EVITER EN 97 LA SURVENUE D'UN CANCER INVASIF DU COL DE L'UTERUS PAR
L'AMELIORATION DU DEPISTAGE CYTOLOGIQUE
C. BERGERON*
I. LES ARGUMENTS POUR UN DEPISTAGE ORGANISE
Le cancer du col de l'utérus dans les pays développés est le 5e cancer de la femme
après le cancer du sein, du colon, de l'estomac, et du poumon. Par contre, dans les pays
en voie de développement, il est le premier cancer de la femme. Si on évalue l'incidence
des cancers du col pour 100 000, l'Amérique du Nord, l'Europe de l'Ouest, ou le Japon ont
une incidence inférieure ou égale à 15 pour 100 000. L'Afrique du Nord, l'Europe de
l'Est ou certains pays d'Amérique du Sud ont une incidence entre 15 et 25 pour 100 000.
Enfin, l'Amérique Centrale, l'Asie du Sud-Est ou l'Afrique Centrale ont une incidence
supérieure à 25 pour 100 000. L'incidence du cancer du col est donc liée à certains
modes de vie et aussi à des pratiques médicales [4, 5]. Dans les pays où le dépistage
a été organisé depuis une vingtaine d'années, comme aux Etats-Unis ou au Canada,
l'incidence a diminué de plus d'un tiers chez les blanches et de plus de la moitié chez
les noires et la mortalité a diminué de presque la moitié dans les deux races.
En France, où on pratique actuellement 6 millions de frottis par an, ce qui
représente le dépistage de 60 % de la population féminine, il y a 5 000 nouveaux cas de
cancers invasifs du col en France par an et 2 000 femmes en meurent. Le dépistage
organisé permettrait d'augmenter la couverture de la population dépistée et d'évaluer
l'impact du dépistage sur l'incidence et la mortalité du cancer du col. L'information
des femmes est un point capital. Il existe en France 40 % de femmes qui ont des frottis à
des intervalles très espacés ou n'ont jamais eu de frottis. Elles ne se sentent pas
concernées et n'ont pas les informations nécessaires pour comprendre l'intérêt de la
prévention [10].
Des options pour le dépistage du cancer du col dans un contexte organisé en France
ont été faites au cours de la conférence de consensus de Lille [3] et par le groupe de
travail de l'ANDEM [9] et reprennent les recommandations faites par la plupart des
programmes de dépistage du cancer du col à travers le monde [4]. Ces recommandations ont
conduit à mettre en place une référence médicale opposable dont le texte est le
suivant : Le dépistage systématique du cancer du col doit être proposé à
l'ensemble des femmes jusqu'à l'âge de 65 ans au moins. Les frottis doivent être de
bonne qualité, tant au niveau du prélèvement que de la fixation et de la lecture des
lames. Tout frottis difficile à interpréter doit être répété. Cette référence ne
s'adresse pas aux femmes ayant une symptomatologie gynécologique ni à celles dont le
frottis est anormal. Elle ne remet pas en cause le bien-fondé d'un examen clinique
gynécologique annuel. Il n'y a pas lieu, dans le cadre du dépistage du cancer du col,
une fois les deux premiers frottis réalisés à un an d'intervalle, de répéter un
frottis réalisé dans des conditions techniques suffisantes plus d'une fois tous les
trois ans.
L'intervalle de trois ans entre deux frottis normaux a été déterminé d'après le
risque relatif de développer un cancer invasif en fonction de l'intervalle du rythme du
frottis. Ce risque relatif augmente de manière significative à partir de trois ans. Cet
intervalle de trois ans permet également de dépister des cancers invasifs à un stade
précoce, où il est encore possible de guérir la patiente.
Le dépistage organisé ne s'applique que pour une population asymptomatique. Pour les
patientes présentant une symptomatologie gynécologique ou des antécédents de frottis
anormaux, de traitements du col ou des anomalies colposcopiques, la prise en charge doit
être individuelle.
II. LES FACTEURS DE REUSSITE D'UN PROGRAMME DE DEPISTAGE
Les programmes de dépistage ont donné des résultats variables et le succès d'un
programme de dépistage dépend de plusieurs facteurs :
A. La qualité du prélèvement
Il est important de signaler au clinicien les frottis ininterprétables, comme il a
été bien spécifié dans les recommandations de Bethesda. Si le frottis est difficile à
interpréter à cause d'un mauvais prélèvement dû à une inflammation, à une nécrose
trop importante ou à une mauvaise fixation, le cytologiste a le devoir plus que
jamais de le dire clairement dans le compte-rendu et d'apporter des conseils
personnalisés. Il doit également signaler les frottis qui ne contiennent pas de cellule
endocervicale. Dans ce cas, la présence de cellules métaplasiques ou de mucus sont le
témoin d'un prélèvement fait autour de la jonction.
B. La qualité de l'interprétation et le contrôle de qualité
Les lésions épidermoides intraépithéliales de haut grade donnent des anomalies
très spécifiques et ce diagnostic est responsable de peu de faux positifs. Par contre,
il existe des faux diagnostics positifs sur des lésions épidermoides intraépithéliales
de bas grade et les atypies mal définies. Le taux de faux positifs est évalué sur la
corrélation cyto-histologique. La valeur prédictive positive d'un frottis de lésion de
haut grade est de 90 %, par contre elle n'est plus que de 75 % dans les lésions de bas
grade. Ces faux positifs entraînent des examens et des traitements inutiles et sont un
facteur d'anxiété pour la patiente.
