CANCER
DE L'ANUS
Coulom
P.
Le
cancer de l'anus est une affection rare et représentée à
70% par l'épithélioma épidermoïde. Les épithélioma
traditionnels représentent 20 à 30% des cas. Il n'y a pas de différence
pronostique entre ces deux formes histologiques alors que le carcinome anoplasique
a un potentiel métastatique plus important.
Le
cancer du canal anal représente 3 à 4% des cancers digestifs bas.
Son incidence est en augmentation avec les risques sexuels suggérant
une activité oncogène des condylomes et une intervention sur le
terrain immunitaire par le VIH.
L'intérêt
de son étude vient donc de la filiation entre le cancer anal (CA) et
les maladies sexuellement transmissibles, le deuxième intérêt
vient du changement d'orientation thérapeutique avec la relégation
en deuxième ligne de la chirurgie de rattrapage et la mise en évidence
de l'intérêt des traitements radiothérapiques, curiethérapiques
et chimiothérapiques.
Le
CA est plus fréquent chez la femme que chez l'homme avec un sexe ratio
de 2 à 6 femmes pour un homme. Le pic d'incidence est de 65 ans (1).
Mais l'incidence masculine est en augmentation en particulier chez les populations
à risque (VIH et HPV) (2).
Les
infections à HPV sont les plus fréquentes des MST (3) et la recherche
d'ADN de l'HPV est positive dans 88% des cas (4). Les lésions bénignes
(hémorroïdes, fissures, fistules) ont été évoquées
dans la génèse du CA, mais leur responsabilité n'est plus
engagée aujourd'hui. (5) Par contre, le VIH favorise le développement
de HPV, les dysplasies de haut grade sont retrouvées avec les HPV 16
et I8 chez des sujets séropositifs avec des taux de lymphocytes circulants
CD4 inférieurs à 200/ml (6).
L'immuno dépression induite par le VIH favorise le risque au virus HPV.
Le tabac peut être impliqué dans la génèse du CA.
Il en est de même des traitements immuno suppresseurs.
Le canal anal, porteur de 85% des CA, s'étend de la jonction ano-rectale
identifiée par le bord supérieur du sphincter à la marge
anale.
La marge anale, porteuse de 15% des CA, est définie par le revêtement
cutané péri anal étendu sur 5cms à partir de la
jonction ano-cutanée.
La
nature différente des CA s'explique par le type histologique différent
des structures canalaires.
Au niveau du canal anal, on distingue 4 types histologiques de CA :
- carcinome
épidermoïde
- adénocarcinome
- carcinome à petites cellules
- carcinome indifférencié.
Selon
qu'ils siègent au dessus ou au dessous de la ligne pectinée, les
carcinomes épidermoïdes sont dits keratinisants ou non keratinisants.
Leur prise en charge thérapeutique et leur pronostic sont les mêmes.
L'ancienne
appellation anatomo-pathologique est abandonnée.
Les adénocarcinomes sont rares (19% des CA), on distingue :
Les adénocarcinomes
de type rectal identiques aux adénocarcinomes du bas rectum,
Les adénocarcinomes des glandes de Hermann et Defosses (carcinome colloïde),
Les adénocarcinomes développés aux dépends d'une
fistule anale (exceptionnel).
Les tumeurs non épithéliales sont exceptionnelles à l'exception
du mélanome de sombre pronostic (3ème localisation après
la peau et les yeux).
Au niveau de la marge anale, on retrouve les carcinomes épidermoïdes
mais aussi :
Tumeurs de Buschke Lowenstein et carcinomes verruqueux
Carcinomes
baso cellulaires
Maladie de Bowen
Maladie de Paget
Lymphome
Sur le plan clinique, le CA peu symptomatique est souvent diagnostiqué
à un stade avancé. Le motif de consultation le plus fréquent
est la rectorragie (7), suivent la douleur, le prurit, le suintement.
La découverte fortuite n'est pas rare, notamment après hémorroïdectomie,
5,7 à 7,7% des cas.
L'examen
clinique est déterminant et devient ici un véritable bilan pré
thérapeutique.
L'aspect caractéristique est celui d'une ulcération atone irrégulière
latéralisée, indurée, ligneuse.
La
tumeur doit être appréciée dans tous les plans et définie
par rapport aux organes de voisinages au besoin en réalisant l'examen
sous AG, ce qui permet de réaliser de multiples prélèvements
de façon indolore.
La palpation des aires ganglionnaires, inguinales et crurales doit être
systématique.
L'échographie endo rectale est l'examen de choix dans l'évaluation
de la tumeur elle-même. Elle permet de noter la profondeur au niveau des
plans sphinctériens et fait un bilan ganglionnaire.
On classe les tumeurs en quatre stades échographiques :
UsT1
: tumeur limitée à la muqueuse
UsT2
: tumeur limitée au sphincter interne
UT3
: tumeur dépassant le SI
UsT4
: atteinte d'organe de voisinage (vagin, urethre, vessie)
UsN0
: pas de métastase ganglionnaire
UsN1
: envahissement des ganglions péri rectaux.
