La promontofixation est-elle une intervention
utile ?
Jacques HOURCABIE
Tous les défauts des systèmes
de suspension et de soutènement pelvien se rapportent à des anomalies
ligamentaires, soit par appauvrissement des trames fasciales, soit par désinsertion.
Qu'il s'agisse des défauts de
l'aponévrose pelvienne, des fléchissements des ligaments cardinaux, des
ruptures de continuité des lames sacro-recto-génito-pubiennes, que les
muscles élévateurs soient fonctionnels ou non, atrophiés ou non,
l'ensemble mérite une réparation durable, tout en conservant les différentes
fonctions et en permettant un confort retrouvé à la patiente.
Cette simple phrase, en guise de préambule,
nous brosse un tableau de ce que doit être une technique efficace de reconstruction
pelvienne.
La promontofixation est une intervention
utile, elle a été décrite depuis fort longtemps, tout d'abord par
HUGUIER, puis par SCALI, et modifiée par chacun d'entre nous, à notre
guise.
C'est une intervention réalisable
simplement par voie cœlioscopique, si on respecte les contre-indications à
cette voie d'abord.
Les patientes multi-opérées,
les patientes avec potentiels adhérenciels pariétaux vont compliquer cette
intervention chirurgicale.
Sa durée va devenir plus longue
que la patience du chirurgien, les gestes vont devenir incertains, la fatigue va
s'accumuler, et l'intervention se finira d'une façon parfois incertaine.
Il faut donc dès le début
du geste opératoire respecter une rigueur :
• une rigueur
dans l'installation ;
• une rigueur
dans le choix des instruments ;
• une rigueur
dans la taille des prothèses et dans leur installation ;
• mais aussi
une attention particulière à tous les systèmes de sutures utilisées.
Les plans anatomiques doivent être
mis en évidence de façon consciencieuse et efficace, les sutures ne seront
jamais trans LA
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UTILE ? 559
fixiantes du vagin, les dissections respecteront
la vascularisation vaginale.
La tension apportée au système de remplacement
sera très modérée.
Qu'une colpo-suspension ou un soutènement
sous urétral soit nécessaire ou non, la discussion sera ouverte : nous
prêchons pour une colpo-suspension immédiate ou un soutènement sous-urétral
immédiat, ayant le souci éthique de ne pas imposer une seconde opération
à la patiente.
1. Installation de la patiente
L'installation cœlioscopique classique sera utilisée,
les deux bras le long du corps dans des gouttières, protégeant le risque
de compression du nerf cubital, position de Trendelenburg modérée, légère
flexion des membres inférieurs sur le plan abdominal.
Installation de 4 voies opératoires
:
• 1 voie ombilicale
dite de servitude ;
• 1 voie supra
ombilicale à environ à 8 cm au-dessus de l'ombilic, légèrement
déportée sur le côté gauche, permettant d'introduire le cœlioscope
;
• 2 voies opératoires
sus-iliaques, extra-épigastriques pour assurer les gestes opératoires.
La malade sera bien entendu sondée
à demeure.
Le vidéoscopiste sera situé
du côté droit de la patiente, le chirurgien du côté gauche,
l'aide opératoire entre les jambes de la malade, un assistant opératoire
éventuellement fera passer les instruments et les sutures.
2. Technique opératoire
Après refoulement des anses grêles,
mise en évidence des différents éléments du prolapsus.
Bilan pelvien : diagnostic d'une élytrocèle
ou diagnostic d'une simple colpocèle postérieure, confirmation de la bascule
vésicale, etc.
Installation d'un hystérophore
ou manipulateur utéro-vaginal pour permettre de distendre les plans antérieurs
et postérieurs et de présenter l'utérus.
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Dans le cadre d'une hystérectomie sub-totale,
une colpotomie postérieure sera faite après dissection de l'espace recto-vaginal,
permettant d'extraire l'utérus.
La suture sera faite par voie vaginale tout d'abord,
puis par voie cœlioscopique, permettant de chaque côté d'installer un
surjet au fil résorbable longue durée.
2.1. Abord du ligament pré-vertébral
Nous situerons ce temps en premier, car si nous
débutons toutes les dissections, et que par hasard le ligament pré-vertébral
ne puisse être abordé en sécurité par anomalie positionnelle
des vaisseaux iliaques primitifs, nous ne pourrons pas réaliser l'intervention
dans son entièreté.
