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Titre: Pathologie veineuse et traitement hormonal substitutif de la ménopause
Année: 1997
Auteurs: - Buhler M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

PATHOLOGIE VEINEUSE ET TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF DE LA MENOPAUSE

M. BUHLER* Hôpital Sèvres.


I. ANATOMIE PHYSIOLOGIE

A. Le système veineux normal

C'est le système de retour.

90 % du sang des membres inférieurs vont dans le système veineux profond, 10 % rejoint le système veineux superficiel.

1. Le système veineux profond

Il est parallèle au système artériel. Il se compose de 2 veines pour une artère de même nom. Seule la veine poplité est le plus souvent unique. Toutes ces veines sont munies de valvules afin de pouvoir assurer pleinement leur fonction. On compte une valvule tous les 8 cm environ disposées à la face interne de la paroi. Elles jouent un rôle de système antireflux. L'altération de ces valvules peut entraîner ou aggraver la maladie veineuse.

Le système veineux profond des membres inférieurs bénéficie de l'effet de massage effectué par les muscles en mouvement lors de la marche ; ce qui n'est pas le cas dans la position debout. Ces veines cachées sous l'aponévrose superficielle communiquent avec le réseau superficiel par des veines perforantes qui traversent les aponévroses en sens horizontal.

2. Le système veineux superficiel

Il comprend la petite et grande saphène. Il est responsable de la maladie variqueuse.

La saphène interne ou grande saphène passe en avant de la malléole interne, remonte sur la face antérieure de la cuisse et va se jeter dans la veine fémorale. Elle est valvulée, le nombre de valvules diminue avec l'âge.

La saphène externe ou petite saphène va de la malléole externe à la face postérieure de la jambe. Elle se jette ensuite dans la veine poplité.

B. La veine normale

La paroi veineuse est formée de 3 tuniques qui sont, de la lumière vers la périphérie, l'intima, la media et l'adventice.

L'intima est composée de cellules endothéliales aplaties, dont les replis constituent les valvules. Ces valvules s'opposent au reflux sanguin, facilitant ainsi le retour veineux.

La media comprend des cellules musculaires lisses, disposées concentriquement, et des fibres d'élastine au sein d'une substance fondamentale riche en glycoprotéines et fibres de collagène.

L'adventice est composée de même d'épaisses fibres de collagène disposées longitudinalement. Cette armature physiologique lui permet de résister à la pression hydrostatique et de s'adapter aux variations circulatoires.

II. LA VEINE PATHOLOGIQUE

Dans la maladie veineuse, les trois tuniques sont le siège d'altérations affectant toutes les structures tissulaires :

- épaississement de l'intima ;

- désorganisation de la media : les cellules musculaires lisses perdent leur orientation longitudinale, la substance fondamentale contient des protéoglycanes anormales. Les fibres d'élastines sont fragmentées ;

- le collagène perd ses qualités de soutien en augmentant sa fraction insoluble.

Ces altérations tissulaires se retrouvent à tous les niveaux de l'arbre vasculaire jusqu'à son niveau le plus intime, la microcirculation, qui présente une unité tissulaire de base, regroupant 4 tissus : le tissu capillaire, le tissu lymphatique, et les tissus interstitiels et de soutien.

Le tissu veineux en perdant ses capacités de soutien, est au stade de varices constituées, siège d'une dilatation permanente et irréversible :

A. Naissance d'une varice

Le tissu capillaire, à la naissance même de la veine, perd ses capacités d'échange et de résorption, avec apparition d'oedème : à son niveau, une stase sanguine entraîne une augmentation de la viscosité sanguine, avec agrégation des hématies et des plaquettes et une altération de la perméabilité membranaire, responsable d'une extravasation plasmatique.

Le tissu interstitiel qui représente l'environnement interne des vaisseaux perd ses qualités de trophicité et de cohésion, qui lui permettent de se comporter comme une véritable charpente vis-à-vis des structures pariétales.

Le tissu lymphatique, qui permet la résorption hydro-protéique, va, s'il est dénaturé, perdre sa fonction d'épuration et ajouter une composante lymphatique à l'oedème veineux.

