Hyperandrogénies
de l'adolescente
Charles SULTAN, Françoise PARIS et
Claire JEANDEL
L'hyperandrogénie de l'adolescente
constitue un motif de plus en plus fréquent de consultation : sa découverte
soulève parfois de difficiles problèmes étiologiques, thérapeutiques
et pronostiques, à une période où les signes révélateurs
sont banals (acné, troubles des règles) et où les modifications de
l'ovaire peuvent gêner l'interprétation de l'échographie.
Les progrès réalisés
dans le domaine de la biochimie et de la physiologie des androgènes (et de
leur mécanismes de régulation) dans l'analyse échographique de la
dynamique de l'ovaire en période pubertaire nous permettent de mieux comprendre
la physiopathologie des hyperandrogénies de l'adolescente et nous assurent
une approche diagnostique plus fiable, donc une démarche thérapeutique
spécifique.
L'hyperandrogénie de l'adolescente
est parfois transitoire, expression d'un défaut de maturation de l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien
dans les premières années qui suivent la menarche. Exceptionnellement,
l'hyperandrogénie est révélatrice d'une tumeur sécrétant
des androgènes. En fait, ce sont les hyperandrogénies fonctionnelles qui
prédominent à l'adolescence.
Avant d'aborder la stratégie diagnostique
et thérapeutique, nous rappellerons les particularités biologiques et
échographiques de la période péri-pubertaire, nous définirons
les différentes expressions cliniques des hyperandrogénies puis nous aborderons
les principales formes cliniques rencontrées en pratique quotidienne.
1. Les androgènes chez l'adolescente
Les origines endocriniennes multiples des androgènes
chez la femme, leur interconversion périphérique, l'existence de précurseurs
inactifs transformés en androgènes par certains tissus,
178 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL conduisent
à un profil hormonal complexe variable au cours de la maturation pubertaire
puis du cycle menstruel.
Schématiquement, les androgènes : testostérone
(T), D4 Androstenedione (D4), proviennent chez la femme d'une sécrétion
ovarienne pour 25 %, d'une sécrétion surrénalienne pour 25 %. Près
de la moitié de la production d'androgènes relève d'une conversion
périphérique (foie, tissus adipeux et cutanés) des précurseurs
(D4, DHAS, DHA). Le SDHA, quant à lui est presque exclusivement d'origine surrenalienne
(23).
Les mécanismes généraux
de synthèse des androgènes sont identiques dans les ovaires et les glandes
surrénales : les enzymes de la stéroïdogénèse dont les
gènes ont été clonés et séquencés interviennent préférentiellement
sur la voie D4 pour l'ovaire et la voie D5 pour les surrénales.
Les androgènes ovariens sont synthétisés
par les cellules de la thèque interne, alors que les androgènes surrénaliens
sont produits par la zone réticulée principalement. La sécrétion
d'androgènes est régulée, chez la femme, par la LH et l'ACTH mais
dans la mesure où les androgènes ne sont que des précurseurs de l'estradiol
pour l'ovaire, il n'existe pas de rétro-contrôle négatif. Chez la
fillette, l'adrénarche est caractérisée par une production importante
d'androgènes surrénaliens (DHA et surtout DHA-S) qui triple entre 8 et
10 ans.
La production d'androgènes par
l'ovaire contribue de façon significative à la nette augmentation des
androgènes circulants (T, D4) observée en cours de puberté (24).
Ainsi, la T plasmatique passe de 0,1 ng/ml en pré-puberté à 0,4 ng/ml
au stade P3-P4. Dans la mesure où la sécrétion de TEBG connait un
profil inverse ( de 3 mg/100 ml à P1, à 1 mg/100 ml à P3-P4), il
en résulte une hyperandrogénie relative qui se corrigera en fin
de puberté.
Au total, seul le DHAS plasmatique
reflète fidèlement la production surrénalienne d'androgènes,
la testostérone et la D4 plasmatique reconnaissent une origine mixte. La testostérone
est l'androgène circulant le plus important quantitativement et qualitativement
: seule, sa forme libre (non liée à la TEBG) est biologiquement active,
c'est-à-dire capable de pénétrer dans les cellules cibles et d'être
réduite en dihydrotestostérone sous l'action de la 5a réductase au
niveau des cellules cibles (follicules pileux, glandes sébacées, peau).
Le 5a 3a androstanediol, métabolite
de la DHT, est considéré comme un marqueur de l'utilisation des androgènes
par les cellules cibles (follicules pileux notamment).
HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 179
Par ailleurs, dans ces cellules cibles, c'est
la DHT qui se lie principalement au récepteur des androgènes et assure
la transmission du message. Une hyperexpression de ce récepteur pourrait, en
théorie, rendre compte de certaines formes de réceptivité exagérée
aux androgènes.
