Tabac, contraception et ménopause
Christian JAMIN
1. La femme et le tabac
Le tabagisme féminin est au centre des préoccupations
de l'OMS, puisqu'aux USA, civilisation, sinon phare mais précurseur, la mortalité
par cancer du poumon chez la femme dépasse celle dûe au cancer du sein.
Le tabagisme féminin, d'introduction
plus tardive qu'aux USA, touche à ce jour 26 % de la population féminine
en France 14,5 % des femmes de plus de 40 ans et il y a fort à craindre qu'une
fois de plus nous suivions l'évolution d'outre atlantique pour la mortalité
du cancer du poumon (19, 22).
Pour ce qui est des maladies cardiovasculaires,
les œstrogènes avant la ménopause ont un effet protecteur relatif chez
les fumeuses. Après la ménopause le tabagisme du fait de l'hypo-œstrogénie
voit sa toxicité circulatoire augmenter.
Pourquoi les femmes fument-elles ?
Hormis les raisons communes aux hommes et aux
femmes, deux facteurs viennent s'ajouter chez les femmes pour expliquer le tabagisme
:
L'affranchissement
Dans son combat permanent pour sa conquête
d'autonomie et de reconnaissance sociale, la femme utilise le tabac comme une arme
dérisoire et vaine, souvent symbole d'indépendance.
Les fabricants de tabac ne s'y sont
pas trompés puisqu'ils ont féminisé le tabagisme en mettant des filtres
attrayants aux cigarettes, 368 C.
JAMIN en donnant
aux cigarettes et aux briquets un aspect luxueux censé augmenter le charme
des utilisatrices.
La terreur pondérale
Certaines femmes fumeuses finissent
pas dépasser les idées simplistes exposées ci-dessus, mais le piège
s'est déjà refermé. En effet à la dépendance à la
nicotine et à la dépendance gestuelle commune aux hommes et aux femmes
s'ajoute la névrose sociale qu'est l'obligation d'être mince. Celles-là
même qui à l'adolescence ont eu besoin du tabac pour s'affirmer sont celles
qui ont la phobie ultérieure des kilos.
Là, le constat est affligeant
: s'il existe en effet une tendance naturelle à la prise de poids avec l'âge,
l'arrêt du tabac est fortement corrélé à une prise pondérale.
La prise de poids moyenne à l'arrêt du tabac est de 3,8 kg chez la femme,
alors que 13,4 % des femmes prennent plus de 13 kg. Le risque est d'autant plus
important que le tababisme est plus important.
Les causes de ces prises de poids sont
multiples mais il semble que le facteur majeur soit une augmentation de la prise
calorique par grignotage.
L'étude Mathis a bien confirmé
que les fumeuses ont un index de masse corporel plus faible que les non fumeuses
23,07 kg/m2 vs 23,63 avant la ménopause et 23,08 vs 24,49 après
la ménopause. Le tabagisme en revanche ne modifie pas le rapport tour de taille/tour
de hanche ni l'influence de l'âge et de la ménopause sur celui-ci mais
il diminue le tour de taille (14).
Qui fume ?
Dans la tranche d'âge au-delà de 35
ans et de moins de 16 ans, la proportion de fumeurs est plus élevée chez
les hommes que chez les femmes. En revanche entre 16 et 35 ans les femmes sont proportionnellement
plus nombreuses que les hommes, surtout pour les tranches d'âge les plus basses.
On peut penser qu'à 16 ans, la jeune fille utilise le tabac comme un outil
au service de son besoin d'affirmation.
Fait marquant chez les hommes, le tabagisme
diminue au fur et à mesure que s'élève la catégorie socio-professionnelle.
On ne retrouve pas ce phénomène chez les femmes, pour lesquelles la répartition
est plus homogène, identique quelle que soit la catégorie socio-professionnelle
(19, 22, 25, 26). ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 369
2. La pilule et le tabac
Une enquête pratiquée en France par
le CREDES nous révèle des chiffres à priori surprenants mais en réalité
seulement en apparence : les utilisatrices de pilule fument davantage que les non
utilisatrices (22).
