La grossesse et l'accouchement des
adolescentes
M. UZAN, N. SEINCE, I. PHARISIEN
Ni enfant ni adulte, les adolescents constituent
une classe d'âge à part entière, aux problèmes de santé
et de comportement spécifiques, qui ont conduit à la création, dans
certains hôpitaux d'unités spécialisées d'adolescents avec prise
en charge médico-pyscho-sociales.
Si la maternité précoce est
inscrite dans l'histoire des femmes depuis toujours, la survenue d'une grossesse
fait souvent partie de ces accidents liés à des pratiques à risque.
La grossesse peut correspondre à une angoisse existentielle, ou être une
réponse inadaptée à une situation déjà précaire, parfois,
enfin, elle va s'inscrire dans un continuum familial.
Sexualité à l'adolescence et éducation sexuelle
En France, l'âge moyen des premiers rapports
sexuels ,équivalent dans les deux sexes se maintient depuis 1985 à 17
ans (1). En revanche la distribution des âges au premier rapport montre une
translation vers des âges plus jeunes : 21 % des garçons et 10 % des filles
ont leurs premiers rapports à 15 ans ou moins(2).
Les rapports à l'adolescence ont
pour caractéristique d'être sporadiques (5 à 15 par an) et non planifiés
(63 % ont lieu pendant la période de vacances). De plus les unions sont de
courte durée et n'excèdent que très rarement un mois : ceci explique
en partie l'utilisation du préservatif en première intention(3).
21 % des filles sexuellement actives
n'utilisent aucun moyen de contraception, (4) c'est un chiffre qu'il faut garder
en mémoire lors de l'élaboration des messages à faire passer à
l'usage des adolescents.
Fécondité à l'adolescence La grossesse
en chiffres
L'étude démographique et épidémiologique
quantifie les grossesses des adolescentes de la façon suivante.
Le taux de grossesses chez les adolescentes
Il s'agit du nombre total de grossesses (les naissances,
les interruptions volontaires et les fausses- couches spontanées) pour les
jeunes femmes de 10 à 18 ans, sur le nombre de femmes appartenant à ce
groupe d'âge. Ce taux est exprimé pour 1000 personnes.
En France ce taux est estimé à
24 °/°°. Un tiers seulement de ces grossesses seront menées
à terme (5). Dans l'enquête menée dans notre département de
Seine Saint Denis (à forte densité de population jeune et migrante) ce
taux est de 50 °/°° (6).
Proportion des grossesses chez les adolescentes
Elle se définit comme le nombre de naissances
chez les adolescentes, sur le nombre total de naissances pour un pays donné.
En France ce chiffre a beaucoup baissé
entre 1976 et 1992 puisqu'il est passé de 3,6 % à 1 % Depuis 10 ans il
se maintient aux environs de 0,85 %. Dans notre étude en Seine Saint Denis
il est en légère augmentation puisqu'il passé de 1,9 % (6) en 1998
et est actuellement à 2.3 % du fait d'un recrutement particulier.
En France en 1997 on a enregistré
6 356 naissances chez des mères de 18 ans ou moins, dont 954 chez les
mères de moins de 16 ans.
Profils psychologiques des adolescentes enceintes
La survenue d'une grossesse à l'adolescence
n'est ni le résultat d'un accident ni celui du destin. En dehors des situations
de viol ou de relations incestueuses, il est tout à fait exceptionnel que les
adolescentes deviennent enceintes par ignorance, naïveté ou par inaptitude
à utiliser une méthode contraceptive.
L'abord de ces adolescentes doit être
bienveillant et non répressif. Il faut d'emblée faire « alliance »
avec elles, en quelque sorte les apprivoiser pour pouvoir créer un climat de
confiance et de complicité indispensables pour gérer au mieux tous les
problèmes qui peuvent surgir au cours de ces grossesses précoces.
Nous avons pu identifier un certain
nombre de comportements qui correspondent à des profils bien particuliers.