Les faux négatifs existent aussi dans de proportions variables allant dans certaines
publications anglo-saxonnes jusqu'à 30 % ! La moyenne correspondant probablement à 10 %
[6, 7]. Ces faux négatifs ont pour origine des prélèvements inadéquats et des erreurs
dans l'interprétation des frottis. Les faux-négatifs restent le problème majeur du
frottis cervical et justifient le contrôle de qualité interne. Ils peuvent être mis en
évidence par la relecture des frottis antérieurs considérés comme normaux au moment
où une patiente présente un frottis anormal ou une biopsie anormale. Ils peuvent être
également mis en évidence à l'occasion d'une relecture systématique pratiquée sur un
pourcentage de frottis considérés comme négatifs au cours de la première lecture. Il a
été souvent proposé de relire 10 % des frottis normaux pris au hasard [7]. Cette
méthode est de moins en moins utilisée car elle est peu rentable, en raison de la faible
prévalence des frottis anormaux (2 à 5 %). Il est donc souvent préférable
d'organiser la relecture de frottis sur une population dite risque c'est-à-dire ayant des
antécédents de frottis anormaux, de traitement du col, d'anomalies détectées par le
clinicien à l'oeil nu ou à l'occasion d'un examen colposcopique. Au cas où il existe
plusieurs examinateurs (cytologistes ou cytotechniciens), il est nécessaire de contrôler
leur performance par rapport à la moyenne du laboratoire, par exemple sur leur taux de
détection de lésion de haut grade et de bas grade [1]. Un faible taux de détection par
rapport à la moyenne du laboratoire permet de remettre à jour les critères utilisés.
Il est également souvent nécessaire de faire des réunions où l'on discute des cas
anormaux ou des cas difficiles à interpréter.
Le contrôle de qualité externe est également important et permet de tester
l'homogénéité du type de réponse entre les différents laboratoires. Il est ainsi
possible de comparer le taux de lésions du laboratoire à la moyenne des autres
laboratoires. Ce contrôle de qualité est particulièrement utile pour le pathologiste
isolé qui n'a pas la possibilité de discuter des cas difficiles à interpréter. Ce
contrôle de qualité externe commence à être pratiqué en Ile-de-France. Des cercles de
qualité " se sont mis en place, dans lesquels les laboratoires ont proposé
spontanément de donner à relire un pourcentage de leurs lames et de relire eux-mêmes
les lames d'un autre laboratoire de manière anonyme. Une première expérience a donné
un taux de corrélation variant entre 0,80 et 0,90 mais il faut attendre que ce test soit
pratiqué sur un nombre de lames représentatif avant de donner des conclusions.
III. L'AUTOMATISATION
L'étalement sur monocouches obtenu à partir d'un prélèvement mis en suspension
pourrait être une méthode d'avenir pour améliorer la qualité du prélèvement et donc
faciliter la lecture ou diminuer les faux négatifs dépendant du prélèvement [2].
La lecture sur un écran qui reproduit des images préenregistrées par une caméra
dont le programme a été fait pour reconnaître les anomalies cellulaires est une
méthode proposée pour améliorer la relecture dans le cadre du contrôle de qualité et
n'est pas acceptée en première lecture [8].
Des appareils permettant de contrôler la lecture manuelle en enregistrant
électroniquement les champs lus et les cellules pointées par la cytotechnicienne sont
également un moyen proposé pour contrôler le travail fait par la cytotechnicienne et
améliorer sa performance.
Toutes ces méthodes sont en cours d'évaluation pour connaître leur efficacité et le
rapport cout-bénéfice qui permettra de choisir les meilleurs moyens d'avoir le taux de
faux négatifs le plus bas possible. Il faut en effet admettre que ce taux ne sera jamais
nul et que ces méthodes doivent être testées dans des conditions de recherche strictes
avant de vouloir les mettre sur le marché.
BIBLIOGRAPHIE
[1] BERGERON C., FAGNANI F. : Individual cytotechnologist performance and quality
control. Acta Cytol., 1995:39, 274.
[2] BUR M., KNOWLES K., PELOW P., CORRAL O., DONOVAN J. : Comparison of ThinPrep
Preparations with conventional cervicovaginal smears. Acta Cytol., 1995: 39, 631-642.
[3] Conférence de consensus sur le dépistage du cancer du col. Fédération des
Gynécologues et Obstétriciens de langue française. J. Gynécol. Obstét. Biol. Reprod.,
1990: (5bis), 7-16.
[4] International Association for Cancer Research Working Group on Valuation of
Cervical Screening Programmes. Screening for squamous cervical cytology and its
implications for screening policies. BMJ, 1986: 293, 659-680.
[5] LAARA E., DAY N.E., HAKAMA M. : Trends in mortality from cervical cancer in the
nordic countries: association with organised screening programmes. Lancet, 1987: i,
1247-1249.
[6] KOSS L.G. . Cervical Pap smear. New directions. Cancer, 1993: 71, 1406-1412.
[7] MELAMED M.R., FLEHINGER B.J. : Reevaluation of quality assurance in the cytology
laboratory. Acta Cytol., 1992, 461-465.
[8] MANGO L.J., HOLUND B., HOLM K., SSHREIBER K., ALONZO A., DECKER D. : Rescreening of
89 negative cervical smears preceeding invasive carcinoma by the Papnet cytologic
screening system. Acta Cytol., 1993:37, 780-784.
[9] Pratique des frottis cervicaux pour le dépistage du cancer du col. In : Agence
Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale. Recommandations et
Références Médicales. Tome 2. 1995 : pp 9-24.
[10] SCHAFFER R., BILGER P., ALLEMAND H. L'efficacité et le coût du dépistage du
cancer du col de l'utérus. Rev. Méd. Assur. Mal., 1994 : 2, 108-120.
C. BERGERON* Laboratoire Cerba, 95066 Cergy-Pontoise Cedex 9.
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