conduite à tenir face à un
frottis anormal découvert au début et au cours de
la grossesse
B. BLANC, C. CRAVELLO et C. D'ERCOLE*
Malgré les difficultés liées à
l'état gravidique, les consultations obligatoires de la
grossesse constituent une occasion favorable pour le dépistage
cytologique. L'association d'une infection à papilloma virus
et d'une grossesse n'est pas rare, de 1 à 3 % selon les auteurs
(Mergui JL., de Brux, Sadoul, Beuret). Les localisations peuvent
être exophytiques ou planes. Ces dernières ne justifient
aucun geste thérapeutique pendant la grossesse. L'association
dysplasie de bas grade et grossesse est fréquente. Elle
ne justifie pas en principe de gestes thérapeutiques, après
s'être assuré de l'absence de lésion plus
importante par la cytologie, la colposcopie et l'histologie.
L'association dysplasique de haut grade : (cancer in situ (CIS)
) et de cancer invasif et grossesse est assez rare.
Elle soulève un certain nombre de difficultés :-
d'ordre diagnostique : la grossesse induit un certain nombre de
modifications morphologiques et cytologiques ; mais l'évaluation
peut être réalisée correctement grâce
à la cytologie, à la colposcopie et aux données
de l'examen histologique ;
- d'ordre thérapeutique : l'âge gestationnel, le
statut obstétrical et les éléments du diagnostic
doivent participer aux indications. Les modifications gravidiques
du col : congestion, oedème, hypervascularisation, parfois
infection ont pour conséquence un grand polymorphisme cellulaire,
qui peut gêner l'examen cytologique, surtout du fait de
l'infection fréquemment associée.
En pratique quatre circonstances sont rencontrées :
1 - Les condylomes plans
Le diagnostic est soupçonné par la cytologie (aspect
de koïlocytes - cellules dyskératosiques). Il est
affirmé par l'aspect colposcopique et les résultats
de la biopsie.
2 - Les dysplasies de bas grade
Le diagnostic est soupçonné par le frottis de dépistage.
L'aspect colposcopique est celui d'une transformation atypique
de grade II : réaction acidophile, aspect de mosaïque,
ponctuation, congestion du stroma. La biopsie confirme le diagnostic
de dysplasie de bas grade. Elle doit Ítre réalisée
dans tous les cas où existe une discordance entre l'aspect
colposcopique et les résultats du frottis de dépistage.
En pratique, deux situations se présentent :
- découverte d'une dysplasie de bas grade chez une patiente
enceinte. Il est nécessaire de réaliser une évaluation
cytologique, colposcopique et histologique pour ne pas méconnaître
une lésion plus importante ;
- survenue d'une grossesse chez une femme présentant une
dysplasie de bas grade. La grossesse ne doit pas être considérée
comme facteur d'aggravation et les lésions condylomateuses
associées à une dysplasie présentent le même
potentiel évolutif qu'en dehors de la grossesse. JL.MERGUI
rapporte un taux plus élevé des régressions
des CNI 1 en cours de grossesse ou dans les mois qui suivent l'accouchement
: 83 % contre 36 % en cas de dysplasie de bas grade, en dehors
de toute grossesse.
3 - Les dysplasies de haut grade
Le diagnostic est soupçonné par le frottis de dépistage.
L'aspect colposcopique est évocateur car la grossesse modifie
en les caricaturant les aspects de transformation atypique de
grade II. La biopsie doit être pratiquée avec prudence
car le risque hémorragique est important. L'évaluation
par le trépied : cytologie, colposcopie, biopsie est fiable.
La conisation à visée diagnostique doit être
exceptionnelle.
4 Le cancer invasif
Il est exceptionnel : 0,450/00. La clinique est dominée
par les métrorragies. L'examen au spéculum et la
colposcopie sont évocateurs. Le frottis de dépistage
met en évidence des cellules atypiques. Le diagnostic doit
toujours être confirmé par une biopsie pratiquée
au centre de la lésion ou au niveau de la ligne de jonction
si celle-ci est visible.
CONDUITE À TENIR
Les principes
L'évaluation per-gravidique au moyen du trépied
cytologie-colposcopie-biopsie permet une précision diagnostique
de l'ordre de 97 %. La conisation, dangereuse par ses complications
pendant la grossesse, doit être rarement pratiquée
d'autant que sa valeur thérapeutique est insuffisante.
Le risque de sous-évaluation concerne essentiellement les
cancers micro-invasifs ; le danger venant plus du retard à
un traitement approprié que du retentissement d'un accouchement
par voie basse.
