Existe-t-il une corrélation entre
les lésions sphinctériennes en échographie endo-anale et la
mécanique obstétricale ?
Pierre COULOM
L'échographie endo-anale apparue
en 1956 pour l'exploration de la prostate est devenue en 10 ans l'examen de référence
pour l'exploration des plans sphinctériens interne et externe, et du faisceau
pub rectal du muscle releveur de l'anus.
Les travaux réalisés au St-Marks
Hospital sur les lésions obstétricales et notamment sur les ruptures sphinctériennes
liés à l'accouchement par voie basse ont interpellé tous les périnéologues
d'origine proctologique, urologique, gynécologique, radiologique ou fondamentaliste.
L'EEA est réalisée à
partir d'un échographe Bruel et Kjaer avec une sonde rigide porteuse d'un cristal
transducteur rotatif à 360°. L'ensemble est recouvert d'un capuchon rigide
échotransparent. La fréquence utilisée varie de 7 à 10 Mhz.
L'image obtenue est perpendiculaire à l'axe de la sonde mécanique rotative
sur 360°.
L'EEA est la technique de référence
dans l'étude des ruptures sphinctériennes. L'examen endo-canal objective
classiquement trois couchers de l'intérieur vers l'extérieur :
• une couche
hyper échogène (claire) correspondant à l'interface entre la sonde
et la muqueuse et la sous muqueuse ;
• une couche
hypo échogène (noire) correspondant au SI (en continuité avec la
musculeuse lisse rectale) ;
• une couche
hyper échogène (claire) correspondant au SE. Chez l'homme l'anneau sphinctérien
est cylindrique sur toute sa hauteur, alors que chez la femme, il existe une zone
hypo échogène antérieure proximale.
EXISTE-T-IL
UNE CORRéLATION ENTRE LES LéSIONS SPHINCTéRIENNES... 459
On visualise par ailleurs les fosses ischio
rectales droite et gauche, parfois le noyau fibreux central du périnée
et les espaces supra lévatoriens.
On peut observer des lésions différentes
:
• rupture isolée
du sphincter externe ;
• rupture concomitante
du sphincter externe et du sphincter interne ;
• rupture du
releveur avec plus ou moins rupture des plans sphinctériens externes et internes
;
• rupture du
sphincter interne isolé sans atteinte des autres plans sphinctériens.
Toutes ces lésions sont provoquées
par l'accouchement par voie basse et ne surviennent jamais lorsque l'obstétricien
réalise une césarienne.
On peut penser que la mécanique
obstétricale est en cause dans la diversité de ces lésions. Dans
leur étude (BMJ 1994) SULTATN KAMM et HUDSON ont d'ailleurs identifié
les présentations occipito postérieures comme responsables de la plupart
des déchirures du troisième degré.
La mécanique obstétricale
L'accouchement se divise en trois phases :
• l'engagement
au détroit supérieur ;
• la descente
et la rotation au détroit moyen ;
• le dégagement
et l'expulsion au détroit inférieur.
L'engagement de la tête
: est préparé par l'orientation.
L'orientation
La plus grande fréquence des présentations
en OIGA (60 % des présentations du sommet) s'explique par le logement du tronc
fœtal à gauche par rapport au foie, ce qui détermine le diamètre
d'engagement. L'occiput est en avant et s'adapte à l'arc antérieur du
bassin. Le plus grand diamètre cranial s'oriente dans des grands axes du bassin
(10 cm).
L'amoindrissement
La tête (outre la possibilité de chevauchement
des os) fait une flexion sur le tronc grâce à l'appui du front sur la
margelle postérieure du bassin, ce qui place l'occiput contre la symphyse
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pubienne. L'engagement se produit quand les
diamètres de la présentation sont acceptés par le détroit supérieur.
La descente et la rotation
Un mouvement autour de la symphyse fait passer
la présentation de l'axe ombilico coccygien, du DS à un axe horizontal.
La rotation se fait au contact de la
portion pelvi-coccygienne du releveur, secondairement ce faisceau sphinctérien
se distend ce qui permet l'ouverture de la fente uro-génitale.
Le dégagement et l'expulsion
L'expulsion comporte :
• l'ampliation
périnéale ;
• le dégagement
de la tête.
L'ampliation
La présentation refoule le coccyx vers l'arrière
mettant en tension les fibres musculo aponétrotiques périnéales.
Cette rétropulsion du coccyx met
en tension le sphincter interne de l'anus et rend vulnérable sa partie postérieure.
En EEA les ruptures sphinctériennes
internes isolées sont d'ailleurs la plupart du temps postérieures.