Le premier geste de sécurité
est de repérer l'uretère droit, en effet, si la section péritonéale
est faite trop près de l'uretère, il est évident que celui-ci sera
concerné par la suture secondaire du péritoine, il sera aussi concerné
par l'écrasement prothétique de la fixation ligamentaire.
On introduira une pince gripp par la
voie supra-iliaque droite, pour saisir le péritoine du promontoire, une contre
traction par une pince gripp ou une pince de Johann par la voie sus-iliaque gauche.
Un dissecteur monopolaire, ou des ciseaux
de Metzenbaum jetables (Tyco Healthcare), introduits par la voie ombilicale permettront
la section du péritoine antérieur pré-ligamentaire.
La dissection par le gaz carbonique
facilitera la mise en évidence du pédicule sacré moyen au milieu
de l'espace, en dehors on repérera l'artère iliaque primitive droite,
en arrière et vers le haut la veine iliaque primitive gauche. Celle-ci sera
souvent effacée par la pression du pneumo-péritoine, et par les contraintes
liées au Trendelenburg, son aspect flacide la rendra peu évidente.
L'essentiel est donc de découvrir
un triangle de sécurité où siège en dedans le pédicule
sacré moyen, en dehors l'artère iliaque primitive droite, et au-dessus
une zone dans laquelle on pense pouvoir repérer la veine iliaque primitive
gauche.
Dès que l'on mettra en évidence
la brillance du ligament pré-vertébral, on descendra immédiatement
par la voie ombilicale, un porte-aiguille de Szabo-bercy chargeant une aiguille
de Surgidac n° 0 ou n° 2.0, on aiguillera le ligament pré-vertébral
par un point en X.
En effet, la technique du point en
X à l'avantage tout d'abord de la solidité, mais aussi de faire une hémostase
complémentaire si par LA
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UTILE ? 561
erreur on a lésé un vaisseau ; par
contre, le point en X n'autorisera pas à descendre un nœud coulissant.
La suture sera laissée en attente avec son
aiguillage en place.
2.2. Dissection postérieure
Dans le cadre de la présence d'une élytrocèle,
on disséquera tout d'abord le sac péritonéal qui se sera faufilé
en avant du fascia recti.
S'il n'y a pas d'élytrocèle,
on incisera le péritoine, en partant de la fosse para-rectale droite, pour
passer sous les utéro-sacrés, puis poursuivre par la fosse para-rectale
gauche.
Cette incision en fer à cheval
permettra d'effondrer le péritoine rétro-vaginal, puis le péritoine
pré-rectal, très rapidement on enfoncera la pince gripp contro-latérale
dans l'espace para-rectal inférieur du côté opposé.
Quelques mouvements d'écartement
de la pince gripp et de contre-traction de l'autre pince homo-latérale, permettront
ainsi de découvrir très rapidement la plaque lévatorienne.
On s'efforcera de passer en avant du
pédicule rectal moyen permettant d'éviter sa lésion et permettant
d'éviter toute plaie secondaire.
Le but est de bien dégager en
arrière le paramètre para-rectal distal, de bien dégager latéralement
la plaque lévatorienne pariétale et de dégager en dedans la jonction
ano-rectale.
En effet, l'application d'une prothèse
dans cette région ne sera efficace que si l'ensemble des éléments
pré-cités est bien mis en évidence.
La prothèse postérieure est
une prothèse d'environ 10 à 12 cm de large sur 8 cm de haut, taillée
de façon arrondie vers le haut. Sa base sera introduite dans les 2 fosses para-rectales
pré-lévatoriennes. Elle sera fixée par un point que l'on descendra
simplement avec le porte-aiguille, et que l'on fixera par quelques nœuds coulissants,
des doubles-boucles poussées avec un pousse-nœud.
Plus aisément si il est besoin,
on pourra fixer cette plaque au moyen d'une agrafeuse Endo-hernia Universal 65°
Roticulator (Tyco Healthcare).
La prothèse sera constituée
d'un treillis de Surgipro (Tyco Healthcare), elle sera fixée de chaque côté.
