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Titre: Gynécologie et Obstétrique ou Gynécologie-obstétrique
Année: 2002
Auteurs: - Dargent D.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Leçon inaugurale

GYNECOLOGIE ET OBSTETRIQUE OU GYNECOLOGIE-OBSTETRIQUE

D. DARGENT

La gynécologie-obstétrique, ce métier qui est le mien depuis plus de trente ans, est aujourd'hui menacée. La menace de scission est d'un type nouveau. Mais la spécialité, déjà, avait été autrefois menacée.

Pendant des siècles il ne serait venu à personne l'idée de séparer la gynécologie et l'obstétrique. La seule question qui se posait était celle des places que devaient respectivement occuper médecins et sages-femmes. Mais le médecin qui prenait en charge les "maladies des femmes" était un gynécologue accoucheur au sens actuel du terme. C'était un choix humaniste et les femmes y adhéraient. Il faut dire aussi que la pauvreté des moyens dont on disposait ne rendait pas vraiment indispensable que soient séparées la gynécologie et l'obstétrique. Dès qu'on a eu à disposition des moyens réellement efficaces pour traiter les pathologies très diverses qu'on affronte en gynécologie, l'unité s'est trouvée menacée.

Histoire d'un divorce

Tout a commencé au moment où, grâce au chloroforme d'une part et grâce à l'asepsie d'autre part, il est devenu possible d'opérer les malades… sans les tuer tous. C'était à la fin du XIXe siècle. En gynécologie on a, prudemment, commencé en opérant par la voie vaginale. Les grands noms de cette époque sont tous des noms de chirurgiens. Mais les gynécologues accoucheurs avaient leur place. A Lyon par exemple Commandeur qui était le titulaire de la chaire d'obstétrique de la toute jeune faculté de médecine défendait avec éloquence la chirurgie vaginale qu'il qualifiait, en 1884, de "chirurgie de l'avenir".

Quand on a commencé à opérer par laparotomie les gynécologues accoucheurs ont complètement perdu pied. Il faut dire qu'à l'époque la chirurgie était une aventure éprouvante. A Lyon, Auguste Polosson qui a été le premier chirurgien des hôpitaux à bénéficier de la création de la chaire de clinique gynécologique née de la scission de la chaire d'obstétrique et qui a été le premier aussi à faire en France des hystérectomies radicales, se reposait à la maison pendant deux jours chaque fois qu'il avait fait une telle opération. Il était difficile, dans ce contexte, de rester disponible pour se rendre, de jour comme de nuit, au chevet des parturientes. Le divorce entre accoucheurs et gynécologues s'est fait par consentement mutuel.

Les chirurgiens qui avaient fait main basse sur la gynécologie, peut-être n'étaient-ils pas les plus courageux des chirurgiens, même s'ils n'étaient pas contraints à l'exercice de l'obstétrique, n'ont pas tardé à trouver leur métier pénible. Il fallait, en plus de la chirurgie, faire les coagulations du col, les columnisations et autres diathermies à visée antalgique, puis les épreuves d'insufflation utérotubaires et bientôt les hystéro-salpingographies. Il fallait surtout suivre les malades… et les écouter. Trop c'était trop et c'est ainsi que fut fondée une phalange de supplétifs : les gynécologues médicaux. Les chirurgiens urologues, à la même époque, se sont posés la question d'en faire autant. Mais ils ont finalement décidé de continuer à faire eux-mêmes les dilatations urétrales, les cystoscopies, les cathétérismes urétéraux et autres corvées qui étaient nombreuses à cette époque où fleurissaient les infections gonococciques et la tuberculose.

Une nouvelle menace de divorce

La gynécologie médicale, assez peu de temps après sa création, devait prendre un développement rapide et important en liaison avec plusieurs facteurs. Les progrès de la médecine y étaient pour beaucoup. Mais ce sont surtout les phénomènes démographiques et socio-culturels qui ont marqué l'après-guerre qui ont transformé les données. Les femmes, après le baby boom, ont choisi de contrôler (en français : réduire de façon drastique) leur fécondité. Les pilules et les stérilets sont apparus sur le marché. L'espérance de vie augmentant les nouvelles grands-mères ont désiré que soient effacées le plus possible les conséquences du vieillissement. L'hormonothérapie substitutive est venue au-devant de leur désir. Moins drolatique, en même temps que diminuait la fécondité et augmentait l'espérance de vie, la prévalence des cancers du sein s'accroissait. La mammographie de dépistage a été proposée s'ajoutant aux autres méthodes de détection précoce des cancers avec, comme finalité, de réduire la mortalité imputable à ces maladies.

