Progestatifs et traitement des troubles
du cycle menstruel
A. AGOSTINI, B. BLANC
Les progestatifs de synthèse sont habituellement
classés en plusieurs groupes en fonction de leur origine et de leur composition
chimique.
Les structures moléculaires différentes
expliquent en partie l'activité des progestatifs.
Il n'est pas possible à partir
de la formule chimique d'un progestatif de synthèse, d'en déduire ses
propriétés biologiques. Il existe par ailleurs sur la molécule de
progestérone un certain nombre de points critiques, au niveau desquels il est
possible de modifier ou d'exalter les propriétés progestatives des composés
ainsi formés.
On attend d'un progestatif une forte
affinité pour le récepteur de la progestérone et une absence ou une
très faible affinité pour les autres récepteurs (1).
Les progestatifs sont le plus souvent utilisés
dans la pathologie fonctionnelle fréquemment rencontrée chez la femme
de 40 ans. Ils peuvent être prescrits par voie orale ou être transportés
dans un dispositif intra utérin (Mirena).
Régularisation du cycle menstruel
Le schéma le plus utilisé est la prescription
d'un progestatif de synthèse du 16e au 25e jours du cycle.
Selon les cas, on prescrira :
- La progestérone micronisée
ou la dydrogestérone si une inhibition des gonadostimulines n'est pas souhaitée.
- Un dérivé prégnane
ou norprégnane en période périménopausique, surtout s'il existe
des troubles hémorragiques du cycle après s'être assuré par
un bilan paraclinique adapté (échographie - hystéroscopie) de leur
origine fonctionnelle (2).
Le choix se portera vers des progestatifs
puissants dont les effets anti-estrogéniques et anti-prolifératifs au
niveau de l'endomètre sont particulièrement marqués par exemple les
dérivés de la 19 norprogesterone.
Le traitement proposé est habituellement
séquentiel du 16e au 25e jour du cycle, il pourra être modifié en
fonction de la réponse thérapeutique ou du désir de contraception
(du 10e ou du 5e au 25e jour du cycle. Une séquence de 20 jours par cycle a
l'avantage d'être antigonadotrope.
Les ménorragies et ménométrorragies
Hypertrophie de l'endomètre
L'hypertrophie de l'endomètre, souvent en
rapport avec une dysnergie entre la sécrétion d'estrogènes et de
progestatifs, entraîne de ménorragies lors de la desquamation menstruelle.
L'administration séquentielle
de progestatifs est habituelle en première intention. Ils sont administrés
du 15e au 25e jour du cycle. Les traitements non hormonaux
semblent cependant tout aussi intéressant dans cette indication.
L' acide tranexamique (anti fibibrinolytiques)
est administré per os à la posologie de 2 à 4 g par jour, soit 4
à 8 comprimés en 2 ou 3 prises (ou 2 à 4 ampoules buvables par jour),
en début de cycle, puis diminué dès le 3e ou 4e
jour en début de cycle et diminué dès le 3e ou 4e
jour.
Selon l'essai prospectif de NILSSON
(3), la réduction objective des saignements est effective dans 54 % des cas.
PRESTON (4) en 1995 a publié un essai prospectif randomisé. L'acide tranexamique
a réduit de 45 % l'écoulement et a permis de passer en dessous de 80 ml
chez 56 % des patientes contre 10 % avec la noréthistérone.
L' acide méfénamique à
la dose de 250 mg 3 fois par jour, les premiers jours de l'écoulement sans
dépasser 5 jours.
L'essai prospectif et randomisé
de CAMERON (acide mefenamique) versus noréthistérone 20 mg du 1er
au 26e jour du cycle a noté une réduction moyenne du saignement
de 24 % sous acide méfénamique et de 20 % sous noréthistérone
(5).
La revue faite dans la Cochrane Database
montre, qu'administré en 2e phase de cycle, il n' existe aucun avantage
par rapport aux antifibrinolytiques et aux anti inflammatoires non stéroïdiens.
