PATHOLOGIE VEINEUSE ET TRAITEMENT HORMONAL
SUBSTITUTIF DE LA MENOPAUSE
M. BUHLER* Hôpital Sèvres.
I. ANATOMIE PHYSIOLOGIE
A. Le système veineux normal
C'est le système de retour.
90 % du sang des membres inférieurs vont dans le système
veineux profond, 10 % rejoint le système veineux superficiel.
1. Le système veineux profond
Il est parallèle au système artériel. Il se compose de 2
veines pour une artère de même nom. Seule la veine poplité est
le plus souvent unique. Toutes ces veines sont munies de valvules
afin de pouvoir assurer pleinement leur fonction. On compte une
valvule tous les 8 cm environ disposées à la face interne de la
paroi. Elles jouent un rôle de système antireflux.
L'altération de ces valvules peut entraîner ou aggraver la
maladie veineuse.
Le système veineux profond des membres inférieurs
bénéficie de l'effet de massage effectué par les muscles en
mouvement lors de la marche ; ce qui n'est pas le cas dans la
position debout. Ces veines cachées sous l'aponévrose
superficielle communiquent avec le réseau superficiel par des
veines perforantes qui traversent les aponévroses en sens
horizontal.
2. Le système veineux superficiel
Il comprend la petite et grande saphène. Il est responsable
de la maladie variqueuse.
La saphène interne ou grande saphène passe en avant de la
malléole interne, remonte sur la face antérieure de la cuisse
et va se jeter dans la veine fémorale. Elle est valvulée, le
nombre de valvules diminue avec l'âge.
La saphène externe ou petite saphène va de la malléole
externe à la face postérieure de la jambe. Elle se jette
ensuite dans la veine poplité.
B. La veine normale
La paroi veineuse est formée de 3 tuniques qui sont, de la
lumière vers la périphérie, l'intima, la media et l'adventice.
L'intima est composée de cellules endothéliales aplaties,
dont les replis constituent les valvules. Ces valvules s'opposent
au reflux sanguin, facilitant ainsi le retour veineux.
La media comprend des cellules musculaires lisses, disposées
concentriquement, et des fibres d'élastine au sein d'une
substance fondamentale riche en glycoprotéines et fibres de
collagène.
L'adventice est composée de même d'épaisses fibres de
collagène disposées longitudinalement. Cette armature
physiologique lui permet de résister à la pression
hydrostatique et de s'adapter aux variations circulatoires.
II. LA VEINE PATHOLOGIQUE
Dans la maladie veineuse, les trois tuniques sont le siège
d'altérations affectant toutes les structures tissulaires :
- épaississement de l'intima ;
- désorganisation de la media : les cellules musculaires
lisses perdent leur orientation longitudinale, la substance
fondamentale contient des protéoglycanes anormales. Les fibres
d'élastines sont fragmentées ;
- le collagène perd ses qualités de soutien en augmentant sa
fraction insoluble.
Ces altérations tissulaires se retrouvent à tous les niveaux
de l'arbre vasculaire jusqu'à son niveau le plus intime, la
microcirculation, qui présente une unité tissulaire de base,
regroupant 4 tissus : le tissu capillaire, le tissu
lymphatique, et les tissus interstitiels et de soutien.
Le tissu veineux en perdant ses capacités de soutien, est au
stade de varices constituées, siège d'une dilatation permanente
et irréversible :
A. Naissance d'une varice
Le tissu capillaire, à la naissance même de la veine, perd
ses capacités d'échange et de résorption, avec apparition
d'oedème : à son niveau, une stase sanguine entraîne une
augmentation de la viscosité sanguine, avec agrégation des
hématies et des plaquettes et une altération de la
perméabilité membranaire, responsable d'une extravasation
plasmatique.
Le tissu interstitiel qui représente l'environnement interne
des vaisseaux perd ses qualités de trophicité et de cohésion,
qui lui permettent de se comporter comme une véritable charpente
vis-à-vis des structures pariétales.
Le tissu lymphatique, qui permet la résorption
hydro-protéique, va, s'il est dénaturé, perdre sa fonction
d'épuration et ajouter une composante lymphatique à l'oedème
veineux.
