TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF EN PRATIQUE
P. EDELMAN* Paris.
1. EFFETS DE LA MENOPAUSE SUR L'HEMOSTASE
La ménopause s'accompagne d'un risque vasculaire augmenté
comme l'indique de nombreuses études de la littérature.
L'incidence de maladies coronariennes est , à âge égal, 2 à 3
fois plus élevée chez les patientes ménopausées que chez
celles qui ne le sont pas [1]. Parmi les éléments susceptibles
d'expliquer cette différence, on peut citer :
- une augmentation du cholestérol sanguin ;
- une augmentation du taux de facteur VII, du fibrinogène ;
- une augmentation du PAI I ;
- une activation de la coagulation chez les patientes
ménopausées.
Certaines de ces modifications de l'hémostase [2-4] ont été
décrites comme favorisant soit les thromboses veineuses, soit
les maladies cardiovasculaires.
2. EFFETS DES TRAITEMENTS SUBSTITUTIFS SUR L'HEMOSTASE
A. Trois catégories d'oestrogènes sont utilisées dans le
traitement hormonal substitutif :
a) Les oestrogènes synthétiques : l'éthynil-estradiol
aurait une activité sur l'hémostase même à des doses très
faibles ;
b) Les oestrogènes conjugués : avec ces derniers, il existe
également une activité modifiant la coagulation et qui porte
sur le facteur VII et le plasminogène [5] ;
c) Les oestrogènes naturels : le 17 ß estradiol est dans
notre pays l'oestrogène le plus employé. Il n'existe aucune
modification analysable pour ce qui concerne la voie cutanée ;
par contre, il a été retrouvé une modification de certains
marqueurs de la coagulation par voie orale [6].
B. Les progestatifs
Les progestatifs habituellement employés dans le THS ne sont
pas, en règle générale, susceptibles d'induire des
modifications de l'hémostase. C'est le cas bien entendu de la
progestérone naturelle micronisée et des produits assimilés
comme la dydrogestérone. Mais c'est également le cas des
progestatifs de synthèse comme les dérivés de la 17 OH
progestérone (acétate de chlormadinone), de la 17
méthylprogestérone (demégestone), de la 17 norprogestérone
(acétate de nomégestrol, promegestone).
Ces résultats permettent de penser que le THS tel qu'il est
pratiqué couramment dans notre pays est sans effet délétère
sur l'hémostase. On peut également penser que les produits
utilisés , non seulement ne sont pas délétères mais restent
protecteurs vis-à-vis des facteurs de risques cardiovasculaires
liés à l'hémostase comme le suggèrent deux études
supplémentaires publiées très récemment [3, 7].
3. CONDUITE PRATIQUE
Qu'en est-il de l'attitude pratique ?
a) En l'absence de tout antécédent personnel ou familial de
thrombose, la plupart des produits décrits peuvent être
prescrits sans réserve ;
b) En cas d'antécédent personnel de thrombose artérielle
et/ou veineuse, un bilan à la recherche de facteurs de risque
génétique ou acquis est indispensable. C'est ainsi que l'on
recherchera un déficit en antithrombine III, en protéine C, en
protéine S, une mutation du facteur V dite mutation Leyden
(responsable de la résistance à la protéine C activée), un
anticoagulant circulant, un anticorps anticardiolipine. Deux cas
de figure existent :
- soit la patiente est porteuse d'une de ces anomalies et le
traitement hormonal substitutif est contre-indiqué sauf
indication particulière (ostéoporose) qu'il conviendra de
mettre en balance avec les risques thrombo-emboliques. Il va sans
dire que dans ce contexte, seul le 17 beta estradiol par voie
percutanée associé à un progestatif pourra être employé ;
- soit la patiente n'est pas porteuse d'une de ces anomalies,
et toute la discussion se fera autour du caractère récent ou
ancien de l'accident, de l'association possible à d'autres
facteurs de risques (état veineux ...), du caractère isolé ou
multiple de l'accident. La décision sera prise sur l'ensemble de
ces éléments et certains auteurs ne récusent pas dans ce
contexte de traitement hormonal substitutif [8].
c) La patiente appartient à une famille à risque et est
porteuse d'une anomalie d'un des inhibiteurs de la coagulation
qui n'a jamais donné lieu à un accident thrombotique. Là
encore, la décision sera prise en fonction du type de l'anomalie
familiale (les déficits cités ci-dessus le sont par ordre de
risque décroissant) et de l'analyse détaillée des autres
facteurs de risque cliniques et biologiques.
d) La patiente présente un syndrome des antiphospholipides
qui n'a jamais donné lieu à un accident thrombotique. Dans ce
cas précis, qu'il existe ou non un lupus érythémateux
associé, la contre-indication du THS est presque absolue
puisqu'aux effets délétères potentiels prothrombotiques
s'ajoute l'action des estrogènes sur la maladie auto-immune.
En conclusion, le traitement hormonal substitutif semble
corriger un certain nombre d'effets défavorables de la
ménopause sur l'hémostase et ses contre-indications sont dans
ce contexte très rares.
BIBLIOGRAPHIE
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[2] MEADE T.W., HAINES A.P., IMPSON J.D., STIRLING Y.,
THOMPSON S.G. : Menopausal status and haemostatic variables.
Lancet, 1983, 1, 22-24.
[3] LINDOFF C., PETERSON F., LECANDER I., MARTINSSON G.,
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Maturitas, 1996, 24, 43-50.
[4] ALKJAERSIG N., FLETCHER A.P., DE ZIEGLER D., STEINGOLD
K.A., MELDRUM D.R., JUDD H.L. : Blood coagulation in
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111, 224-228.
[5] VON KAULLA F., DROEGEMUELLER W., VON KAULLA K.N. :
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LIGNIERES B. : Differential AT III-response to oral and
parenteral administration of 17 ß-estradiol. Thromb. Hæmost,
1983, 49, 252.
[7] SCHATTAUER VERLAGSGESELLSCHAFT mbH F.K. : Effects on
Hæmostasis of Hormone Replacement Therapy with Transdermal
Estradiol and Oral Sequential Medroxyprogesterone Acetate : A
1-year, Double-blind, Placebo-controlled Study. Thromb. Hæmost,
1996, 75, 476-480.
[8] DROUET L. : Phlébite superficielle et THS, Le Concours
Médical, 1996, 118, 708.
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