Hackshaw AK. First trimester serum screening for Down’s Syndome. Prenatal
Diagnosis 1995; 15: 1227-40
(8). Hurley PA, Ward
RHT, Teisner B, Iles RK, Lucas M, Grudzinskas JG. Serum PAPP-A measurements
in first-trimester screening for Down syndrome. Prenatal diagnosis, 1993; 13,
903-908
(9) . Brambati B,
Macintosh MC, Teisner B, Maguiness S, Shrimanker K, Lanzani A, Bonacchi I, Tului
L, Chard T, Grudzinskas JG. Low maternal serum levels of pregnancy associated
plasma protein A (PAPP-A) in the first trimester in association with abnormal
fetal karyotype. Br.J.Obstet.Gynecol. 1993; 100, 324-326
(10). Aitken DA,
Wallace EM,.Crossley JA, et al. Dimeic inhibin A as a marker for Down’s Syndome
in early pregnancy. N Engl J Med1996; 334: 1231-6