En effet il existe une communauté
de typologie entre le fait de prendre la pilule et le fait de fumer. Il s'agit dans
les deux cas d'une affirmation de liberté et de modernisme.
Ainsi les fumeuses représentent
35 % des femmes qui prennent la pilule, alors qu'elles ne représentent que
25 % de la population de même tranche d'âge, et que 20 % de celles qui
usent d'un autre moyen contraceptif. Parmi les fumeuses 26 % prennent la pilule.
1 % des femmes arrêtent leur contraception avec comme raison invoquée
le tabagisme ; l'inverse eut été préférable.
Aux USA, 25 % des femmes âgées
de 35 à 45 ans qui prennent la pilule fument, ce qui représente en principe
une contre-indication à la prescription d'un contraceptif oral.
Pilule, tabac et maladies circulatoires
Le tabagisme représente un facteur de risque
majeur de maladies cardiovasculaires chez l'homme et également chez la femme,
mais de façon moindre.
Les risques cardiovasculaires lors
de l'association pilule et tabac sont connus de longue date et sont les plus médiatisés.
On peut même affirmer que l'un des premiers coups de frein au développement
de la contraception orale est dû aux publications du milieu des années
70 qui mettaient en évidence une relation entre contraception orale et pathologie
cardiovasculaire (20, 28, 29).
L'infarctus du myocarde (IM)
Trois publications consécutives
de Man en 1975 et 1976 concernant des études cas contrôles britanniques
ont mis en évidence une augmentation du nombre d'infarctus mortel ou non sous
OP.
Très rapidement deux évidences
se sont détachées (24) :
• la pilule
multiplie l'effet de l'âge sur le risque d'IM. Ainsi s'il n'existe pas de modifications
importantes du risque relatif si l'on compare les tranches d'âge 30-39 à
40-44, en revanche le risque attribuable passe lui de 7/100 000 par an à
67/100 000 femmes par an ; 370 C.
JAMIN • l'association
à d'autres facteurs de risque que l'âge a une très grande influence
sur le risque. Parmi ces autres facteurs risque le tabagisme arrive loin devant.
Là encore si le risque relatif reste stable avec l'âge le risque attribuable
s'élève considérablement avec l'âge et le nombre de cigarettes
par jour.
Il y a donc potentialisation par la tabac des
risques d'IM liés à l'âge et à l'utilisation de la pilule.
La composition des pilules joue aussi
probablement un grand rôle dans le risque. La diminution de la dose d'éthynil
œstradiol de 100-150 μg par jour à 30 μg s'est accompagnée d'une
baisse de 80 % du risque d'accident. Cependant il faut tenir compte du fait
que dans le même temps les leçons ont été tirées des publications
antérieures et la prescription de CO chez les femmes à risque, en particulier
les fumeuses de plus de 35 ans, a considérablement diminué.
De plus il est probable à la lumière
des publications les plus récentes que l'utilisation de progestatifs moins
androgéniques a participé à cette décroissance du risque (23).
Il ne semble plus y avoir d'augmentation
du risque d'infarctus du myocarde avec les pilules de 3e génération
en comparaison avec les non utilisatrices. Le risque relatif est double si l'on
compare les pilules de 2e et 3e générations, pourtant
les fumeuses sont plus nombreuses à utiliser des pilules de 3e génération.
La mortalité par infarctus du myocarde sous CO de 3e génération
serait aussi moins importante (9).
Cependant il ne faudrait pas conclure
hâtivement que l'association de ces dernières pilules avec le tabac ne
présente plus de risque coronaire.
Les risques d'accident vasculaire
cérébral (AVC)
Les AVC représentent avec les
IM le second grand risque à l'utilisation de la CO (28).
Avec les pilules à 50 μg
et davantage le risque relatif est de 5, ce qui représente un excès de
risque de 37 pour 100 000 par an. 5 à 10 % de ces AVC sont mortels. Là
encore le risque est beaucoup plus élevé s'il existe d'autres facteurs
de risque. Si l'effet de l'âge est mal évalué c'est surtout l'association
à une hypertension artérielle qui est dangereuse.
