aspects cliniques et évolutifs des condylomes
génitaux au cours de la grossesse
J.-L. Mergui* et B. Lemaire **
La grossesse est l'occasion de consultations spécialisées
systématiques comprenant outre l'examen obstétrical
habituel un examen du col et du vagin, de la vulve et du périnée.
La découverte d'une anomalie clinique ou cytologique, la
notion de dyscariose et/ou d'infection virale antérieures,
la survenue de métrorragies provoquées sans Etiologie
bien précise, doivent conduire à la réalisation
d'un examen colposcopique.
La colposcopie est sans aucun doute d'un grand intérêt
tant dans le diagnostic d'orientation des lésions que dans
leur surveillance tout au long de la grossesse.
Les aspects colposcopiques à cette période sont
bien loin d'être toujours évidents et peuvent être
trompeurs ou d'interprétation difficile en raison des modifications
histologiques qui s'y développent.
Les modifications histologiques de la grossesse
Elles affectent l'épithélium malpighien et glandulaire,
le stroma :
l'épithélium malpighien est épaissi par la
multiplication des cellules intermédiaires. L'hyperactivité
basale y est constante caractérisée par un accroissement
du nombre des mitoses et la présence de cellules peu différenciées
;
l'épithélium glandulaire est le siège d'une
hyperplasie et d'une hypertrophie glandulaire avec hypersécrétion
muqueuse. L'hypertrophie épithéliale affecte les
cellules de réserve à l'origine du processus métaplasique
; la vascularisation du stroma est plus dense et hyperplasique
s'accompagnant d'dèmes et de congestion. La transformation
déciduale et la réaction inflammatoire sont fréquentes.
Toutes ces modifications ont pour conséquences :
- un col augmenté de volume congestif et démateux
parfois difficile à examiner par sa morphologie nouvelle,
sa fragilité et la présence d'un mucus épais
obstruant l'orifice externe ;ñ une éversion de l'endocol
qui tend à s'accroître au cours de la grossesse exposant
facilement la zone de jonction squamo-cylindrique et faisant de
la colposcopie une méthode bien adaptée à
l'examen des cols gravides.
La colposcopie dans le diagnostic des lésions
Qu'elle ait été alertée par des métrorragies,
une anomalie clinique ou une cytologie anormale, la colposcopie
est une étape indispensable au diagnostic des lésions.
1 - L'ectropion est une lésion fréquente à
cette période mais lorsqu'il est antérieur à
la grossesse, il peut devenir exubérant et hémorragique
parfois inquiétant à l'il nu.
Les papilles glandulaires gonflées d'dème
et de taille irrégulière prennent volontiers un
caractère polypoïde. Parfois ulcérées
et responsables de métrorragies, leur fragilité
est encore accrue par l'infiltration déciduale qui se traduit
par une réaction acidophile ivoirée caractéristique.
Les cryptes glandulaires tapissées de papilles remaniées
parfois volumineuses s'élargissent et se déforment,
les failles sont plus profondes et irrégulières.
La colposcopie permet facilement d'affirmer l'ectropion polypoïde
ou une faille et de s'assurer de l'absence de lésion atypique
associées. L'ectropion ne nécessite aucun geste
agressif mais une vigilance accrue en raison du risque d'infection
cervicale et de prématurité.
2- La déciduose apporte des images spécifiques,
bien décrites par Coupez et qu'un simple examen au spéculum
ne peut identifier affectant l'ectropion polypoïde souvent
exubérant, elle peut au niveau de l'épithélium
malpighien, revêtir des aspects variés :
- zones rouges congestives planes ou ulcérées, boursouflures
violacées réalisant parfois la forme pseudo-tumorale
qui prend un caractère alarmant quand elle érode
l'épithélium de surface. La réaction givrée
ou l'érosion acidophile, iode faible ou nulle à
contours toujours flous, permet le diagnostic.
- les polypes muqueux fréquents au cours de la grossesse
subissent souvent une décidualisation parfois marquée.
Prenant alors un aspect blanc cru, identique à celui d'une
caduque, il est indispensable de les différencier. Grâce
à la colposcopie on distinguera les contours lisses du
polype, des bords frangés de l'élimination de caduque
que l'on parvient facilement à dégager.
