la clioscopie dans les cancers du col et du corps utérin
R. VILLET
Dans les cancers du col et du corps utérin, comme ailleurs, la coeliochirurgie peut
être strictement mimétique, reproduisant les techniques effectuées par laparotomie
avec, si possible, une morbidité moindre, ou innovante, c'est-à-dire permettant de
proposer des stratégies thérapeutiques différentes visant à améliorer la survie dans
les formes de mauvais pronostic.
CANCER DU COL UTÈRIN
Les recherches sur l'intérêt de l'endoscopie dans le cancer du col utérin visent
surtout à proposer de nouvelles stratégies pour les formes de mauvais pronostic.
Facteurs pronostiques des cancers du col
Le pronostic des cancers du col dépend du volume tumoral et de l'envahissement
ganglionnaire. Le volume tumoral est apprécié par l'examen clinique et l'IRM qui donne
le plus grand diamètre de la tumeur et montre les limites de l'envahissement tumoral. Il
est habituel de choisir 4 cm de diamètre comme seuil entre petites et grosses tumeurs. Il
faut toutefois se méfier des cancers donnant un aspect en "barillet" avec
hypertrophie supravaginale du col réalisant un important volume centro-pelvien. De plus
il faut tenir compte de la taille de la tumeur par rapport à celle du col car ce rapport
conditionne les risques d'envahissement paramétrial, à la base de la classification
FIGO. L'envahissement ganglionnaire se fait vers les ganglions pelviens et
lombo-aortiques. Il est corrélé au volume tumoral et donc au stade FIGO comme ceci
ressort au tableau I [5].Dans cette série de l'institut Gustave ROUSSY où toutes les
patientes ont eu un curage lombo-aortique, le taux d'envahissement de ces derniers a été
de 9 % (6 % dans les stades Ib et 15 % dans les stades IIb), avec là encore une
corrélation entre la taille de la tumeur cervicale (5 % pour les tumeurs (4 cm et 13 %
pour les tumeurs > 4 cm). Il faut enfin noter que 1,4 % des patientes avaient un
envahissement lombo-aortique isolé. La connaissance de ces facteurs pronostiques
conditionne le choix thérapeutique mais en dernier recours, car ils ne sont actuellement
véritablement connus que par l'étude histologique.
Les interventions coelioscopiques pour cancer du col
La coeliochirurgie ne peut pas apprécier le volume tumoral mais peut intervenir dans
le traitement des cancers du col sur trois plans.
La transposition ovarienne
La transposition ovarienne per-clioscopique a pour but d'éviter la castration
radiothérapique dans les protocoles où le traitement débute par une curiethérapie ou
une radiothérapie externe. Elle peut concerner un seul ou les deux ovaires. Si on choisit
de ne transposer qu'un seul ovaire, il vaut mieux transposer l'ovaire droit car la
technique est souvent plus simple et le risque de dystrophie moindre en raison de la
présence, à gauche, du colon sigmoïde. Les ovaires doivent etre transposés dans une
zone recevant moins de 2 grays et donc suffisamment haut dans la gouttière
pariéto-colique. La technique coelioscopique consiste à sectionner le ligament
utéro-ovarien et à pédiculiser l'ovaire sur le ligament lombo-ovarien. L'ovaire est
ensuite fixé dans la région sous-costale à laide d'un fil résorbable.
Les lymphadénectomies
La lymphadénectomie iliaque externe et la lymphadénectomie lombo-aortique peuvent
être réalisées sous clioscopie.
La lymphadénectomie iliaque externe
Elle peut être également réalisée par rétropéritonéoscopie mais nous ne nous
intéresserons qu'à la voie clioscopique. Sa réalisation n'est pas difficile pour
les équipes entraînées à la cliochirurgie. Elle demande environ une heure à une
heure trente pour un curage bilatéral. Dans la série de Querleu [8] sur 53 cas de curage
clioscopique suivi de laparotomie, il n'y a pas eu d'envahissement ganglionnaire
méconnu par le clioscopiste. Toutefois cette sensibilité n'est pas retrouvée par
tous les auteurs, le nombre de ganglions prélevés par lymphadénectomie
per-clioscopique étant en général 10 à 20 % inférieur que par laparotomie
[2]. Cette différence est essentiellement liée à l'obésité des patientes. Quoi qu'il
en soit cette méthode, en dehors de la laparotomie, est la plus fiable pour préciser
l'état ganglionnaire pelvien et domine très largement les techniques d'imagerie.
