L'incontinence anale neurogène
du post-partum
Julien BENAÏM et Solange NINOU-ELBAUM
L'incontinence anale (IA) peut
être définie comme la perte du contrôle sphinctérien anal, interdisant
la possibilité de retarder l'émission de gaz ou de selles liquides ou
solides jusqu'à un moment ou à l'arrivée en un lieu, socialement
acceptables (1).
L'incontinence anale du post-partum
entraîne un réel handicap social et médical. Le traumatisme obstétrical
constitue, une des causes les plus communes d'incontinence anale. L'accouchement
peut entraîner :
• une lésion
du sphincter anal strié et/ou lisse ,
• une atteinte
neurologique : la neuropathie périnéale d'étirement (NPE) liée
à une lésion mécanique du nerf honteux interne (NHI) lors des efforts
de poussée et du passage du bébé dans la filière pelvi-génitale.
Ces deux processus peuvent être
associés. La NPE très rarement isolée, vient en règle générale
compliquer la déchirure sphinctérienne, aggraver le tableau fonctionnel
ainsi que le pronostic chirurgical des réparations sphinctériennes.
Cette IA peut venir compléter
une incontinence urinaire d'effort et des troubles de la statique pelvienne.
L'approche de l'IA du post-partum
pour être optimale se doit donc d'analyser et d'évaluer tous ces facteurs.
Dans ce propos nous essaierons de préciser notre mode d'exploration multi-disciplinaire
— inclus dans le cadre d'une démarche périnéologique
— de cette pathologie et plus précisément l'apport de l'électromyographie
dans le diagnostic, le suivi et le pronostic de ces IA avec NPE. Notre équipe
s'articule autour de praticiens très spécialisés dans ce domaine,
la synthèse revenant au périnéologue.
La fréquence réelle
de cette incontinence reste à préciser mais semble généralement
sous-estimée, les patients évitant d'aborder spontanément le sujet.
Selon les séries de 5 à 40
% des femmes présentent au décours de leur accouchement une IA fécale,
aux gaz ou aux liquides (2, 478 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM 9).
Dans une série de 202 patients (10), 13 % des 79 primipares et 23% des 48 multipares
ayant accouché par voie basse ont présenté une IA et/ou une impériosité
fécale six semaines après l'accouchement (besoins impérieux de déféquer
dans 85 % des cas, incontinence des gaz dans 46 % des cas, incontinence des
selles liquides dans 8 % des cas).
La continence anale résulte de mécanismes
complexes ou interviennent les sphincters strié et lisse et leur innervation
végétative, sensorielle et motrice.
Le canal anal joue le rôle de
barrière de pression. Au repos de 50 à 80 % de la pression est due au
sphincter lisse, en contraction maximale permanente. Son action est complétée
par la présence des replis muqueux,des expansions des plexus hémorroïdaires
(10 à15 % de la pression de repos) et par la contraction tonique permanente
du sphincter strié anal (SSA) pour 20 % de la pression de repos. Celui-ci peut
volontairement doubler la pression intra-canalaire pendant une minute; son activité
augmente pendant les efforts physiques, la toux.
La sensibilité du canal anal très
discriminative (gaz, solides, liquides) est assurée par le NHI.
Les réflexes recto-anal inhibiteur
et recto-anal contracteur (l'arrivée des matières entraîne une relaxation
du sphincter lisse modulée par le para-sympathique et une contraction du sphincter
strié à la partie basse du canal anal ) permettent conjointement à
la compliance rectale de différer la défécation. Celle-ci est déclenchée
par l'augmentation de pression intra-rectale liée au réflexe recto-anal
contracteur et par la manœuvre de Vasalva qui induisent un réflexe recto-anal
inhibiteur. L'ouverture de l'angle ano-rectal et l'inversion du gradient de pression
permettent l'évacuation des selles; puis les sphincters se contractent rétablissant
le gradient de pression.
L'examen clinique
L'interrogatoire est essentiel pour préciser
les antécédents, en particulier obstétricaux, et analyser la nature
des troubles (simple incontinence aux gaz, suintement anal ou soiling, incontinence
aux matières liquides et/ou solides, urgences défécatoires), leur
association avec une incontinence urinaire, leur fréquence et leur retentissement
personnel, social et professionnel.