Deux études récentes montrent
une diminution importante du risque d'AVC (7, 27, 30). Ceci est très probablement
dû à une meilleure prise en compte des facteurs de risque associés
comme l'hypertension artérielle, le diabète et l'âge. L'étude
de Petitti (27) ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 371
ne trouve même plus d'augmentation du
risque avec les pilules contenant moins de 50 μg d'EE2, ni pour les accidents
ischémiques ni pour les hémorragies.
En revanche l'utilisation concommitante de tabac,
si elle n'augmente pas le risque d'accident ischémique, est responsable d'une
augmentation persistante des accidents hémorragiques.
Ce maintien de l'augmentation du risque
est retrouvé dans l'étude de l'OMS(27) lors de l'association pilule et
tabac (RR = 7), alors que la pilule seule donne globalement un risque à 2 et
n'est plus significatif avec les pilules de 2e et 3e générations.
Ainsi pour les AVC une prescription plus prudente des CO associée à une
diminution des doses a eu un effet très favorable, mais l'association de ces
pilules faibles avec le tabac n'est pas dénuée de risque.
La pilule, le tabac et les phlébites
Il est connu depuis fort longtemps
que la prise de contraceptifs oraux agmente le risque de thrombose veineuse et d'embolie
pulmonaire. Une diminution des doses d'EE2 contenues dans les CO associées
à une prise en compte de ce risque a entraîné une nette diminution
de ce risque (30). Les facteurs favorisant ce risque sont les antécédents
personnels ou familiaux de thrombose, l'immobilisation, l'obésité, le
mauvais état veineux, etc.
La tabac a lui aussi fait figure d'accusé
(26). Les travaux récents confirment l'augmentation du risque de phlébite
sous contraception orale, tant chez les non fumeurs, RR = 4 (2,8-5,8) que chez les
fumeurs RR = 5,5 (3,6- 8,6), sans que la différence soit significative suivant
le tabagisme. Le tabagisme hors de la contraception n'augmenterait pas le risque
non plus RR = 1,2 (0,8-1,8).
La pilule, le tabac et les facteurs
de risque de pathologie circulatoire
Les accidents artériels principalement
favorisés par l'association pilule/tabac ne semblent pas être en rapport
avec un phénomène d'athérome mais avec une thrombose, bien que le
tabac lui-même favorise l'athérome alors que la pilule s'oppose à
sa survenue.
Facteurs de coagulation
La pilule augmente la fibrinogène
et le fibrinopeptide A et décroît l'activité antithrombine III. Ces
variations sont d'autant plus marquées que les doses d'éthynil œstradiol
sont plus élevées et que les femmes sont fumeuses (11).
372 C.
JAMIN Pour la fibrinolyse
il ne semble pas que ni la pilule, ni le tabac, ni leur association jouent un rôle
sur l'équilibre activateur du plasminogène/inhibiteur de l'activateur
du plasminogène.
En revanche la concentration des complexes plasmine/antiplasmine
et de fibrine/produits de dégradation de la fibrine sont modifiés par
la pilule avec une accentuation lors de l'association pilule/tabac. Ceci est en
faveur d'une augmentation de la formation de fibrine lors de la prise concommittante
du pilule et de tabac (16).
Influence du tabagisme sur le métabolisme des
contraceptifs oraux
Il existe de nombreux arguments en faveur de l'influence
du tabagisme sur la fonction ovarienne. Cette influence se faisant sur l'ovaire
lui-même, peut-être sur la commande hyptothalamo-hypophysaire, mais aussi
sur la métabolisme des œstrogènes.
Le tabagisme diminue l'incidence des
maladies œstrogénodépendantes comme les fibrômes utérins, l'endométriose
et la toxémie gravidique, et en post ménopause le cancer du sein (2).
Mais l'argument le plus fort en faveur d'un effet direct du tabac sur le métabolisme
des œstrogènes est la perte d'efficacité de l'œstrogénothérapie
orale sur la prévention du risque de fracture ostéoporotique et la non
amélioration du bilan lipidique sous œstrogénothérapie orale substitutive
chez la femme ménopausée (1, 3, 4).
