Les conséquences sphinctériennes
proctologiques des déchirures périnéales sévères
P. COULOM
Depuis les premières publications de
Sultan et Bartram, les ruptures sphinctériennes obstétricales ont été
parfaitement inventoriées et les facteurs de risques évalués.
On sait grâce à l'échographie
endo-anale que la rupture sphinctérienne n'est pas univoque et concerne à
la fois le sphincter externe, le sphincter interne et le muscle pubo-rectal. Ces
ruptures sphinctériennes sont en relation directe avec la mécanique obstétricale.
Les ruptures peuvent être antérieures ou postérieures, isolées
ou associées.
L'accouchement est associé à
des troubles précoces de la continence (10 % chez les primipares et 40 % chez
les multipares) mais ceux-ci s'améliorent spontanément dans 50 % à
70 % des cas au cours des six mois suivants2.
Ces troubles de la continence correspondent
:
- à une altération
des systèmes de « collage » des organes pelvi périnéaux,
- à une neuropathie pudendale,
- à une attente musculaire
de l'appareil sphinctérien.
La prévalence des ruptures sphinctériennes
dans la genèse de l'incontinence fécale a été mise en évidence
par l'équipe de Birmingam3. Dans une étude sur l'incontinence anale basée
sur l'endosonographie, on note 87 % de ruptures sphinctériennes. Le SE est
toujours rompu dans 67 % des cas, le SI est rompu dans 46 % des cas.
57 % des patientes ont une rupture
sphinctérienne associée à des lésions neurologiques du périnée.
Parmi les 46 patientes de l'étude,
35 avaient accouché par voie vaginale. 23 femmes avaient subi soit une épisiotomie,
soit une déchirure du périnée. Elles avaient dans ce cas 95 % de
déchirures sphinctériennes.
Même en l'absence de déchirure
périnéale une incontinence anale existe en post partum immédiat chez
13 à 18 % des femmes. Les symptômes s'améliorent spontanément
dans 1/3 des cas dans les six mois suivants. Il s'agit le plus souvent d'une incontinence
aux gaz ou d'impériosités défécatoires.
Une rupture du sphincter anal est détectée
dans 30 % des cas en moyenne. La rupture échographique est un facteur de risque
d'avoir des troubles de la continence 1 à 30 mois après l'accouchement
(4).
La neuropathie pudendale, autre cause
d'incontinence anale est quasi constante immédiatement après un accouchement.
Elle se corrige chez 1/2 à 2/3 des primipares avec persistance d'une neuropathie
chez 20 % d'entre elles. Chez les multipares l'amélioration est moins bonne,
en effet : à 2 mois 20 % ont un allongement du temps de latence et 60 % des
signes de neuropathie. La neuropathie persiste à 5 ans, surtout chez les multipares
ayant subi au moins un accouchement par forceps. Elle est alors associée à
la persistance d'une incontinence anale (5).
L'atteinte sphinctérienne est
avérée quand l'accouchement se complique d'une déchirure périnéale
sévère (1,4 à 27 % des accouchements par voie base) l'épisiotomie
médiane multiplie par 9 le risque de déchirure périnéale sévère
par comparaison à l'épisiotomie médio latérale. Le risque de
déchirure est de 0 à 4 % sans épisiotomie.
Malgré une réparation immédiate
le résultat fonctionnel est douteux. 1 à 3 mois après la déchirure
périnéale sévère, le taux d'incontinence est de 19 à 74
%.
L'I.A après déchirure périnéale
sévère serait liée à l'existence d'une rupture sphinctérienne
persistante après réparation et ce quelque soit les qualités du chirurgien
ou la technique utilisée (paletot ou bout à bout).
Il faut savoir d'ailleurs que la réparation
du sphincter ne comporte pas que la réparation externe.
En effet, le sphincter interne peut
être rompu de façon concomitante avec le sphincter externe : il s'agit
alors d'une rupture antérieure ; ou isolement au moment de l'ampliation lorsque
le périnée postérieur est refoulé il s'agit alors d'une rupture
postérieure. La réparation du sphincter interne est illusoire. Il faut
se souvenir que ce sphincter lisse assure la continence de base et que sa rupture
entraîne une incontinence aux gaz.
Le bilan sphinctérien doit être
réalisé dans tous les cas où il existe une symptomatologie même
peu parlante dans le post partum. En effet, le risque d'I.A. est multiplié
par trois au deuxième accouchement s'il n'existait pas de rupture échographique
au premier accouchement. Le risque est multiplié par 11 s'il en existe une
(7).
Le risque d'I.A. est net en cas de
défaut sphinctérien supérieur à 90° avec contraction volontaire
de faire amplitude en manométrie (8).
Le risque d'I.A. n'est pas corrélé
à une augmentation importante du risque de rupture sphinctérienne avec
la multiparité. Le risque de rupture décroît avec la troisième
grossesse (21 % de rupture à chacun des deux premiers accouchements et seulement
2 % au 3°) (9°)
Quels sont les facteurs de risque des
déchirures périnéales ?
L'étude de De leeuw aux Pays-Bas
et celle de Handa en Californie ont montrée que le nombre de périnées
complets étaient respectivement de 2 % sur 784283 accouchements et de 6 % sur
2101843 naissances. Les résultats de ces deux études concordent (10-11)
pour dégager les facteurs de risques de déchirure périnéale
sont :
- la primiparité,
- le macorosomie
- la longueur de la deuxième
phase du travail,
- les présentations postérieures,
- les extractions instrumentales
et les manœuvres obstétricales.
Quels sont les résultats des réparations
sphinctériennes à long terme ?
La réparation sphinctérienne
a de bons résultats immédiats mais malheureusement toutes les études
concordent (12) pour dire qu'à 5 ans seulement 50 % des patients sont continentes
pour les selles. L'échec pour la réparation est corrélé à
la persistance d'un défaut sphinctérien en échographie endo anale.
La nouvelle réparation est réalisable et aurait les mêmes résultats
que la première (13).
En conclusion
Pour diminuer le risque de lésions périnéales
il faut (14) :
- réaliser une césarienne
prophylactique devant un antécédent d'I.A. et un défaut sphinctérien
échographique,
- diagnostiquer précocément
les marcrosomies,
- diagnostiquer précocément
les présentations postérieures et les dégagements en occipito sacrés,
- contrôler visuellement
et manuellement le périnée,
- contre indiquer les épisiotomies
médianes,
- réaliser des épisiotomies
médio latérales de qualité et précoces chez la primipare,
- contre indiquer les extractions
instrumentales de convenance,
- respecter un protocole strict
en cas d'extraction instrumentale,
- promouvoir les techniques d'apprentissage,
- diagnostiquer et réparer
les déchirures sphinctériennes.
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