Androgènes et ménopause
Clara PELISSIER-LANGBORT
Le vieillissement ovarien a pour conséquence
chez la femme, de modifier, et ce, dès la période pré ménopausique,
la sécrétion tant cyclique que quantitative, des stéroïdes ovariens
: Œstradiol 17 béta, progestérone et androgènes, et donc les rapports
d'équilibre qui existent entre eux normalement, en période d'activité
ovarienne.
Le vieillissement ovarien est soumis
à de nombreuses influences : facteurs intrinsèques enzymatiques, hormonaux,
facteurs individuels génétiques, facteurs alimentaires et/ ou surtout
d'environnement, de pollution par les œstrogènes industriels.
L'apoptose, mort folliculaire programmée,
après une période périménopausique où les follicules n'arrivent
plus à maturité, où leur qualité ovocytaire se détériore,
où ils deviennent atrésiques, et où apparaissent les signes évidents
de la mort cellulaire, (dégradation du DNA) aussi bien au niveau des ovocytes
que de la granulosa, et où interviennent les hormones hypothalamohypophysaires
et les cytokines, entraîne immanquablement une phase de ménopause confirmée.
La sécrétion d'œstrogènes et de progestérone se tarit totalement
alors que celle des androgènes persiste chez toutes les femmes pour certains,
disparaît par contre chez les femmes normales pour d'autres auteurs.
Cette sécrétion des androgènes
ovariens, en période post ménopausique est cependant suggérée
par plusieurs arguments immuno-histochimiques, histo-enzymologiques, biochimiques.
Pour ces auteurs l'ovaire ménopausique est le site même de cette production
androgénique.
Les arguments en faveur de la production des
androgènes par l'ovaire ménopausique
La microscopie électronique, l'histoenzymologie,
l'immunohistochimie aident à l'évidence à étayer cette hypothèse
(E. Y. Adashi 196 C.
PELISSIER-LANGBORT 1994).
Dans l'ovaire post ménopausique, existent des cellules androgéno sécrétantes,
au niveau spécialement du Hile ovarien, et qui montrent une importante activité
stéroïdienne : présence d'aspects ultra structuraux caractéristiques
des cellules stéroïdiennes, avec une forte immuno-réactivité
enzymatique, spécialement pour la 3 b hydroxystéroïde deshydrogénase,
enzyme indispensable et spécifique pour les conversions vers l'Androsténedione
et la Testostérone entre les voies D 5 et D 4 et vice versa.
Tous les auteurs s'accordent sur l'effondrement
de la sécrétion d'oœstrogènes, une fois la ménopause confirmée.
L'ovariectomie bilatérale après
la ménopause ne modifie que très peu, les taux périphériques
des œstrogènes. Et si certaine quantité d'œstrogènes est retrouvée
chez la femme ménopausée, elle provient de la conversion périphérique,
et de l'aromatisation extra glandulaire de l'Androstenedione. En revanche, la sécrétion
ovarienne des androgènes chez la femme ménopausée, déjà
très basse, chez la femme normale, est plus faible que celle de la phase folliculaire
d'un ovaire normal.
Pour certains auteurs, des arguments
biochimiques convergents, sont en faveur de la sécrétion d'androgènes
par l'ovaire post ménopausique :
• d'une part
le gradient entre les taux plasmatiques de la Delta 4 Androstenedione (A) et de
la Testostérone (T) entre veines ovariennes et veines périphériques
;
• d'autre part,
le taux de ces androgènes, chute après un traitement par les analogues
de la GnRH et par rapport à un groupe témoin (Sluijmer A.V 1995).
Pour A. Sluijmer, c'est le taux très
élevé des gonadostimulines FSH et LH, qui stimule l'ovaire ménopausique,
et lui conserve une forte activité androgénique.
Pour d'autres auteurs par contre, l'ovaire
post ménopausique n'est pas un producteur majeur d'androgènes (Couzinet
B - Milgrum - E, Schaison G - 2001) et les enzymes nécessaires
à la biosynthèse des androgènes absents ou présents à des
taux très bas. Pour G. Schaison, dans tous les ovaires post ménopausiques,
les récepteurs de FSH et LH ont totalement disparu et en l'absence de sécrétions
surrénaliennes, les femmes post-ménopausées n'ont pas d'androgènes
circulants.