Par ailleurs, la synthèse d'androgènes
par les cellules de la thèque s'inscrit, chez l'adolescente, dans un processus
de maturation de l'ovaire dont l'expression finale est la mise en place d'un cycle
ovulatoire. L'activité de la cellule thécale est soumise à une double
régulation endocrine et paracrine. Schématiquement la LH constitue le
facteur central de régulation de la synthèse des androgènes par activation
enzymatique de la stéroïdogénèse. L'action de LH est renforcée
par le système IGF-IGF BP intra-ovarien. Les strogènes, pour leur part,
freinent la biosynthèse d'androgènes dans la thèque. Les androgènes
produits par la thèque sont principalement utilisés comme substrats par
la granulosa qui, grâce à l'action stimulante de FSH, les convertit en
strogènes. Ils sont par ailleurs impliqués dans l'atrésie folliculaire.
Les follicules atrétiques sont
riches en androgènes : on voit donc se constituer un cercle : androgènes
atrésie folliculaire hyperandrogénie.En l'absence d'un feed-back négatif,
on considère que l'ovaire répond à une stimulation exagérée
en LH par un mécanisme de régulation qui s'observe au niveau de l'activité
du cytochrome P450 c17.
On conçoit, dès lors, que
tout excès (absolu ou relatif) de stimulation de la cellule thécale par
la LH ou, inversement, toute insuffisance d'aromatisation des androgènes ovariens
par anomalie qualitative ou quantitative de la sécrétion de FSH puisse
générer une hyperandrogénie en période pubertaire. Il en résulte,
à l'échographie pelvienne, des images d'ovaires multifolliculaires qui
peuvent en imposer pour des stigmates d'ovaires polykystiques. En fait, l'analyse
simple permet de préciser que les follicules sont répartis sans ordre
au sein de l 'ovaire et que le stroma n'est pas hypertrophié. Cet aspect d'ovaire
multifolliculaire dont on sait maintenant qu'il est habituellement transitoire pose
néanmoins un certain nombre de problèmes d'interprétation. De plus,
une adrénarche exagérée ( DHAS), l'hyper-insulinisme relatif à
la puberté (¤ de la synthèse de T) l'augmentation de l'IGF1 lors du pic
de croissance (¤ de la synthèse de T) sont autant de facteurs qui concourent
au développement d'une hyperandrogénie « physiologique » chez
l'adolescente. Cette hyperandrogénie « physiologique » sera, dans
la grande majorité des cas, transitoire. Elle est contemporaine de la maturation
de l'axe hypothalamo-hypophyso- 180 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL ovarien
qui se met en place dans les 2 à 3 ans qui suivent la ménarche.
Sa persistance, au-delà de l'âge de
15 ans, impose une investigation clinique, biologique et échographique ; il
est clairement établi (1) que c'est au cours de l'adolescence que se constitue
le profil androgénique de la femme et sa fertilité ultérieure.
2. Expression clinique des hyperandrogénies de
l'adolescente
Les manifestations de l'hyperandrogénie sont
la conséquence :
• d'une production
excessive d'androgènes sécrétés par l'ovaire, et/ou la surrénale
;
• d'une transformation
périphérique d'androgènes et/ou d'une production exagérée
de DHT par les cellules cibles.
Si l'on exclut le pseudo-hermaphrodisme
féminin et la pseudo-puberté précoce hétéro-sexuelle (très
rares), les circonstances révélatrices d'une hyperandrogénie de l'adolescente
sont d'ordre : dermatologique, gynécologique, endocrinien, métabolique,
radiologique.
Dermatologique : acné, hirsutisme, exceptionnellement
alopécie
L'acné : volontiers inflammatoire,
souvent sévère, sa fréquence est à l'origine d'une méconnaissance
de l'hyperandrogénie sous-jacente. En faveur d'une hyperandrogénie plaide
la topographie « masculine » de l'acné : menton, cou, thorax, son
association éventuelle à un hirsutisme et surtout son apparition précoce,
avant même le démarrage pubertaire.
L'hirsutisme : siège au
niveau du visage, du thorax, de l'abdomen et surtout au niveau des faces internes
et postérieures des cuisses. Son mode d'installation permet une orientation
diagnostique :
• récent
et explosif, il relève d'une hyperandrogénie tumorale, rarissime ;
• ancien et
important, il évoque une hyperplasie congénitale des surrénales par
bloc en 21 hydroxylase ;
• associé
à des troubles du cycle, il fait penser à une dystrophie ovarienne ;
• isolé
et progressif, il évoque une hyperréceptivité aux androgènes.
HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 181
Son importance doit être évaluée
par le score de Ferriman.
Gynécologique : oligo-spanioménorrhée, aménorrhée,
métrorragies
L'oligo-spanioménorrhée qui persiste
au-delà de 2-3 ans après la ménarche est souvent révélatrice
d'une hyperandrogénie de l'adolescente.
Les méno-métrorragies, si
fréquentes à cette période, sont parfois associées à une
hyperandrogénie de l'adolescente.
Endocrinien : développement des masses
musculaires, raucicité de la voix
Les signes de virilisation sont plus rarement
rencontrés : hypertrophie du clitoris, développement des masses musculaires,
raucicité de la voix, calvitie. Ils orientent volontiers vers une forme tardive
d'hyperplasie congénitale des surrénales.
Métabolique : obésité, hyperinsulinisme
L'obésité souvent grave et résistante
à toute prise en charge associée ou non à un hyperinsulinisme représente
un signe d'appel fréquent de l'hyperandrogénie de l'adolescente.