On peut distinguer les grossesses que
l'on définit comme « culturelles ». Elles sont la résultante
d'une démarche de vérification de l'intégrité du corps et des
organes sexuels. La grossesse va rassurer sur la capacité de procréer
et permet une accession à la fonction maternelle. Dans bon nombre de sociétés
coutumières (Africaines, Gitanes ou maghrébines) l'enfantement est valorisant.
La grossesse constitue un rituel de passage de l'enfance au monde des adultes. Ces
grossesses programmées et attendues par un couple, une famille, un clan suivent
l'évolution habituelle des grossesses et se déroulent pour la grande majorité
d'entre elles de façon très simple.
Toute autre est la grossesse et le
désir d'enfant qui correspondent à la recherche d'un objet de comblement,
d'une carence de l'enfance. Cette grossesse permet d'obtenir un bébé et
de devenir mère, c'est à dire accéder à l'état d'adulte
; il s'agit d'ailleurs en France d' un droit octroyé par le législateur.
Accéder au statut de mère permet donc de s'identifier à sa mère
et souvent de concrétiser un conflit latent. Toutes les enquêtes montrent
qu'un grand nombre de jeunes mères mineures ont souffert dans leur enfance
de conditions de vie difficiles et de mauvaises relations avec leurs parents. Ces
grossesses sont qualifiées de grossesses « misérables »,
c'est l'enfant qui vient compenser les angoisses dépressives et la sensation
d'abandon. Les violences physiques, la carence et la négligence éducative
pendant la petite enfance apparaissent fortement associés avec la parentalité
précoce. Comme à l'origine de nombreux problèmes à l'adolescence
c'est à une mauvaise estime de soi que sont liés la survenue des grossesses
précoces. Parmi les facteurs de risque de nombreuses études retrouvent
les points suivants : la rupture scolaire, les conduites agressives et les conduites
addictives (tabac, alcool, drogues). En revanche les antécédents d'abus
sexuels dans l'enfance n'apparaissent pas comme un facteur de risque à la parentalité
précoce
Enfin il existe un dernier profil d'
adolescentes chez qui la grossesse semblent être l'expression d'une conduite
agressive directement dirigée contre son propre corps. C'est la grossesse « prise
de risque » ou grossesse « violente ». Si les garçons
choisissent les conduites à risque social tels que les excès de vitesse
ou la délinquance, les filles se tournent plus volontiers vers l'attaque directe
de leur corps comme les tentatives de suicide, les troubles du comportement alimentaire.
La grossesse fait incontestablement
partie de ces moyens d'attaque contre son propre corps : le lien fréquemment
observé avec une tentative de suicide peu avant ou peu après la grossesse
prend là un éclairage significatif.
En général ces grossesses
impulsives surviennent dans le cadre d'une sexualité non protégée
et à risque et s'inscrivent comme des passages à l'acte.
Devenir de la grossesse en fonction de l'âge de
l'adolescente
Tous les chiffres le montrent depuis de nombreuses
années : plus la grossesse survient tôt et plus elle a de risque de se
terminer par une interruption volontaire de grossesse (IVG).
Le bulletin d'information de l'Institut
National d'Etudes Démographiques (INED) paru en 1997 rapporte les données
comparées entre 1980 et 1989 (7) : chez les adolescentes ces chiffres sont
donnés en avortement pour 100 conceptions.
Entre 14/15 ans, sur 100 conceptions
59,9 % en 1980 versus 61,9 % en 1989 sont avortées : ce taux est stable.
Entre 16/17 ans, sur 100 conceptions
44,9 % en 1980 versus 50,4 % en 1989 sont avortées : ce taux est lui aussi
relativement stable.
En Seine- Saint- Denis le taux d'IVG
chez les jeunes de moins de 20 ans a été évalué en 1996 à
53,1 % pour un chiffre national de 50,8 % (8).