Le fait que l'un comme l'autre de ces
paramètres reste amélioré sous œstrogénothérapie cutanée
plaide en faveur d'une altération hépatique du métabolisme de l'œstradiol,
comme l'un des facteurs majeurs de l'hypœstrogénie observée chez les tabagiques.
Rappel sur le métabolisme de
l'œstradiol
L'œstradiol est métabolisé
en œstrone de manière réversible par une 17 beta OH stéroïde
déshydrogénase. L'œstrone est un carrefour catabolique pouvant orienter
le métabolisme de l'œstradiol vers deux voies principales irréversibles,
une 16 hydroxylation conduisant au 16 hydroxyœstrone puis à l'œstriol, et une
2 hydroxylation produisant le 2 hydroxyœstrone puis le 2 méthoxyiœstrone (18).
Les dérivés obtenus à
partir de la 16 hydroxylation possèdent une faible activité œstrogénique.
En revanche les dérivés 2 hydroxydés sont dénués d'activité
œstrogénique mais non d'affinité pour le récepteur de l'œstradiol.
Le 2 hydroxyœstrone il se comporte ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 373
ainsi, comme un inhibiteur compétitif
de l'œstradiol donc comme un anti-œstrogène.
Il a été démontré chez la
femme fumeuse une augmentation de la voie de la 2 hydroxylation hépatique et
sous la dépendance du cytochrome P 450 III A (P 450 NF). Parmi les autres substrats
du cytochrome P 450 NF on trouve la testostérone, la progestérone, l'éthynil
œstradiol, la nifédipine, la rifampicine et le benzopyrène 7, 8diol (13).
Certains de ces produits ont un effet
d'inhibition compétitive de la 2 hydroxylation de l'œstradiol (la progestérone,
le norgestrel), d'autres sont des activateurs de l'activité du cytochrome P
450 NF (rifampicine).
D'autres mécanismes pouvant expliquer
l'effet anti-œstrogènes ont été découverts :
• diminution
de la production de l'œstradiol par les cellules de la granulosa par la nicotine
;
• une inhibition
de l'arômatisation des androgènes par les tissus adipeux par un effet
direct, de plus les tabagiques ayant une masse grasse plus faible ceci accroit le
déficit d'arômatisation ;
• une anomalie
de la libération des gonadotrophines a été mise en évidence
par l'effet de la nicotine ;
• les hydrocarbures
arômatiques sont aussi responsables d'une atrésie folliculaire, rendue
responsable d'un abaissement de l'âge de la ménopause de plus d'un an.
La nicotine est un inhibiteur de le
11 et de la 21 hydroxylase. Elle crée donc un bloc surrénalien acquis
responsable d'une élévation du taux circulant des précurseurs DHA
et androstènedione. Ceci explique l'hyperandrogénie clinique souvent visible
chez les fumeuses.
Influence du tabagisme sur le métabolisme de l'éthynil
œstradiol
L'EE2 a en moyenne une disponibilité de 40
% avec d'importantes variations interindividuelles. Dans l'intestin l'EE2 pour 30
% des cas est sulfaté, le reste est hydroxylé (30 %).
Dans l'organisme la présence d'un
radical en C.17 protège l'EE2 d'une hydroxylation en 16.
La 2 hydroxylation est la voie majeure
d'inactivation de l'EE2, avec de très grandes variations interindividuelles
sous la dépendance du cytochrome P 450 NF. Il est probable bien que non formellement
démontré, que là encore le tabagisme augmente la 2 hydroxylation
de l'EE2, le transformant en 2 hydroxyéthynilœstradiol (10).
374 C.
JAMIN Il a été
démontré que les utilisatrices de pilules ont un taux d'œstradiol endogène
plus faible lorsqu'elles fument que lorsqu'elles ne fument pas. Les auteurs suggèrent
qu'il s'agirait d'un effet ovarien direct, sans écarter formellemnt un effet
sur l'arômatisation périphérique, ni sur le catabolisme hépatique
de l'œstradiol (5).
