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Titre: Technique et intérêt du Doppler utérin à 11-14 SA
Année: 2005
Auteurs: - Cynober E.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Doppler utérin

Technique et intérêt du Doppler utérin à 11-14 SA

E. Cynober* ; M. Uzan** ; L. Carbillon** ; B. Carbonne*

 

 

Le Doppler utérin a démontré, depuis de nombreuses années, son intérêt pronostic en cas  d’antécédents de pathologies vasculaires obstétricales( RCIU, pré-éclampsie, HRP…) ou médicales (HTA préexistante, lupus, maladies de « système », néphropathies…) et son intérêt étiologique en cas de découverte d’un RCIU. Chez les patientes à bas risque, de nombreux essais ont montré que le Doppler utérin au 2ème trimestre (22-24 SA) pouvait discriminer une population à haut risque vasculaire mais qu’en dépit de l’institution d’un traitement par Aspirine à cette période et d’une surveillance renforcée de la grossesse, l’issu en était inchangée (1 ;2)! De nombreuses études montrent cependant l’intérêt des traitements administrés dès le 1er trimestre de la grossesse en cas d’antécédents obstétricaux pathologiques « lourds » (Mort fœtale in utéro (MFIU), Pré-éclampsie sévère…) [essais CLASP et Epreda]. Dès 1997, Harrington et al. ont montré que l’existence d’un notch bilatérale entre 12 et 16 SA prédisait un risque notable de pré-éclampsie (PE) (risque X 22) (3). L’intérêt du Doppler utérin effectué à 11-14 SA serait de dépister une population à risque vasculaire en population générale et peut être d’envisager l’administration d’un traitement préventif.

1-     Technique

Le spectre de l’artère utérine est facilement obtenu par voie abdominale dans la plupart des cas, tout comme la coupe du fœtus permettant de mesurer la LLC et la clarté nucale ce qui évite le passage systématique par voie vaginale et la prolongation inutile de l’examen. La voie vaginale peut être employée en cas de difficulté technique. L’artère utérine se repère très facilement en Doppler couleur sur le bord latéral de l’utérus, mais contrairement au 2ème et 3ème trimestre de la grossesse, elle ne doit pas être enregistrée au niveau du « pseudo-croisement » avec l’artère iliaque externe qui se révèle souvent trop haut à ce terme. L’enregistrement doit se faire sur la partie verticale de l’artère utérine juste au dessus de la crosse. L’analyse du spectre de l’artère tient compte à ce terme, principalement, de l’existence un non d’une incisure protodiastolique (notch) et de son caractère uni ou bilatéral.

 

