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Titre: Progestatifs et seins
Année: 2002
Auteurs: - Espie M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Progestatifs

Progestatifs et seins

M. Espié

Centre des maladies du sein-oncologie médicale Hôpital St Louis Paris

L'action des progestatifs sur la glande mammaire a été réactualisée par le biais de travaux épidémiologiques portant pour l'essentiel sur le traitement hormonal substitutif de la ménopause et le risque de cancer du sein et qui semblent montrer une augmentation plus importante du risque en cas d'association oestroprogestative.

Etudes épidémiologiques :

- Contraception progestative :

- Skegg [1] a mené une étude cas témoins chez des femmes atteintes de cancer du sein qui avaient pris une contraception par levonorgestrel 0,03 mg ou par norethisterone (0,35 mg) et a retrouvé globalement un risque relatif non augmenté à 1,1 (0,73-1,5). Il a observé cependant un risque plus élevé en cas de contraception progestative prise avant 34 ans RR = 2,3 (IC : 1,2-4,3), le risque semblant lié avec la durée (p= 0,06) et en cas d'utilisation dans les dix années précédant le cancer RR= 1,6 (1-2,4). Le risque était par contre diminué si les progestatifs avaient été utilisés plus de dix ans auparavant (RR= 0,44 IC : 0,22-0,90). Il n'a pas retrouvé d'effet protecteur avec la durée d'utilisation.
- Des résultats similaires avaient été notés avec les progestatifs injectables (dépo medroxyprogesterone), Paul en effet [2] avait retrouvé un risque de cancer du sein multiplié par deux en cas d'utilisation avant l'âge de 34 ans et un risque relatif de 1,7 si les progestatifs avaient été utilisés dans les cinq ans précédant l'apparition du cancer.
- La WHO [1] avait noté un risque relatif de 2 (IC :1,5-2,8) en cas de prise avant 35 ans ou en cas d'utilisation de progestatifs à but contraceptifs dans les cinq dernières années.
Shapiro [3] a mené une étude cas-témoins en Afrique du sud en comparant 419 femmes atteintes appariées à 1625 témoins. Elles avaient utilisé une contraception par DMPA en injectable. Il a observé un risque relatif de 0,9 (IC : 0,7-1,2). Il n'a pas été noté d'effet durée. Il a retrouvé par contre à nouveau un risque majoré entre 35 et 44 ans : RR = 2,3 (1,3-4,1) chez les femmes en cours d'utilisation.
Ces études peuvent simplement refléter une surveillance accrue chez ces femmes ou un éventuel effet promoteur sur des cancers infra cliniques mais ne mettent pas en évidence un effet protecteur par rapport au cancer du sein.

- L'hormonothérapie substitutive de ménopause

Son incidence possible sur le cancer du sein ne saurait échapper à personne avec un doute persistant sur les traitements de longue durée. Il convient cependant de noter que nous n'avons aucune donnée sur le THSM tel qu'il est prescrit en France, les travaux épidémiologiques étant pour l'essentiel Nord Américains ou Scandinaves. Les progestatifs utilisés sont pour l'essentiel de l'acétate de médroxyprogestérone et les estrogènes des estrogènes conjugués équins.
Jusqu'en 1999-2000 nous n'avions que très peu de données sur ces associations, les publications concernant pour l'essentiel des traitement à base d'estrogènes utilisés seuls.

Colditz en 1998 [4] a repris les données de l'étude prospective des infirmières américaines et a conclut que le risque de développer un cancer du sein était plus élevé sous estroprogestatifs que sous estrogènes seuls (p = 0,02). Â dix ans d'utilisation le risque relatif était de 1,1 versus 1,58 ce qui correspond au risque d'une nullipare.
Schairer [5] de même, dans l'étude prospective du Breast cancer detection demonstration project a retrouvé un risque annuel augmenté de 2% sous estrogènes seuls et de 8% sous estroprogestatifs sans qu'en fait la différence entre ces deux modalités thérapeutiques ne soit statistiquement significative.
Il existe très peu d'études s'intéressant aux différents types de progestatifs et à leur mode d'administration. Magnusson [6] retrouve une élévation du risque plus importante en cas d'association d'estrogènes et de progestatifs dérivés de la testostérone surtout lorsque les progestatifs sont administrés en continus. Le risque relatif par année d'utilisation est de 1,19 (1,09-1,31) versus 1,03 (0,94-1,13) pour les traitements séquentiels. Cet auteur ne retrouve pas d'augmentation significative du risque en cas d'utilisation d'estrogènes et de progestatifs dérivés de la progestérone, mais le nombre des cas étudiés est faible.
Quant à Ross [7] , il a retrouvé une élévation du risque plus importante en cas d'utilisation estro-progestative en séquentiel (OR = 1,38 IC : 1,13-1,68) plutôt qu'en continu (OR = 1,09 IC : 0,88-1,35)…