B. Le développement de la maladie
Deux grands types de perturbations apparaissent :
- des perturbations métaboliques avec diminution des
échanges : hypoxie, baisse de l'épuration du CO2, rétention de
lactate ;
- une réaction inflammatoire, provoquant une agression
directe des tissus environnants, en particulier des fibres de
collagène.
Cette situation peut entraîner à long terme, une fibrose.
C. Le risque veineux
On appelle varice essentielle, une dilatation d'une veine
superficielle. C'est l'inversion des courants dans les veines
superficielles et perforantes.
1. Les facteurs de risques
L'histoire naturelle de l'insuffisance veineuse des membres
inférieurs peut se résumer à une insuffisance de la paroi
veineuse face à une pression variable. L'augmentation de la
pression trans-pariétale, c'est-à-dire de l'ensemble des
pressions qui s'exercent sur la paroi de la veine, est le point
commun des signes cliniques de la maladie variqueuse :
- une simple augmentation du diamètre des troncs veineux avec
augmentation de la pression et de la stase peut provoquer
lourdeurs de jambes, impatiences, fourmillements, brûlures et
crampes nocturnes.
Si l'augmentation de la pression veineuse est associée à
l'augmentation de la perméabilité capillaire, elle peut induire
un oedème qui sera dans un premier temps absorbé par le
système lymphatique, puis, si celui-ci est débordé, cet
oedème devient permanent.
Si l'augmentation de la pression veineuse se situe au niveau
des veinules intradermiques, c'est l'apparition des varicosités.
Enfin elle peut également entraîner des lésions valvulaires
sur les troncs veineux hypodermiques conduisant à la formation
des varices, dont la définition est :
" veines superficielles, tortueuses, dilatées, et siège
d'un reflux sanguin ".
L'insuffisance veineuse chronique représente la pathologie
vasculaire la plus fréquente au niveau des membres inférieurs.
40 % de la population adulte est touchée.
Le mode de vie associant :
- sédentarité ;
- chaussures inadaptées ;
- chauffage par le sol ;
- utilisation excessive de la voiture, participent à la
formation des varices ;
- mais surtout ce sont des facteurs liés à l'hérédité qui
prédominent : 90 % de risques pour un enfant dont les deux
parents sont atteints. Le sexe ratio est aussi un facteur
essentiel, et se modifie avec l'âge :
6 femmes pour un homme entre 20 et 35 ans ;
1,5 femmes pour 1 homme entre 65 et 74 ans.
Enfin le déficit alimentaire en fibre végétale entraînant
un déficit en vitamine E, la pratique de certains sports à
risque tels l'haltérophilie ou même le jogging (surcharge
superficielle) et l'existence d'une constipation chronique
contribuent à la formation de l'insuffisance veineuse [1].
2. Récepteurs hormonaux et paroi veineuse [2]
Il existe des récepteurs spécifiques présents sur la paroi
veineuse. Ces récepteurs à l'Estradiol et à la progestérone
varient en fonction du taux d'hormones circulant. Les récepteurs
sont plus abondants en phase folliculaire qu'en phase lutéale,
et ce, pour les deux hormones.
Pendant la grossesse, le taux des récepteurs au niveau de la
paroi veineuse est très faible, ce qui pourrait s'expliquer par
un rétro-contrôle par la progestérone de tous les récepteurs.
L'action des oestrogènes sur le tissu veineux se manifeste
chez la femme lors du cycle menstruel, de la grossesse, et
également en cas de contraception.
Les oestrogènes naturels :
- augmentent la rétention hydro-sodée ;
- augmentent la perméabilité capillaire ;
- augmentent la vasodilatation.
La progestérone naturelle :
- diminue la rétention hydro-sodée (action natriurétique) ;
- diminue la perméabilité capillaire induite par les
oestrogènes ;
- diminue le tonus pariétal ce qui va augmenter la stase
veineuse.
C'est l'équilibre hormonal qui permet d'éviter les
désordres veineux.
Les variations liées à la ménopause constituent
probablement un facteur de risque supérieur à la prise d'un
traitement hormonal substitutif qui tend au contraire à
compenser le déséquilibre hormonal naturel.
D. La phlébite superficielle
C'est la complication des varices.
La thrombose veineuse superficielle est une complication
fréquente de la maladie variqueuse. Elle peut être spontanée
ou déclenchée par un traumatisme local, un alitement prolongé.