Radiologique : kystes de l'ovaire
L'augmentation du volume des ovaires ne constitue
pas toujours un signe évocateur, de même que la présence d'un aspect
multifolliculaire contemporain du début de la puberté. Par contre, la
présence de microkystes en périphérie associés à un stroma-ovarien
hypertrophié doivent faire évoquer une hyperandrogénie de l'adolescente.
3. Diagnostic étiologique d'une hyperandrogénie
de l'adolescente
L'hyperandrogénie de l'adolescente relève,
dans la plupart des cas, d'une production exagérée d'androgènes par
l'ovaire, la sur 182 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL rénale
et plus rarement d'une conversion périphérique excessive. Il s'agit habituellement
d'une hyperandrogénie fonctionnelle ; les causes tumorales sont plus rares.
A. Les hyperandrogénies surrénaliennes
A.1. L'adrénarche exagérée
L'expression clinique est banale (acné,
hirsutisme). L'investigation biologique révèle une réponse explosive
de D4, excessive de la 17 OH progestérone, de la 17 OH pregnenolone, du DHAS
à l'ACTH. L'hypothèse d'un bloc partiel en 3b HSD n'est plus de mise.
Cette hyperactivité de la voie D5 dans la surrénale est associée,
chez la moitié des adolescentes, à une synthèse exagérée
de la voie D4. Dans tous les cas, l'adrénarche exagérée pourrait
être due à une anomalie de régulation de l'activité de cytochrome
P450 c 17, en association ou non à une hyperplasie de la zone réticulée
de la surrénale. Bien que les troubles du cycle ne soient pas fréquents
dans cette situation, l'adrénarche exagérée pourrait représenter
un facteur de risque de développement d'un SOPK ultérieur.
A.2. Les hyperplasies surrénaliennes par déficit
non classique de la biosynthèse stéroïdienne
Ils représentent la seconde cause des hyperandrogénies
de l'adolescente après le SOPK.
Les déficits enzymatiques de révélation
pubertaire sont représentés essentiellement par le bloc en 21 hydroxylase,
les autres blocs en 11b hydroxylase et 3b hydroxystéroïde déshydrogénase
sont rarissimes.
• bloc en 21
OH à révélation tardive : classiquement, il se traduit par un hirsutisme
associé à ou non à des troubles des règles. Les autres signes
d'imprégnation androgénique sont plus rares. Le diagnostic biologique
repose sur le dosage de la 17 OH progestérone de base, le matin supérieur
à 5 ng/ml ou après un test au Synacthène (réponse supérieure
à 10 ng/ml). En réalité, la fréquence de ces formes non classiques
de bloc en 21 OH parmi les hyperandrogénies de l'adolescente a été
surévaluée : on considère actuellement qu'elles représentent
6 à 8 % des cas des hyperandrogénies de l'adolescente.
• bloc en 11b-OH
: il est exceptionnel, responsable d'une hyperandrogénie pubertaire. Son expression
clinique n'est pas spécifique : tout au plus, une tension artérielle un
peu élevée HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 183
justifiera un dosage du composé S à
l'état basal et sous Synacthène : une élévation importante signe
le bloc en 11b-OH.
• bloc en 3bHSD : sa responsabilité
dans l'hirsutisme de l'adolescente est plus rare qu'on ne l'a suggéré.
Le diagnostic repose sur l'élévation du DHAS à l'état de base
et sous stimulation par le Synacthène. Les formes tardives de ce bloc ne semblent
pas relever d'une anomalie du gène de la 3b.HSD, si bien qu'actuellement, leur
existence même est remise en question !
A.3. Anomalies du cortisol
Le syndrome de Cushing doit être
évoqué devant une obésité importante avec répartition facio-tronculaire
des graisses, l'existence de vergetures, une érythrose des joues, associées
à un hirsutisme. Son dépistage repose sur l'élévation du cortisol
libre urinaire. Il s'agit d'une cause très rare d'hyperandrogénie pubertaire.
Les syndromes de résistance au
cortisol sont exceptionnellement responsables d'une hyperandrogénie.
A.4. Hyperprolactinémie
Elle s'accompagne d'acné, d'hirsutisme
et d'ovaires polykystiques. Sur le plan biologique, elle est associée à
une production exagérée de DHAS et à une augmentation de la testostérone
libre. L'hyperandrogénie est freinable par la dexamethasone.
B. Hyperandrogénies ovariennes fonctionnelles
L'hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle
reconnaît plusieurs facteurs déterminants, souvent interdépendants
tels que : l'atrésie folliculaire, la production excessive d'androgène
extra-ovarien, une dysrégulation de la stéroïdogénèse,
une insulino-résistance et/ou une hyperproduction de LH. La conséquence
ultime en est l'augmentation des androgènes intra-ovariens : le prototype de
l'hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle est représentée par le
syndrome des ovaires multipolykystiques (SOPK).
Pendant des années, le syndrome
des ovaires polymicrokystiques (SOPK) a eu la réputation en France, d'être
rare sinon exceptionnel chez l'adolescente, alors qu'il représentait dans les
pays anglo-saxons la principale étiologie des hyperandrogénies péri-pubertaires
(2, 16, 17). 184 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL Ce
paradoxe était révélateur des incertitudes sur les limites de ce
syndrome.