Les nouveaux besoins ont suscité les nouvelles techniques. L'offre des nouvelles techniques a créé de nouvelles demandes cependant qu'augmentait très fortement le niveau de vie. Toutes les conditions étaient remplies pour que la phalange des gynécologues médicaux d'avant-guerre devienne une véritable armée. Car ce sont eux qui ont assumé le gros des tâches nouvellement apparues et bientôt considérées comme faisant partie du "droit à la santé". Ce droit, évidemment, n'était pas égal pour toutes. Certaines étaient plus égales que d'autres. Mais les riches, après tout, ont bien, elles aussi, droit à être soignées ! Les cabinets de gynécologie médicale se sont multipliés à tel point que les protestations ont été bien platoniques quand a été décidé de supprimer le diplôme croupion qualifiant les gynécologues médicaux.

La France, en supprimant le "CES de gynécologie médicale" qu'on obtenait après trois ans d'études, rejoignait le reste du monde où la formation des gynécologues dure cinq ans, englobe tous les aspects de la spécialité et aboutit à une qualification unique. Aujourd'hui les très nombreux gynécologues médicaux formés en France dans les années 60 et 70 arrivent à l'âge de la retraite. Ils pensent légitime de pouvoir, selon une autre tradition bien française, "vendre leur clientèle" et d'autant plus, peut-être, que, contrairement aux autres spécialistes, ils n'avaient pas, au moment de leur installation, acheté cette clientèle mais l'avaient "créée".
Ils ne trouvent pas d'acheteur parmi les jeunes confrères. Ils demandent donc que soit à nouveau partagée la gynécologie obstétrique. La séparation, cette fois, ne se fera pas par consentement mutuel ou, du moins, pas dans n'importe quelles conditions.

Le besoin de sub-spécialisation

L'accélération exponentielle du progrès technique rend l'exercice de la gynécologie obstétrique chaque jour plus difficile. Il est à la fois de plus en plus difficile de se tenir au courant des nouveautés qui apparaissent dans chacune des branches de la spécialité et de plus en plus difficile de prendre en charge au quotidien les actes très diversifiés et très techniques qui émergent et se perfectionnent à une vitesse proprement affolante. Et tout le monde pense, à l'exception de quelques dinosaures qui se sentent encore les capacités de tout faire, qu'il est nécessaire d'individualiser, au sein de la spécialité, plusieurs sub-spécialités. Les américains, depuis une trentaine d'années maintenant, en reconnaissent trois.

La médecine maternelle et fœtale est la première des sub-spécialités. Si on envisage la question du dépistage anténatal il est clair que seuls les sub-spécialistes connaissent les très nombreuses malformations et les très diverses foetopathies qu'on ne nous pardonne plus de ne pas dépister avant la naissance. Tout le monde en est d'accord et il est plus qu'accepté que l'échographie dite lente soit confiée à un sub-spécialiste. On sait aussi que les prélèvements, y compris le plus simple d'entre eux (l'amniocentèse), gagnent à être faits par un sub-spécialiste. Si on descend au niveau de l'exercice quotidien de la surveillance de la femme enceinte et de la prise en charge de la naissance, on sait qu'existent des situations à risque qui gagnent à être gérées dans des services spécialisés. Nos maternités ont été mises en réseau. Le fait a été plus ou moins facilement accepté. Mais la qualification de médecine maternelle et fœtale n'est pas, en France, à ce jour reconnue. Il est pourtant clair que les gynécologues travaillant dans les maternités de niveau 3 sont l'équivalent des gynécologues que l'American Board qualifie de sub-spécialistes en médecine maternelle et fœtale.

La qualification en médecine de la reproduction, elle non plus n'est pas reconnue en France comme elle l'est aux Etats Unis. Dans les faits elle existe pourtant puisque la plupart des actes d'assistance médicale à la procréation ne peuvent être réalisés que dans des centres qui, pour obtenir leur accréditation, doivent démontrer non seulement qu'ils sont matériellement équipés mais également qu'y travaillent des médecins compétents, leur compétence étant régulièrement évaluée et réévaluée sur leurs résultats. Ne serait-il pas plus honnête de reconnaître la sub-spécialisation et d'en étendre le domaine d'exercice à tous les actes d'assistance médicale à la procréation, en ne se limitant pas à la FIVETE.