La thrombose peut rester localisée et guérir spontanément en 2
à 3 semaines. Ce n'est pas un mode de guérison de la veine
variqueuse car la thrombose en se recanalisant aggrave
l'incontinence veineuse.
Il ne faut pas oublier qu'une thrombose veineuse superficielle
survenant sur veine saine doit faire rechercher un cancer
sous-jacent. Le bilan des facteurs de coagulation doit aussi
être pratiqué, en particulier lorsqu'elle survient chez une
femme jeune.
III. RISQUES VEINEUX DU TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF
A. Le risque veineux des estrogènes
Sur les facteurs de coagulations :
Il n'y a aucune commune mesure entre les oestrogènes de
synthèse et les oestrogènes naturels sur les facteurs de
coagulation.
L'effet des oestrogènes naturels est peu important et
semblait fonction de la dose et de la voie d'administration. Mais
des publications récentes et des études en cours ne semblent
pas faire de différence pour le risque thromboembolique entre
voie per cutanée et voie per os et ce quelle que soit la dose
utilisée et qu'il y ait ou pas adjonction de progestatif.
Les modifications des facteurs de coagulation, quand ils
existent, n'ont pas de corrélation clinique.
Per os :
La plupart des facteurs de coagulations ne sont pas modifiés.
Les études sont contradictoires et sont essentiellement faites
avec le Premarin. Néanmoins, les facteurs V, VII, le
plasminogène et l'activité fibrinolytique ne sont pas modifiés
; le seul point discordant concerne l'antithrombine III qui pour
certains est diminué, non modifié pour d'autres, mais quoi
qu'il en soit ne semble pas provoquer de pathologie particulière
[3].
Par voie trans-dermique :
Il ne semble pas y avoir d'effets des oestrogènes
administrés soit par patch, soit par gel sur les facteurs de
coagulation [3].
B. Le risque veineux des progestatifs
Ils ont été moins étudiés que les estrogènes.
Nabulsi [4] a montré que les femmes sous une association
oestrogènes et acétate de médroxyprogestérone (MPA) avaient
une diminution de leur facteur VII, et une élévation du taux de
protéine C, par rapport aux femmes sous oestrogène seul. Cette
étude confirme la non modification des principaux facteurs de
coagulation lorsque un progestatif est ajouté. Pour les autres
progestatifs tels l'acétate de chlormadinone (Luteran),
Promegestone (Surgestone) et acétate de nomégestrol (Lutényl)
il n'y a pas de modification des taux d'antithrombine III, des
protéines C et S, ni du plasminogène [5].
Il ne semble donc pas y avoir de risques thromboemboliques
particuliers chez les femmes sous THS, sauf si l'étude des
General Practitioners en Grande-Bretagne se confirme : une
augmentation du nombre d'accidents veineux serait plus importante
chez les femmes traitées lors de la première année de
traitement. Par la suite le risque n'est plus retrouvé [6].
IV. EXISTE-T-IL DES CONTRE-INDICATIONS VEINEUSES AU THS ?
Lorsqu'il existe une pathologie veineuse, dans quelle mesure
peut-on donner un THS, quel bilan doit-on pratiquer, quelles sont
les contre-indications qui subsistent [7] ?
Dans l'insuffisance veineuse mineure : il s'agit d'une
insuffisance veineuse fonctionnelle associant jambes lourdes,
varicosités sans reflux au niveau des saphènes. C'est le stade
le plus fréquent qui ne pose aucun problème. Il faut conseiller
la prise en charge angéologique, avec phlébotropes et
éventuelle contention élastique adaptée.
Dans l'insuffisance veineuse majeure : ce sont des
femmes présentant des varices essentielles sans passé de
thrombose, avec reflux ostial de la saphène interne ou externe.
Le THS n'est pas contre-indiqué ; mais il est préférable de
traiter les varices avant la mise en route du traitement
hormonal. Si les varices ont déjà été opérées, c'est ici
aussi la prise en charge par un angiologue qui prime. En effet
l'insuffisance veineuse est une maladie chronique évolutive dans
le temps.
En cas de varices et de thrombose variqueuse : la
thrombose variqueuse est une pathologie fréquente, grave par son
association toujours possible avec une thrombose veineuse
profonde (TVP), voire une embolie pulmonaire.