Régressant après l'accouchement, la déciduose
peut au cours de la grossesse provoquer des métrorragies
trompeuses entraînant des thérapeutiques abusives
que la colposcopie doit permettre díÈviter.
3 Les infections à HPV et les dysplasies
La fréquence des infections à HPV a augmenté
ces dernières années variant selon les auteurs entre
2 à 5 %, voire 30 % au cours de cette période de
la vie génitale.
L'infection par le Papilloma Virus Humain ou HPV pose un certain
nombre de problèmes au cours de la grossesse car son incidence
est augmentée. Le retentissement ftal peut être
sévère sous forme d'une papillomatose laryngée
juvénile parfois tardive mais souvent dramatique qui impose
la réalisation d'une stratégie de dépistage
et de traitement adapté au type des lésions. Il
est d'emblée important de séparer les lésions
purement condylomateuses planes des lésions condylomateuses
exophytiques qui n'ont pas le même potentiel évolutif
au cours de la grossesse ni les mêmes risques de transmission
néonatale.
La grossesse apparaît comme une circonstance particulièrement
favorisante pouvant être liée à deux facteurs
: 'l'état d'immuno-dépression relative des premiers
mois et l'augmentation du taux des hormones stéroidiennes
circulantes qui agiraient comme co-facteurs en accélérant
la réplication virale.
Actuellement il semble qu'il existe deux types d'infection à
HPV : l'une associée aux types 6-11, à potentiel
évolutif négligeable que l'on retrouve dans les
lésions condylomateuses exophytiques ou planes, l'autre
associée aux types 16-18-33... qui est généralement
retrouvée dans les néoplasies intraépithéliales
où le risque évolutif existe même s'il varie
en fonction du site ou d'autres co-facteurs.
a - le risque de transmission ftale
Les lésions condylomateuses exophytiques posent par contre
le problème de leur transmission au ftus lors de
l'accouchement par les voies naturelles. En effet on sait que
la papillomatose laryngée juvénile depuis les travaux
de Roch en 1986 est liée à une infestation par un
HPV 6-11 donc tout à fait identique à celui retrouvé
dans les condylomes exophytiques bénins de la vulve, du
vagin ou du col.
Néanmoins le risque de transmission au ftus est faible
puisque sur une étude pratiquée par Shah en 1986,
le risque de transmission ftale est de 1/1 500 grossesses
chez les femmes porteuses de lésions génito-vulvaires
à HPV.
Si le risque est faible, il n'en est pas moins présent
puisque sur deux études rétrospectives présentées
par Halden, Cook et Quick, chez 44 enfants présentant une
papillomatose laryngée, on retrouve 54 % d'antécédents
maternels de condylomes vulvaires. Sedlacek en 1989, sur une étude
pratiquée par hybridation moléculaire tente d'élucider
le mécanisme de transmission materno-foetale. Chez 45 femmes
présentant des lésions condylomateuses génito-vulvaires,
le typage viral a permis de retrouver dans 55 % des cas un HPV
positif au niveau cervico-vaginal. Dans 27 % des cas, il s'agissait
d'un HPV potentiellement oncogène, (HPV16 ou 18), dans
9 % des cas un HPV 31-33 ou 35, dans 20 % des cas un HPV X et
jamais d'HPV 6 ou 11. Les prélèvements virologiques
pratiqués chez les 45 enfants de ces femmes ont été
réalisés. Dans 36 % des cas, líenfant était
positif pour HPV lorsque l'accouchement avait eu lieu par voie
basse alors qu'il n'avait jamais été retrouvé
positif lors des aspirations naso-pharyngées chez les patientes
ayant accouché par césarienne.
Par contre, lorsque le virus était recherché par
typage dans le liquide amniotique et sur 13 cas, 3 fois celui-ci
était revenu positif chez des patientes ayant eu un prélèvement
du liquide amniotique à membranes rompues mais une fois
l'HPV était positif dans le liquide amniotique chez une
patiente à membranes intactes qui a été césarisée,
ce qui pose le problème et les risques théoriques
de la transmission materno-ftale par voie sanguine transplacentaire.