Une constipation ou une dyschésie
qui peuvent masquer une réelle IA sont systématiquement recherchées.
L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 479
La déchirure antérieure du SSA, découverte
la plus fréquente, entraîne cliniquement une impériosité fécale
avec urgences défécatoires pouvant entraîner un IA fecale. Si le
sphincter lisse est atteint, on note de plus une incontinence fecale passive.
Cet interrogatoire minutieux permettra de coter
cette IA en utilisant tout au long du suivi clinique une des échelles publiées.
Pour notre part, nous nous servons du Cleveland Clinic Scoring System.
Le périnée est ensuite
examiné à la recherche :
• de lésions
morphologiques cicatricielles (antécédents de chirurgie hémorroïdaire
ou de fistule anale) ;
• de troubles
sensitifs (hypoesthésie cutanée périnéale; mauvaise perception
de la pression intra-vaginale, ou rectale ) ;
• de troubles
réflexes (réflexe bulbo-anal) ;
• de troubles
moteurs: tonicité et contraction volontaire du SSA.
Un bilan gynécologique
et proctologique, avec en particulier une étude de la statique pelvienne
est effectué.
Les explorations para-cliniques
Celles-ci, très « opérateur-
dépendantes », gagnent à être pratiquées par des praticiens
spécialisés en pathologie périnéale car la conjonction des données
cliniques et des résultats de ces examens aboutit à un plan thérapeutique
dont la qualité naît de la fiabilité des résultats de ces explorations.
La manométrie ano-rectale
Elle permet d'apprécier :
• l'état
fonctionnel du sphincter lisse (pression de repos, réflexe recto-anal inhibiteur)
;
• l'état
fonctionnel du sphincter strié (pression à la contraction volontaire et
durée de celle-ci ; réflexe recto-anal contracteur ; réflexe de garde
à la toux) ;
• la sensibilité
rectale ;
• la synergie
abdomino-périnéale.
L'échographie endo-anale
Examen-clé qui permet de mettre en évidence
une rupture du sphincter lisse et/ou strié et d'analyser son extension en hauteur
et en pourcentage de la circonférence. Cet examen permet aussi d'analyser le
noyau central du périnée et la cloison recto-vaginale.
480 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM Les
exploration radiologiques
La défécographie a pour but la
recherche de troubles de la statique rectale qui peuvent à eux seuls être
à l'origine de l'IA : procidence rectale interne, descente périnéale
pouvant entraîner une NPE. En effet, une descente périnéale de 2
cm peut entraîner un étirement des NHI de 20 % (5). Parfois, il est nécessaire
de demander un examen plus complet avec opacification de l'intestin grêle:
colpo-cysto-défécographie, à la recherche d'une entérocèle
ou d'une élytrocèle (7).
Un bilan urodynamique
Il peut être nécessaire devant une incontinence
urinaire associée.
L'électromyographie
Dans les incontinences urinaires d'effort nous
avons pu montrer en 1977 que le pronostic urinaire post-opératoire était
intimement lié à l'existence ou non d'une dénervation périphérique
du sphincter strié urétral (8). Ainsi dans une série de 204 femmes
présentant un prolapsus et une incontinence urinaire d'effort lorsqu'il existait
une dénervation périphérique totale ou sévère uni ou bilatérale,
ou marquée et bilatérale, l'incontinence urinaire persistait après
la pratique d'une chirurgie visant à traiter le prolapsus et l'incontinence
urinaire d'effort.
Sangwan et col. ont rapporté en
1996 une série de 15 patientes ayant subi une réparation sphinctérienne
(12). Les 8 patientes dont l'examen neurophysiologique était normal ont eu
un résultat excellent ou bon alors que parmi les 6 qui avaient une atteinte
unilatérale du nerf honteux interne une seule eût un bon résultat.
Cet auteur conclut à la nécessité d'avoir les deux nerfs honteux
internes normaux pour avoir une continence anale retrouvée en post-opératoire.
D'autres auteurs ont conclut dans le même sens (4). Par contre, Fynes et col.
après d'autres auteurs ne rejoignent pas ce sentiment et ne retrouvent pas
de corrélation entre l'exploration neurophysiologique — limitée
à la seule latence distale motrice du NHI — et le résultat post-opératoire
sur l'IA (3). L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 481
Qu'en est-il ?