Une très importante étude ouverte incluant
3 000 femmes sous CO trouve un nombre plus important de spotting et de saignements
chez les fumeuses. Ceci se produit au cours des 6 cycles suivant l'introduction
de la pilule, avec bien évidemment un nombre beaucoup plus important de troubles
le premier cycle.
Parmi les fumeuses la fréquence
des saignements est plus importante chez les femmes fumant plus de 15 cigarettes
par jour. Le risque de saigner est plus élevé de 30 % chez les fumeuses
au 1er cycle et de 86 % au 6e cycle, et toujours au 6e
cycle de 300 % chez les femmes fumant plus de 15 cigarettes par jour (25).
Il n'y a pas dans ce travail d'exploration
biochimique permettant d'attribuer cet effet secondaire à une modification
des taux d'E2 ou d'EE2.
Ainsi le tabagisme modifie le métabolisme
de l'œstradiol et de EE2 en augmentant la 2 hydroxylase. Ceci a pour conséquence
un nombre plus élevé de saignements sous CO dose de cigarettes dépendant.
D'autres travaux sont nécessaires
pour étudier si ces anomalies métaboliques modifient l'efficacité
des contraceptifs oraux, en particulier lors d'oubli de pilules ou de prise concommitante
de médicaments eux aussi substrat du cytochrome P 450 NF.
Pilule, tabac et cancer du col
Tabac et cancer du col
Le risque de cancer du col de l'utérus
est augmenté chez les fumeuses, et plus augmenté chez les fumeuses actuelles
que chez les anciennes fumeuses. Le risque augmente avec la durée et le nombre
de cigarettes fumées par jour. Le jeune âge lors du début du tabagisme
est également un facteur aggravant. Il s'agit d'un facteur de risque indépendant
qui persiste après ajustement des autres variables connues pour influer sur
ce risque, telles que âge, nombre de partenaires, niveau socio économique,
etc. Les cancers favorisés sont épidermoïdes (28).
Il semble que le tabac agisse en favorisant
l'infection virale à HPV, en particulier pour les types 16 et 18. Le tabac
augmente la présence de dérivés de la nicotine (la cotinine) dans
les sécrétions ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 375
cervicales avec une concentration de nicotine
plus importante dans la glaire que dans le sérum.
Ces dérivés de la nicotine ont un effet
immuno-suppresseur tant au niveau du taux des immunoglobulines que de la réaction
lymphocytaire et de l'immunité cellulaire. Des études récentes sont
même en faveur d'une guérison spontanée plus fréquente des états
précancéreux CIN I, II et III en cas d'arrêt de l'intoxication tabagique.
Ceci représente un argument fort
pour aider les femmes à cesser de fumer lorsqu'elles sont porteuses d'une lésion
virale du col. Par ailleurs le tabagisme n'est pas associé à une augmentation
de l'adénocarcinome du col utérin.
Pilule et cancer du col
Il existe une relation épidémiologique
entre la présence de virus HPV 16, 18 et 33 et la prise de contraceptifs oraux.
Quant au risque de carcinome épidermoïde la contraception orale est un
cofacteur discuté.
C'est surtout au niveau de l'adénocarcinome
que la pilule augmente le risque RR=2.
Il n'existe pas à ce jour d'arguments
en faveur d'un effet synergique de la contraception orale et du tabagisme sur le
risque de cancer épidermoïde ni de l'adénocarcinome du col.
376 C.
JAMIN Pilule, tabac
et autres pathologies
Les infections pelviennes
Comparées aux non fumeuses, les
fumeuses ont un risque relatif de 1,7 d'avoir une infection pelvienne (1,1 - 2,5),
que le tabagisme soit actuel ou ancien. Bien que plausible, une relation causale
n'est pas démontrée.
Il est connu que la pilule diminue
le risque d'infection pelvienne, mais en revanche l'interaction tabac pilule sur
ce paramètre n'a pas été étudiée.