Parallèlement les chiffres sont
stables en population générale : entre 14/44 ans 22,8 % en 1980 versus
20 % en 1989 des grossesses sont avortées.
Globalement une grossesse sur quatre
qui démarre aboutit en France à un avortement. Ces chiffres d'IVG sont
relativement constants et font l'objet d'une déclaration obligatoire dans le
cadre d'un recueil national de données.
Deux remarques peuvent être faites
: plus l'âge est faible et plus la grossesse sera avortée et que par ailleurs
les taux d'avortements restent stables autour de 220 000 par an (en données
officielles).
Ces constatations dénoncent l'échec
des campagnes de contraception et de la mise sur le marché de la contraception
d'urgence aisément accessible puisque mise en vente libre dans les pharmacies.
Le déroulement de la grossesse
La grossesse d'une adolescente d'autant plus que
celle-ci est jeune est souvent découverte tardivement, par méconnaissance,
peur d'en parler, anxiété à l'égard du suivi médical, crainte
d'être contrainte à une interruption et pour certaines déni d'une
réalité désirée mais finalement redoutée. Lorsque cette
grossesse démarre tout concourt à un retard de déclaration et donc
de suivi.
Certains cas extrêmes peuvent
ainsi évoluer jusqu'à terme sans avoir été reconnus dans l'entourage
proche et aboutir à un accouchement inopiné à domicile ou pire encore
dans un lieu public ou à l'école.
Cette clandestinité est un problème
majeur puisqu'elle empêche tout suivi médical rendant ainsi la grossesse
plus vulnérable et place la future mère dans un isolement dommageable
à tous points de vue.
Très souvent l'adolescente va
consulter son médecin sans relation causale avec son état et en cas de
symptomatologie peu claire il faut tout simplement se poser la question d'une éventuelle
grossesse (9).
Nous avons choisi dans notre étude
française de nous intéresser plus spécifiquement aux jeunes filles
mineures (c'est-à-dire les filles de moins de 18 ans) car elles posent des
problèmes particuliers. Nous avons réalisé une étude rétrospective
du 1er janvier 1996 au 30 juin 2003 sur les adolescentes ayant accouchées
dans le service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Jean Verdier
en Seine Saint-Denis. Nous avons inclus 328 adolescentes de 12 à 18 ans ceci
représente 2.3 % du nombre total d'accouchement durant la même période.
La majorité des adolescentes étaient primipares (86.5 %) mais on remarquera
que 5.4 % avait un antécédent de fausse couche spontanée et 6.7 %
avaient déjà eu une IVG (tableau 1).
Dans notre département les origines
géographiques sont très diversifiées (tableau 2).
Ces grossesses sont peu ou pas suivies
puisque 48 % des adolescentes ont consulté pour la première fois au 3e
trimestre parfois la grossesse n'a été prise en charge que pour l'accouchement
; 28 % ont eu moins de 3 consultations (tableau 3).
La situation familiale de ces adolescentes
montre que 49 % sont mariées ou vivent en couple et 51 % sont célibataires
mais parmi celles-ci 2/3 connaissent le père de l'enfant. Seulement 24.6 %
de ces adolescentes sont scolarisées au moment de la grossesse avec on le sait
une grande difficulté à reprendre une scolarisation après l'accouchement
d'où une marginalisation encore plus importante de ces jeunes filles.
Complications obstétricales
La grossesse de l'adolescente est réputée
à risque, principalement du fait d'une augmentation des enfants de petits poids
et de la prématurité. Dans notre étude, le taux de prématurité
est de 8.8 % ce qui est légèrement supérieur aux données de
la littérature puisqu'il est estimé à 6 %. Ce taux de prématurité
est probablement plus responsable de faibles poids de naissance car les authentiques
retards de croissance intra utérins au 10eme percentile est de 17.6 %. A noter
une augmentation de ces RCIU, en effet en 1998 dans le rapport que nous avions fait
, ce taux était de 13 % (6) à peine plus fréquent qu'en population
générale.