Ces études bien sûr ne permettent pas de conclure qu'il ne faut pas prescrire de progestatifs mais aux Etats-Unis cependant le consensus s'est fait sur le fait de ne pas associer de progestatifs aux oestrogènes chez les femmes hystérectomisées [7]

Études cliniques :

· mastodynies

Les Progestatifs de synthèse sont largement utilisés en France dans le syndrome prémenstruel à polarité mammaire. L'hypothèse d'une insuffisance lutéale longtemps soutenue en France ne semble pas confirmée par de récents travaux..
Une étude suédoise [8] très minutieuse, permet de corréler la sévérité des symptômes à l'hyperestrogénie, les variations de la Progestérone n'étant pas significatives. Ces auteurs notent aussi une élévation de la LH.

Il faut cependant reconnaître que l'adjonction de progestérone par voie locale ou générale permet d'obtenir des améliorations, probablement par plusieurs mécanismes :
-l'activité anti-œstrogène sur les capillaires avec action anti-oedémateuse
-les propriété anti-inflammatoires conjonctives diminuant l'activité fibroblastique et la fibrose réactionnelle
- l'activité anti-gonadotrope lorsque ces progestatifs sont administrés per os pendant le cycle ou même en continu. Les dérivés Nor-pregnane (Nomégestrol, Promegestone…) occupent actuellement une place de choix.
En fait la qualité de la réponse à l'hormonothérapie dépend de la qualité du tissu qui le reçoit et c'est peut-être pour cela que les réponses varient considérablement d'une femme à l'autre.
Cependant lorsque l'on s'intéresse aux études publiées les résultats ne sont pas très probants dés qu'il s'agit d'essais randomisés pour certains en double aveugle. La majorité d'entre eux sont négatifs [9] [10] , [11] , [12] . Euhus [13] retrouve par contre un effet positif avec l'acétate de médroxyprogestérone utilisé en parentérale. Il s'agit d'une étude cas témoin. L'acétate de medroxyprogestérone était utilisé à but contraceptif. 671 patientes ont été comparées à 1433 témoins appariés sur l'âge. 9 % des femmes sous acétate de médroxyprogestérone se sont plaintes de mastodynies contre 21 % des témoins (p < 0,01).

· Mastopathies bénignes et risque de cancer du sein

Il faut citer le travail de Plu Bureau et coll. [14] chez les femmes souffrant de mastopathie bénigne. On y trouve un effet protecteur des dérivés 19 nor-testostérone et non des composés pregnanes et norpregnanes ; cependant l'absence de randomisation et de nombreux problèmes méthodologiques limitent les portées de cet essai. Ces auteurs ont retrouvé le même effet protecteur lorsque la progestérone percutanée y était associée [15]
Des études complémentaires sont très certainement nécessaires.

· Le cancer du sein

L'acétate de médroxyprogestérone et l'acétate de mégestrol sont les deux progestatifs utilisés dans le traitement du cancer du sein métastasé. Ces deux molécules ont la même activité et comme toutes les autres hormonothérapies permettent d'obtenir chez des malades non sélectionnés des taux de réponse de l'ordre de 30% et une durée de la réponse de 8 à 12 mois. Les taux de réponse seront nettement plus élevés en présence de récepteurs hormonaux positifs pour atteindre 60 à 70 %.
Les anti-progestatifs sont également efficaces et sont en cours de développement, celui-ci étant ralenti par leurs effets indésirables.