Le but de l'exploration neuro-physiologique périnéale
est d'explorer les voies motrices, sensitives et végétatives impliquées
dans le contrôle de la fonction sphinctérienne anale. Il permet de mettre
en évidence une atteinte des nerfs honteux internes, de préciser sa gravité
et d'en suivre l'évolution.
Cet examen comprend plusieurs temps
:
• un examen
de détection musculaire qui consiste à étudier l'activité
spontanée, volontaire et réflexe des quadrants du SSA à l'aide d'une
aiguille concentrique insérée dans celui-ci.
Cet examen permet d'analyser :
• les caractéristiques
des potentiels d'unité motrice qui reflètent l'état de l'unité
motrice: complexe axones destinés au sphincter- fibres musculaires sphinctériennes
;
• la richesse
de des tracés lors de la contraction volontaire qui reflètent le nombre
d'axones fonctionnels dans les NHI.
Lors d'une dénervation périphérique
aiguë on note au bout de trois semaines l'apparition d'une activité spontanée
caractéristique (fibrillations et potentiels lents) qui signe l'atteinte axonale.
Lors d'une dénervation chronique
cette activité est généralement absente et les potentiels unitaires
sont de taille et de durée habituellement accrue,en raison du processus de
réinnervation collatérale.
Lors d'un processus réinnervatif
les potentiels unitaires sont initialement rares, de taille très diminuée,de
durée et polyphasisme très accrus ; au fur et à mesure de la repousse
nerveuse leur nombre et leur taille augmentent tandis que leur durée diminue
et leur forme se simplifie.
La richesse des tracés de contraction
volontaire maximale (authentifiée par l'analyse de la fréquence de pulsation
des potentiels qui distingue une contraction infra-maximale d'un véritable
tracé appauvri de dénervation périphérique) permet d'apprécier
la profondeur de la dénervation : totale en l'absence de toute activité
volontaire, sévère en cas de tracé élémentaire, marquée
en cas de tracé intermédiaire pauvre, modérée en cas de tracé
intermédiaire riche. L'absence de toute activité volontaire peut aussi
signifier que l'aiguille est dans une zone sphinctérienne cicatricielle, dépourvue
de fibres musculaires; l'étude doit alors s'étendre aux régions voisines
du S.S.A.
Cet examen analyse les quatre quadrants
du sphincter et permet de préciser l'uni ou la bi-latéralité de l'atteinte.
482 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM Dans
l'attente des résultats de l'étude prospective que nous menons, nous considérons
actuellement, comme pour le sphincter strié uréthral, que la valeur fonctionnelle
du sphincter est altérée (dans le sens ou le pronostic post-opératoire
sur l'IA est réservé ) lorsque la dénervation est totale, sévère
ou marquée et bilatérale. Notre étude pourrait nous renseigner sur
l'effet d'une dénervation périphérique modérée uni ou bilatérale
sur le pronostic post-opératoire de l'IA.
Cet examen est généralement bien supporté
si le patient est informé et rassuré.
C'est une technique d'interprétation
difficile qui nécessite un apprentissage et reste opérateur-dépendant.
Son intérêt nous paraît fondamental en matière d'IA du post-partum.
Une étude de la conduction
nerveuse des NHI par plusieurs méthodes
• L'étude
des réponses réflexes sacrées clitoroido-anales :
la stimulation sus-clitoroidienne
entraine un influx qui est conduit par le nerf clitoridien aux fibres sensitives
du NHI, à la mœlle sacrée puis qui revient par les fibres motrices du
NHI et stimule le SSA qui se contracte.
Cette technique permet
donc d'analyser les fibres motrices et sensitives du N.H.I.
• L'étude
de la latence distale motrice du NHI :
A l'aide d'une électrode
adaptée (électrode de Saint Marks Hospital) placée dans le rectum,
la partie distale du NHI est stimulée ; le recueil d'effectue soit au niveau
de la partie proximale de cette électrode située dans la région anale
soit dans un autre muscle périnéal.
Cette technique permet
de mesurer le temps de conduction du segment distal des fibres motrices du NHI.
