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Titre: Place du taximofene dans la prise en charge therapeutique des cancers in situ du sein
Année: 1996
Auteurs: - Gorins A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Cancer du sein

Place du tamoxifène dans la prise en charge thérapeutique des cancers in situ du sein

A. GORINS

 

Je voudrais en premier lieu remercier mon ami Serge Uzan de m'avoir réservé ce sujet qui est un beau cadeau empoisonné. En janvier 1996, le titre même de cette communication peut être assimilé à celui de " Mission impossible " !

Il n'existe, en effet, à ma connaissance, aucune donnée de la littérature concernant cette question : et l'expérience personnelle ne peut être que très limitée. Là pourrait s'arrêter cette présentation. Cependant, on peut aussi tenter des raisonnements et des extrapolations avec l'énorme risque d'incertitudes que comportent les jeux de l'esprit. Voyons en premier lieu certains aspects de l'histoire naturelle du cancer du sein :

I - On connaît, au plan histo-cytologique, le schéma classique :hyperplasie simple / hyperplasie atypique / cancer in situ / cancer invasif [1]

D'emblée, ce schéma comporte d'importantes réserves. La transformation d'une hyperplasie en hyperplasie atypique est discutable. En tous les cas, la grande majorité des formes simples ne subissent pas cette transformation. De même l'hyperplasie atypique ne se transforme pas de façon obligée en cancer in situ. Enfin, un cancer in situ ne devient pas automatiquement, loin de là, un cancer invasif.

C'est particulièrement vrai pour le cancer lobulaire in situ. Au bout de 15 à 30 ans, il n'y a plus de 25 à 35 % de cancers lobulaires invasifs [2]. A tel point que la plupart des auteurs considèrent qu'on est en présence de lésions dites à haut risque (et non cancéreuses, voire " précancéreuses " à proprement parler).

Encore une remarque : les critères de David Page [3] sont très sélectifs, mais beaucoup d'anatomo-pathologistes hésitent entre hyperplasie atypique et cancer in situ par exemple [4] de sorte que l'étiquetage précis d'une lésion dépend de l'expérience, la compétence du lecteur de coupes - et de son adhésion ou non aux critères énoncés par Page.

Pour terminer, rappelons les risques quantitatifs fixés par W. Dupont et D. Page grâce au suivi d'une population de 3 303 femmes ayant subi au total plus de 10 000 biopsies du sein et surveillées pendant une moyenne de 17 ans [3] :

- sans prolifération

1- hyperplasie simple 1,9

- hyperplasie avec atypie 5,3

- hyperplasie atypique + antécédent familial de cancer du sein 11.

Wellings [5] a enfin bien insisté, selon des études histologiques particulièrement minutieuses, sur le fait que le cancer du sein prenait naissance à la jonction ductolobulaire et, qu'à partir de là, on pouvait assister à un développement vers le galactophore (cancer galactophorique) ou vers le lobule (cancer lobulaire).

2 - Le rôle des hormones dans ce processus carcinologique n'est pas encore parfaitement élucidé. Ce sont surtout les estrogènes qui sont incriminés, et c'est d'eux essentiellement dont nous parlerons ici, laissant de côté les autres hormones : progestérone, hormone mâle, prolactine...

Les estrogènes sont réputés avoir un rôle promoteur (non initiateur) dans la cancérogenèse mammaire [6]. Ils ont un rôle de stimulation des mitoses, d'accroissement du volume tumoral et probablement dans l'extension métastatique.

Au terme de cette étude préliminaire, on conçoit qu'un agent anti-estrogène puisse bloquer le processus sus-décrit, l'inhiber (l'empêchant de progresser) ou le freiner, permettant d'en différer l'extension. Le chef de fil des anti-estrogènes est le tamoxifène (TAM). Il a un rôle compétitif vis-à-vis des estrogènes au niveau du récepteur à l'estradiol (RE).

Mais, comme le montrent les résultats obtenus dans le traitement hormonal adjuvant, TAM peut être aussi actif sur les tumeurs RE, ayant une activité non obligatoire remédiée par le RE.

Résultats jusqu'ici connus avec TAM

Si on laisse volontairement de côté les résultats obtenus par le TAM en tant que traitement palliatif du cancer du sein en phase avancée ou métastatique, il est clair que ce dernier s'est révélé très efficace en adjuvant après le traitement loco-régional de la tumeur mammaire. La méta-analyse de Peto [7] portant sur plus de 30 000 patientes où le TAM a été randomisé (contre un placebo) a montré une réduction significative du taux annuel de décès chez les femmes ménopausées et ce tant dans le N+ que dans les N-, réduction respective de 22 et 26 %. De plus, et là est un point important pour notre présentation, cette étude a mis en évidence une réduction de 90 % du risque de survenue d'un cancer contro-latéral mammaire sous l'effet du TAM. Fisher, chez des patientes sans envahissement ganglionnaire et avec RE+ retrouve dans le protocole B14 une réduction de plus de 50 % d'atteinte contro-latérale grâce au TAM [8].

Cette différence se révèle d'autant plus grande que l'administration de TAM est longue :- < 2 ans : 26 %- > 2 ans : 37 %- > 2 ans : 53 % de réduction [9].Elle persiste de nombreuses années après l'arrêt du traitement [10].On pourrait donc concevoir, par rapprochement des faits et extrapolation, dans la stratégie thérapeutique du cancer du sein in situ :

- après le geste chirurgical d'exérèse, tumorectomie, quadrantectomie ou mastectomie simple selon les cas (il ne nous appartient pas d'en discuter les indications respectives dans le cadre de cette présentation) ;

- + radiothérapie locale en cas de chirurgie conservatrice (association admise et recommandée par la plupart des auteurs).