La gravité des lésions de papillomatose laryngée
juvénile ou enfantine justifie le traitement destructeur
des lésions exophytiques cervico-vaginales ou périnéales
même si le risque de transmision est faible puisque de l'ordre
de 1/1 500 grossesses
b - Les aspects cliniques
Elles prennent volontiers au niveau du vagin et de la sphère
génito-anale un caractère floride bien visible à
l'oeil nu. Plus rares au niveau du col, la colposcopie permet
d'en confirmer le diagnostic, l'intérêt essentiel
de l'examen étant de dépister des aspects atypiques
éventuellement associés.
Souvent situé en bordure d'un ectropion, le condylome se
présente comme une tuméfaction rouge framboise au
sein de laquelle se distinguent de nombreux axes vasculaires réagissant
fortement à l'acide acétique, le papilles accolées
seront d'autant plus blanches que l'hyperacanthose est plus marquée.
Iode positif au Test de Schiller, il se différencie aisément
d'une papille cylindrique hypertrophique.
Prenant parfois l'aspect d'une lésion kératinisée,
c'est là encore le test au Lugol qui permettra le diagnostic.
c - Aspects thérapeutiques
Les traitements autorisés au cours de la grossesse pour
ces lésions condylomateuses exophytiques sont représentés
par les applications d'acide trichloracétique à
50 ou à 80 %, par les vaporisations au laser, sous anesthésie
locale ou générale et par l'application de cryothérapie.
Rappelons que la Podophylline et le 5 FU (Efudix) sont formellement
contre-indiqués au cours de la grossesse en raison de leur
risque tératogène.
En principe, l'application de laser permet d'obtenir 80 à
90 % de bons résultats, l'association d'acide trichloracétique
combinée au laser sur les échecs du laser ou l'inverse
c'est-à-dire l'association du laser sur les échecs
d'application d'acide trichloracétique permet d'obtenir
un bon résultat global, de l'ordre de 97 % sur les lésions
condylomateuses génitales au cours de la grossesse.
Il est important de détruire celles-ci afin d'éviter
un risque de transmission ftale et dans notre expérience,
il est nécessaire de traiter celles-ci dès leur
diagnostic afin d'éliminer une éventuelle récurrence
près du terme.
Dans les formes paucifocales, on pourra se contenter d'une application
d'acide trichloracétique avec vaporisation au laser en
cas d'échec.
Dans les lésions multifocales, au contraire, volontiers
exubérantes au cours de la grossesse, il est important
de commencer par un traitement véritablement actif ; le
seul qui permet un bon rapport efficacité/effet secondaire
nous semble représenté par la vaporisation laser
sous anesthésie locale ou générale dès
lors qu'il existe une multifocalité des lésions
dans la filière génitale. L'application díacide
trichloracétique pourra avoir lieu éventuellement
sur les récidives qui pourraient survenir dans le dernier
trimestre, lors du contrôle colposcopique.
Enfin il est important de mettre en route un dépistage
du partenaire masculin afin de dépister une éventuelle
lésion masculine qu'il serait souhaitable de traiter afin
d'éviter une récidive locale, et enfin de conseiller
des rapports protégés.
Les infections à HPV et les néoplasies intra-épithéliales
Très différents sont les condylomes plans cervicaux.
Invisibles à l'il nu, ils apparaissent cependant
trois fois plus fréquents au cours de la grossesse.
Sur une étude pratiquée en 1984 sur 7 600 lésions
condylomateuses, nous avons étudié l'évolution
spontanée (au cours de la grossesse) de 102 lésions
condylomateuses et dysplasiques cervicales. Celle-ci a montré
d'une part une incidence trois fois plus élevée
des lésions condylomateuses au cours de la grossesse que
dans une population témoin ou l'incidence était
de 0,7 % alors que celle-ci était de 2,12 % au cours de
la grossesse. La répartition des lésions condylomateuses
et dysplasiques était identique au cours de la grossesse
et dans la population témoin, la seule différence
significative concernait l'évolutivité des lésions
condylomateuses pures ou légèrement atypiques (dysplasie
légère) au cours de la grossesse et en dehors de
la grossesse. L'étude rétrospective a montré
que 83 % des lésions condylomateuses pures ou légèrement
atypiques régressent au cours ou au décours de la
grossesse c'est-à-dire dans les trois mois qui suivent
le post partum. Cette disparition importante des lésions
purement infectieuses au décours de la grossesse laisse
à penser que la grossesse favorise par sa dépression
immunitaire l'expression du virus comme en témoigne l'apparition
d'une symptomatologie cytologique. D'autres études pratiquées
dans la littérature montrent également l'incidence
3 fois plus élevée des anomalies cytologiques au
cours de la grossesse puisque celles-ci passent de 2 à 6
% au cours de la grossesse. Les études pratiquées
en virologie détectant la présence de la molécule
díADN du virus HPV ont montré là encore une
augmentation significative de la présence du virus au cours
de la grossesse puisque Schneider et Zurhausen retrouvent respectivement
28 % et 30 % d'HPV au cours de la grossesse alors que dans la
population témoin, le typage viral à HPV est retrouvé
positif dans 12,5 % des cas et dans 5 à 10 % d'une population
témoin sur une revue de la littérature.