Elle est très diffusée, surtout dans le monde anglo-saxon mais nous semble
de peu d'intérêt dans les IA du post-partum comme nous le verrons.
• L'étude
des potentiels évoqués somesthésiques :
La stimulation clitoroïdienne
avec recueil cortical permet d'explorer les voies lemniscales.
• L'étude
des potentiels évoqués moteurs :
Une stimulation magnétique
corticale permet d'étudier la voie pyramidale.
• La réponse
cutanée sympathique : permet d'étudier l'innervation sympathique des tissus
cutanés. L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 483
Ces trois dernières techniques sont peu
utilisées en matière d'IA du post- partum.
Quelques notions de neurologie périphérique
nous semblent utiles à rappeler.
Le SSA est un muscle strié, innervé
par le NHI. La NPE entraîne une dénervation périphérique du
SSA et ainsi altère la valeur fonctionnelle de celui-ci. Le but de l'examen
neurophysiologique est d'évaluer cette NPE et ainsi la valeur fonctionnelle
du SSA.
Très schématiquement :
...Il existe deux sortes de neuropathies
périphériques (NP) :
• les NP
axonales : la lésion est axonale et entraîne une dégénéréscence
wallérienne. La vitesse de conduction des axones restants est habituellement
conservée ;
• les NP
myéliniques liées à une démyélinisation. La vitesse
de conduction est alors diminuée.
...Dans les étirements tronculaires
l'atteinte est surtout axonale.
Dans les compressions tronculaires
l'atteinte est surtout myélinique.
...Un muscle perd de son endurance
et de sa force lorsque son nerf présente :
• un bloc de
conduction ;
• une atteinte
axonale entraînant une perte de fibres nerveuses, car alors l'influx nerveux
n'arrive plus aux fibres musculaires concernées. Dans les atteintes myéliniques
sans bloc de conduction la force musculaire est généralement conservée.
...En l'état actuel des techniques
neuro-physiologiques, étant donné les particularités anatomiques
du périnée, l'examen qui permet le mieux d'apprécier l'innervation
du SSA et en tout cas de mettre en évidence une atteinte axonale du NHI et
de la quantifier est l'électromyographie de détection. La détermination
des temps de conduction peut permettre de mettre en évidence une atteinte myélinique
comme dans le syndrome d'Alcock mais ne permet pas d'évaluer la profondeur
de la NPE, de la perte de fibres nerveuses et donc la valeur fonctionnelle du SSA.
...Dans plusieurs travaux dont celui
de Fynes et col. (3 ) seule a été étudiée la latence distale
motrice du NHI. Ces travaux concluent, comme on pouvait s'y attendre, qu'il n'existe
pas de corrélation entre ce temps de conduction distal des fibres motrices
du NHI ( Pudendal-nerve terminal motor latency : le PNTML des auteurs anglo-saxons
) et le pronostic post-opératoire des IA post-obstétricales Cela est normal
car ce temps de conduction ne permet pas d'évaluer le nombre de fibres nerveuses
fonctionnelles 484 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM mais
seulement la vitesse de conduction des fibres nerveuses les plus rapides. Seules
les études ayant pris en compte les tracés d'E.M.G. ont pu corréler
le pronostic post-opératoire de l'IAet les données neurophysiologiques(1)i.
Que nous apporte la lecture de la littérature ?
Série de Sultan et coll. (11)
• un tiers des femmes ont
à l'échographie une lésion du sphincter anal après un premier
accouchement. Un tiers de celles-ci présentera une IA.Parmi celles qui présentent
une IA la plupart retrouvent une continence normale en quelques mois ;
• la fréquence
de l'IA croît avec la multiparité. Le traumatisme sphinctérien ne
semble pas s'aggraver lors des accouchements successifs mais il semble que la NPE
par contre, a une atteinte cumulative ;
• certaines
femmes avec une nette déchirure sphinctérienne après le premier accouchement
présentent une récurrence ou une détérioration de leur IAaprès
un second accouchement. La conduite à tenir lors des accouchements suivants
est difficile. Dans cette situation certains obstétriciens préconisent
une tentative d'accouchement par voie basse avec césarienne en cas de difficultés
; d'autres pratiquent une césarienne de principe ;
• dans le cas
de défects asymptomatiques la conduite thérapeutique est encore plus difficile
car le ou les accouchements suivants peuvent déclencher une IA dans les suites
de l'accouchement ou à la ménopause ;
• un facteur
prédictif d'aggravation lors du second accouchement est la taille du défect
(supérieure au quart de la circonférence du sphincter) et ce que les troubles
aient ou non régressé après le premier accouchement.
