Gestion médico-chirurgicale des
troubles hémorragiques du cycle
AGOSTINI A., BLANC B.
Les troubles hémorragiques du
cycle peuvent être responsables de tableaux cliniques divers et variés.
Après un rappel des étiologies et des différentes possibilités
thérapeutiques médicales, interventionnistes et chirurgicales, nous exposerons
les principaux tableaux en pratique clinique.
Étiologies
- les anomalies constitutionnelles
de l'hémostase (maladie de Willebrand, thrombopathie, anomalies de la coagulation)
sont évoquées devant les anomalies du bilan de coagulation
- les anomalies
acquises de l'hémostase : prise médicamenteuse (aspirine, AVK, héparine),
PTI
- les causes
fonctionnelles : il s'agit d'un déséquilibre hormonal entraînant
des cycles dysovulatoires. Il en découle différentes anomalies du cycle
qui sont une augmentation de la durée et de la quantité des règles.
Les traitements
Les traitements médicaux
Traitements non hormonaux :
Les antihémorragiques vasculoprotecteurs
: le mode d'action est une augmentation de la résistance vasculaire et une
correction de l'adhésivité plaquettaire. Le produit utilisé en France
est l'Etamsylate (Dycinone 5OO®). Il est prescrit pendant la période hémorragique
sur quelques jours. Ce produit présente peu de contre-indications.
Les antifibrinolytiques : le produit
utilisé est l'acide tranéxamique (Exacyl ®, Spotof ®) pendant
la période hémorragique sur une durée de 5 jours. Il présente
de nombreuses contre-indications dont l'antécédent de thrombose vasculaire.
Les antiprostaglandines : il s'agit
d'AINS. Le principal produit utilisé en France est l'acide méfénamique
(Ponstyl®). Il est utilisé pendant quelques jours pour traiter le trouble
hémorragique.
Tous ces produits sont efficaces dans
le traitement des hémorragies fonctionnelles. Le produit le plus efficace est
l'acide tranéxamique [1]. Ces traitements peuvent être utilisés en
cas de d'hémorragie non fonctionnelle (fibrome, trouble de la coagulation)
pour permettre de passer un cap aigu.
Traitement hormonaux :
Les progestatifs sont largement utilisés
pour corriger les troubles du cycle. Ils sont prescrits sur la totalité
du cycle ou uniquement en deuxième partie. L'efficacité des progestatifs
a été mise en évidence avec des molécules non utilisées
en France (noréthistérone) [2]. Aucune étude n'a mis en évidence
le bénéfice de l'utilisation des progestatifs dans le traitement des hémorragies
fonctionnelles avec les produits utilisés en France. Paradoxalement, il semblerait
que les progestatifs favorisent la croissance des fibromes. Il est souhaitable d'utiliser
un produit à forte activité progestative et anti oestrogénique. Les
progestatifs sont utilisés en cas d'hémorragie fonctionnelle. Ils peuvent
être utilisés en cas d'hémorragie non fonctionnelle (fibrome, troubles
de la coagulation) pour passer un cap aigu.
Le danazol est peu utilisé en
France.
Le dispositif intra-utérin à
base de lévonorgestrel en cas de ménorragies est une alternative intéressante
[3].
Les traitements interventionnistes
- la sonde urinaire intrautérine
- L'embolisation
artérielle
Les traitements chirurgicaux
- L'hystéroscopie
opératoire.
- Les traitements
par moyens physiques de l'endomètre :
-
l'hydrothermoablation (Hydrothermablator ®) : il s'agit d'une destruction thermique
de l'endomètre par application intra-utérine d'un liquide porté à
haute température [4].
-
le ballonet intra-utérin (Thermachoice ®) : il s'agit d'une destruction
par coagulation de l'endomètre par application d'un ballonet au contact des
parois utérines [5].
les principaux tableaux cliniques
L'hémorragie importante aiguë avec retentissement sur
l'état général
Il s'agit d'une consultation en urgence pour saignement
abondant avec trouble de l'état général.
Le bilan initial comprend :
- un interrogatoire
précis, éventuellement complété ultérieurement lorsque
la patiente sera dans de meilleures conditions. Cet interrogatoire est important
car il permet de préciser s'il s'agit d'un accident aigu chez une patiente
qui était réglée normalement (quantifier les pertes et la durée
des règles) ou si ce trouble hémorragique a décompensé un état
précaire dû à des troubles préexistants (durée, quantité
des règles) ;
- un examen
clinique complet pour mettre en évidence l'origine du saignement (examen au
spéculum, toucher vaginal) et le retentissement maternel (pouls , tension artérielle)
;
- un bilan
biologique à visée étiologique (B HCG, coagulation (TP, TCA, TS en
seconde ligne), plaquettes) et pour évaluer le retentissement (NFS) ;
- une échographie
pelvienne.
Au décours de ce premier bilan,
un état gravide étant éliminé, la grande majorité des étiologies
organiques est éliminée. Cependant certaines pathologies peuvent s'associer
(fibrome et troubles fonctionnels). Les troubles hémorragiques du cycle se
rencontrent en général à deux tranches d'âge : l'adolescente
et la patiente préménopausée.
Chez l'adolescente, les causes constitutionnelles
sont fréquentes et parfois révélées par la survenue de la ménarche.