2-     Résultats

A 11-14 SA, Martin et al. ont enregistré le Doppler utérin de façon satisfaisante chez 96% des cas sur une population de 3324 grossesses non sélectionnées. Ils ont montré que l’index de pulsatilité (IP) utérin à ce terme avait une bonne sensibilité pour la pré-éclampsie et le RCIU avant 32 SA. Dans cette étude, il existe un IP > 2.35 chez 5% des patientes et chez 60% des PE survenant avant 32 SA et 28% des RCIU sévères nécessitant une extraction avant 32 SA. Dans cette série, 75% des patientes avaient un notch uni ou bilatéral(4). Hollis et al. ont montré que l’IP est difficilement reproductible contrairement au notch et à l’index de résistance (IR) (5). Dans l’étude d’Harrington et al. de multiples paramètres ont été évalués (notch bilatéral, IR moyen, IP moyen, vélocité moyenne, vélocité maximale, diamètre des artères utérines, IR et IP ombilicaux) ; c’est le notch bilatéral qui se révèle à ce terme (12-16 SA) avoir la sensibilité la plus élevé pour la prédictivité de la PE (93%). Dans cette série 44.4% des patientes n’avaient aucun notch à 16 SA (3). Dans la série de 265 patientes « à bas risque » de Hollis et al. l’index de résistance (IR) utérin est mesuré entre 11 et 14 SA. Le 5ème percentile est à 0.53, le 50ème à 0.71 et le 95ème à 0.85. Il y a une corrélation négative significative entre le poids de naissance et l’IR moyen des artères utérines au 1er trimestre. La différence de poids de naissance entre les patientes sans notch et avec un notch bilatéral est également significative (p< 0.001). L’IR et le notch contribue indépendamment à la prédiction du poids de naissance ! (6). Carbillon et al. ont conduit une étude prospective sur une série de 171 patientes non sélectionnées comprenant 47% de primipares. A 12 SA, 33% des patientes n’avaient aucun notch (2N0), 42% avaient 2 incisures (2N+) et 25% avaient 1 notch (1N+). Les explorations vélocimétriques ont été répété à 22 SA chez ces patientes : 81% des patientes sont alors 2N0, 11% sont 2N+ et 8% sont 1N+. Dans cette série, il a été observé 5.3% de PE, 0.6% d’éclampsie, de 2.3% d’HTA gravidique, 1.1% d’hématome rétroplacentaire (HRP), 1.7% de MFIU et 14.5% de RCIU. La valeur prédictive négative est optimale à 12 SA (94%) et la valeur prédictive positive est optimale à 22 SA (84%). Cette étude permet de distinguer une population à bas risque ; en effet, les 57 patientes 2N0 à 12 SA, le sont restées à 22 SA et n’ont présenté que 3 complications vasculaires (5%) : 1 cas de PE et 2 cas de RCIU. Les 81 patientes qui présentaient 1 ou 2 incisures à 12 SA et aucune à 22 SA représentent un groupe à risque intermédiaire avec 13 complications vasculaires (16%) : 1 cas de PE, 3 cas d’HTA gravidique et 9 cas de RCIU. Les 33 patientes avec des incisures à 22 SA (11% 2N+ et 8% 1N+) représentent un groupe à haut risque avec 84% de complications vasculaires. On peut donc à ce terme, en population générale, individualiser 3 groupes de risque de complications vasculaires: les patientes à bas risque qui ne présentent pas de notch dès 12 SA, les patientes à haut risque qui ont toujours des incisures à 22 SA et un groupe à risque intermédiaire qui avaient des incisures à 12 SA mais qui en sont indemnes à 22 SA (7). Dans une série plus récente de 263 patientes, Carbillon et al. montrent que les poids moyens de naissance diminuent de façon statistiquement significative en fonction du terme de disparition du notch :3273g pour les patientes avec 0 notch à 12 et 22 SA, 3180g pour les patientes avec un ou 2 notchs à 12 SA et 0 notch à 22 SA, 2698g pour les patientes avec un ou 2 notchs à 12 SA et 1 notch à 22 SA et 2418g pour les patientes dont les 2 incisures ont persistées à 22 SA (8). Dans une population à très haut risque telle que celle décrite dans la série de Bats et al. (patientes porteuses du syndrome des antiphospholipides avec au moins un antécédent de MFIU) le Doppler utérin est également informatif dès 12 SA : un notch bilatéral est présent chez 38% des patientes et est associé à un poids de naissance plus bas que chez les patientes avec 1 ou 0 notch (2626 +/- 688g vs 3178 +/- 353g, p= 0.01) à âge gestationnel équivalent. La valeur prédictive positive d’un notch bilatéral atteint 50% dès le 1er trimestre dans cette population à haut risque. La valeur prédictive positive du notch bilatérale est supérieure à 90% au 1er et au 2ème trimestre de la grossesse et descend autour de 80% au 3ème trimestre (9). Du point de vu thérapeutique, l’étude de Vainio et al. est particulièrement intéressante : 90 patientes à haut risque de PE ou de RCIU avec un notch bilatéral à 12-14 SA sont randomisées pour recevoir 0.5mg/kg/j (n= 45) ou un placebo (n= 45). Dans le groupe traité par Aspirine on note une réduction significative de l’HTA gravidique (11.6% vs 37.2%, RR=0.31) et de la PE (4.7% vs 23.3%, RR=0.2). L’incidence de l’ HTA  avant 37 SA est aussi significativement diminuée (2.3% vs 20.9%, RR= 0.22). La réduction de l’incidence du RCIU n’est en revanche pas significative (2.3% vs 7%). Les auteurs montrent par ailleurs que l’utilisation de l’aspirine n’est pas associé à un excès de risque de saignements maternel ou fœtal (10).