Le
scanner est surtout utile pour apprécier l'extension tumorale aux organes
pelviens de voisinage et pour la recherche d'adénopathies mésentériques
inférieures, hypogastriques et de métastases . La radio pulmonaire
est indispensable dans la recherche de métastases pulmonaires.
Le coût et la rareté de l'IRM font que cet examen reste à
évaluer.
Le dosage du SCC (Squamous Cell Carcinoma Antigen) marqueur tumoral des carcinomes
épidermoïdes a une faible sensibilité. Il présente
peut être un intérêt pour le suivi quand il est élevé
au début de la maladie (9).
UICC
(Union Internationale Contre le Cancer) a établie la classification TNM
T1 <
2cms (plus grande dimension)
T2 : 2 à 5cms
T3 > 5cms
T4 atteinte de voisinage
No : pas
de métastase ganglionnaire
N1 : envahissement des ganglions péri rectaux
N2 : envahissement ganglions inguinaux unilatéraux
N3 : envahissement des ganglions péri rectaux et inguinaux
Le traitement conservateur s'est imposé par rapport au traitement chirurgical
qui est devenu palliatif. Il associe la radiothérapie ou la curiethérapie
avec la chimiothérapie.
La radiothérapie externe guérit 70% de T1 et T2 et 50% des T3
et des T4 avec un contrôle local de 80% et 40%. (10)
Le
schéma actuel est une irradiation délivrant 45Gy en 5 semaines,
par 2 à 4 champs pelviens incluant les airs ganglionnaires inguinales.
Après 6 à 8 semaines, un complément de 15 à 20 Gy
est délivré par radiothérapie ou curiethérapie interstitielle.
La radiochimiothérapie apporte un gain de 20 %
dans le contrôle local (11).
Les recommandations thérapeutiques (12) peuvent être les suivantes
:
US T1-T2 N0 (T2 N0<4cm)
Radiothérapie externe (45 Gy /25 F/( sem +surimpression 15-20 Gy ou curiethérapie
2 à 6 semaines après. L'inclusion des aires inguinales dans les
champs d'irradiation initiaux est recommandée dans les tumeurs de la
marge.
UST3-T4 OU USN+(OU T2 N0>4 cm et N+) : Radiochimiothérapie (5 Fu-MMC
ou 5 Fu-CDDP). L'incluision systématique des aires inguinales dans les
champs d'irradiation n'est pas consensuelle.
La clinique vit à l'heure actuelle des échecs de l'association
radio-chimiothérapie -soit 15 à 30% des cas (13). La colostomie
est également indiquée lors de reprise évolutive ou si
le contrôle local n'est pas complet.
Le développement des maladies sexuellement transmissibles a considérablement
changé les conceptions et les comportements thérapeutiques des
médecins en matière de C.A. L'augmentation de l'incidence des
C.A est en relation avec l'augmentation des MST mais également avec l'intoxication
tabagique. Le virus HPV est le facteur déterminant dans la génèse
des CA d'où l'idée de faire des dépistages systématiques
au moins dans une population à risque.
1
- Boring cc, Squires BA, Tony T ;Cancer statistics
1992 42 : 19-38
2 - Peters RK, Mack TM. Pattern of anal carcinoma by gender and marital status
in Los Angeles country. Br J cancer 1983 ; 48 : 629-36
3 - Koutsky LA et al. Epidemiology of génital human papillomavirus infection.
Am J Med 1997 ; 100 : 3-8
4 - Frisch M, Glimelius B, Van den Brule AJC et al. Sexually transmitted infection
as a cause of anal cancer. N England J Med 1997 ; 337 : 1350-8
5 - Lin Ay, Gridley G, tucher M. Benign anal lesions and anal cancer. N Engel.
J Med 1995 ; 332 : 190-1
6 - Sobhani I. Virus et cancer de l'anus. La lettre de l'hépato-gastro-entérologue
n°5 vol III oct 2000 ; 237-240
7 - Bearhs OH, Wilson SM. Carcinoma of the anus. Ann Suig 1976 ; 184 : 422-8
8 - Welch Jp, Malt RA. Appraisal of the treatment of carcinoma of the anus and
anal canal. Surg gynecol obtet 1977 ; 145 : 837-44
9 - Fontana x, Lagrange JC, françois Eltal. Assessment of squamous cell
carcinoma antigen (SCC) as a marker of epidermoid carcinoma of the anal canal.
Dis Colon Rectum 1991 ; 34 : 126-31
10 - Eschwege F, Lasser P, Chavy A et al. Squasmious cell carcinoma of the anal
canal : treatment by external beam irradiation. Radiothérapie and oncology
3 ; 1965 : 145-150
11 - Papillon J. Effectiverress of combined radio chemothergary in the management
of epidemoïd carcinoma of the anal canal.
Int. J Radiation oncology Biol. Phys-1990 ; 19 : 1217-1218-
12 - Pienkowski P.Traitement du cancer du canal anal.
Bulletin de cancéro du C.R.E.G.G. Oct. 1999 N° 4.
13 - Paris Y. La chirurgie de sauvetage pour cancer de l'anus.
La lettre de l'hépato-gastroentérologue 2000, vol 3 N° 5 :
253-255.
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