Cependant, d'autres ont pû faire
des rapprochements avec l'ovaire du syndrome des ovaires polykystiques et attribuer
à l'hyperinsulinisme chronique, la persistance de la sécrétion androgénique
du stroma cortical de l'ovaire ménopausique. L'action de l'hyperinsu
ANDROGèNES
ET MéNOPAUSE 197
linémie sur la production androgénique
ovarienne résulterait des effets directs de l'Insuline, sur les récepteurs
de l'IgF1.
Certains hirsutismes, certaines « masculinisations
» dont les modifications androïdes de la graisse abdominale, résulteraient
de cet effet direct de l'Insuline sur les récepteurs de l'IgF1, et pourraient
s'expliquer comme survenant chez des femmes ayant eu un syndrome des ovaires polykystiques,
plus ou moins méconnu et non traité (D. Dewailly 1997 - C. Pelissier
1997). Sinon dans tous les cas, du moins dans certains cas, l'ovaire ménopausique
n'est pas un organe mort, mais bien une glande endocrine active sécrétant
plus ou moins d'androgènes.
Androgène et peau à la ménopause
Ce sont les femmes qui souffrent le plus de leurs
modifications cutanées. La carence en œstrogènes en ait la cause essentielle
et l'on peut voir apparaître :
• un hirsutisme
androgeno-dépendant, plus qu'une hypertrichose (visage, moustache, menton)
;
• une alopécie
de type androgénogénétique, très évocatrice, médiane
avec une barre frontale antérieure respectée. Parfois elle peut être
de topographie temporale, latérale, comme chez l'homme ;
- s'associe une acné,
qui s'accentue ou réapparait, après de nombreuses années de disparition
;
- une hyper séborrhée,
avec dermite séborrhéïque du cuir chevelu, de la face, des paupières
et des sourcils, constituant un véritable eczéma séborrhéïque
(M. Faure 1995).
Toutes ces manifestations cutanées,
traduisent un « hyperandrogénisme cutané ». A la susceptilité
individuelle de chaque femme, génétiquement programmée, s'ajoute
la carence en œstrogènes.
Les androgènes et la sexualité
Depuis Greenblatt, il y a plus de 20 ans, il est
admis que la diminution et / ou la perte de libido, chez la femme post-ménopausique,
est améliorée davantage par l'association oœstrogènes-androgènes,
que par les oœstrogènes seuls.
Même, si sexualité et libido
sont déterminés par divers et multiples facteurs, les androgènes
ont un rôle majeur et déterminant. 198 C.
PELISSIER-LANGBORT Ils
favorisent la libido, mais aussi les phantasmes sexuels et l'intensité du désir.
La libido féminine serait majorée par
augmentation de la sensibilité clitoridienne, sous l'effet des androgènes.
Quant aux androgènes surrénaliens
DHEA, et son sulfate chez la femme ménopausée, ils n'ont pas à ce
jour, réellement prouvé leur utilité. Après un engouement indéniable,
leurs effets sur la qualité de vie » semblent peu convainquants et de
nombreux articles et éditoriaux ont démontré leur inutilité.
En conclusion, les données concernant
la ménopause et les androgènes sont actuellement limitées et contradictoires.
D'autre part, il est certain qu'au
moins dans certains cas, sinon chez toutes les femmes, l'ovaire post-ménopausique
sécrète des androgènes. Les androgènes dans certains cas, conditionnent
:
• une «
masculination » avec troubles cutanés, séborrhée,
acné, hirsutisme ;
• une obésité
tronculaire et l'on sait que cette disposition androïde des graisses est
soupçonnée d'être un marqueur de risque cardio-vasculaire ;
• Parfois augmentation
du cholestérol et modification des paramètres de la coagulation.
Mais les androgènes ont
un rôle favorable sur la libido féminine, son humeur, son
tonus.
Ainsi les incertitudes restent
totales sur le bien fondé de l'administration d'androgènes, s'il y a lieu
de les prescrire : lesquels ? quand ? à quelle dose ? en association avec un
œstrogène du THS.
Si les effets cliniques avec la DHEA
semblent peu contributifs, il existe aujourd'hui des molécules androgéniques
aisément precriptibles et une molécule, la Tibolone, qui a des
effets œstrognéiques et androgéniques.
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