Elle sera donc étalée d'une plaque lévatorienne à l'autre, puis
elle sera fixée sous les utéro-sacrés. Elle sera posée, non
fixée au promontoire, car il s'agit simplement de réparer une solution
de continuité existant au 562 J. HOURCABIE
niveau des fascias pelviens constituant ainsi
une réparation classique d'une hernie.
2.3. Dissection vésico-vaginale
La mise en évidence de cet espace sera grandement
facilitée par l'utilisation de l'hystérophore.
Il permettra ainsi de distendre le
cul-de-sac antérieur vésico-vaginal et d'autoriser une dissection la plus
correcte possible mais la moins risquée aussi.
On se méfiera en effet d'une dissection
trop importante aboutissant à un risque d'éventuel syndrome trigonal.
Si la dissection n'a pas été
effectuée préalablement, elle sera faite par l'assistance d'un tampon
monté ou d'une compresse roulée en boule, présentée au moyen
d'une pince longuette qui tendra le cul-de-sac vaginal antérieur autorisant
ainsi le refoulement vésical.
Il n'est pas utile ni indispensable
de coaguler les pédicules vésicaux.
On ne les coagulera et les sectionnera
seulement si l'espace de dissection est insuffisant pour placer la prothèse
antérieure.
Deux situations nous sont offertes
: dans le cadre de l'hystérectomie sub-totale, la prothèse antérieure
sera fixée au vagin par un point médian rétro-vésical, et latéralement
2 ou 3 points de chaque côté, nous permettront de la stabiliser sur le
fût vaginal.
Un dernier point fixera la prothèse
sur la face antérieure du col restant, la suite de la prothèse sera sous
péritonisée secondairement en même temps que le cul-de-sac postérieur
sera fermé.
En cas de conservation utérine,
nous coupons la prothèse antérieure en 2 parties : la 1re partie
ou prothèse antérieure sera fixée sur la face rétro-vésciale
du vagin puis tendue à la face antérieure de l'isthme utérin et fixée
à ce dernier.
Une 2e prothèse sera
installée en arrière de l'isthme utérin et fixée à ce dernier.
Il existera ainsi une continuité
entre prothèse antérieure fixée à l'isthme utérin et prothèse
supérieure, ceci permettant de relier l'ensemble au ligament pré-vertébral
antérieur.
Cette astuce technique dans le cadre
de la conservation utérine nous évitera les dissections péritonéales
latérales vers la pars flacida, non pas que la pars flacida soit difficile
à franchir, mais plutôt que l'espace uretéral, espace à risque,
nous éviterons quelques incidents secondaires. De plus, la péritonisation
sera rendue plus simple. LA
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UTILE ? 563
2.4. Le temps de la péritonisation
On commencera toujours la péritonisation
par le temps antérieur : fermeture par une simple bourse avec du Monocryl n°0
ou n°2.0, utilisé avec un pousse-nœud et des demi-clés, car c'est
un fil qui coulisse très bien et que l'on peut croiser sans risque de faire
réellement un nœud.
La péritonisation postérieure
avec le système de prothèses séparées sera très simple
puisqu'il suffira de fermer le péritoine rétro-utérin puis la fosse
para-rectale droite.
La suture sera faite aussi avec un
Monocryl 0 ou 2.0 et des demi-clés descendues avec un pousse-noeud.
La traction vers le promontoire sera
modérée, elle sera contrôlée par le doigt vaginal qui jugera
de l'opportunité de tendre plus ou moins.
Dès que la tension sera suffisante,
on fera une transfixion avec l'aiguillée laissée au niveau du promontoire,
transfixion double de la prothèse, puis fixation par un nœud intra-abdominal.
La sécurité veut que l'on
pose 6 à 8 boucles. Puis le péritoine sera fermé rapidement par la
dernière bourse faite avec le surjet préalablement posé.
Dans toutes les fixations sur le vagin
ou sur les élévateurs, on peut s'aider aussi des sutures automatiques
que constitue les protacks, ces tackers très faciles à utiliser peuvent
être fixés sans problème sur le vagin antérieur, beaucoup plus
épais, plus fibreux, et plus vascularisé, mais certainement pas sur le
vagin postérieur qu'ils vont transfixier systématiquement.