Les deux principales complications
sont directement liées au suivi tardif et au comportement de « gommage »
de l'état de grossesse associé à l'absence de toute précaution
physique ou diététique avec une poursuite voire une acutisation des conduites
addictives.
Nous n'avons pas observé par rapport
à notre population ,d'augmentation du taux de complications à type de
pré-éclampsie (2.7 %) ou d'hémorragie de la délivrance (5.4
%) et les adolescentes de moins de 15 ans ne sont pas plus à risque.
Les déficits nutritionnels sont
souvent plus fréquents car les besoins protéiques sont importants, du
fait de vomissements plus fréquents en début de grossesse et plus tard
du fait d'un niveau socio-économique très bas. A l'inverse dans un cas
sur cinq, on assiste à des prises de poids excessives pouvant aboutir à
une obésité définitive par suite d'un apport glucidique trop important.
L'anémie par carence martiale
est fréquente et doit être systématiquement prévenue dès
la deuxième moitié de la grossesse. Dans notre étude 31.4 % des adolescentes
avaient une anémie avant l'accouchement.
Il est clair que dans les pays industrialisés,
au contraire des pays en voie de développement, la grossesse ne doit plus être
considérée comme un problème exclusivement médical. Le problème
n'est pas tant lié à l'âge qu 'au contexte social : mauvaises conditions
économiques et sociales, manque de soutien affectif, absence fréquente
de suivi. C'est dire l'importance de l'accompagnement psychosocial que l'on apportera
à ces grossesses afin de favoriser le meilleur accueil néonatal possible.
Un certain nombre de facteurs ne sont
que peu ou pas modifiables : le très jeune âge, la précarité,
le faible niveau éducatif, le soutien familial ou social défaillant.
Certains facteurs sont possiblement
modifiables : la clandestinité et l'insuffisance du suivi prénatal, les
carences nutritionnelles, les habitudes de vie inadaptées à l'état
de grossesse (tabac, toxiques), le stress ou le risque d'activité inappropriée,
les infections génitales sexuellement transmises.
En pratique il s'agit d'une prise en
charge globale, qui pourra répondre aux différentes facettes médicales,
obstétricales ,d'hygiène de vie et psychosociale.
Accouchement de l'adolescente
L'accouchement proprement dit est dans toutes
les études réputé sans risque à condition que la grossesse soit
reconnue afin qu'un certain travail de parentalité soit élaboré avant
l'arrivée de l'enfant.
Notre étude retrouve des résultats
similaires à ceux déjà publiés à savoir une grande majorité
d'accouchements par les voies naturelles soit 91.3 % dont 18.5 % d'extractions instrumentales
et seulement 8.8 % de césariennes (alors que le taux est d'environ 18 % dans
la population générale). La vieille notion selon laquelle les accouchements
à travers des bassins dont la croissance n'est peut être pas terminée
pouvaient exposer à un sur risque de disproportions et de césariennes
ne se retrouvent pas dans les faits.
Parallèlement du fait de la grande
précarité nous avons 3 % d'accouchements inopinés à domicile,
10 % de transferts en néonatalogie, 1 % en réanimation néonatale,
1 % de mort ftale in utero, 1 % de grossesses après violences sexuelles et
2.7 % d'enfants abandonnés à la naissance (9 accouchements sous X).
Nous avons différencié le
mode d'accouchement et les deux principales complications en fonction de l'âge
des adolescentes (tableau 4). Il n'existe pas de différence significative pour
le mode d'accouchement et les complications entre les 2 groupes.
Modifications de la législation française concernant
l'interruption volontaire de grossesse
Des modifications de la loi concernant l'interruption
volontaire de grossesse ont été publiées au Journal Officiel de la
République Française le 4 juillet 2001, celles-ci portent essentiellement
sur deux points :
• La durée légale
pour la réalisation de l'IVG qui est portée de 12 à 14 semaines d'aménorrhée.