Une meilleure analyse des troubles du cycle péri-pubertaire,
des particularités hormonales de cette période de transition et enfin
des caractéristiques morphologiques de l'ovaire a permis de définir les
limites entre l'hyperandrogénie physiologique transitoire péri-pubertaire
et l'authentique SOPK (3) dont la sanction thérapeutique est impérative
(1).
B.1. Définition du SOPK de
l'adolescente
Bien que sa définition ne soit
pas encore consensuelle (5, 6, 7, 12, 21, 22), nous considérons pour notre
part que le diagnostic de SOPK devrait être porté, en période péripubertaire
devant une symptomatologie clinique, biologique et échographique caractéristique
(18).
Dans la mesure où le diagnostic
de certitude impose une sanction thérapeutique de plusieurs années, il
devra associer deux signes cliniques + deux signes biologiques + deux signes échographiques.
Signes cliniques :
• acné
sévère,
• hirsutisme,
• spanioménorrhée,
• aménorrhée,
• obésité
(abdominale)
• acanthosis
nigricans
Signes biologiques :
• augmentation
de la testostérone plasmatique,
• augmentation
de la testostérone libre plasmatique,
• diminution
de la SHBG,
• augmentation
du rapport LH/FSH > 2,
• augmentation
du pic de LH après test au LHRH
• hyperinsulisme.
Signes échographiques
:
• augmentation
de la surface ovarienne > 6 cm2,
• présence
de > 6 microkystes répartis en périphérie (D < 6 mm),
• augmentation
du stroma ovarien. HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 185
B.2. Analyse d'une série de 46 observations
de SOPK de l'adolescente
De
1990 à 2002, nous avons pris en charge 151 adolescentes qui consultaient pour
une hyperandrogénie sévère. 10 % d'entre elles présentaient
un hirsutisme idiopathique, 18 % une hyperandrogénie transitoire, 2% une forme
tardive de bloc en 21 hydroxylase.
Pour un tiers de ces adolescentes
(n = 46), il s'agissait de SOPK, eu égard aux critères cliniques, biologiques
et échographiques définis précédemment.
Chez 41 d'entre elles, la symptomatologie
d'appel s'était constituée après la menarche (M + 2). Pour les 5
autres, il s'agissait au contraire de formes prémenarchales de SOPK.
SOPK post-menarchal (n = 41)
Les principales données cliniques
observées lors de la consultation initiale sont rapportées dans le tableau
1. Il apparaît que l'hirsutisme représente le signal d'appel le plus
fréquent, associé ou non à une acné sévère. L'importance
de cet hirsutisme est authentifié par un score de Ferriman toujours supérieur
à 9.
La spanioménorrhée (cycles
longs, irréguliers) deux années après la menarche, représente
le deuxième élément clinique caractéristique, même s'il
était volontiers occulté. L'obésité enfin constitue un signe
quasi constant dans notre série.
L'analyse des antécédents
personnels de ces adolescentes est riche d'enseignement : 6 d'entre elles étaient
suivies dans le service pour évaluation de la récupération de la
fonction gonadotrope après traitement par analogue du LHRH pour une puberté
précoce antérieure. De plus, pour 12 d'entre elles, l'âge de la menarche
est anormalement précoce. Si l'on considère que l'âge moyen des
Tableau 1
186 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL premières
règles est en France de 12,6 ans, il est vraisemblable que ces 12 adolescentes
ont présenté une précocité sexuelle, sans prise en charge médicale.
Par ailleurs, 4 d'entre elles ont affirmé
avoir noté un développement précoce de la pilosité pubienne
(premature pubarche).
La recherche d'antécédents
familiaux apporte de solides arguments en faveur d'une origine génétique
du SOPK : dans 30 % des cas, il existait un tableau d'hyperandrogénie sévère
chez la mère, dans 18 % des cas, chez la sur ou la cousine de premier degré.
Le bilan hormonal de base réalisé
chez les 41 adolescentes porteuses d'un SOPK confirme l'importance de l'hypertestostéronémie
chez la plupart d'entre elles : nous observons des valeurs de testostérone
plasmatique supérieures à 60 ng.100ml (limite supérieure de la normale,
femme adulte) avec des taux extrêmes à 130 ng.100ml, sans étiologie
tumorale connue. Les autres androgènes plasmatiques sont également élevés
dans la moitié des cas.
Quant à l'hyperestrogénie
observée chez ces adolescentes obèses, elle peut parfois atteindre des
valeurs singulièrement préoccupantes (pour certains tissus-cibles).
L'analyse des valeurs de la LH basale
permet de noter des valeurs élevées (supérieures à 7 mU.ml)
dans près de la moitié des observations. Plus intéressante est l'existence
d'un rapport LH/FSH supérieur à 2 dans la quasi-totalité des investigations.