Le résultat obtenu est-il suffisant ? Pour la mastectomie, la guérison obtenue pour le sein concerné est pratiquement de 100 %. Pour la tumorectomie, il existe un risque de récidive locale de l'ordre de 5 à 10 %, mais qui se poursuit au fil des années, la récurrence locale pouvant se faire jour, dans les formes papillaires et comédo, au bout de 10 à 15 ans et plus (et dans la moitié des cas sur un mode invasif...). Pour le sein contro-latéral, peut-on diminuer le risque d'une atteinte in situ ou invasive et, plus particulièrement, pour le cancer lobulaire in situ dont on sait la fréquente bilatéralité, encore plus grande que celle du cancer intra-canalaire ?

La place du TAM semble toute trouvée pour réduire ce risque.

Cependant, à notre connaissance, il n'existe aucune étude rigoureuse, randomisée, permettant d'apprécier les résultats, par exemple TAM vs Placebo ou TAM vs un autre traitement hormonal ou une autre thérapeutique.

Une telle étude serait capitale !

Par ailleurs, notre opinion est que, dans l'état actuel des choses, il serait dangereusement présomptueux de traiter un cancer du sein in situ uniquement par TAM après contrôle biopsique. Mais, il faut retenir que les modalités de ce traitement devraient être définies selon un protocole strict, avec une posologie et une durée d'administration bien précisées.

S'il est vrai que TAM est bien toléré, que la compliance est excellente puisqu'environ 98 % des patientes ayant commencé ce traitement le poursuivent au bout de 2 ans, en revanche, on lui connaît un certain nombre d'effets secondaires qu'il nous faut citer sans les détailler dans le cadre de ce sujet [11].

- Laissons de côté les bouffées de chaleur, céphalées, gastralgies, prises de poids inconstantes et habituellement peu gênantes.

- On s'inquiète plus de l'impact sur l'utérus : poussées de fibromes, polypes parfois nécrobiosés et surtout problème du cancer de l'endomètre qui semble plus fréquent que chez les autres femmes atteintes de cancer du sein mais non traitées par le TAM.

- En revanche, l'incidence sur un éventuel processus malin au niveau du foie apparaît négligeable, vu que les cas rapportés sont tout à fait rarissimes. Les complications oculaires, dont l'incidence est faible, sont habituellement réversibles à l'arrêt du traitement. En réalité, le vrai problème qui nous préoccupe est d'ordre hormonal. Chez la femme en période d'activité génitale, le TAM par mécanisme de rétrocontrôle entraîne une stimulation gonadotrope, elle-même responsable d'une stimulation des ovaires actifs, avec élévation importante de l'estradiclémie, et nous avons vu personnellement des cas dépassant 500, 1 000, voire 1 500 pg/ml. Nous ne sommes pas sûrs que cette inondation estrogénique soit favorable au sein et que les anti-estrogènes prescrits soient suffisants à entraver ses effets. En revanche, un tel problème ne se pose pas chez la femme ménopausée, aux ovaires atrophiques, non stimulables.

C'est donc la question que je me pose - et que je vous pose - : ne serait-il pas préférable de réserver le TAM aux femmes ménopausées ?

Enfin, on connaît l'hormone sensibilité des lésions lobulaires. Peut-être les anti-estrogènes seraient-ils plus indiqués pour le carcinome lobulaire in situ que pour l'intra-canalaire (encore que ce dernier soit aussi hormono-sensible et qu'on y trouve des RE).

Le champ de recherche est, on le voit, aussi intéressant que complexe.

Bibliographie

[1] LEGROS R. : Le point de vue du gynécologue dans le dépistage très précoce du cancer du sein. Les cancers du sein au stade apparemment curable. Aspects modernes de diagnostic et de traitement. Masson Edit. (Paris), 1985, 7-24.

[2] BLONDON J., LEFRANC J.-P. : Traitement des cancers intra-épitheliaux du sein. Ibid. 173-188.

 

[3] DUPONT W.D., PAGE D.L. : Risk factors for breast cancer in women with proliferative breast disease. N. Engl. J. Med., 1985, 312, 146-151.

[4] ROSAI J. : Borderline epithelial lesions of the breast. Am. J. Surg. Pathol., 1991, 15, 309-321.

[5] WELLINGS S.R., JENSEN N.M., NARCUM M.G. : An Atlas of subgross pathology of the human breast with special reference to possible precancerous lesions. J. Nat. Cancer Inst., 1975, 55, 231.

[6] MOOLGAUKAR S. : Hormones and multistage carcenogenesis. Cancer surv., 1986, 5, 635-648.

[7] Early breast cancer trialist's collaborative group. Systemic treatment of early breast cancer by hormonal, cytotoxic or immune therapy - 133 randomized trials involving 31 000 recurrences and 24 000 deaths among 75 000 women. Lancet 1992, 129, 1-15.

[8]FISCHER B., REDMOND D.C. : New perspectives on cancer of the contro-lateral breast : a marker for assessing tamoxifen as a preventive agent. J. Nat. Cancer Inst., 1991, 83, 1278-1280.

[9] AUCLERC C., WEIL M., BOREL C. et al. : Les acquis thérapeutiques dans le cancer du sein métastatique. Sem. Hôp. Paris, 1992, 68, 216-224.

[10] GELBER R.D., GOLDHIRSCH A., COATES A.S. : Adjuvant therapy for breast cancer : understanding the overview. J. Clin. Oncol. 1993, 11, 580-585.

[11] AUCLERC C., RIXE O., PETIT T. et al. : Tamoxifène et prévention du cancer du sein. Cahiers d'Oncologie, 1995, 4, 85-91.

A. GORINS  20, rue Clément-Marot, 75008 Paris.