L'évolution des dysplasies cervicales au cours de la grossesse
ne semble pas influencée par la grossesse elle-même
et si l'on compare l'évolution des lésions dysplasiques
au cours de la grossesse et dans une population témoin,
on peut noter l'absence de différence d'évolutivité
significative au cours de la grossesse et notamment pas d'aggravation
significative des lésions de CIN 3 ou de haut grade qui
subissent une évolution tout à fait identique dans
les 12 mois de surveillance per gravidique, ce qui autorise l'absence
de toute thérapeutique agressive de ces lésions
au cours de la grossesse.
C'est dire aussi l'importance du frottis cervico-vaginal systématique
au cours de la grossesse. Cette période gravidique est
d'autant plus importante qu'elle soumet une tranche de population
jeune à une consultation spécialisée systématique
qui fait généralement défaut chez les patientes
à risque (âge, parité, profil socio-économique).La
présence d'un frottis anormal en début de grossesse
implique impérativement un bilan lésionnel grâce
à la colposcopie dont l'intérêt est capital
pour le diagnostic :- elle permet de préciser le tableau
colposcopique selon les critères définis par la
Société Française de Pathologie Cervico-Vaginale
;- facilitée par l'éversion de l'endocol liée
à l'état gravidique, elle permet bien souvent de
visualiser les limites de la lÈsion ;ñ elle permet
enfin de designer la zone la plus pathologique au niveau de laquelle
doit porter le prélèvement biopsique.
Depuis le consensus de Bethesda, ces lésions sont classées
en deux groupes, les lésions de bas grade regroupent les
condylomes et les néoplasies intraépithéliales
de grade I(CIN I), les lésions de haut grade correspondent
aux néoplasies intraépithéliales de grade
II et III (CIN II et CIN III).
1 Les lésions de bas grade
Colposcopiquement la virose plane se traduit par des aspects de
colpite assez caractéristique. Située souvent à
la périphérie d'un ectropion, invisible sans préparation
et après acide acétique, elle n'est révélée
qu'au test de Schiller. L'application de lugol fait apparaître
des images le plus souvent associées : éléments
annelés, striés, volutes, ponctuations assez grosses,
aspects mosaïformes iodo-positifs (mosaïque inversée,
" cols cachemires ").
Facilement reconnaissable, la virose plane ne nécessite
pas de geste biopsique. Bien plus fréquemment, la virose
s'intègre dans un tableau de transformation atypique de
grade I.
Au cours de la grossesse on observe généralement
le stade I A en raison de l'extériorisation des plages
cylindriques.
Sans préparation, la lésion peut n'avoir aucune
traduction colposcopique ou se révéler par une zone
rouge banale. Le diagnostic est alors évoqué par
l'apparition, en bordure d'un ectropion, díune réaction
acidophile sans orifice glandulaire (sauf dans la zone de progression)
où se dessinent des éléments mosaïformes
arrondis ou ovalaires, des ponctuations fines et irrégulières.
Les contours externes peuvent garder leur netteté mais
l'dème et la congestion gravidiques les effacent
souvent et la plage iodo-négative déborde assez
largement la réaction acidophile.
Lorsque la lésion affleure l'orifice cervical, elle réalise
le stade I B où se dessinent là encore des images
de surimpression mais où les orifices glandulaires ont
totalement disparu.
La modification des contours qui devient moins nette, la petite
irrégularité de surface semblent assez caractéristiques
de la gravidité quand elle n'entraîne pas d'autres
modifications plus trompeuses.