Enfin, chez toutes les adolescentes étudiées, la réserve en LH est
dramatiquement importante : dans certains cas, le pic de LH culmine à 3-400
mU.ml ! Ces valeurs étant 20 à 40 fois supérieures à la réponse
normale. Tableau 2 : SOPK PRE-MENARCHAL
: Données cliniques.
|
˙Observations |
˙Âge |
˙Taille/TC |
˙BMI |
˙Dév. Pub. |
˙Hyper A |
˙Antécédents |
| | | |
˙ |
˙ |
˙(ans) |
˙(cm) |
˙ |
˙S |
˙P |
˙Ac |
˙Hir. |
˙Pers. |
˙Fam. |
˙ |
˙(1) RIE. |
˙10,10 |
˙150/160 |
˙29 |
˙3 |
˙3 |
˙+ |
˙+ |
˙Av. Pub. |
˙Mère |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙(AO=13 ans) |
˙M=11 |
˙ |
˙(2) BER. |
˙11,5 |
˙159/163 |
˙26,5 |
˙4 |
˙4 |
˙+ |
˙+ |
˙Av. Pub. |
˙Mère |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙(AO=15 ans) |
˙ M=10 |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙DS |
˙ |
˙(3) CHI. |
˙13 |
˙174/163 |
˙25 |
˙5 |
˙5 |
˙- |
˙+ |
˙Av. Pub. |
˙Père : |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙(AO=15 ans) |
˙DS |
˙ |
˙(4) CAB. |
˙12,5 |
˙163/165 |
˙19 |
˙5 |
˙5 |
˙+ |
˙+ |
˙Av. Pub. |
˙Mère |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙(AO=15 ans) |
˙M=12 |
˙ |
˙(5) RAM. |
˙12,4 |
˙155/158 |
˙20 |
˙4 |
˙4 |
˙- |
˙+ |
˙Av. Pub. |
˙Mère ? |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙(AO=13 ans) |
HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 187
Tableau 3 : SOPK PRE-MENARCHAL : Investigations
hormonales. L'échographie
pelvienne a toujours révélé l'existence de microkystes répartis
en périphérie de l'ovaire. À trois exceptions près, la surface
ovarienne était supérieure ou égale à 6 cm2.
En matière de prise en charge thérapeutique,
nous avons été contraints, devant le jeune âge de ces adolescentes,
de proposer un traitement par progestatifs seulement dans les formes modérées.
Dans la majorité des cas, nous avons dû préférer l'acétate
de cyproterone, utilisé conjointement avec des strogènes selon un schéma
comparable à celui proposé pour les jeunes gens adultes.
SOPK pré-menarchal
Durant ces derniers mois (20), nous
avons pris en charge cinq fillettes âgées de 10 à 13 ans, qui consultaient
pour une hyperandrogénie sévère (acné comédo-kystique,
hirsutisme FG supérieur à 9). Les principales données cliniques figurent
sur le tableau 2.
On observera qu'elles présentaient
une avance de la maturation osseuse et une taille proche de leur taille cible. L'une
d'elles était obèse (BMI = 29).
Les principales investigations hormonales
sont rapportées sur le tableau 3. Il apparaît que les taux de testostérone
plasmatique sont significativement élevés, voire franchement anormaux,
que le rapport LH/FSH est toujours supérieur ou égal à 2 et que le
pic de LH au cours du test au LHRH est dramatiquement élevé 4 fois sur
5.
L'échographie pelvienne a révélé,
dans tous les cas, la présence de microkystes périphériques au sein
d'ovaires de gros volume.
Le volume utérin correspondait
à une forte imprégnation estrogénique dans tous les cas (longueur
utérine = 74 mm, 46, 70, 55, 64). Ces cinq très jeunes adolescentes présentent,
à l'évidence une hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle. Cette hyperandrogénie
s'inscrit dans un contexte d'avance pubertaire dans les cinq cas, comme en attestent
le développement mammaire et la pilosité pubienne (par rapport à
l'âge chronologique), l'avance staturale
|
˙Observations |
˙Testo |
˙170HP |
˙DHAS |
˙SH/FSH |
˙LH/LHRH |
˙Insuline |
˙Glycémie |
| | | | |
˙ |
˙ |
˙(ng/ml) |
˙Base |
˙ACTH |
˙(ng/ml) |
˙(rapport |
˙(mUI/ml) |
˙(μUI/ml) |
˙(mmol/l) |
| | |
˙ |
˙(1) |
˙0,61 |
˙1,4 |
˙Æ |
˙1,8 |
˙0,8 |
˙7,2 |
˙7,4 |
˙Æ |
˙150 |
˙10 |
˙4,4 |
˙ |
˙(2) |
˙0,64 |
˙0,6 |
˙Æ |
˙1,8 |
˙1 |
˙2 |
˙7,3 |
˙Æ |
˙88 |
˙34 |
˙4,8 |
˙ |
˙(3) |
˙0,53 |
˙0,7 |
˙Æ |
˙2,6 |
˙3,1 ; 1,1 |
˙3,2 |
˙10,5 |
˙Æ |
˙276 |
˙45 |
˙4,6 |
˙ |
˙(4) |
˙1,3 |
˙0,4 |
˙ |
˙ |
˙0, 9 |
˙6 |
˙6,8 |
˙Æ |
˙45,5 |
˙NF |
˙NF |
˙ |
˙(5) |
˙0,7 |
˙0,6 |
˙Æ |
˙ |
˙1,9 |
˙3 |
˙6 |
˙Æ |
˙28 |
˙NF |
˙NF |
188 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL (par
rapport à la taille cible), l'exagération de la maturation osseuse, et
le développement du volume utérin post-pubère.