La lymphadénectomie lombo-aortique
La technique du curage lombo-aortique a été mise au point chez la truie par Herd et
coll [4] et reprise en France essentiellement par Denis Querleu [9]. Elle consiste à
ouvrir le péritoine pariétal postérieur et à effectuer une dissection
sous-péritonéale en avant des gros vaisseaux. Toutes les chaînes latéro, pré et inter
aortico-caves peuvent être retirées jusqu'aux veines rénales et à l'origine de la
mésentérique inférieure. Les prélèvements sont toutefois plus difficiles à gauche.
Il semble que la morbidité soit moindre qu'après curage lombo-aortique par
laparotomie mais aucune étude prospective comparative n'a pu être réalisée.
La colpohystérectomie
Les hystérectomies élargies ont pu être réalisées par clioscopie [6] mais il
s'agit en fait d'hystérectomie de type II selon Piver. Or dans les cancers du col utérin
à partir du stade Ib, en dehors des tumeurs de petit volume, la colpohystérectomie de
type III est la règle [10]. Il s'agit dans ce cas d'effectuer l'ablation du paramètre
sus-urétral. Pour cela Denis Querleu [7] propose d'effectuer par voie clioscopique
la dissection de l'uretère préligamentaire et la section des paramètres au niveau de
leur insertion sur la paroi latérale du pelvis suivies d'une dissection de l'uretère
distal et d'une section du paramètre sous-urétéral par voie vaginale selon la technique
de Shauta. Cette approche éviterait une incision périnéale de Schuchardt indispensable
dans la technique par voie vaginale pure.
Les indications théoriques
Aucun travail ne permet actuellement de donner exactement la place de la
cliochirurgie dans le cancer du col. L'argument de l'absence de cicatrice abdominale
ne peut théoriquement être retenu que si on exclut les protocoles ne comportant pas une
laparotomie seconde systématique. Les partisans de la cliochirurgie l'intègrent
essentiellement dans les protocoles visant à séparer les patientes N- et N+ pelvien avec
deux buts essentiels par rapport aux protocoles classiques
:a) Eviter le délai d'irradiation de huit semaines par rapport au diagnostic initial
chez les patientes N+
.b) diminuer les séquelles de l'irradiation postopératoire après laparotomie et
curage.
Les indications varient suivant le stade FIGO.
Dans les stades précoces
Actuellement l'utilisation la plus logique de la cliochirurgie chez les patientes
aux stades I et II proximaux, en l'absence de masse ganglionnaire à la
tomodensitométrie, semble être la suivante : réalisation d'un examen sous anesthésie
générale (avec éventuellement une cystoscopie), et d'une clioscopie avec curage
iliaque externe bilatéral et un examen extemporané des ganglions.
Si ceux-ci sont négatifs, suivant les écoles deux attitudes sont possibles :
a) on considère que le cancer du col peut être traité par chirurgie exclusive
notamment lorsque la tumeur est inférieure à 4 cm, une intervention de Werteim-Shauta
est alors réalisée soit immédiatement, ce qui semble le plus logique, soit dans une
seconde séance opératoire si l'on préfère attendre le résultat définitif de l'examen
des ganglions. Si l'intervention a lieu dans la mÍme séance opératoire, on peut
profiter de la clioscopie pour préparer la chirurgie utérine, en sectionnant les
paramètres, intervention appelée CLIO-SHAUTA par D. Dargent, ou en faisant le
décroisement de l'uretère et de l'artère utérine comme nous l'avons décrit
précédemment.
b) on reste fidèle à l'association radio-chirurgicale. Dans ce cas on peut effectuer
une transposition ovarienne et faire l'application du moule de curiethérapie qui ne sera
chargé qu'après le résultat définitif des ganglions pelviens, à moins que l'on ne
choisisse de faire une irradiation externe en cas de gros col. Six semaines plus tard une
colpohystérectomie peut être effectuée par simple laparotomie ou à nouveau par
cliochirurgie ou encore coelio-assistée. Si les ganglions sont positifs, on
réalise un prélèvement lombo-aortique pour compléter le prélèvement pelvien et
définir au mieux les champs d'irradiation, ces patientes étant alors traitées par
radiothérapie exclusive.