Série de Fynes et coll. (3)
Ces auteurs rapportent le suivi d'une série
de 59 femmes nullipares lors de leurs deux premiers accouchements par voie naturelle.
Après le premier accouchement
ils constatent à l'échographie :
• 39 patientes
sans défect sphinctérien ; après le deuxième accouchement, 37
d'entre elles gardent un sphincter normal L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 485
tandis que les deux autres ont une déchirure
sphinctérienne symptomatique ;
• 20 Patientes avec un
défect sphinctérien anal :
ƒ 7 asymptomatiques
;
ƒ 13 symptomatiques
dont 5 asymptomatiques lors de la 2e grossesse.
Lors de la 2e grossesse
de ces 20 patientes porteuses d'une lésion sphinctérienne :
• 12 sont asymptomatiques
;
• 8 sont symptomatiques
(14%).
Après le deuxième accouchement
:
• les 8 patientes
symptomatiques le restent ;
• parmi les
12 patientes asymptomatiques 5 deviennent symptomatiques.
En fin d'étude sur 59 patientes
:
• 37 pas de
défect (63 %) ;
• 7 défects
asymptomatiques (12 %) ;
• 15 défects
symptomatiques (25 %).
Les risques identifiés dans l'étude
pour l'apparition de lésions sphinctériennes sont :
• la primiparité
;
• le caractère
instrumental de l'accouchement ;
• une deuxième
partie du travail prolongée ;
• la réalisation
d'une analgésie péri-durale.
Pour l'apparition de lésions du
NHI les facteurs favorisants notés sont :
• la multiparité
;
• la macrosomie
;
• l'accouchement
instrumental.
Leur pratique est la suivante :
• les femmes
doivent être interrogées systématiquement sur leur continence anale
après leur premier accouchement ;
• les femmes
qui ont une IA ou celles qui présentent des facteurs de risque doivent être
explorées cliniquement, et par la pratique d'une échographie anale, d'une
manométrie ano-rectale et d'une exploration neurophysiologique périnéale.
Pour les femmes présentant une
IA persistante et un large défect sphinctérien (plus d'un quart de la
circonférence) une réparation sphinctérienne précoce et une
césarienne pour l'accouchement suivant sont prônés. En cas de NPE
une rééducation avec bio-feedback est prescrite en premier.
Pour les femmes asymptomatiques avec
une lésion sphinctérienne occulte ou après une réparation réussie
d'un périnée com 486 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM plet
compliqué, la décision est plus difficile. Ces auteurs ont identifié
un sous-groupe particulier de femmes avec une lésion sphinctérienne occulte
(augmentation de la pression manométrique à la contraction volontaire
de moins de 20 mm de Hg ou lésion supérieure à un quadrant) avec
un haut risque d'IA après un deuxième accouchement.
Pour les femmes avec IA et lésion sphinctérienne
étendue doit être proposée une réparation sphinctérienne
et une césarienne pour les accouchements futurs.
Les femmes qui présentent des
facteurs de risque lors de leur premier accouchement doivent être explorées.
Les femmes présentant une lésion
sphinctérienne occulte gagneraient à être explorées puis informées
afin de pouvoir participer avec l'obstétricien au choix du mode d'accouchement
pour les naissances à venir.
• le facteur
prédictif d'une aggravation lors du deuxième accouchement est la taille
du défect, que les troubles aient ou non régressé après le premier
accouchement. Celui-ci devient symptomatique si sa taille est supérieure au
quart de la circonférence sphinctérienne ;
• si la patiente
a subi une réparation sphinctérienne ou si elle présente une IA très
gênante une césarienne est fortement conseillée ;
• une femme
sur trois a une lésion sphintérienne après le premier accouchement
; un tiers de ces femmes aura une IA ;
• les facteurs
de risques majeurs sont :
ƒ un accouchement
à terme ;
ƒ un bébé
de plus de 4 kg ;
ƒ l'usage de forceps
;
ƒ une présentation
occipito-postérieure.