Il existe environ 25 % de TVP associée à une thrombose
veineuse superficielle (TVS) et 25 % d'entre elles se compliquent
d'embolie pulmonaire.
En cas de thrombose veineuse superficielle une étude par
Doppler doit être systématique.
S'il n'y a pas de thrombose veineuse profonde associée, pour
Laroche, le THS peut être prescrit après prise en charge et
guérison la TVS n'étant pas pour lui une contre-indication [7].
En cas d'antécédents de thrombose veineuse profonde
documentée : une femme ayant eu, par le passé, une TVP,
peut-elle utiliser un THS ?
Il faut faire préciser à la patiente les circonstances de
survenue et faire pratiquer un bilan angiologique complet. Un
bilan d'hémostase doit être fait s'il n'y en a pas eu
auparavant, associant :
- hémogramme ;
- recherche des anomalies des facteurs de coagulation :
déficit en antithrombine III, en protéine C ou S et résistance
à la protéine C activée ;
- recherche d'anticorps anti-phospholipides.
Le même bilan doit être pratiqué lorsqu'il y a eu dans la
famille des thromboses veineuses survenues à un jeune âge.
S'il existe une anomalie de l'hémostase le THS est
contre-indiqué.
S'il existe uniquement des séquelles de TVP avec obstruction
ou avalvulation, il existe une contre-indication relative, car
les séquelles de phlébite sont des conditions idéales de
récidives.
Si les séquelles sont très modéreés et qu'il n'y a aucune
anomalie de l'hémostase, le THS est possible dans la mesure où
l'indication du traitement apporte chez la patiente un bénéfice
évident, sinon l'abstention est de rigueur.
Thrombose veineuse profonde non documentée : c'est une
situation très fréquente. Ce sont des patientes à qui on a dit
une fois dans leur vie, qu'elles avaient une thrombose veineuse.
Ce diagnostic est souvent posé abusivement et surtout sans
preuves et va suivre cette patiente durant toute sa vie, de la
contraception à la ménopause.
Il faut, dans ce cas, faire un bilan d'hémostase et un bilan
ultrasonique, et s'il est normal on pourra douter de la réalité
de l'épisode thrombotique et prescrire avec l'accord de
l'angéologue un THS.
Mais surtout pour éviter ce type de problème on ne doit plus
jamais porter de diagnostic sans pouvoir l'affirmer avec
certitudes, avec preuves par Doppler systématique.
CONCLUSIONS
Il existe peu de contre-indications veineuses au traitement
hormonal de la ménopause.
L'existence d'une anomalie de l'hémostase, et/ou d'une
maladie post thrombotique sont actuellement les seules réelles
contre-indications du traitement.
En cas de varices des membres inférieurs le THS n'est pas
contre-indiqué, mais la prise en charge thérapeutique par un
angéologue est indispensable.
Dans les cas difficiles c'est par une confrontation
multidisciplinaire que la décision sera prise.
BIBLIOGRAPHIE
[1] OFFICE OF HEALTH ECONOMICS : Chronic venous disease of the
leg. December 1992.
[2] LAZARETH I., PRIOLLET. P. : Thrombose veineuse
superficielle in Priollet P, Samama M. : Thrombose veineuse des
membres. Doin Edit., Paris, 1994, pp 111-118.
[3] VEINES ET HORMONES : Les questions pratiques. Actualités
vasculaires internationales. Numéro hors série, septembre 1995.
[4] NABULSI A.A., FOLSOM A.R., WHITE A. : Association of
hormone replacement therapy with various cardiovascular risk
factors in post menopausal women. N Engl J Med, 1993,
328:1069-75.
[5] CONNARD J. : Femmes à risque de thrombose veineuse et
traitement substitutif de la ménopause. Gynécologie,
1991, 42:463-7.
[6] 11e Conférence Internationale de Pharmacoépidémiologie
: HRT linked to deep vein thrombosis risk. Montréal Canada,
août 1995.
[7] LAROCHE J.P. : Existe-t-il des contre-indications d'ordre
veineux au traitement hormonal substitutif ? Actualités
vasculaires internationales, sept 95, numéro hors série.
[8] PRIOLLET P. : Thrombose veineuse superficielle de la
femme. Innovation Médicale, mars 1996.
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