B. Le développement de la maladie

Deux grands types de perturbations apparaissent :

- des perturbations métaboliques avec diminution des échanges : hypoxie, baisse de l'épuration du CO2, rétention de lactate ;

- une réaction inflammatoire, provoquant une agression directe des tissus environnants, en particulier des fibres de collagène.

Cette situation peut entraîner à long terme, une fibrose.

C. Le risque veineux

On appelle varice essentielle, une dilatation d'une veine superficielle. C'est l'inversion des courants dans les veines superficielles et perforantes.

1. Les facteurs de risques

L'histoire naturelle de l'insuffisance veineuse des membres inférieurs peut se résumer à une insuffisance de la paroi veineuse face à une pression variable. L'augmentation de la pression trans-pariétale, c'est-à-dire de l'ensemble des pressions qui s'exercent sur la paroi de la veine, est le point commun des signes cliniques de la maladie variqueuse :

- une simple augmentation du diamètre des troncs veineux avec augmentation de la pression et de la stase peut provoquer lourdeurs de jambes, impatiences, fourmillements, brûlures et crampes nocturnes.

Si l'augmentation de la pression veineuse est associée à l'augmentation de la perméabilité capillaire, elle peut induire un oedème qui sera dans un premier temps absorbé par le système lymphatique, puis, si celui-ci est débordé, cet oedème devient permanent.

Si l'augmentation de la pression veineuse se situe au niveau des veinules intradermiques, c'est l'apparition des varicosités.

Enfin elle peut également entraîner des lésions valvulaires sur les troncs veineux hypodermiques conduisant à la formation des varices, dont la définition est :

" veines superficielles, tortueuses, dilatées, et siège d'un reflux sanguin ".

L'insuffisance veineuse chronique représente la pathologie vasculaire la plus fréquente au niveau des membres inférieurs. 40 % de la population adulte est touchée.

Le mode de vie associant :

- sédentarité ;

- chaussures inadaptées ;

- chauffage par le sol ;

- utilisation excessive de la voiture, participent à la formation des varices ;

- mais surtout ce sont des facteurs liés à l'hérédité qui prédominent : 90 % de risques pour un enfant dont les deux parents sont atteints. Le sexe ratio est aussi un facteur essentiel, et se modifie avec l'âge :

6 femmes pour un homme entre 20 et 35 ans ;

1,5 femmes pour 1 homme entre 65 et 74 ans.

Enfin le déficit alimentaire en fibre végétale entraînant un déficit en vitamine E, la pratique de certains sports à risque tels l'haltérophilie ou même le jogging (surcharge superficielle) et l'existence d'une constipation chronique contribuent à la formation de l'insuffisance veineuse [1].

2. Récepteurs hormonaux et paroi veineuse [2]

Il existe des récepteurs spécifiques présents sur la paroi veineuse. Ces récepteurs à l'Estradiol et à la progestérone varient en fonction du taux d'hormones circulant. Les récepteurs sont plus abondants en phase folliculaire qu'en phase lutéale, et ce, pour les deux hormones.

Pendant la grossesse, le taux des récepteurs au niveau de la paroi veineuse est très faible, ce qui pourrait s'expliquer par un rétro-contrôle par la progestérone de tous les récepteurs.

L'action des oestrogènes sur le tissu veineux se manifeste chez la femme lors du cycle menstruel, de la grossesse, et également en cas de contraception.

Les oestrogènes naturels :

- augmentent la rétention hydro-sodée ;

- augmentent la perméabilité capillaire ;

- augmentent la vasodilatation.

La progestérone naturelle :

- diminue la rétention hydro-sodée (action natriurétique) ;

- diminue la perméabilité capillaire induite par les oestrogènes ;

- diminue le tonus pariétal ce qui va augmenter la stase veineuse.

C'est l'équilibre hormonal qui permet d'éviter les désordres veineux.

Les variations liées à la ménopause constituent probablement un facteur de risque supérieur à la prise d'un traitement hormonal substitutif qui tend au contraire à compenser le déséquilibre hormonal naturel.

D. La phlébite superficielle

C'est la complication des varices.

