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Titre: Les mastodynies, risque cancerigene et place du traitement progestatif a la perimenopause
Année: 1996
Auteurs: - Pelissier-Langbort C.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Progestatifs

Les mastodynies, 
risque cancérigène et place du traitement progestatif à la préménopause

C. Pélissier

Les mastodynies, douleurs localisées ou diffuses des seins, cycliques le plus souvent, apparaissent en deuxième partie du cycle menstruel, pour disparaître en général avec les règles. Mais elles peuvent être nettement plus marquées au niveau d'un sein (le plus glandulaire) être de plus en plus gênantes, survenir de plus en plus tôt dans le cycle, pour durer de plus en plus, presque tout le mois. Elles peuvent s'accompagner d'un oedème mammaire évident, avec une forte augmentation de volume, pouvant atteindre en quelques jours une à deux tailles de soutien gorge. Elles sont parfois associées à une très impressionnante circulation collatérale veineuse, qui explique la rougeur, la chaleur des téguments et l'inconfort majeur dont se plaint la patiente. Ces femmes, en préménopause, qui n'ont pas connu de tels troubles antérieurement, consultent certes, pour ne plus subir cliniquement ces inconvénients, mais aussi parce qu'elles sont inquiètes, et craignent d'avoir un risque accru de cancer du sein. Ces mastodynies, qui ne sont plus ces simples tensions mammaires prémenstruelles, durant 4 à 5 jours, mais qui entraînent de véritables modifications anatomiques des seins, avec des veines apparentes accentuées et nettement visualisées lors de l'écho-doppler mammaire, une augmentation sensible du volume des deux glandes, une douleur constante et pulsatile, gênent la femme, la dérangent dans sa vie sociale et intime. Ces mastodynies vraies que le clinicien saura éventuellement différencier de douleurs intercostales, irradiant vers les seins, en retrouvant une douleur exquise sur le trajet costal, sont en fait en cette période préménopausique, exceptionnellement isolées. Très souvent elles accompagnent la maladie fibrokystique du sein, affection mammaire très répandue chez la femme, encore appelée dystrophie mammaire ou maladie polykystique. C'est dire que micro et macro-kystes sont fréquents, surtout développés aux dépends des extrémités distales des canaux galactophores. Souvent s'associent une sclérose plus ou moins importante du tissu conjonctif avoisinant, mais aussi une hyperplasie épithéliale à l'histologie. Or si mastodynies intenses, et maladies fibro-kystiques du sein, font partie des mastopathies bénignes, elles sont très fréquentes chez la femme préménopausique. 50 % de ces femmes souffrent d'une mastopathie bénigne, ce qui en fait un réel problème de santé publique, pour nos pays occidentaux. En effet, leur grande fréquence, l'inconfort qu'elles occasionnent tout au long de la vie génitale et particulièrement en période préménopausique, et surtout la possibilité d'une hyperplasie atypique associée, découverte seulement à l'anatomopathologie, avec alors la certitude d'un risque accru de cancer du sein, en font un véritable fléau féminin, pour lequel, et c'est très paradoxal, les attitudes thérapeutiques sont loin d'être univoques. En effet si les mastodynies vraies, c'est-à-dire les mastodynies hormonales, liées à la réponse du tissu glandulaire, conjonctif et graisseux du sein, aux incitations hormonales cycliques, n'ont pas de pronostic péjoratif vis-à-vis du cancer du sein, il faut savoir que certaines mastodynies sont liées à des lésions organiques du sein, bénignes le plus souvent, mais aussi à des cancers, et sans que l'on ne retrouve de lien hormonal certain.

Ainsi se retrouvent associés :

- kystes sous tension ;

- ectasies galactophoriques ;

- cysto-stéatonécrose ;

- mais aussi cancer.

C'est pourquoi, toute mastodynie objective, doit faire l'objet, non seulement d'un examen clinique attentif, mais aussi d'explorations complémentaires exhaustives, surtout en période préménopausique :

- mammographie ;

- échographie mammaire ;

- voire cyto-ponction.