 

Conclusion

La pratique du Doppler utérin lors de l’échographie de 11-14 SA permet de discriminer un groupe de patientes à haut risque vasculaire, en population générale. Ces patientes peuvent bénéficier d’une prise en charge renforcée tant sur le plan clinique qu’échographique et peut être bénéficier (après que des essais cliniques l’ai confirmé) d’un traitement préventif par l’aspirine. Dans les grossesses à haut risque vasculaire qui bénéficient précocement d’un traitement préventif, le Doppler utérin de 11-14 SA à un intérêt pronostique permettant une prise en charge plus adaptée de ces grossesses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1- Goffinet F, Aboulker D, Paris-Llado J, Bucout M, Uzan M, Papiernik E, Breart G.

Screening with a uterine Doppler in low risk pregnant women followed by low dose aspirin in women with abnormal results : a multicenter randomised controlled trial

BJOG. 2001 ; 108(5) : 510-8.

 

2- Subtil D, Goeusse P, Houfflin-Debrge V, Puech F, Lequien P, Breart G, Uzan S et al.

Randomised comparison of uterine artery Doppler and aspirin (100mg) with placebo in nulliparous women : ERASME study (Part 2).

BJOG. 2003 ; 110(5) : 485-91.

 

3- Harrington K, Golfrad C, Carpenter RG, Campbell S.

Transvaginal uterine and umbilical artery Doppler examination of 12-16 weeks and the subsequent development of pre-eclampsia and intrauterine growth retardation

Ultrasound Obstet Gynecol 1997 ; 9(2) : 94-100

 

4- Martin AM, Bindra R, Curcio P, Cicero S, Nicolaides KH.

Sceening for pre-eclampsia and fetal growth restriction by uterine artery Doppler at 11-14 weeks of gestation.

Ultrasound Obstet Gynecol 2001 ; 18(6) : 583-6

 

5- Hollis B, Mavrides E, Campbell S, Tekay A, Thilaganathan B

Reproducibility and repeatability of transabdominal uterine artery Doppler velocimetry between 10 and 14 weeks of gestation.

Ultrasound Obstet Gynecol 2001 ; 18(6) : 593-7

 

6- Hollis B, prefumo F, Bhide A, Rao S, Thilaganathan B

First-trimester uterine artery blood flow and birth weight

Ultrasound Obstet Gynecol 2003 ; 22(4) : 373-6

 

7- Carbillon L, Largillière C, Perrot N, Tigaizin A, Cynober E, Uzan M

Hémodynamique utéroplacentaire et pratique du Doppler utérin à 12 semaines d’aménorrhée

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 2003 ; 31, 378-381

 

8- Carbillon L, Uzan M, Largillière C, Perrot N, Tigaizin A, Paries J, Pharizien I, Uzan S

Prospective evaluation of uterine artery flow velocity waveforms at 12-14 and 22-24 weeks of gestation in relation to pregnancy outcome and birth weight

Fetal diagn ther 2004 ; 19 (4) : 381-4.

 

9- Bats AS, Lejeune V, Cynober E, Safar E, Gonzales M, Milliez J, Carbonne B.

Antiphospholipid syndrome and second- or Third-trimester fetal death : follow-up in the next pregnancy

Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2004 ; 114(2) : 125-9.

 

 

10-Vainio M, Kujansuu E, Iso-Mustajarvi M, Maenpaa J

Low dose acetylsalicylic acid in prevention of pregnancy-induced hypertension and intrauterine growth retardation in women with bilateral uterine artery notches.

 BJOG. 2002 ; 109(2) : 161-7

 

 

 

*   Maternité de l’Hôpital St Antoine, Paris

** Maternité de l’Hôpital Jean Verdier, Bondy