La thrombose veineuse superficielle est une complication fréquente de la maladie variqueuse. Elle peut être spontanée ou déclenchée par un traumatisme local, un alitement prolongé. La thrombose peut rester localisée et guérir spontanément en 2 à 3 semaines. Ce n'est pas un mode de guérison de la veine variqueuse car la thrombose en se recanalisant aggrave l'incontinence veineuse.

Il ne faut pas oublier qu'une thrombose veineuse superficielle survenant sur veine saine doit faire rechercher un cancer sous-jacent. Le bilan des facteurs de coagulation doit aussi être pratiqué, en particulier lorsqu'elle survient chez une femme jeune.

III. RISQUES VEINEUX DU TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF

A. Le risque veineux des estrogènes

Sur les facteurs de coagulations :

Il n'y a aucune commune mesure entre les oestrogènes de synthèse et les oestrogènes naturels sur les facteurs de coagulation.

L'effet des oestrogènes naturels est peu important et semblait fonction de la dose et de la voie d'administration. Mais des publications récentes et des études en cours ne semblent pas faire de différence pour le risque thromboembolique entre voie per cutanée et voie per os et ce quelle que soit la dose utilisée et qu'il y ait ou pas adjonction de progestatif.

Les modifications des facteurs de coagulation, quand ils existent, n'ont pas de corrélation clinique.

Per os :

La plupart des facteurs de coagulations ne sont pas modifiés. Les études sont contradictoires et sont essentiellement faites avec le Premarin. Néanmoins, les facteurs V, VII, le plasminogène et l'activité fibrinolytique ne sont pas modifiés ; le seul point discordant concerne l'antithrombine III qui pour certains est diminué, non modifié pour d'autres, mais quoi qu'il en soit ne semble pas provoquer de pathologie particulière [3].

Par voie trans-dermique :

Il ne semble pas y avoir d'effets des oestrogènes administrés soit par patch, soit par gel sur les facteurs de coagulation [3].

B. Le risque veineux des progestatifs

Ils ont été moins étudiés que les estrogènes.

Nabulsi [4] a montré que les femmes sous une association oestrogènes et acétate de médroxyprogestérone (MPA) avaient une diminution de leur facteur VII, et une élévation du taux de protéine C, par rapport aux femmes sous oestrogène seul. Cette étude confirme la non modification des principaux facteurs de coagulation lorsque un progestatif est ajouté. Pour les autres progestatifs tels l'acétate de chlormadinone (Luteran), Promegestone (Surgestone) et acétate de nomégestrol (Lutényl) il n'y a pas de modification des taux d'antithrombine III, des protéines C et S, ni du plasminogène [5].

Il ne semble donc pas y avoir de risques thromboemboliques particuliers chez les femmes sous THS, sauf si l'étude des General Practitioners en Grande-Bretagne se confirme : une augmentation du nombre d'accidents veineux serait plus importante chez les femmes traitées lors de la première année de traitement. Par la suite le risque n'est plus retrouvé [6].

IV. EXISTE-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS VEINEUSES AU THS ?

Lorsqu'il existe une pathologie veineuse, dans quelle mesure peut-on donner un THS, quel bilan doit-on pratiquer, quelles sont les contre-indications qui subsistent [7] ?

Dans l'insuffisance veineuse mineure : il s'agit d'une insuffisance veineuse fonctionnelle associant jambes lourdes, varicosités sans reflux au niveau des saphènes. C'est le stade le plus fréquent qui ne pose aucun problème. Il faut conseiller la prise en charge angéologique, avec phlébotropes et éventuelle contention élastique adaptée.

Dans l'insuffisance veineuse majeure : ce sont des femmes présentant des varices essentielles sans passé de thrombose, avec reflux ostial de la saphène interne ou externe. Le THS n'est pas contre-indiqué ; mais il est préférable de traiter les varices avant la mise en route du traitement hormonal. Si les varices ont déjà été opérées, c'est ici aussi la prise en charge par un angiologue qui prime. En effet l'insuffisance veineuse est une maladie chronique évolutive dans le temps.

En cas de varices et de thrombose variqueuse : la thrombose variqueuse est une pathologie fréquente, grave par son association toujours possible avec une thrombose veineuse profonde (TVP), voire une embolie pulmonaire.