C'est la sub-spécialisation en gynécologie oncologique qui, dans les textes comme dans la pratique, pose le plus de problèmes. Dans les textes elle n'existe pas. Dans la pratique on estime que plus de la moitié des cancers génitaux féminins sont pris en charge par des praticiens dont le "recrutement" annuel est insuffisant pour leur assurer la nécessaire technicité dans la réalisation des opérations chirurgicales radicales. Des réseaux, comme en obstétrique, ont été crées. Ils permettent une meilleure gestion des traitements adjuvants et des continuations d'évolution et récidives. Mais ne serait-il pas meilleur d'intervenir en amont et de réserver les opérations radicales à des sub-spécialistes. On sait en effet qu'une bonne administration des traitements adjuvants permet, en chances de survie, de gagner 10 points en moyenne alors que les mêmes chances de survie varient du simple au double selon que l'opération initiale a été faite par un non spécialiste ou par un spécialiste en oncologie gynécologique.

Les lignes qu'on vient de lire sonnent comme un plaidoyer en faveur de l'éclatement de la gynécologie obstétrique. Qu'on ne s'y trompe pas. Les sub-spécialistes tout d'abord, sont des gynécologues obstétriciens. Leur nombre, en deuxième lieu, est réduit. La majorité des gynécologues obstétriciens continue à exercer dans toutes les branches de la spécialité. C'est à eux que revient la surveillance de la grossesse et le dépistage des risques, l'inventaire des stérilités conjugales et la prise en charge de la grande majorité d'entre elles, la détection et le traitement des états précancéreux et des cancers débutants. C'est sur eux que repose l'essentiel de la prise en charge de la pathologie des organes génitaux féminins tant dans leurs apects médicaux que chirurgicaux. Cette spécialité médico-chirurgicale qui est la nôtre, est exercée diversement selon les aptitudes… et l'âge de chacun.

Depuis des temps immuables le gynécologue obstétricien exerce au début de sa carrière dans toutes les branches de la spécialité dans laquelle il a été formé. L'âge venant il abandonne la salle d'accouchement puis la salle d'opération et consacre une partie de plus en plus importante de son activité aux aspects médicaux de la spécialité. Cette évolution, dans l'époque la plus récente de l'histoire, a tendance à s'accélérer car les femmes qui sont maintenant la majorité parmi les spécialistes, font encore plus vite que les hommes ce trajet qui conduit à la gynécologie médicale dont il faut reconnaître qu'elle demande du temps. Elle demande aussi de la compétence. Les gynécologues obstétriciens ont cette compétence. Elle demande enfin une grande disponibilité d'écoute. Les mollahs de la gynécologie médicale disent que les gynécologues obstétriciens ne possèdent pas cette qualité… tout en leur livrant volontiers leurs patientes pour entendre ce qu'elles expriment le jour (plus souvent la nuit) de leur accouchement ! L'argument, de toute évidence, ne tient pas : le gynécologue accoucheur, mieux que quiconque, est à l'écoute de la femme pour toutes les questions qu'elle se pose à propos de sa féminitude.

Au-delà des querelles corporatistes on peut admettre que l'augmentation des besoins dont on a analysé plus haut le mécanisme, rende nécessaire l'individualisation d'une quatrième sub-spécialité qui s'appellerait gynécologie médicale. Les instances professionnelles ont accepté cette idée au premier rang desquels le Collège National des Gynécologues Accoucheurs de France. Les futurs gynécologues médicaux recevraient la même formation gynéco-obstétricale qui est celle des futurs gynécologues obstétriciens et recevraient ensuite une formation complémentaire orientée sur les aspects spécifiquement médicaux de la spécialité. Ce système est acceptable. Mais il ne peut être accepté qu'à la condition que soit organisées aussi les trois autres sub-spécialités dont l'importance est, en terme de santé publique, au moins aussi grande. Ceci est mon opinion personnelle. La création d'une sub-spécialisation en gynécologie médicale, surtout, ne peut se faire qu'à la condition qu'aucun poste, aucun crédit, aucune perspective ne soient ôtés à la gynécologie obstétrique dont chacun sait l'état actuel de désaffection. Ceci est une opinion unanyme.

La nécessité d'une gynécologie obstétrique unique et forte

L'obstétrique sur laquelle les tenants d'une gynécologie médicale séparée voudrait faire l'impasse, comme l'avaient fait, quelques décennies plus tôt, les partisans d'une gynécologie chirurgicale séparée (une perversion qui, malheureusement, n'est pas morte mais les tenants de la gynécologie chirurgicale séparée sont moins bruyants) est la priorité de la médecine des femmes. Cette évidence se passe de tout commentaire. Notre monde ne serait pas ce qu'il est si, grâce aux gynécologues obstétriciens, n'avaient été maîtrisés les aléas de la naissance comme ils sont aujourd'hui maîtrisés. La médecine des femmes c'est l'obstétrique avant tout. Les autres aspects sont importants. On peut toutefois imaginer un monde où les omnipraticiens, les endocrinologues, les chirurgiens généralistes et les cancérologues prennent en charge les autres aspects. Si, à Dieu ne plaise, un tel montre devait ressurgir des cendres du monde actuel et si un seul aspect de la médecine des femmes devait subsister ce serait bien sûr l'obstétrique.