Le traitement doit tenir compte :
- de l'âge gestationnel au diagnostic ;
- de l'âge de la patiente et de ses antécédents
obstétricaux ;
- du désir de la patiente qui devra être correctement
informée d'autant que les cas particuliers sont nombreux
et que la systématisation est difficile ;
ñ les indications de césarienne de principe sont
en nette régression, mais lorsque cette intervention est
réalisée, elle devra comporter une exploration abdomino-pelvienne
soigneuse.
LES LéSIONS CONDYLOMATEUSES SANS DYSPLASIE
Elles doivent être surveillées par frottis et éventuellement
biopsiées pour ne pas méconnaître une dysplasie
associée.
L'abstention thérapeutique doit être la règle
du fait de l'absence d'évolutivité de cette lésion
pendant la grossesse et du pourcentage élevé de
régression spontanée au cours des douze mois qui
suivent l'accouchement ( 80 à 100 %). Le risque de contamination
laryngée en cas de condylome plan lors du passage dans
les voies génitales n'a jamais été évalué.
Il semble négligeable et ne justifie pas de traitement
chez la mère.
LES DYSPLASIES DE BAS GRADE
Les dysplasies de bas grade et les lésions condylomateuses
associées à une dysplasie présentent le même
potentiel évolutif qu'en dehors de la grossesse. L'abstention
thérapeutique doit être la règle. Il existe
en effet un taux important de régression pendant la grossesse
et surtout au cours des mois qui suivent l'accouchement. Ce taux
est supérieur à celui observé au cours de
la grossesse. Il justifie donc l'abstention thérapeutique.
LES DYSPLASIES DE HAUT GRADE ET LE CARCINOME IN SITU
Toute anomalie du frottis suppose une évaluation colposcopique
et éventuellement biopsique. Si le diagnostic de CIS est
confirmé par la biopsie et si la ligne de jonction est
bien vue, l'abstention est de règle, l'accouchement pourra
se faire par voie basse et une nouvelle évaluation sera
réalisée en post-partum (8 à 10 semaines).
La régression complète des lésions invite
néanmoins à une surveillance rapprochée ultérieure.
LE CANCER MICRO-INVASIF Il peut éventuellement constituer
une des rares indications de conisation en début de grossesse,
surtout si la jonction n'est pas vue. La conisation (qui peut
être remplacée par une amputation du col, associée
à un cerclage), peut constituer un geste thérapeutique
au moins provisoire si :
- l'exérèse est passée in sano ;
- le risque ganglionnaire est faible (invasion < 3 mm et absence
d'embols vasculaires) ;- la patiente se soumet à une surveillance
régulière.
Lorsque le diagnostic est porté en fin de grossesse, on
peut proposer :
- l'accouchement par voie basse puis le traitement classique ultérieur
après réévaluation ;
- la césarienne suivie d'une hystérectomie après
exploration complète de l'abdomen en prenant des précautions
de repérage du col pour réaliser une exérèse
satisfaisante.
LE CANCER INVASIF
En début de grossesse
On peut proposer un avortement thérapeutique et après
expulsion du ftus le traitement classique du cancer du col.
En fin de grossesse
Attendre la période de viabilité :
- puis césarienne avec exploration des paramètres,
du foie et des ganglions pelviens et lombo-aortiques :
- radiothérapie-curiethérapie ;
- chirurgie : hystérectomie avec lymphadénectomie.
Le deuxième trimestre
Il pose le plus de problèmes quant aux indications thérapeutiques.
Les indications tiendront compte du passé obstétrical
et de la proximité de la viabilité.
CONCLUSION
L'association d'un cancer du col et d'une grossesse est une éventualité
rare. Il s'agit le plus souvent de cancer in situ. La démarche
diagnostique peut être gênée par les modifications
induites par la grossesse ; elle repose sur les données
de la colposcopie et surtout de la biopsie dont les indications
doivent être larges. A l'inverse, le recours à la
conisation doit être le plus réduit possible, car
cette intervention comporte un risque obstétrical majeur,
et son rôle curatif pendant la grossesse est réduit.
Le plus souvent, l'évaluation permet l'abstention thérapeutique
pendant la grossesse et une nouvelle évaluation à
distance de l'accouchement. En ce qui concerne l'attitude obstétricale
la césarienne est réservée aux formes invasives
et, d'une manière générale, les indications
doivent tenir compte du statut obstétrical et de l'âge
gestationnel au moment du diagnostic.
B. BLANC, C. CRAVELLO et C. D'ERCOLE Marseille - Hôpital
de la Conception.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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