Dans les formes avancées
Dans les formes de cancers du col dites " avancées ", deux
éventualités sont possibles :- Le stade est dit avancé parce qu'il existe une masse
ganglionnaire sur la tomodensitométrie ou l'IRM. Si celle-ci a pu être ponctionnée et
qu'elle est positive, la cliochirurgie n'a pas de place. Ailleurs, la
cliochirurgie peut permettre le prélèvement ou la biopsie de cette masse ainsi
qu'un inventaire péritonéal et éventuellement ganglionnaire. Si la positivité de la
masse se confirme alors, la patiente doit être placée dans un essai de
radio-chimiothérapie. - Ailleurs il peut s'agir de stade II distaux ou de stade III. Le
problème est ici d'éliminer une diffusion extra-pelvienne pour pouvoir proposer une
exentération. La cliochirurgie permet d'éliminer une carcinose péritonéale et
d'effectuer des prélèvements lombo-aortiques dont la positivité contre-indique en
principe l'exérèse pelvienne.
Critiques des indications
La transposition ovarienne
La transposition ovarienne ne se justifie qu'avant 40 ans. En effet la vascularisation
de l'ovaire transposé ne dépend que du pédicule lombo-ovarien, or sa valeur
fonctionnelle diminue avec l'âge et après 45 ans la vascularisation ovarienne est
tributaire de l'artère utérine qui est supprimée lors de la transposition. Il existe un
risque de métastase ovarienne qui dépend du type histologique et du degré d'extension
tumorale. Les métastases ovariennes sont plus fréquentes dans les adénocarcinomes du
col, rendant la conservation discutable dans ces cas. Par contre la conservation ovarienne
ne se justifie pas nécessairement en cas de carcinome épidermoïde puisque cette forme
n'est pas hormono-dépendante et qu'un traitement hormonal substitutif peut étre prescrit
au décours du traitement. Enfin il ne faut pas oublier que la transposition ovarienne
multiplie par trois le risque de dystrophie [1].
En cas de N
-Si l'on opte pour la colpohystérectomie abdominale après curiethérapie ou
radiothérapie, on ne tire pour ces patientes aucun bénéfice de la clioscopie
préalable. Or la réalisation purement coeliochirurgicale de la colpohystérectomie est
très difficile et dangereuse.
Seule la chirurgie vaginale directe voire clio assistée est logique, mais
l'intervention de " SHAUTA " :
a) nécessite un apprentissage dont la diffusion est parcimonieuse ;
b) a une morbidité identique à la morbidité actuelle de la
colpohystéro-lymphadénectomie par voie abdominale ;
c) impose le plus souvent une grande épisiotomie médio-latérale avec section du
muscle pubo-coccygien dont le retentissement à long terme sur la statique pelvienne n'est
pas connue.
En cas de N +
Traiter toutes les patientes par radiothérapie exclusive, c'est admettre que l'on ne
tient pas compte dans le choix thérapeutique :
a) du nombre de ganglions envahis. Or la survie à cinq ans est étroitement corrélée
au nombre de ganglions iliaques envahis puisqu'après traitement classique 63 % des
patientes avec un ganglion envahi sont vivantes à cinq ans, contre 35 % lorsque plus
de deux ganglions sont envahis [3] ;
b) du volume tumoral. Les chances de stérilisation radiothérapique sont inversement
proportionnelles au volume tumoral. Or les patientes N + ont volontiers un volume tumoral
important. Il semble donc logique d'enlever chirurgicalement le plus gros volume tumoral
et de laisser les radiothérapies stériliser les microfoyers résiduels.