Prioritaire dans l'ordre des besoins de santé publique l'obstétrique est aussi la pierre angulaire de la formation de gynécologue. C'est auprès de la femme enceinte qu'on prend conscience de la finalité de l'organisation anatomique et du fonctionnement physiologique de l'appareil génital féminin. C'est en salle d'accouchement qu'on apprend les gestes élémentaires qui sont la base de la pratique gynécologique médicale. Comment palper, comment toucher et surtout comment écouter et, si possible, comprendre. On y apprend aussi le BA BA de la chirurgie des organes génitaux féminins et, plus que n'importe où ailleurs, l'art de prendre à temps les décisions et de garder son sang froid. C'est surtout en salle d'accouchement qu'on côtoie le mystère insondable où animalité et spiritualité se mélangent jusqu'à l'apothéose du premier instant de la vie. Comment prétendre aimer les femmes, être un gynécologue, sans avoir de souventes fois vécu cet instant magique et su faire face aussi aux accidents qui peuvent en marquer le cours ?

C'est à l'école de l'obstétrique qu'ont été formés tous ceux qui ont fait avancer la gynécologie dans les dernières décennies. Les progrès de la médecine maternelle et fœtale, évidemment, leur reviennent. Ils ont su s'entourer de collaborateurs généticiens, biologistes, néonatologues… mais ce sont eux qui restent les chefs d'orchestre de ces équipes pluri-disciplinaires et ce sont eux qui sont les initiateurs de la plupart des avancées récentes. La médecine de la reproduction, elle aussi, fait appel à des compétences multiples. Mais ce sont bien les chirurgiens issus de la gynécologie obstétrique qui ont été à l'origine du formidable bond en avant qu'est la FIVETE. La FIVETE doit tout au biologiste B. Edwards mais rien n'aurait pu se faire sans P.C. Steptoe qui était un fellow du Royal College of Obstetrics and Gynecology. La chirurgie gynécologique, en repassant entre les mains des gynécologues obstétriciens, a complètement changé de visage. L'hystérectomie, au moment où ont été ouverts à Lyon les premiers cours dédiés à cette pratique (1980) était faite par la voie vaginale dans 5% des cas seulement. Une enquête faite 20 ans plus tard démontre que cette voie d'abord est aujourd'hui choisie dans plus de 50% des cas. Et que dire de la chirurgie laparoscopique qui a été inventée par des gynécologues obstétriciens (Kurt Seem en Allemagne, Maurice Bruhat et ses collaborateurs en France) ? C'est grâce à ces pionniers qu'est née la chirurgie minimalement invasive qui est en passe de se généraliser dans tous les domaines de la pathologie externe.

Le rôle qu'ont joué les gynécologues obstétriciens dans le développement de leur propre spécialité et dans le développement des spécialités voisines est, j'en ai l'intime conviction, dû au fait que tous ont commencé leur formation dans des "maternités". Cela va de soi pour ceux qui ont choisi la sub-spécialisation en médecine maternelle et fœtale. Mais cela est vrai aussi pour ceux qui ont choisi la sub-spécialisation de médecine de la reproduction dont les résultats se jugent en salle d'accouchement. Cela est vrai aussi pour ceux qui ont choisi la sub-spécialisation chirurgicale et oncologique. La chirurgie minimalement invasive procède directement de ce respect des formes et des fonctions qu'on acquiert en salle d'accouchement. Et pensez-vous qu'un chirurgien oncologue aurait pu, comme le Roumain Aburel l'a fait en 1932 inventer le concept d'une chirurgie radicale du cancer du col utérin conservant les chances de maternité, s'il n'avait pas commencé sa carrière dans une maternité, la maternité de Port Royal à Paris en l'occurrence ? Ce concept, resté longtemps sous le boisseau, connaît aujourd'hui un essor que l'évolution épidémiologique favorise (cancers de plus en plus petits chez des femmes de plus en plus jeunes) et que la technique laparoscopico-vaginale rend, par l'excellence de ses résultats, parfaitement justifiée.

Les femmes ont vraiment intérêt à ce que les différents métiers de la gynécologie soient exercés par des gynécologues obstétriciens qu'il serait mieux d'appeler obstétriciens gynécologues (OBGYN) car c'est en maternité qu'ils apprennent tout.