Les lithiases bilaires
Les fumeuses développent plus
volontiers une lithiase biliaire symptomatique (RR=1,06) et le risque augmente avec
le nombre de cigarettes fumées par jour. Cette relation est plus évidente
chez les femmes n'ayant jamais utilisé la pilule, bien qu'elle persiste de
façon très modeste il est vrai chez les utilisatrices actuelles.
La maladie de Crohn
Il existe une relation forte entre
tabagisme et risque de maladie de Crohn. En revanche les relations entre maladie
de Crohn et prise de pilule sont plus incertaines.
Il semble que le facteur déterminant
soit surtout le tabagisme mais que la prise de pilule soit en soi un facteur de
risque chez les non fumeuses.
Il est suggéré par ces faits
que ces deux facteurs pourraient agir par un mécanisme commun.
Notons par ailleurs que les maladies
de Crohn survenant chez les femmes prenant la pilule sont plus inflammatoires et
ont des périodes de rémission plus courtes.
3. Tabac et ménopause
Le tabagisme influe sur les conséquences
de la carence œstrogénique post-ménopausique par plusieurs mécanismes:
• abaissement
de l'âge de la ménopause ;
• modification
du métabolisme hormonal ;
• effet direct
du tabac majorant les risques propres de la ménopause ;
ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 377
• intercation tabac
- traitement substitutif.
En revanche la ménopause est sans influence
sur les habitudes tabagiques des femmes.
L'âge de la ménopause et le tabac
L'ensemble des études montre que la ménopause
survient toujours plus tôt chez les fumeuses, la différence avec les non-fumeuses
se situant entre 1 et 1,5 ans. Parmi ces études, certaines mettent en évidence
une influence de la dose quotidienne de tabac, d'autres non. Le tabac reste le seul
facteur indépendant influant sur l'âge de la ménopause (6, 14).
L'influence du tabagisme sur les pathologies œstrogénodépendantes
et les taux hormonaux chez la femme ménopausée
Les études épidémiologiques montrent
que les fumeuses, à l'inverse de ce qui est observé chez les alcooliques
(12) ont des signes de déficit œstrogénique avec en particulier un risque
moindre de cancer de l'endomètre et plus élevé d'ostéoporose.
Par ailleurs les fumeuses ont moins de fibromes, d'endométriose, d'hyperplasie
de l'endomètre, d'hyperménorrhée et de pathologie bénigne du
sein, et ceci d'autant plus que les femmes appartiennent à des groupes à
risque comme les obèses ou les patientes sous œstrogénothérapie.
Cet effet de modification de l'influence des œstrogènes exogènes va contre
un effet lié uniquement à une baisse de l'âge de la ménopause.
Enfin l'influence du tabac sur les risques est d'autant plus importante que l'œstrogéno-dépendance
est plus forte. Par ailleurs ces effets sont réversibles dans la mesure ou
chez les anciens fumeurs les chiffres sont proches de ceux trouvés chez les
non fumeurs.
Notons cependant dans ces résultats
un certain nombre de biais, comme l'âge de la ménopause, le poids (qui
majore les risques de pathologies œstrogéno-dépendantes, les tabagiques
ayant un poids inférieur aux non fumeuses), le choix des cas contrôles,
et l'intérêt que les non fumeurs portent à leur santé.
378 C.
JAMIN L'origine
de l'effet anti-œstrogène du tabac
Le plus souvent on ne trouve aucune différence
de taux circulants d'œstradiol, d'œstrone et d'œstriol entre fumeuses et non fumeuses.
Par ailleurs le tabac a été accusé d'inhiber l'aromation des androgènes
chez la femme ménopausée ; ceci a été démontré
in vitro et contesté in vivo. Nous avons vu précédemment
que l'effet anti œstrogène du tabac est lié à des modifications du
métabolisme de l'œstradiol.
La ménopause, le tabac et l'ostéoporose
De même que le tabac, la ménopause augmente
le risque de déminéralisation osseuse et d'ostéoporose. L'influence
du tabac a été trouvée à la fois chez l'homme et chez la femme.
La fréquence des fractures est plus élevée et leur âge de survenue
plus précoce. Cette augmentation du risque fracturaire s'accompagne d'une baisse
du contenu minéral osseux mesuré au niveau vertébral (spongieux)
radial, alvéolaire (cortical).