En effet si ce ne sont pas les gros kystes qui se cancérisent, tous les auteurs s'accordent à penser que c'est le tissu avoisinant, foyer d'adénose, d'épithéliose, qui peut dégénérer. La dysplasie mammaire, qui accompagne si fréquemment la mastodynie doit faire considérer la femme comme une " femme à risque accru " et nécessite par conséquent une surveillance clinique, mammographique et échographique régulière, mais également une surveillance thérapeutique attentive. C'est ainsi que certaines zones atypiques pourront faire l'objet d'une cytoponction échoguidée, d'un drill biopsie, ou d'une micro-biopsie également échoguidée ou avec stéréotaxie, voire d'une biopsie chirurgicale. Ainsi peut se révéler une hyperplasie épithéliale simple, mais aussi une mastopathie complexe, associant plusieurs lésions dystrophiques, à d'autres proliférantes. Le risque de cancer du sein est plus souvent associé aux hyperplasies atypiques chez les femmes en périodes préménopausiques. Aussi pour Dupont le risque relatif de cancer du sein passe de 1,9 pour les hyperplasies sans atypies, à 5,3 pour celles avec atypies. Il paraît donc évident que la mastodynie en soi ne signifie que l'existence objective d'un déséquilibre hormonal, particulièrement fréquent en période préménopausique où, se succèdent une alutéinie totale avec hyperoestrogénie considérable, des phases de sécrétion normales et équilibrées, et d'autres où existent des trous sécrétoires. Mais toute une pathologie mammaire complexe peut s'associer à cette mastodynie simple, et le devoir du clinicien est de faire d'abord le bilan mammaire, puis hormonal complet et d'essayer d'améliorer l'état mammaire. Le sein de la femme est à l'évidence un organe hormono-dépendant, puisqu'à chaque étape de son développement les hormones interviennent. estradiol 17 bêta et progestérone, doivent avoir une action synergique et complémentaire. L'oestradiol induit la prolifération des cellules épithéliales du sein, alors que la progestérone favorise le développement des lobules et des acini. Une première grossesse menée à terme, permet la différenciation cellulaire sécrétoire complète du tissu mammaire et met fin à la croissance mammaire [1].

 

En période préménopausique, l'équilibre hormonal est particulièrement instable d'un cycle à l'autre, et pendant le cycle. Anovulations, insuffisance lutéale, sont fréquentes, et évidentes en préménopause. Il a donc paru logique de rétablir l'équilibre hormonal, en donnant une thérapeutique progestative. La progestérone micronisée et les progestatifs de synthèses, sont particulièrement utilisés en France, au contraire d'autres pays [1].Mais si leurs effets sont universellement reconnus comme protégeant l'endomètre de l'hyperplasie, leur action sur la glande mammaire est bien plus controversée :Pour les uns, les progestatifs augmentent l'activité mitotique des galactophores du sein, et sont donc suspects de favoriser l'apparition de lésions hyperplasiques [2] et donc le risque cancérigène [3]. Ils ont un effet propre sur la prolifération cellulaire en intervenant sur les récepteurs à l'EGF, IGF1 etc. A l'inverse pour d'autres [5], la progestérone et les progestatifs diminuent l'activité mitotique de l'épithélium galactophorique normal [4, 5, 6] et seraient même capables de prévenir ou même de traiter les lésions hypertrophiques galactophoriques [7] une étude récente, sur l'utilisation de progestatifs seuls, normodosés en discontinu par apport au risque de cancer du sein, dans une cohorte de femmes préménopausées, ayant une mastopathie bénigne, suggère une réduction de ce risque pour certaines catégories de progestatifs [8].

 