La distension du releveur d'accompagne
à la poussée d'une contraction du muscle pubo-rectal. Cette contraction
élève le noyau fibreux central du périnée, dilate l'anus en
attirant le canal anal vers le haut. La fourchette vulvaire est repoussée en
haut et en avant et l'orifice vulvaire devient horizontal. La déflection se
poursuit à la distension du périnée antérieur. Le muscle pubo-rectal
est repoussé en bas et en avant et vient s'intégrer dans le périnée
superficiel (risque de désinsertion antérieur ou de rupture des branches).
À partir de l'axe de rotation
occiputo pelvien le front et la face balayent la concavité sacrée et le
noyau fibreux central qui s'étale et s'aplatit transversalement avec un allongement
de la distance ano-vulvaire. Le muscle pubo-rectal peut se déchirer au niveau
de son insertion sur le noyau fibreux central du périnée.
Après la tête, les épaules
s'engagent dans un diamètre perpendiculaire. Le diamètre biacromial (12,5
à 13 cm) se réduit à 9,5 cm. EXISTE-T-IL
UNE CORRéLATION ENTRE LES LéSIONS SPHINCTéRIENNES... 461
Le diamètre antéro postérieur
est largement compatible avec le détroit supérieur.
Au détroit inférieur le diamètre
biacromial se réduit par dégagement successif des épaules.
Après le dégagement de l'épaule
antérieure par une traction dirigée vers le bas, la traction et ensuite
dirigée par le haut pour dégager l'épaule postérieure. Le périnée
s'emplie de nouveau et on retrouve alors un risque périnéal.
Une fois les épaules dégagées,
le tronc, le siège et les membres suivent sans problème.
Dans les variétés postérieures
des présentations du somme (OIDP = 30 à 45 % et OGIP = 6 %).
C'est le diamètre sous occipito-frontal
(10 à 15,5 cm) qui se superpose au DS au lieu du diamètre sous occipito-bregmatique
(9,5 cm). L'accommoda-tion fœto-pelvienne est moins bonne :
• dilatation
plus longue ;
• œdème
du col ;
• engagement
plus long.
La descente est plus lente, la rotation
vers l'avant qui est la plus favorable nécessite une rotation de 135°
au lieu de 45° dans les variétés antérieures.
Quand le dégagement s'effectue
en occipito sacré le risque périnéal est majeur puisque c'est le
diamètre fronto-occipital (12 cm) qui franchit l'orifice vulvaire (épisiotomie
?).
Les présentations occipito-postérieures
sont identifiées comme facteur de risque majeur de développement de déchirure
du troisième et du quatrième degré.
Les présentations de la face,
du front, du bregma et de l'épaule, voire du siège imposent l'épisiotomie
avec le risque de déchirure secondaire des plans sphinctériens ou la césarienne.
Au total
On peut donc constater que la déchirure du
muscle pubo-rectal peut concerner les insersions symphysaires ou la branche droite
(le plus souvent) mais également la région voisine du noyau fibreux central
du périnée.
La déchirure du sphincter externe
suit souvent en baillonnette le trajet d'une épisiotomie incomplète ou
d'une déchirure. Elle est dans la très grande majorité des cas antéro-latérale
parfois franchement antérieure avec un défect de 180.
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La déchirure du sphincter externe se produit
lors de la déflexion de la présentation et de la distension maximale du
périnée antérieur.
Le balayage du noyau fibreux central par le front
aplatit le noyau fibreux central du périnée, allonge la distance ano-vulvaire.
Le périnée atteint une limite de tension qui peut être rompue en
fonction du temps d'expulsion.
La déchirure du sphincter interne
peut lui être associée ; elle est alors également le plus souvent
antéro-latérale droite et de toute façon dans la continuité
de la rupture du faisceau externe.
La déchirure du sphincter interne
peut être isolée et survenir un périnée intact. Elle siège
alors non pas dans la région antérieure mais plutôt dans la région
postérieure de l'anneau sphinctérien en marge des dernières pièces
sacrées. Elle est provoquée par le refoulement du coccyx lors de l'ampliation
périnéale.
La déchirure du sphincter interne
se présente en EEA soit comme :
• une disparition
de l'anneau hyperéchogène ;
• un amincissement
externe de cet anneau ;
• une fragmentation
donnant un aspect en morse des vestiges sphinctériens.
L'étude des lésions sphinctériennes
réalisée par SULTAN et KAMM en 1993 avant et après accouchement a
déclenché une mise en garde des obstétriciens devant les lésions
provoquées par les accouchements.
Conclusion
Déjà la séparation entre lésions
du sphincter externe les lésions du sphincter interne était signalée.
L'échographie endo-rectale tient
un rôle majeure dans la détection de ces lésions et le gynécologue
doit prévenir dans ses gestes les lésions musculaires, limiter les facteurs
de risque et rechercher les petits signes d'insuffisance périnéale dans
la consultation du post-partum. |