• Concernant les mineures, le
consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale n'est plus obligatoire,
mais la mineure doit se faire accompagner dans sa démarche par la personne
majeure de son choix qui est appelé « adulte référent ».
Dans le monde 10 % des 50 millions
d'avortements réalisés chaque année concernent des adolescentes âgées
de 15 à 19 ans.
Nous avons réalisé une étude
dans le service du 1er juillet 2001 au 30 juin 2003 sur les adolescentes
réalisant une IVG dans notre service. Elle porte sur 207 adolescentes de 12
à 17 ans ce qui représente 11.3 % du nombre total d'IVG réalisé
durant la même période.
Dans notre série 70 % des IVG
ont été médicamenteuses, ceci implique que les adolescentes aient
consulté très tôt dès qu'elles ont eu connaissance de leur grossesse
et que leur détermination ait été bien établie (tableau 5).
Dans notre étude deux points paraissent
préoccupants :
1 - le taux élevé chez
ces adolescentes de répétition des IVG qui est dans notre population de
11.2 %, plutôt dans la tranche d'âge comprise entre 16 et 17 ans, et pour
la très grande majorité ces patientes sont d'origine métropolitaine.
Si l'on se reporte aux données publiées en population générale
l'étude de Kaminski (10) montre que les femmes ayant des IVG répétées
se distinguent surtout par un âge précoce à la première grossesse
et le risque de répétition est nettement plus élevé en cas de
première grossesse avant 20 ans (Tableau 6).
2 - Le taux élevé de
71 % des adolescentes qui n'avaient aucune contraception dans les trois mois qui
ont précédé la demande d'IVG. 5 % des grossesses survenaient après
un oubli de pilule et 24 % du fait d'une contraception très aléatoire,
préservatifs ou retrait, utilisés de façon très irrégulièrement.
Un certain nombre ont déjà pris une contraception et l'ont abandonnée,
ce fait est à mettre en balance avec l'irrégularité et la non programmation
des rapports sexuels dans cette tranche d'âge.
Ces deux points montrent clairement
qu'un certain nombre d'adolescentes sexuellement actives continuent à utiliser
l'IVG comme moyen de contraception. Le double message de pilule contraceptive associée
au préservatif diffusé par les campagnes nationales sur la contraception
n'est sans doute pas encore bien passé.
Depuis la nouvelle loi, dans notre
étude, seulement 25 % de ces jeunes filles sont accompagnées de leurs
parents lors de l'IVG.
Et pourtant il faut souligner qu'un
certain nombre de dispositions ont été prises pour favoriser l'accès
à la contraception chez la mineure en France :
• En effet le consentement des
titulaires de l'autorité parentale n'est pas requis pour la prescription, la
délivrance ou l'administration de contraceptifs aux mineures. Celle-ci est
faite de façon gratuite et anonyme dans les centres agréés de planification
et d'éducation familiale.
• La délivrance de la contraception
d'urgence aux mineures n'est pas soumise à prescription médicale obligatoire
et s'effectue à titre gratuit dans les pharmacies.
• Enfin dans les établissements
du second degré si un médecin ou un centre de planification ne sont pas
immédiatement accessibles, les infirmières scolaires peuvent dans les
cas d'urgence ou de détresse caractérisée administrer aux élèves
mineures et majeures une contraception d'urgence.
La parentalité à l'adolescence
Il existe, on le sait une grande variété
interindividuelle dans le devenir de couple mère enfant après la naissance.
Plusieurs études montrent que bien entourée, la mère adolescente
ou la jeune famille sont parfaitement capables d'une attitude parentale tout à
fait correcte.
Dès la naissance il est capital
de suivre la façon dont va se développer le lien mère enfant. Ces
mères encore plongées dans l'adolescence paraissent finalement assez habiles
avec leur bébé mais leur investissement dans ce domaine peut se montrer
relativement instable.