Le lecteur remarquera qu'en aucune
façon, nous ne fixons la prothèse postérieure au vagin. En effet,
toutes les intériorisations de prothèses sont dues à des fixations
vaginales par suture ou par agrafage.
3. Durée opératoire
Les durées opératoires sont extrêmement
variables selon les difficultés techniques. La durée opératoire minimum
que nous avons pu réaliser est de 90 minutes. Les durées maximums sont
d'environ 120 à 150 minutes. 564 J. HOURCABIE
4. Durée de séjour
La durée d'hospitalisation des patientes
varie de 2 à 4 jours dans notre série.
Le confort post-opératoire est
évident.
Dans le cadre de l'hystérectomie
sub-totale, nous avons l'habitude de faire une légère colpotomie postérieure
et de sortir l'utérus par cette voie.
Le vagin sera par contre, dans ce cas
là, suturé par 2 surjets, permettant ainsi de protéger du risque
d'intrusion prothétique secondaire.
L'interruption d'activité professionnelle
sera systématiquement de 4 semaines, et nous pensons que cela est beaucoup
plus prudent.
5. Morbidité, incidents, accidents, complications
Nous n'avons, à ce jour à redouter aucune
complication grave type complication urologique ou digestive ou hémorragique
secondaire aux promontofixations. Nous avons dans notre série, 4 intrusions
prothétiques intra-vaginales secondaires, les 3 premières sont apparues
très rapidement dans les 6 premiers mois, la 4e est apparue plus
d'un an après. Quand on connaît le nombre des consultations nécessaire
pour arriver à bout d'une intrusion prothétique et des symptômes
secondaires à cette dernière, on comprend l'évidence d'être
très prudent dans l'application des prothèses et des sutures. En effet,
chacun d'entre nous a dans sa mémoire, les suites des intrusions prothétiques
et je pense que nous en tirons des leçons efficaces.
6. Le résultat en terme de fonctionnalité
La fonction sexuelle est retrouvée extrêmement
rapidement.
La fonction urinaire aussi, car les
malades sont désondées immédiatement sur la table d'opération.
La fonction digestive est reprise dans
les 24 à 48 heures. Comme nous l'avons dit dans le préambule, nous pratiquons
systématiquement une colpo-suspension selon Burch et une reconstruction du
ligament para-urétral. Ce geste a lieu par voie cœlioscopique, ce qui nous
laisse dans notre unité de lieu et dans la recherche de fonctionnalité
qui animent les chirurgiens endoscopistes. LA
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UTILE ? 565
7. Conclusion
En conclusion, nous ne tenons pas à mener
un combat pour ou contre la promontofixation per cœlioscopique, mais nous voulons
simplement témoigner des évolutions techniques que nous avons imposées
dans cette procédure opératoire avec le docteur Arnaud WATTIEZ.
En effet, nous avons sans nous concerter
développé exactement les mêmes gestes, et nous avons certainement
les mêmes résultats. Notre expérience aujourd'hui est de plus de
120 promontofixations per coelioscopiques.
Nous sommes toujours disposés
à accueillir chacun d'entre vous dans le Centre Européen de Formation
Pratique à la Chirurgie Endoscopique à Périgueux, où chaque
mois nous nous retrouvons de façon scientifique et conviviale autour de malades
compliquées, pour apprendre ou se perfectionner.
8. Bibliographie
[1] AMELINE A, HUGUIER J. La
suspension postérieure au disque lombo-sacré. Technique de remplacement
des ligaments utéro-sacrés par voie abdominale. Gynecol Obstet 1957
; 56 : 94-98
[2] HUGUIER J. Soutènement
de la vessie en hamac dans la cure de certains prolapsus. J Chir 1958 ; 76
: 84-92
[3] HUGUIER J, CERBONNET
G, SCALI P, FONTANELLE J, BERTHOUX A. Mise en place par voie abdominale pure d'une
prothèse sous-uréthro-vésicale dans la cure des grandes cystocèles.
J Chir 1967 ; 94 : 285-294.
[4] HOURCABIE J.A,
BRUHAT M.A. One Hundred and three cases of laparoscopic hysterectomy using endo-GIA
staples and a device for presenting the vaginal fornices. Gyna. |