EN CONCLUSION

Les travaux in vitro ou ceux de la pharmacologie clinique sont souvent contradictoires. L'activité des progestatifs de synthèse est différente selon leur type (importance de la liaison aux récepteurs de la progestérone mais aussi aux autres récepteurs stéroïdiens), selon l'organe cible traité (différence entre glande mammaire et endomètre), et selon qu'il s'agit de tissu normal ou pathologique, qu'il soit bénin ou malin.
Au sein d'un même organe, la réponse peut être différente selon qu'il s'agit du stroma ou des cellules épithéliales. On a pu noter une certaine efficacité de la progestérone et des progestatifs de synthèse dans les mastodynies et la maladie fibrokystique, sans que ce résultat soit constant et qu'on en saisisse clairement le mécanisme. Certains progestatifs de synthèse à hautes doses sont utilisés dans le traitement du cancer du sein en phase avancée ; en contraception orale et dans le traitement de la ménopause, les progestatifs ne semblent avoir ni effet protecteur ni effet délétère évident vis à vis de la glande mammaire.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Skegg DCG, Paul C, Spears GFS and Williams SM, Progestogen-only oral contraceptives and risk of breast cancer in New Zeland, Cancer Causes Control, 1996, 7 : 513-515.
[2] Paul C, Skegg DCG and Spears GFS, Depot medroxyprogesterone (Depo-Provera) and risk of breast cancer, Br Med J, 1989, 299 : 759-762.
[3] Shapiro S, Rosenberg L, Hoffman M, Truter H, Cooper D, Rao S, Dent D, Gudgeon A, van Zyl J, Katzenellenbogen J and Baillie R, Risk of breast cancer in relation to the use of injectable progetogen contraceptives and combined estrogen/rogestogen contraceptives, Am J Epidemiol, 2000, 151 : 396-403.
[4] Colditz G and Rosnier B, Use of estrogen plus progestin is associated with greater increase in breast cancer risk than estrogen, Am J Epidemiol, 1998, 147 : S64.
[5] Schairer C, Lubin J, Troisi R, Sturgeon S, Brinton L and Hoover R, Menopausal estrogen and estrogen-progestin replacement therapy and breast cancer risk, JAMA, 2000, 283 : 485-491.
[6] Magnusson C, Baron JA, Correia N, Bergström R, Adami HO and Persson I, Breast-cancer risk following long-term oestrogen-progestin-replacement therapy, Int J Cancer, 1999, 81 : 339-344.
[7] Ross RK, Paganini-Hill A, Wan PC and Pike MC, Effect of hormone replacement therapy on breast cancer risk: estrogen versus estrogen plus progestin, J Natl Cancer Inst, 2000, 92 : 328-332.
[8] Seippel L and Backstrom T, Luteal-phase estradiol relates to symptom severity in patients with premenstrual syndrome, J Clin Endocrinol Metab, 1998, 83 : 1988-1992.
[9] Colin C, Gospard V and Lambotte R, Relationship of mastodynia with its endocrine environment and treatment in a double blind trial with lynestrenol, Arch Gynecol, 1978, 225 : 7-13.
[10] Pye JK, Mansel RE and Hughes LE, Clinical experience of drug treatments for mastalgia, Lancet, 1985, 2 : 373.
[11] Dennerstein L, Spencer-Gardner C, Gotts G, Brown JB, Smith MA and Burrows GD, Progesterone and the premenstrual syndrome: a double blind cossover trial, Br Med J, 1985, 290 : 1617-1621.
[12] Maddox PR, Harrison BJ, Horrobin J, Walker K, Mansel RE, Preece PE and Nichlson RI, A randomized controlled trial of medroxyprogesterone acetate in mastalgia, Ann R Coll Surg Engl, 1990, 72 : 71-76.
[13] Euhus DM and Uyehara C, Influence of parenteral progesterones on the prevalence and severity of mastalgia in premenopausal women: a multi-institutional cross-sectional study, J Am Coll Surg, 1997, 184 : 596-604.
[14] Plu-Bureau G and Sitruk-Ware R, Progestogen use and decreased risk of breast cancer in a cohort study of premenopausal women with benign breast disease, Brit J Cancer, 1994, 70 : 270-277.
[15] Plu-Bureau G, Lê MG, Thalabard JC, Sitruk-Ware R and Mauvais-Jarvis P, Percutaneous progesterone use and risk of breast cancer: results from a French cohort study of premenopausal women with benign breast disease, Cancer Detect Prev, 1999, 23 : 290-296.