L'épisiotomie ne s'est
pas avérée protectrice ; l'épisiotomie médiane est un facteur
de risque important (6).
Traitement
Le traitement de l'IA est rarement standardisé
car il doit être adapté au tableau clinique mais aussi au mode de vie
de chaque patient. Les différentes possibilités thérapeutiques peuvent
être associées pour un résultat optimal, différent selon les
patients en fonction de leur âge, de leur vie, le but du traitement étant
de leur permettre une vie sociale, familiale et professionnelle s'il y a lieu. C'est
souvent un véritable plan thérapeutique qui va être proposé
L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 487
et expliqué à la patiente par le
périnéologue car les résultats n'étant pas le plus souvent immédiats
la prise en charge thérapeutique est longue et nécessite l'adhésion
de la patiente à celle-ci pour l'obtention du meilleur résultat.
Les possibilités thérapeutiques sont
médicales, rééducatives, et chirurgicales.
Le traitement est toujours d'abord
médical et rééducatif, la chirurgie n'étant indiquée qu'en
seconde intention.
Traitement médical
Il revient à traiter :
Une dyschésie
En effet celle-ci est un facteur d'échec
chirurgical, à court terme par lâchage de la suture musculaire ou infection
locale, et à long terme par le risque d'une NPE secondaire.
Une colopathie fonctionnelle
Avec tentative d'obtention d'un transit
régulier.
Une constipation
Dont le traitement initial est fondamental,
avant toute exploration paraclinique, car on peut voir régresser de fausses
IA sur fécalome ou mettre à jour une IA plus marquée que celle constatée
initialement.
Le périnéologue s'attachera
aussi à conseiller la patiente. Ainsi, en matière d'IA certains
sports sont à déconseiller comme les courses à pied prolongées,
la gymnastique de type aérobic, la musculation des abdominaux en course courte
et toutes les activités physiques qui augmentent fortement la pression abdominale.
On peut être amené à proposer une modification du poste de travail
pour éviter le port de charges lourdes. Les rapports sexuels anaux sont à
déconseiller. Toute cette prise en charge est indiquée aussi bien en première
intention thérapeutique qu'après un traitement chirurgical.
488 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM Traitement
rééducatif
Effectué par un rééducateur formé
et habitué aux techniques de rééducation endo-cavitaires ce traitement
comprend trois grands axes thérapeutiques : le travail manuel, le biofeedback
et l'electrostimulation adaptée aux données de l'électromyographie.
Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical de première intention
est la réparation sphinctérienne directe.
Les résultats favorables
de cette chirurgie sont à court terme de 60 à 97 % dans la littérature.
A long terme les résultats se détériorent nettement avec 50 %
de résultats favorables.
Dans la série de Malouf et col.
(6) concernant 55 patientes opérées pour IA (32 après un premier
accouchement, 23 en milieu de vie) les résultats sont les suivants :
• à 15
mois 79 % ont retrouvé une bonne continence aux matières et aux liquides.
Ces auteurs ont noté
une bonne corrélation entre les résultats et l'aspect échographique
post-opératoire.
• à 5 ans
46 patientes ont été revues :
ƒ 8 patientes ont
du être réopérées :
- une colostomie ;
- six myorraphies
postérieures dont deux ont du être suivies d'une colostomie et une de
la mise en place d'un sphincter artificiel ;
- une patiente dont
la colostomie n'a pas pu être fermée en raison d'un défect sphinctérien
persistant à l'échographie et des pressions anales diminuées ;
ƒ les 38 autres patientes
ont pu être interrogées :
- 27 (71 %) se disent
améliorés ;
- 5 (13 %) se disent
non améliorés ;
- 6 (16 %) se disent
aggravés.
Il est à noter que dans cette
série aucune patiente n'a retrouvé une continence totale à long terme
et que 14 patientes décrivent après la réparation sphinctérienne
un trouble de l'évacuation qui devient incomplète dans 5 cas, forcée
dans 7 cas, manuelle dans un cas, ou qui ne s'opère qu'après lavement
dans un cas.