C'est leur effet antioestrogène et antigonadotrope qui est utilisé au niveau du tissu mammaire. Le taux des récepteurs à l'oestradiol intramammaire chez des femmes atteintes de mastopathies fibrokystiques, diminue significativement [9]. Dans cette pathologie fibrokystique, la fibrose l'emporte si la femme est en périménopause ; l'adénomatose prédomine par contre s'il s'agit d'une femme plus jeune. Moins la lésion mammaire est fibreuse, plus l'action thérapeutique du progestatif est grande. Ces lésions disparaissent au moment de la ménopause, lorsque la carence oestrogénique s'installe. Mais elles réapparaissent si le traitement hormonal substitutif est mal équilibré, avec des doses d'oestradiol 17 bêta inappropriées, et/ou des progestatifs mal dosés. Si Madelonde [9] a pu montrer l'effet bénéfique du Lynestrénol sur le sein, il faut reconnaître que les progestatifs dérivés de la 19 Nor Testostérone ont des impacts métaboliques et tensionnels non négligeables. Nous avons en France, toute une série de progestatifs dérivés de la 17 OH progestérone, ou des Norprégnanes qui ont fait la preuve de leur action antigonadotrope et de leur innocuité métabolique, tensionnelle ou sur les paramètres de la coagulation [10, 11, 12].Le schéma n'utilisant que leur activité lutéomimétique est insuffisant : 10 jours par mois du 15e au 25e jour du cycle. Il faut profiter au contraire de leur effet antigonadotrope, (ce qui permet une contraception très efficace à partir de 40 ans) et donc leurs effets antioestrogènes, en les prescrivant du 8e au 26e jour du cycle, puis 18 jours sur 30, ce qui évite l'absence d'hémorragie de privation, de saignements intercurrents par atrophie, et donc permet une observance correcte. Si l'effet protecteur vis-à-vis du cancer du sein est controversé, l'effet thérapeutique sur les tumeurs bénignes du sein est évident. Associés aux antinervins et aux phlébotoniques, les gestagènes sont indispensables aux gynécologues pour le traitement des mastodynies associées ou non à une dystrophie mammaire. Aucune étude épidémiologique ne permet aujourd'hui de conclure sur l'effet protecteur des progestatifs vis-à-vis du risque du cancer du sein. Les arguments pour ou contre l'effet protecteur des progestatifs vis-à-vis du risque du cancer du sein sont dus à des travaux d'expérimentation animale, à l'étude in vitro de cultures de cellules mammaires normales ou cancéreuses, à la mesure du degré de prolifération de cellules épithéliales prélevées lors d'interventions chirurgicales, à telle phase du cycle menstruel ou après tel traitement. Cette incertitude scientifique sur une thérapeutique couramment prescrite en France, et qui a manifestement des résultats cliniques satisfaisants, montre la nécessité absolue d'études complémentaires, utilisant des méthodes statistiques valables, pour évaluer en termes de risques de cancer du sein les traitements hormonaux utilisés quotidiennement, qu'il s'agisse de la préménopause, mais aussi de la ménopause confirmée.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

[1] S. FRIDMAN : Thérapeutiques hormonales et seins à l'exclusion de la contraception, des traitements substitutifs et des traitements anticancéreux. In " Le Sein " M. Espié. A. Gorins. Ed. Eska 1995, 199-206.

 

[2] KAY C. : The royal college of general practioner's oral contraception study : some recent observations. Clin. Obstet. Gynaecol. 1984. 11. 759-786.

 

[3] DUPONT W., PAGE D. : Breast cancer risk associated with proliferative disease. Am. J. Epidemiol. 1987. 125. 769-779.

 

[4] VIGNON F., BARDON S., CHALBAS D., ROCHEFORT H. : Antioetrogenic effect of R 50 20 a synthetic progestin in Human breast Cancer cells in culture. J. Clin. Endocrinol. Metab. 1983. 56. 1124-1130.

 

[5] BARRAT J., DE LIGNIERES B., et all. : Effet in vivo de l'adminitration locale de progestérone sur l'activité mitotique des galactophores humains. J. Obstet. Biol. Reproduc. 1990. 19. 269-274.

 

[6] GOMPEL A., MALET C. et all. : Progestin effect on cells proliferation and 17 beta hydroxy-steroïd deshydrogenase activity in normal Human breast cells in culture. J. Clin. Endocrinol. Metab. 1986. 63. 1174.

 

[7] VORHERR H. : Gestagens and the breast (Lobo R. Whitehead M. Eds) Worlwide Med Group N. Y. 1989. 174-180.

 

[8] Plu. Bureau g. Thalabard J.C., Sitruk-ware R., Mauvais-jarvis P. et coll. : Progesterone use and risk of breast cancer in a cohort study of premenepausal women with benign breast disease. Br. J. Cancer 1994. 70 270-277.

 

[9] MAUDELONDE T., LAVAUD P., SALAZAR G., LAFFARGUE F., ROCHEFORT H. : Progestin treatment depress estrogen receptor but not cathepsin D levers in needle aspirates of benign breast disease. Breast Cancer Research treatment 1991. 19-95-102.

 

[10] PELISSIER C., BASDEVANT A., CONARD J. et all. : Contraception progestative par l'acétate de chlormadinone chez les femmes à risques vasculaires. Contraception Fertil. Sexual. 1987 15-45-54.

 

[11] BASDEVANT A., CONNARD J., DENIS C. et all. : Effets métaboliques et hormonaux de l'administration de 1 mg/24 H de Promégestone. Gynécologie 1989. 40 suppl. 2 Page 17-21.

 

[12] BASDEVANT A., PELISSIER C., CONARD J., DEGRELLE H., GUYENNE T., THOMAS J.L. : Effects of Nomegestrol acetate on hormonal, metabolic and hemostatic parameters in premenopausal women. Contraception 1991. 44. 599-605.