La présence d'une virose sera suspectée par les
images de colpite précédemment décrites,
iodo-positives au sein de la plage iodo-négative.
De telles lésions justifient le frottis de balayage appuyé
sur la zone de jonction extériorisée. Souvent suffisant
au diagnostic, il pourra etre complète au moindre doute
par un contrôle histologique orienté, peu hémorragique
au cours des premiers mois.
Ce tableau colposcopique de transformation atypique grade I est
la traduction habituelle des dystrophies mais aussi des lésions
de bas grade, la grossesse pouvant toutefois le modifier au point
de simuler une transformation atypique suspecte.
2 - Les lésions de haut grade
Les atypies épithéliales de transformation atypique
de grade II apparaissent plus étendues et congestives souvent
hémorragiques au cours de la grossesse.
Au stade II A, la lésion est très congestive sans
préparation et la vascularisation augmentée est
parfois irrégulière et anormale (ponctuations, réseau
en mailles de filet).La forte réaction acidophile le plus
souvent mosaiforme ou ponctuée s'associe à des zones
rouges atypiques congestives ou érosives facilement hémorragiques.
Les cernes glandulaires et les images en goutte sont accentuées.
Les contours périphériques difficiles précisés
à l'acide acétique sont toujours flous au test de
Schiller.
La kératinisation intense qui caractérise le stade
II B en dehors de la leucoplasie s'associe à des zones
rouges congestives fortement acidophiles et à des zones
érosives ou ulcérées.
Toutes les anomalies colposcopiques impliquent la nécessité
d'une biopsie immédiate qui, orientée sur la zone
la plus suspecte, permettra le diagnostic histologique final.
Quand la jonction est visualisée la littérature
fait état de bonnes corrélations, colpo-histologiques
et lorqu'il y a discordance l'aspect colposcopique est plus pessimiste
que le diagnostic histologique. Le trépied cytologie-colposcopie-biopsie
dirigée permet une grande fiabilité diagnostique
au cours de la grossesse et s'il peut dans de rares cas laisser
passer une micro-invasion sans conséquence sur la conduite
à tenir, il n'ignorera pas un cancer I B occulte.
Par contre si la lésion pénètre dans l'endocol
sans limite visible en colposcopie, la colpo-microscopie peut
apporter un complément diagnostique de grande valeur. Seule
la suspicion d'invasion sur les frottis et la biopsie doit conduire
à une exérèse. Les complications hémorragiques
de la conisation (12 %) et les risques ftaux (supérieurs
à 20 %) en limitent les indications qui doivent rester
exceptionnelles uniquement réservées aux lésions
à forte probabilité d'invasion.
Si grand soit l'intérêt de la colposcopie dans le
diagnostic des lésions au cours de la grossesse, elle n'a
qu'une valeur d'orientation et peut même être trompeuse
comportant un risque de surestimation nécessitant parfois
des biopsies inutiles mais justifiées.
Les pièges de la colposcopie
ï la transformation normale d'un ectropion peut au cours
de la grossesse voir sa réépithélialisation
modifiée au point de prendre l'aspect d'un tableau colposcopique
suspect.
Les kystes glandulaires situés en périphérie
s'ulcèrent et du fait de leur activité accrue, ils
entraînent une forte macération et l'érosion
des plages malpighiennes de réparation.
L'infiltration déciduale fréquente fera apparaître
des zones acidophiles nettes aux contours mal définis.
L'association de zones congestives et ulcérées et/ou
de plages acidophiles avec orifices glandulaires cernés
réalisera une lésion colposcopiquement suspecte
à explorer. la colposcopie peut également modifier
le grade I de transformation atypique
En faisant apparaître des zones congestives érosives
ou ulcérées, en intensifiant la réaction
acidophile des plages métaplasiques liée à
l'hyperactivité basale, en ouvrant des kystes glandulaires
et en modifiant les contours périphériques qui perdent
leur netteté, la grossesse simulera une lésion de
transformation atypique de grade II à biopsier.
Rappelons cependant que la colposcopie n'est qu'un élément
d'orientation diagnostique et qu'elle doit être confrontée
à la cytologie et à l'histologie qui permettront
de redresser le diagnostic.
malgré ses pièges, la colposcopie est un examen
indispensable au diagnostic des lÈsions et elle représente
avec la cytologie la méthode de choix pour réaliser
leur surveillance au cours de la grossesse.