L'analyse des résultats confirme
que si, à court terme, les bons résultats atteignent 70 à 80 %,
ceux-ci s'altèrent avec le temps avec 50 % d'échecs à 5 ans. Les
raisons évoquées de cette dégra L'INCONTINENCE
ANALE NEUROGèNE DU POST-PARTUM 489
dation des résultats sont l'altération
de la suture musculaire, l'atteinte neurologique, la dissection musculaire sphinctérienne
qui peut léser l'innervation musculaire, l'échec de la réparation
du sphincter lisse.
Mais ces auteurs n'ont pas trouver de facteurs
prédictifs de l'échec à long terme de la réparation musculaire.
mais ils insistent sur la vraisemblance d'une atteinte neurologique non décelée
par l'étude de la latence distale motrice du nerf honteux interne « ...
pudendal-nerve latencies variable may not be sensitive enough to detect nerve
damage » (6). Notre étude s'inscrit dans ce cadre de la recherche
de facteurs neurophysiologiques prédictifs d'un échec chirurgical à
court ou moyen terme. Notre hypothèse est que cette dégradation de la
fonction sphinctérienne est liée à une dénervation sphinctérienne.
Il semble, en tout cas évident que la fonction d'un sphincter strié simplement
déchiré évoluera différemment de celle d'un sphincter strié
à la fois déchiré et dénervé.
En cas d'échec
Lors d'échec de la réparation chirurgicale
directe du sphincter :
• la graciloplastie
stimulée ;
• le sphincter
artificiel ;
• la neuromodulation
des racines sacrées.
Ou en cas de dénervation périphérique
sévère :
• la graciloplastie
stimulée ;
• le sphincter
artificiel ;
peuvent être discutés en
milieu spécialisé.
Indications
Dans les ruptures sphinctériennes externes
pures, en cas d'échec de la rééducation, la chirurgie de réparation
sphinctérienne donne de bons résultats. Dans les ruptures intéressant
les sphincters lisse et strié cette chirurgie donne de moins bons résultats.
En cas de NPE associée,
notre sentiment est que l'association rupture sphinctérienne et dénervation
périphérique totale, sévère ou marquée et bilatérale
du sphincter strié anal rend probable l'échec d'une chirurgie de réparation
sphinctérienne classique.Toutes les ressources du traitement médical et
des petits moyens ainsi que de la rééducation doivent utilisées avant
d'envisager les traitements chirurgicaux de seconde intention.
490 J.
BENAÏM et S. NINOU-ELBAUM Lorsque
la NPE est discrète ou modérée, uni ou bilatérale nous pensons
entrer alors dans le cadre de ces nombreux patients qui ont un bon résultat
à 18 mois qui se dégrade ensuite pour être un échec à 5ans.
L'analyse de notre série nous permettra, peut-être de mieux analyser cette
possibilité.
Lorsqu'une autre cause d'IA est associée
(diarrhée chronique, colon irritable, micro-rectum, recto-colite hémorragique),
ou en cas de constipation chronique les résultats sont moins bons. De
plus il nous semble nécessaire d'être vigilant chez les femmes multipares
qui ont une constipation chronique, et des accouchements traumatiques
dans leurs antécédents. Ces femmes peuvent consulter pour des hémorroïdes,
souvent consécutives à cette dyschésie ancienne. Il existe dans cette
situation un risque d'incontinence post-opératoire par décompensation
d'une rupture sphinctérienne avec ou sans NPE méconnue.
Pendant la grossesse des femmes
ayant présenté une IA après le précédent accouchement,
régressive ou non, un bilan clinique et paraclinique (électromyogramme,
échographie endo-anale, manométrie endo-anale) doit être pratiqué
afin de pouvoir conseiller la patiente sur le mode d'accouchement (3).
En pratique lors d'une deuxième
grossesse chez une patiente ayant eu dans les suites de son premier accouchement
une IA lorsque la lésion du sphincter dépasse le quart de la circonférence
et s'il existe une NPE, une césarienne peut être proposée. Dans les
autres situations une discussion peut être engagée entre l'obstétricien
et la patiente pour envisager les avantages, inconvénients et risques respectifs
de la césarienne versus une possible aggravation de l'IA (3).
Bibliographie
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