En revanche, pris 21 jours sur 28 les progestatifs réduisent significativement
le flux menstruel (6-7-8).
Hyperplasie de l'endomètre
On estime à 12 % la fréquence de l'hyperplasie
de l'endomètre en périménopause.
L'évolution spontanée d'une
hyperplasie sans atypie cellulaire vers le cancer est exceptionnelle : 1 % des cas
environ. La constitution des hyperplasies de l'endomètre est favorisée
par les états d'hyperestrogénie : périménopause, obésité.
Les progestatifs sont utilisés
10 à 20 j/cycle jusqu'à régression des lésions. Ainsi la promégestone
prescrite à raison de 0,5 mg/j par cures de 21 jours sur 28 pendant 4 cycles
chez 28 femmes a permis une régression des lésions vérifiée
par hystéroscopie et contrôle histologique, dans près de 80 % des
cas.
Le DIU au Lévonorgestrel (DIU-LNG)
Le DIU au Lévonorgestrel (DIU-LNG) inhibe
la croissance de l'endomètre. Dans l'essai d' ANDERSSON la perte sanguine a
été réduite de 86 % (9).
Dans une étude randomisée
comparative entre DIU-LNG et noréthistérone, IRVINE et al. ont montré
une efficacité du DIU-LNG au moins identique à celle de la noréthistérone
(10) sur le flux menstruel à 3 mois.
En 1997, CROSIGNANI et al. ont comparé
le DIU-LNG à la résection endométriale dans une étude prospective
randomisée sur 70 patientes. Après un suivi de 12 mois, il n'y avait pas
de différence dans le degré de satisfaction des patientes (11) et une
augmentation significative et identique dans les 2 groupes de l'hémoglobine,
de l'hématocrite et du fer sérique.
Une étude similaire faite par
KITTELSEN et ISTRE en 1998 a montré des résultats identiques. Les auteurs
ont noté cependant un taux de retrait précoce du DIU-LNG 1 fois sur 5
à cause des effets indésirables rencontrés. Cet inconvénient
était compensé par la réversibilité et l' absence de risques
opératoires du DIU-LNG par rapport à la résection endométriale
(12).
Ces résultats viennent d'être
confirmés par une étude comparative récente, entre la résection
endométriale et le DIU-LNG sur les anomalies du flux menstruel, réalisée
par ISTRE (13 ).
Les deux méthodes sont efficaces
dans la réduction du flux menstruel. La réduction est plus marquée
avec la résection endométriale mais les avantages du DIU-LNG résident
dans sa réversibilité, dans sa grande efficacité contraceptive et
dans son insertion relativement facile (13).
LAHTEENMAKI et al. ont montré,
en 1998, dans une étude randomisée multicentrique, que 64 % des patientes
justiciables d'une hystérectomie pour ménorragies avaient renoncé
à l'intervention chirurgicale 6 mois après la pose du DIU-LNG, contre
14 % seulement dans le groupe contrôle (p<0,001) (14 ).
Une étude finlandaise récente
de HURSKAINEN s'est intéressée à l'efficacité et au coût
de ces traitements. Les indices de bien-être et de qualité de vie étaient
identiques pour les deux techniques, avec un coût de traitement trois fois
moindre pour le DIU-LNG (15).
Conclusion
Les progestatifs doivent être utilisés
20 jours par cycle pour améliorer les troubles du cycle menstruel. Leur efficacité
est comparable aux traitements non hormonaux. Le DIU-LNG est particulièrement
efficace dans le traitement des troubles hémorragiques du cycle. Il doit être
proposé en première intention en cas d'hémorragies utérines
fonctionnelles en période périménopausique.
Bibliographie
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ET TRAITEMENT DES TROUBLES DU CYCLE MENSTRUEL 607
608 A.
AGOSTINI, B. BLANC PROGESTATIFS
ET TRAITEMENT DES TROUBLES DU CYCLE MENSTRUEL 609 |