La physiopathologie de cette masse
osseuse plus basse et de ce risque ostéoporotique plus important n'est pas
univoque: l'âge plus précoce de la ménopause joue certainement un
rôle. De plus les modifications hormonales post-ménopausiques ont un rôle
difficile à déterminer : en effet l'hypœstrogénie pourrait être
un facteur étiologique mais l'hyperandrogénie, elle, a un effet inverse.
Les fumeuses ont une production d'androgènes surrénaliens élevée.
Enfin on suspecte un effet toxique direct du tabac sur les cellules osseuses, en
particulier sur les ostéoblastes.
L'ensemble des études portant
tant sur la masse osseuse que sur le risque fracturaire et prenant en compte le
poids des patientes voient disparaître l'effet tabac dès que l'on ajuste
le risque à l'index corporel. En effet la masse osseuse dépend du poids
qui est plus faible chez les fumeuses et qui agit tant sur les facteurs mécaniques
osseux que sur le niveau d'imprégnation œstrogénique par diminution de
l'aromatisation des androgène surrénaliens par le tissu adipeux.
La ménopause, le tabac et le risque vasculaire
Le tabagisme occupe une place importante parmi
les facteurs de risque vasculaire, mais la carence hormonale post ménopausique
a également été incriminée, de même que l'utilisation d'hormones
ABAC,
CONTRACEPTION ET MéNOPAUSE 379
de synthèse. L'association du tabagisme
à ces deux derniers facteurs semble avoir un effet d'amplification.
Le tabagisme et les traitements substitutifs
L'œstrogénothérapie post-ménopausique
diminue de façon nette le risque ostéoporitique et possiblement de l'athérome.
Étant données les intéractions
existantes entre ces risques et le tabagisme, il est nécessaire de réévaluer
l'influence de l'œstrogénothérapie sur ces risques chez les fumeuses.
Le traitement œstrogénique prévient
la baisse du contenu minéral osseux, tant chez les fumeuses que chez les non
fumeuses, mais il existe une différence d'efficacité significative suivant
que l'œstrogène est utilisé par voie orale ou cutanée. La protection
osseuse est mieux assurée chez les fumeuses si l'on utilise la voie cutanée
(15, 17). Le tabac n'affecte pas l'efficacité du Raloxifène sur l'effet
anti fracturaire vertébral (8).
On constate le même taux d'œstradiol
et d'œstrone sous traitement substitutif lorsque l'on utilise la voie cutanée
chez les fumeuses et les non fumeuses. Cependant quand les œstrogènes sont
utilisés par voie orale les niveaux hormonaux obtenus sont statistiquement
plus faibles chez les fumeuses comparés aux non fumeuses. Ceci est attribué
à une augmentation de la 2 hydroxylation hépatique de l'œstradiol. Son
effet est plus important lors de l'administration orale de l'œstradiol.
L'association tabagisme et hormone
de synthèse utilisées après 40 ans entraîne une importante augmentation
du risque cardio-vasculaire par thrombose.
Des effets bénéfiques des
œstrogènes au niveau de l'athérome et de la vaso dilatation sont attribués
à un effet direct des œstrogènes sur la paroi vasculaire et à une
modification favorable du profil lipidique. L'effet lipidique de l'œstrogénothérapie
orale est diminué chez les fumeuses (15). Cet effet bénéfique moins
important n'est pas trouvé si l'on utilise des œstrogènes par voie cutanée.
Le tabagisme est ainsi le seul facteur
connu susceptible d'abaisser l'âge de la ménopause. Il en accentue les
conséquences soit de façon additive, en majorant le risque cardio-vasculaire
par exemple, soit de façon directe en aggravant l'hypœstrogénie, soit
enfin de façon indirecte en abaissant le poids responsable d'une augmentation
du risque d'ostéoporose. 380 C.
JAMIN Par ailleurs,
la consommation de tabac semble modifier le métabolisme hépatique de l'œstradiol,
inactivant partiellement l'effet thérapeutique des traitements substitutifs
utilisés per os.
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