Elles ont souvent une bonne capacité
à jouer avec leur bébé, mais se montrent plus rigides que les autres
mères dans leurs convictions : « il a faim », « il
doit dormir » etc. Ceci n'est pas sans rappeler la fillette jouant à
la poupée. Elle peut considérer son enfant comme son confident, son consolateur
mais également comme son souffre-douleur responsable de ses malheurs. Il est
donc capital de s'assurer que la jeune fille puisse être aidée à
assumer son rôle de mère sans le faire à sa place.
Ces jeunes mères sont souvent
plus surveillées et jugées qu'aidées à poursuivre leur double
itinéraire :celui inachevé de leur adolescence et celui engagé trop
tôt dans le processus de la parentalité.
Les facteurs de bon pronostic sont
le bon niveau scolaire antérieur à la grossesse ,ensuite la reprise de
la scolarité après la naissance : elle constitue un élément
essentiel au futur lien familial et social. Dans les faits la reprise d'un projet
scolaire est loin d'être la règle, d'autant que pour beaucoup de ces adolescentes,
l'école est déjà désinvestie, c'est le lieu d'échec non
étranger à la conception de l'enfant.
Très vite après la naissance
il faut être vigilant à la prescription d'une contraception pour prévenir
impérativement la survenue d'un second enfant rapidement après le premier,
afin de bénéficier d'un programme social d'accompagnement. Le manque de
soutien affectif et social est quant à lui un facteur de très mauvais
pronostic et l'accompagnement de telles situations n'est pas aisé.
Dans les cas probablement les plus
fréquents où les retours à la scolarité sont impossibles, il
faudra très vite aider l'adolescente dans un choix professionnel adapté.
La prévention des maltraitances
doit être débutée dès la grossesse c'est pourquoi des réunions
dites de parentalité sont organisées dans la plupart des services de maternités
depuis trois ans. Il s'agit de réunions médico-psycho-sociales réunissant
tous les acteurs de santé : les cas des femmes enceintes mineures tiennent
une place importante.
La grossesse chez une adolescente c'est
un risque d'adolescence avortée. Cette souffrance nous devons la prendre en
charge pour que si cette jeune fille fait le choix de son adolescence et demande
une interruption de grossesse, il n'y ait pas de récidive immédiate et
si elle choisit l'enfant aux dépens de son adolescence, elle puisse être
aidée, car élever un enfant donne certes beaucoup de plaisir mais confronte
aussi le parent à la capacité d'attendre et de tolérer la frustration.
En amont, une prévention de ces
grossesses par la diffusion de la contraception d'urgence doit faire partie des
priorités de santé publique.
Bibliographie
[1] Lebreton S, Lachcar P : Gynécologie
psychosomatique. In : Encycl Méd Chir. Gynécologie 167-A-10,1995,6p.
[2] Spira A, Bajos
N et le groupe ACSF : Les comportements sexuels en France. Rapport au Ministre de
la Recherche et de l'Espace. Paris : La Documentation Française ; 1993
[3] Toulemon L, Leridon
H : Les pratiques contraceptives en France. In : Avortement et contraception. Centre
de documentation du MFPF ; 1999,39-44
[4] Alvin P, Marcelli
D : Médecine de l'adolescent. Paris, Masson ; 2000
[5] Pawlak C : Grossesse
à l'adolescence. In : Houzel D, Emmanuelli M, Moggio F. Dictionnaire de psychopathologie
de l'enfant et de l'adolescent. Paris : P.U.F. ; 2000 p304-307
[6] Uzan M : La prévention
et la prise en charge des grossesses des adolescentes. Rapport au directeur général
de la santé. Paris ; Avril 1998
[7] Bulletin d'information
de l'INED - juin 1997
[8] Observatoire Régional
de Santé d'Ile de France : Les jeunes en Ile de France. Indicateurs départementaux
de santé.
[9] Marcelli D, Alvin
P : Grossesse et adolescence, actes de colloque. 9 décembre 2000, Poitiers.