L'existence d'une obésité modérée
chez ces cinq adolescentes, sans hyperinsulinisme, est à souligner. Compte-tenu
de leur développement pubertaire, du niveau d'imprégnation hormonale et
du degré de maturation (osseuse), on peut considérer que ces cinq jeunes
adolescentes présentent une aménorrhée primaire associée à
un authentique SOPK (15).
Cette hyperandrogénie ovarienne
relève d'une production exagérée de LH secondaire à une augmentation
de l'amplitude des pulses de LH primitive (?) ou dépendant d'un défaut
chronique de feed-back négatif par la progestérone (cf. taux de 17 OHP
de base).
Dans ces conditions, un traitement
par progestatifs devrait ralentir l'effet de l'hyper LH sur les cellules de la granulosa
de la cohorte folliculaire, sur leur activité aromatase, ainsi que sur l'hyperandrogénie
intra-ovarienne responsable du trouble de la maturation folliculaire.
Ce traitement a, en effet, conduit
pour quatre adolescentes à l'apparition de la ménarche, sans rétrocession
des signes cliniques d'hyperandrogénie. La mise en route du traitement spécifique
du SOPK de l'adolescente (anti- androgènes et strogènes) est discutée.
B.3. Discussion
L'analyse de cette série homogène
de 46 adolescentes (41 + 5) porteuse d'un SOPK suscite un certain nombre de commentaires
:
1. Il existe incontestablement une
transmission dominante du SOPK comme en témoigne le nombre élevé
de couples mère/fille présentant un SOPK. En dépit d'espoirs récents,
l'existence d'un gène responsable associé au SOPK reste hypothétique
(3).
Cette notion génétique
impose en revanche un dépistage précoce des hyperandrogénies péripubertaires
dans les familles «à risques».
2. La précession
d'une pubarche précoce peut-elle être considérée comme fortuite
? Si l'interrogatoire de jeunes femmes porteuses de SOPK ne fait pas apparaître
avec certitude la précession d'une pubarche précoce, les travaux d'Ibanez
(8, 10) montrent clairement qu'un tiers des fillettes avec premature pubarche va
développer à l'adolescence une hyperandrogénie
HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 189
ovarienne fonctionnelle, associée à
un hyperinsulisme (9). Dans ce cas, une dysrégulation de la sécrétion
d'androgènes surrénaliens et ovariens rendrait compte de ce schéma
évolutif.
Quoi qu'il en soit, une surveillance
péri-pubertaire de ces adolescentes paraît justifiée, à fortiori
s'il s'agit de population du pourtour méditerranéen.
3. La précession
d'une puberté précoce constitue-t-elle un facteur de risque de développement
d'un SOPK péri-pubertaire ? Là encore l'étude rétrospective
de plusieurs séries de SOPK adulte ne fait pas apparaître cette inter-relation
avec certitude. En revanche, de nombreuses équipes pédiatriques ont attiré
l'attention sur le risque non négligeable de voir se constituer un SOPK chez
des adolescentes préalablement traitées par analogue du LHRH pour puberté
précoce centrale (14, 19).
À Montpellier,
une étude prospective de dépistage du SOPK chez ces adolescentes montre
que parmi 16 adolescentes qui ont récupéré leur fonction gonadotrope
après arrêt du traitement par analogue de LHRH, quatre présentent
un SOPK et cinq une hyperandrogénie transitoire.
Association fortuite
ou relation de cause à effet, d'autres expertises nationales ou internationales
sont nécessaires pour répondre à cette question importante. Elle
justifie néanmoins une surveillance péripubertaire de toutes les
fillettes traitées pour puberté précoce centrale.
4. L'existence d'une
hyperandrogénie précoce (11-13 ans) pré-menarchale impose une investigation
hormonale et une prise en charge thérapeutique.
Si l'aménorrhée
primitive représente, dans toutes les séries, un signe d'appel du SOPK
de l'adolescente, elle survient habituellement à un âge plus avancé
(supérieur à 1 DS de l'âge moyen de la menarche en France, c'est
à dire 13,6 ans).
Comme nous le montrons
ici, une hyperandrogénie précoce, pré-menarchale peut inaugurer un
SOPK. Il importe donc d'en faire la preuve rapidement et de proposer un traitement
adéquat.
5. L'insulino-résistance
péri-pubertaire est-elle exagérée chez les adolescentes avec SOPK
?
Pour notre série,
le bilan métabolique s'est limité à une évaluation couplée
de la glycémie et de l'insulinémie à jeun. Un hyperinsulinisme n'a
été mis en évidence que dans un nombre modeste d'observations.