LA CLIOCHIRURGIE DANS LES CANCERS DE L'ENDOMèTRE
La place de l'endoscopie dans les cancers de l'endomètre est plus facile à
appréhender que dans les cancers du col car le traitement standard est mieux codifié et
surtout la chirurgie est indiquée quel que soit l'état des ganglions. La transposition
ovarienne ne se pose guère étant donné l'âge de survenue et le risque de métastases
ovariennes des cancers de l'endomètre. Seuls les cancers stade I peuvent justifier une
approche clioscopique puisque ceux-ci sont strictement limités au corps utérin et
donc l'exérèse paramétriale n'est pas justifiée. Le bilan préopératoire devra donc
comprendre, outre l'examen clinique, une hystéroscopie, une échographie
abdomino-pelvienne et endovaginale et une IRM pour affirmer que la tumeur est bien
limitée au corps utérin, que l'envahissement du myomètre est peu important et qu'il n'y
a pas d'envahissement ganglionnaire massif.
L'intervention débute par une clioscopie exploratrice avec cytologie
péritonéale et une lymphadénectomie iliaque externe bilatérale. Celle-ci est suivie
d'une hystérectomie qui peut être clioscopique, vaginale ou mixte. L'inconvénient
majeur est le risque d'effraction utérine et de brèche tumorale susceptibles
d'entraîner des greffes métastatiques ou des passages vasculaires. Il est clairement
démontré que l'effraction utérine modifie le pronostic des cancers de l'endomètre.
Ainsi nous voyons seulement deux grandes indications à la cliochirurgie dans les
cancers de l'endomètre :
a) l'adénocarcinome de l'endomètre de découverte fortuite sur une pièce
d'hystérectomie. Le bilan clioscopique de la cavité péritonéale avec
lymphadénectomie et ovariectomie nous semble préférable à la radiothérapie iliaque
systématique sans évaluation ganglionnaire ;
b) l'association adénocarcinome de l'endomètre et prolapsus utérin. Dans ce cas en
effet l'hystérectomie vaginale est facile, avec une mobilisation utérine minime et donc
un risque faible de contamination par rupture utérine. Il peut être logique de débuter
par l'hystérectomie vaginale, la clioscopie permettant secondairement une cytologie
péritonéale.
Conclusion
La cliochirurgie n'a pas encore trouvé sa place réelle dans les cancers du col
et du corps utérin. Elle doit encore être évaluée et comparée au traitement par
laparotomie. Sa place passe également par des études fondamentales sur les greffes
tumorales évaluant en particulier les effets métaboliques propres de la clioscopie
en cancérologie et notamment l'augmentation des pressions intra-adbominales, la baisse du
Ph intra-péritonéal et la diffusion de gaz.
Quoi qu'il en soit, plusieurs perspectives peuvent se dessiner :
- pour les cancers du col, dans les stades précoces, la cliochirurgie devrait
permettre de redonner un gain d'intérêt aux techniques par voie vaginale, notamment dans
les formes où tout le monde semble admettre que la chirurgie seule est suffisante (cancer
Ia2). Sa place se situerait également lorsque, dans les formes avancées, on décide
d'une exérèse élargie pour éliminer, avant toute ouverture abdominale, une extension
extra-pelvienne ;
- dans les cancers de l'endomètre sa place se justifie en particulier lorsqu'un cancer
de l'endomètre a été découvert sur une pièce d'hystérectomie afin d'évaluer l'état
ganglionnaire et de choisir au mieux la radiothérapie complémentaire. Elle peut
également trouver une place lorsqu'il existe un prolapsus associé au cancer de
l'endomètre permettant de faire une chirurgie vaginale exclusive en évitant tout risque
d'effraction de l'utérus.
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R. VILLET Hôpital des Diaconesses - Paris.
: JOURNÉES DE TECHNIQUES
AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 11 - 18
janvier 1996
de France 11 - 18
janvier 1996
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