La colposcopie dans la surveillance des lésions
L'évolution des lésions virales à HPV et
des dysplasies, bien que différente permet d'autoriser
une simple surveillance, à l'exception des lésions
exophytiques qui doivent justifier un traitement local. les lésions
de bas grade (condylomes plans et CIN I) régressent très
fréquemment au cours et au décours de la grossesse
c'est-à-dire dans les trois mois qui suivent l'accouchement
avec des taux variant selon les auteurs entre 72 et 83 %.
A l'origine de ces régressions on peut évoquer le
retour à l'état hormonal et immunologique antérieur
qui ne favorise plus l'expression du virus, plus aléatoirement,
la disparition des lésions liées à la métaplasie
active de la grossesse ou enfin l'élimination possible
de certaines d'entre elles lors du traumatisme obstétrical
?* les lésions de haut grade ont une évolution toute
différente, comparable à celle de la population générale.
Leur taux de régression faible, voire très faible
en font des lésions vraisemblablement dépendantes
du mécanisme de régulation cellulaire. La grossesse
ne semble pas influencer leur évolutivité ni même
l'aggravation des lésions de CIN3.
C'est dire en l'absence de toute thérapeutique agressive
de ces lésions au cours de la grossesse, la nécessité
d'une surveillance rigoureuse au moins tous les trois mois grâce
à la colposcopie et la cytologie.
La colposcopie aura l'avantage très souvent de visualiser
la totalité d'une lésion dont la jonction n'était
pas accessible au premier examen, grâce à l'éversion
endocervicale qui tend à s'accroître avec l'évolution
gravidique.
Elle permettra d'orienter le frottis sur la zone la plus suspecte,
réservant la mini- biopsie au moindre doute des lésions
aggravées.
Certains auteurs comme Benedett et Ferenczy ne préconisent
la biopsie que si la colposcopie suspecte une lésion micro-invasive.
D'autres comme Hellberg, rapportant un nombre important de faux
négatifs du frottis dans la surveillance des CIN 3 insiste
sur la nécessité de pratiquer des colposcopies et
des biopsies répétées.
Cette surveillance cyto-colposcopique avec biopsies éventuelles
devra être poursuivie deux à trois mois après
l'accouchement où une nouvelle évacuation diagnostique
permettra le traitement des lésions persistantes.
CONCLUSION
La colposcopie est d'un grand intérêt dans le diagnostic
des lésions bénignes qu'il s'agisse de lésions
exubérantes parfois inquiétantes à l'il
nu ou de lésions plus spécifiques comme la déciduose.
La fréquence plus grande des infections à HPV dont
50 % sont associées à des néoplasies intraépithéliales,
l'égale fréquence des CIN III en dehors et pendant
la grossesse impliquent un dépistage systématique
de ces lésions par la cytologie. La découverte d'une
anomalie imposera dès lors un bilan lésionnel obtenu
par la colposcopie et la biopsie dirigée, suivi d'une surveillance
rigoureuse cyto-colposcopique tous les trois mois.
Lévolution favorable des lésions condylomateuses
planes et des dysplasies de bas grade permet d'autoriser une simple
surveillance au cours de la grossesse avec un traitement qui aura
lieu dans la période du post partum au moins trois mois
après l'accouchement. Les seules thérapeutiques
agressives seront appliquées sur les lésions condylomateuses
exophytiques très riches en virus, source d'une contamination
materno-ftale dont les conséquences peuvent être
sévères.
La colposcopie aura l'avantage au cours de la grossesse de visualiser
bien souvent la totalité de la lésion dont la jonction
est extériorisée permettant d'orienter le frottis
et la biopsie sur la zone la plus suspecte et d'éliminer
une lésion invasive.
J.-L. Mergui* et B. Lemaire **
* Service de gynécologie-obstétrique du Pr Salat-Baroux,
Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris.
** Clinique de gynécologie-obstétrique et de pathologie
de la reproduction, MaternitÈ H. Salengro, Pr J.L. Leroy,
Pr F. Puech, Pr X. Codaccioni.
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE
ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18 janvier 1996
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