En revanche, un travail très récent
(11) met l'accent sur les anomalies métaboliques précoces observées
au cours du SOPK péri- 190 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL pubertaire
: chez les jeunes adolescentes avec SOPK, l'insulinémie à jeun est deux
fois supérieure à celle des témoins et le rapport glycémie/insulinémie
est plus bas.
Au décours du clamp hyperinsulinémique
/ euglycémique, la sensibilité à l'insuline est plus faible chez
les adolescentes avec SOPK. Pendant le clamp hyperglycémique, la sécrétion
d'insuline est significativement plus élevée chez les SOPK. Pour ces auteurs,
la réduction de la sensibilité périphérique à l'insuline,
l'insulino-résistance hépatique et l'hyperinsulisme compensatoire représentent
un facteur de risque de développement du diabète de type 2 et justifient
une prise en charge active et précoce des troubles métaboliques
associé au SOPK péripubertaire (1, 4, 13).
En conclusion, il existe sans contexte,
plusieurs particularités du SOPK péripubertaire :
1. son origine génétique
;
2. son développement
potentiel après prémature pubarche ;
3. son développement
potentiel après puberté précoce ;
4. son expression
possible avant la menarche ;
5. son association
fréquente à une insulino-résistance précoce.
Ces particularités méritent
d'être soulignées pour faciliter un dépistage précoce, une prise
en charge coordonnée entre les pédiatres endocrinologues et les endocrinologues
adultes.
C. Hyperproduction périphérique d'androgènes
C.1. Obésité
Plusieurs facteurs sont responsables
d'une hyperandrogénie chez la jeune fille obèse : production de testostérone
par le tissus adipeux, à partir de précuseurs, hyper-strogénie génératrice
d'une sécrétion accrue de FSH-LH ; insulino-résistance, réduction
de la TEBG responsable d'un taux de testostérone libre plus important.
C.2. Hirsutisme idiopathique
Il se caractérise par un tableau
d'hyperandrogénie chez une adolescente à bilan biologique sub-normal :
seule, l'élévation du 3a5a androstenediol témoigne « d'une hyperconsommation
» de la testostérone par la cellule cible, secondaire à une exagération
de l'activité 5a réductase qui convertit la testostérone en DHT (26).
HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 191
D. Hyperandrogénies tumorales
D.1. Les tumeurs virilisantes de l'ovaire
Elles constituent une cause très
rare d'hyperandrogénie de l'adolescente, il s'agit presque toujours de tumeurs
bénignes. Elles se différencient de l'hyperthécose, lésion pseudo-tumorale
touchant les deux ovaires. Le diagnostic repose sur l'élévation considérable
des androgènes, surtout D4 et sur les données de l'imagerie.
D.2. Les tumeurs virilisantes de
la surrénale
Elles sont rarissimes et sont suspectées
devant des valeurs très élevées de DHA et DHAS.
E. Hyperandrogénies transitoires
Un nombre non négligeable d'authentiques
hyperandrogénies cliniques et biologiques de l'adolescente sont transitoires
et réversibles, soit spontanément, soit au décours d'un traitement
par progestatifs dans le but de régulariser une spanioménorrhée persistante.
Cette éventualité ne saurait
être occultée, eu égards au risque de diagnostic erroné et de
traitement intempestif. Tableau
4 : Modifications hormonales
|
˙Affection |
˙T |
˙T libre |
˙DHAS |
˙D4 |
˙17OHP |
˙3aDiols |
˙LH |
|
˙ |
˙Premature adrenarche |
˙ |
˙ |
˙¤¤¤ |
| | | |
˙Adrenarche
exagérée |
˙ |
˙ |
˙¤¤¤ |
˙¤ |
˙¤ |
| | |
˙Bloc
tardif 21-OH |
˙¤ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙¤¤¤ |
˙¤ |
| |
˙Hyperprolactinémie |
˙¤ |
˙ |
˙¤¤ |
| | | | |
˙SOMPK |
˙¤ |
˙¤¤ |
˙¤ |
˙¤¤ |
˙ |
˙¤¤ |
˙ ¤¤¤ |
|
˙Hirsutisme idiopathique |
˙ |
˙¤¤ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙¤¤¤ |
| |
˙Tumeur
surrénalienne |
˙¤ |
˙ |
˙¤¤¤ |
| | | | |
˙Tumeur
ovarienne |
˙¤¤¤ |
˙ |
˙ |
˙¤¤ |
˙ |
˙¤¤ |
192 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL 4.
Conduite à tenir devant une hyperandrogénie de l'adolescente
A. L'étape clinique
Certaines situations cliniques sont évocatrices
d'une hyperandrogénie :
• hirsutisme
;
• acné
précoce, résistant au traitement ;
• spanioménorrhée
persistante ;
• obésité
importante.
Dans d'autres cas, il faudra rechercher
:
• des manifestations
caractéristiques d'un hyperinsulinisme ;
• une galactorrhée.
L'interrogatoire permet de noter :
• l'âge
de la puberté, ses modalités ;
• le profil
évolutif de l'hyperandrogénie ;
• les antécédents
familiaux d'hyperandrogénie : bloc enzymatique, hirsutisme idiopathique.