[10] Kaminski M, Crost,
Garel : Les IVG répétées en France : analyse des bulletins statistiques
d'IVG. Contraception, fertilité, sexualité 1997 : 25(2) : 152-8.
LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 595
596 M.
UZAN, N. SEINCE, I. PHARISIEN
LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 597
598 M.
UZAN, N. SEINCE, I. PHARISIEN Tableau
1 : Parité et antécédents obstétricaux.
Tableau 2 : Origine géographique des adolescentes.
Origines géographiques Nombre
%
Afrique 79 24.3
France Métropolitaine 67 20.4
Yougoslavie 69 21
Turquie 18 5.6
Afrique du Nord 37 11.2
DOM-TOM 18 5.4
Europe du Nord 14 4.2
Autres 26 7.9
Nombre %
Parité : primipare 279 85.2
2e pare 40 12.1 3e pare 9 2.7
ATCD FCS 18 5.4
ATCD IVG 22 6.7
LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 599
Tableau 3 : Suivi de la grossesse des adolescentes.
Nombre %
Age
première consultation |
| | |
˙ |
˙1er T |
˙51 |
˙15,5 |
˙ |
˙2e T |
˙118 |
˙35,8 |
˙ |
˙3e T |
˙127 |
˙38,7 |
˙ |
˙Grossesse non suivie |
˙33 |
˙10 |
Nombre
de consultations |
| | |
˙ |
˙0 |
˙36 |
˙10,8 |
˙ |
˙1 à 3 |
˙64 |
˙19,6 |
˙ |
˙4 à 7 |
˙128 |
˙39,1 |
˙ |
˙> 7 |
˙100 |
˙30,5 |
600 M.
UZAN, N. SEINCE, I. PHARISIEN
LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 601
Tableau 4 : Comparaison en fonction de l'âge
du mode d'accouchement et des complications. 12-15
ans 16-18 ans Total
N 23 7 % N
305 93 % N 328 %
Accouchement |
| | | | | |
˙•
voie basse |
˙20 |
˙86 % |
˙218 |
˙71,4 % |
˙238 |
˙72,5 % |
˙• extractions |
| | | | | |
˙
instrumentales |
˙2 |
˙8,6 % |
˙59 |
˙19,4 % |
˙61 |
˙18,5 % |
˙• césarienne |
˙1 |
˙4,3 % |
˙28 |
˙9,2 % |
˙29 |
˙8,8 % |
˙RCIU |
˙2 |
˙8,6 % |
˙58 |
˙19,1 % |
˙60 |
˙18,2 % |
˙Prématurité |
˙3 |
˙13,04 % |
˙26 |
˙19,1 % |
˙29 |
˙8,8 % |
602 M.
UZAN, N. SEINCE, I. PHARISIEN Tableau
5 : Terme de réalisation de l'IVG en fonction de l'âge des patientes.
Tableau 6 : ATCD obstétricaux des patientes.
|
˙12-15
ans |
˙16-17 ans |
˙Total |
|
˙ |
˙N=45 (21.7 %) |
˙N=162 (78.3 %) |
˙N=207 |
˙ 7 SA |
˙28 |
˙117 |
˙145 |
˙ |
˙62.2 % |
˙72.2 % |
˙70 % |
˙8-12 SA |
˙15 |
˙38 |
˙53 |
˙ |
˙33.3 % |
˙23.4 % |
˙25.6 % |
˙12-14 SA |
˙2 |
˙7 |
˙9 |
˙ |
˙4.5 % |
˙4.4 % |
˙4.4 % |
|
˙ |
˙Nombre |
˙% |
|
˙ATCD d'IVG |
˙1 |
˙20 |
˙10,2 % |
˙ |
˙2 |
˙2 |
˙10.2 % |
˙ATCD de FCS |
˙1 |
˙1 |
˙0.5 % |
ATCD d'enfants nés vivants 1 5 2,5
% 2 1 0,5 %
LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 603
604 M.
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LA
GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT DES ADOLESCENTES 605 |