Il s'agit parfois d'une cause acquise qui est rarement isolée et démasque
souvent une cause constitutionnelle ou une cause fonctionnelle (prise d'aspirine
en cas d'anomalie de la coagulation méconnue). Ces patientes présentent
souvent une anémie sévère bien tolérée car il s'agit d'un
accident aigu sur un terrain état chronique de carence martiale.
Le traitement est médicamenteux
(association traitement hormonal (progestatifs) et non hormonal) associé au
traitement spécifique de l'anomalie. La transfusion de produits sanguins est
parfois nécessaire. Chez la patiente vierge, il est important d'évacuer
l'hématocolpos s'il est important car il entretient une CIVD locale. En cas
de saignements persistants mettant en jeu le pronostic vital malgré le traitement
médical et l'apport de produits sanguins, un traitement local par une sonde
urinaire mise dans la cavité utérine et laissée en place pendant
24 heures peut être effectué.
Chez les patientes préménopausées,
les causes utérines et fonctionnelles sont
les plus fréquentes. Quelle que
soit la cause, le traitement sera médical enpremière intention ; on utilisera
les traitements non hormonaux associés aux progestatifs. En cas de saignement
persistant malgré le traitement médical, on sera volontiers plus agressif
localement afin de limiter la transfusion de produits sanguins. En cas de saignements
fonctionnels, un traitement local par agents physiques peut être envisagé
ou la mise en place d'une sonde urinaire pendant 24 heures. S'il existe une cause
organique, une embolisation peut permettre de passer un cap aigu permettant ainsi
de programmer un traitement adapté (hystéroscopie opératoire, hystérectomie,
myomectomie).
Les troubles chroniques hémorragiques
Il s'agit de saignements trop fréquents ou
abondants. Il s'agit d'un trouble relatif exprimé par la patiente par rapport
à ses règles habituelles. On peut objectiver ces pertes par l'utilisation
de score [6]. Il est important de préciser la durée de ces troubles.
Comme précédemment , un bilan
complet similaire sera effectué. Les principales étiologies se retrouvent
dans trois catégories : l'adolescente, la jeune femme sous contraception, la
patiente préménopausée.
Chez l'adolescente on retrouvera les
étiologies décrites précédemment. Selon le besoin contraceptif,
un traitement hormonal peut être proposé à base de progestatifs plus
ou moins complété par un traitement médical non hormonal pendant
les règles.
Chez la jeune femme sous contraception,
plusieurs situations se rencontrent. Il peut s'agir de ménorragies sous dispositif
intra-utérin . Un changement de type de dispositif peut être proposé
ou un traitement médical non hormonal pendant les règles peut être
administré. Des troubles hémorragiques peuvent se rencontrer sous implant
contraceptif. Il faut rassurer la patiente s'il s'agit des premiers mois suivant
la mise en place du dispositif. Une œstrogénothérapie transdermique transitoire
peut être proposée pendant une à deux semaines. De même, chez
les patientes mises sous dispositif intra-utérin à base de progestatif,
des troubles hémorragiques peuvent survenir pendant les premiers mois mais
disparaissent systématiquement et spontanément.
Chez la patiente préménopausée,
on retrouve les causes fonctionnelles pouvant être associées à des
causes utérines. Il est important d'effectuer une hystéroscopie diagnostique
avec une biopsie endométriale si besoin. Le couple échographie/hystéroscopie
permet de diagnostiquer les principales causes : hyperplasie endométriale et
cancer de l'endomètre, fibromes, adénomyose, polype. En présence
d'une cause organique, un traitement adapté sera effectué ; s'il s'agit
d'une cause fonctionnelle, différents traitements sont possibles. Le traitement
médical par progestatif et /ou un traitement pendant les règles est possible
; un traitement local par dispositif intra-utérin à base de lévonorgestrel
est envisageable. Enfin un traitement par agent physique (hydrothermoablation, ballonnet
intra-utérin,...) est possible.
Bibliographie
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I : Antifibrinolytics for heavy menstrual bleeding.Cochrane Database Syst Rev.
2000 (4) : CD000249.
[2] Lethaby A, Irvine
G, Cameron I : Cyclical progestogens for heavy menstrual bleeding. Cochrane
Database Syst Rev. 2000 (2) : CD001016.
[3] Irvine GA, Campbell-Brown
MB, Lumsden MA, Heikkila A, Walker JJ, Cameron IT : Randomised comparative
trial of the levonorgestrel intrauterine system and norethisterone for treatment
of idiopathic menorrhagia. Br J Obstet Gynaecol. 1998 Jun ; 105 (6) : 592-8.
[4] Laberge PY, Sabbah
R, Fortin C, Gallinat A : Assessment and comparison of intraoperative and postoperative
pain associated with NovaSure and ThermaChoice endometrial ablation systems. J Am
Assoc Gynecol Laparosc. 2003 May ;10 (2) : 223-32.
[5] Glasser MH, Zimmerman
JD : The HydroThermAblator system for management of menorrhagia in women with submucous
myomas: 12- to 20-month follow-up. J Am Assoc Gynecol Laparosc. 2003 Nov ; 10 (4)
: 521-7.
[6] Higham JM, O'Brien
PM, Shaw RW : Assessment of menstrual blood loss using a pictorial chart. Br J Obstet
Gynaecol. 1990 Aug ; 97 (8) : 734-9. GESTION
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