B. Investigations paracliniques (Tableau 4)
Au terme de l'étape clinique, deux éventualités
sont à considérer :
• il existe
une orientation étiologique, les examens biologiques et morphologiques a minima
vont confirmer le diagnostic :
- un dosage de testostérone
(+ DHAS) et de 17 OHP plasmatique sont suffisants ;
- l'échographie
pelvienne est utile mais non indispensable ;
• il n'y a pas
d'orientation étiologique, le bilan hormonal de base et après exploration
dynamique est indispensable, assorti d'une échograhie pelvienne et/ou d'explorations
plus ciblées (25, 27).
D'une façon générale,
devant toute hyperandrogénie de l'adolescente le bilan d'orientation peut se
limiter, en première intention, aux dosages de la testostérone, du S-DHA
et de la 17 OH progestérone plasmatique. Nous y associons systématiquement
celui de la LH basale. Ces dosages doivent être réalisés le matin,
en première partie du cycle : en cas d'aménorrhée ou de spanioménorrhée
les règles sont déclenchées par l'administration de progestatifs
pendant 7 jours.
Deux situations extrêmes sont
alors observées : HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 193
• le bilan de base est
normal : on évoque un hirsutisme idiopathique et le dosage élevé
du 5a3a androstenediol traduit une consommation cutanée exagérée
des androgènes ;
• à l'inverse, si
la testostérone est > à 2 ng/ml, on suspecte une hyperandrogénie
tumorale et en fonction de l'augmentation des autres androgènes, on évoque
une tumeur de la surrénale, ou de l'ovaire.
Dans la majorité des cas, le bilan
de base ne montre qu'une élévation modérée des androgènes
: testostérone > 0,7 ng/ml, S-DHA > 2 mg/ml, 17 OH progestérone
entre 2 et 5 ng/ml. L'investigation dynamique prend alors tout son intérêt.
Le test au synacthène permettra
de retenir le diagnostic de bloc tardif en 21-OH si la 17 OH progestérone sélève
au-dessus de 10 ng/ml. Il aidera également au diagnostic (+ rare) des autres
blocs enzymatiques.
Dans notre expérience, le test
au LH s'est révélé très utile pour conforter le diagnostic de
SOPK : une réponse en LH supérieure à 30 mUI/ml (à T +30' du
test au LHRH) constitue un argument de poids.
Pour certains, le test de freination
rapide par la dexamethasone représente la base de l'exploration d'une hyperandrogénie
de l'adolescente : en fonction de la réponse du cortisol, un test de freination
prolongée suivi d'un test à l'ACTH permet de préciser l'origine ovarienne
ou surrénalienne de l'hyperandrogénie.
Enfin, le test de stimulation par un
agoniste du LHRH permettrait d'affiner le diagnostic.
Que reste-t-il des autres données
biologiques ?
• le dosage
de la D4 reflète la production d'androgènes par l'ovaire : c'est un paramètre
intéressant qui peut être associé à celui de la testostérone
;
• le dosage
de la TEBG est parfois informatif ;
• le dosage
de la testostérone libre a été considéré par certains comme
le marqueur de l'hyperandrogénie : il semble que cette affirmation soit quelque
peu excessive ;
• le dosage
de la DHT plasmatique n'offre qu'un intérêt limité.
Par contre, en fonction de l'orientation
clinique et étiologique :
• le dosage
du cortisol urinaire est indispensable pour porter le diagnostic d'hypercorticisme
;
• le dosage
de la prolactine est nécessaire devant toute galactorrhée.
194 C.
SULTAN, F. PARIS et C. JEANDEL C.
Indications thérapeutiques
Il faut considérer les traitements étiologiques
et les traitements symptômatiques.
Traitements étiologiques
• du bloc tardif
en 21-OH : la prescription de dexamethasone (0,5 - 1 mg/j) est d'usage. Certains
préconisent l'utilisation d'anti-androgènes : acétate de cyprotérone
;
• du SOPK :
- dans les formes
a minima : un progestatif, non androgénique, 15 jours par mois ;
- dans les formes
associant hirsutisme, obésité, spanioménorrhée : le schéma
de Kutten modifié donne d'excellents résultats :
il associe :
* acétate de
cyprotérone 50 mg : 20 jours/mois ) et
* 17 b estradiol (gel
/ p.os) : 20 jours/mois simultanément
Certains auteurs
préconisent l'utilisation d'analogue du LHRH.
Traitement symptômatique
Il repose exclusivement sur l'utilisation
d'acétate de cyprotérone (Androcur) à la posologie de 50 à 100
mg/j (1 à 2 comprimés)
Le traitement cosmétique de l'hirsutime
est souvent nécessaire.
5. Conclusion
Les hyperandrogénies de l'adolescente sont
fréquentes et imposent une attention particulière à une période
où s'élabore l'image corporelle. Dans certains cas, il s'agit d'une simple
variante de la normale ; dans d'autres, le diagnostic doit faire appel à des
investigations biologiques et morphologiques modernes. Un diagnostic précis
doit être assuré pour la mise en route d'un traitement spécifique
capable de limiter les complications ultérieures sur l'endomètre, la glande
mammaire et la fertilité. HYPERANDROGéNIES
DE L'ADOLESCENTE 195
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