Il existe environ 25 % de TVP associée à une thrombose veineuse superficielle (TVS) et 25 % d'entre elles se compliquent d'embolie pulmonaire.

En cas de thrombose veineuse superficielle une étude par Doppler doit être systématique.

S'il n'y a pas de thrombose veineuse profonde associée, pour Laroche, le THS peut être prescrit après prise en charge et guérison la TVS n'étant pas pour lui une contre-indication [7].

En cas d'antécédents de thrombose veineuse profonde documentée : une femme ayant eu, par le passé, une TVP, peut-elle utiliser un THS ?

Il faut faire préciser à la patiente les circonstances de survenue et faire pratiquer un bilan angiologique complet. Un bilan d'hémostase doit être fait s'il n'y en a pas eu auparavant, associant :

- hémogramme ;

- recherche des anomalies des facteurs de coagulation : déficit en antithrombine III, en protéine C ou S et résistance à la protéine C activée ;

- recherche d'anticorps anti-phospholipides.

Le même bilan doit être pratiqué lorsqu'il y a eu dans la famille des thromboses veineuses survenues à un jeune âge.

S'il existe une anomalie de l'hémostase le THS est contre-indiqué.

S'il existe uniquement des séquelles de TVP avec obstruction ou avalvulation, il existe une contre-indication relative, car les séquelles de phlébite sont des conditions idéales de récidives.

Si les séquelles sont très modéreés et qu'il n'y a aucune anomalie de l'hémostase, le THS est possible dans la mesure où l'indication du traitement apporte chez la patiente un bénéfice évident, sinon l'abstention est de rigueur.

Thrombose veineuse profonde non documentée : c'est une situation très fréquente. Ce sont des patientes à qui on a dit une fois dans leur vie, qu'elles avaient une thrombose veineuse. Ce diagnostic est souvent posé abusivement et surtout sans preuves et va suivre cette patiente durant toute sa vie, de la contraception à la ménopause.

Il faut, dans ce cas, faire un bilan d'hémostase et un bilan ultrasonique, et s'il est normal on pourra douter de la réalité de l'épisode thrombotique et prescrire avec l'accord de l'angéologue un THS.

Mais surtout pour éviter ce type de problème on ne doit plus jamais porter de diagnostic sans pouvoir l'affirmer avec certitudes, avec preuves par Doppler systématique.

CONCLUSIONS

Il existe peu de contre-indications veineuses au traitement hormonal de la ménopause.

L'existence d'une anomalie de l'hémostase, et/ou d'une maladie post thrombotique sont actuellement les seules réelles contre-indications du traitement.

En cas de varices des membres inférieurs le THS n'est pas contre-indiqué, mais la prise en charge thérapeutique par un angéologue est indispensable.

Dans les cas difficiles c'est par une confrontation multidisciplinaire que la décision sera prise.

BIBLIOGRAPHIE

[1] OFFICE OF HEALTH ECONOMICS : Chronic venous disease of the leg. December 1992.

[2] LAZARETH I., PRIOLLET. P. : Thrombose veineuse superficielle in Priollet P, Samama M. : Thrombose veineuse des membres. Doin Edit., Paris, 1994, pp 111-118.

[3] VEINES ET HORMONES : Les questions pratiques. Actualités vasculaires internationales. Numéro hors série, septembre 1995.

[4] NABULSI A.A., FOLSOM A.R., WHITE A. : Association of hormone replacement therapy with various cardiovascular risk factors in post menopausal women. N Engl J Med, 1993, 328:1069-75.

[5] CONNARD J. : Femmes à risque de thrombose veineuse et traitement substitutif de la ménopause. Gynécologie, 1991, 42:463-7.

[6] 11e Conférence Internationale de Pharmacoépidémiologie : HRT linked to deep vein thrombosis risk. Montréal Canada, août 1995.

[7] LAROCHE J.P. : Existe-t-il des contre-indications d'ordre veineux au traitement hormonal substitutif ? Actualités vasculaires internationales, sept 95, numéro hors série.

[8] PRIOLLET P. : Thrombose veineuse superficielle de la femme. Innovation Médicale, mars 1996.