Imagerie interventionnelle du sein
S. UZAN, J.-Y. SEROR, J. CHOPIER, M.
ANTOINE, J.-F. COLLET
Ce chapitre a pris beaucoup d'importance car
il permet de plus en plus de sélectionner les patientes qui doivent :
- Faire l'objet d'une surveillance
habituelle ou rapprochée,
- Faire l'objet d'une chirurgie
soit sous anesthésie locale soit sous anesthésie générale.
L'importance de ces choix est capitale
car ces dernières années le nombre d'interventions pour lésions «
bénignes » restait trop élevé et l'introduction de l'imagerie
interventionnelle a permis de réduire très significativement ce taux.
Actuellement pour la plupart des équipes utilisant la totalité des techniques
disponibles, le taux de chirurgie pour lésions malignes atteint ou dépasse
70 % !
Cette imagerie interventionnelle a
permis de créer une étape supplémentaire entre l'évocation du
diagnostic par l'imagerie et la chirurgie diagnostique et thérapeutique. Elle
permet d'améliorer notre prédiction de malignité ou de bénignité
et ainsi d'augmenter le taux de chirurgie sous anesthésie générale
pour lésion maligne.
Les techniques sont multiples et sont
résumées dans le tableau ci-dessous.
L'émergence de ces « nouvelles
techniques » amène parfois à des confusions dans la dénomination
des techniques en mêlant une description de la technique au nom du matériel
industriel utilisé ; c'est pourquoi il nous a paru utile de décrire brièvement
chaque technique.
La cytoponction (avec une aiguille 22 gauges)
Elle reste essentielle et d'utilisation simple.
Elle peut être réalisée soit directement sur une tumeur palpable
soit sous contrôle échographique ou stéréotaxique sur une lésion
infra-clinique. Son avantage essentiel est donc sa simplicité et son faible
coût. Elle présente une bonne valeur prédictive positive mais une
moins bonne valeur prédictive négative, surtout elle peut ne pas être
significative : il ne faut jamais assimiler un résultat non significatif (absence
de cellules suspectes dans un prélèvement acellulaire), à un résultat
négatif (absence de cellules suspectes dans un prélèvement cellulaire).
Nous l'utilisons très volontiers
pour confirmer le caractère bénin d'un nodule (le résultat est d'autant
plus interprétable qu'il est significatif et concordant avec le diagnostic
de l'imagerie), pour évacuer un kyste ou pour confirmer une malignité
afin de décider d'une stratégie opératoire et éventuellement
de mettre en uvre la technique du ganglion sentinelle. A l'inverse et en règle
générale nous ne considérons pas ce résultat comme suffisant
pour initier une chimiothérapie néo-adjuvante. Les complications de cette
technique sont très réduites et il n'existe quasiment aucune contre-indication,
y compris chez les patientes utilisant des anti-coagulants, après certaines
précautions. Cette technique est également particulièrement utile
pour étudier des ganglions suspects.
La microbiopsie
Réalisée généralement à
l'aide d'une aiguille de 14 gauge. Il s'agit d'un examen histologique ou plus exactement
micro-histologique, rendant parfois difficile le diagnostic de certaines anomalies
architecturales. Cet examen simple, de faible coût, comportant peu de complications
est réalisé soit sur une lésion palpable soit sous contrôle
mammographique ou échographique. Il est largement utilisé pour confirmer
un diagnostic avant une chimiothérapie néo-adjuvante, il est également
utile en cas de lésions multiples de manière à disposer d'un diagnostic
pré-opératoire de lésion multi-focale et par conséquent de poser
éventuellement une indication de mastectomie d'emblée. Sa valeur stratégique
est également importante pour confirmer le caractère invasif avant une
intervention sur lésion infra-clinique, ce qui permettra de réaliser d'emblée
un curage ganglionnaire ou le prélèvement de ganglion(s) sentinelle(s).
En revanche, sa valeur prédictive
négative évaluée de façon prospective par notre équipe
n'est que de 92 % pour les microcalcifications (96 % pour les nodules) ne permettant
pas de récuser un diagnostic, en particulier en présence d'une lésion
suspecte.
Les macrobiopsies par aspiration
Il s'agit là d'une nouvelle technique effectuée
à l'aide d'une aiguille généralement de 11 gauge (des aiguilles de
8 gauge font également leur apparition) et permettant de réaliser des
prélèvements multiples en barillets et de retirer une zone d'environ 10
mm de diamètre et 15 à 20 mm de long. De véritables exérèses
de certaines zones (microcalcifications en particulier) mais multi-fragmentaires.
Ceci peut poser des problèmes, pour évaluer la taille réelle d'une
lésion. On est bien entendu incapable d'affirmer une exérèse complète
« en berges saines » du fait de la multiplicité des fragments
prélevés.
Cette technique de macrobiopsie est
particulièrement utile face à des lésions supposées bénignes
ou à faibles risques de malignité pour poser à bon escient une indication
chirurgicale. C'est ainsi que le taux de malignité des interventions réalisées
sous anesthésie générale, en particulier en présence de microcalcifications,
dépasse pour toutes les équipes utilisant cette technique 60 à 70
% alors qu'il était inférieur à 30 % il y a encore quelques années.
Une première progression de ce taux avait été observée après
l'introduction des microbiopsies.
Ce système nécessite une
équipe entraînée et surtout un matériel dédié d'un
coût élevé. Il doit donc être réservé aux cas où
l'on souhaite disposer d'une sécurité diagnostique pour éviter une
intervention chirurgicale ou aux cas où l'on souhaite un diagnostique précis
pré-opératoire. Deux systèmes existent : le Mammotome et le MIB.
Les biopsies sous stéréotaxie ou chirurgie
stéréotaxique (Site Select ou Abby)
Cette technique est en réalité radio-chirurgicale
car elle nécessite un temps chirurgical d'hémostase et de fermeture cutanée
: elle permet de prélever un seul fragment mammaire dont le diamètre peut
aller jusqu'à 15 ou 20 mm et la longueur jusqu'à 20 ou 25 mm. Il s'agit
d'une véritable chirurgie stéréotaxique. La mise en uvre nécessite
une expérience de l'équipe (Radiologues plus Chirurgiens) et surtout un
matériel dédié et assez coûteux. Son avantage essentiel est
de retirer une zone assez importante en un seul fragment, ce qui permet pour une
lésion de petite taille de disposer d'une évaluation des berges d'exérèse.
La cicatrice avec ce système est plus importante (20 mm) qu'avec le système
de macrobiopsie par aspiration (3-4 mm) mais elle est généralement considérée
comme esthétiquement satisfaisante par les patientes.
Cette technique comme la technique
précédente comporte un certain nombre de complications, en particulier
d'hématomes (5 à 10 % des cas). Des précautions particulières
sont nécessaires et la technique est inutilisable chez les patientes sous traitement
anti-coagulant.
La biopsie chirurgicale conventionnelle
Enfin il nous faut rappeler la biopsie chirurgicale
conventionnelle qui reste la technique de référence pour évaluer
toutes les techniques précédentes.
Elle s'effectue sous anesthésie
générale le plus souvent, avec un repérage pré-opératoire,
généralement stéréotaxique avec la mise en place d'un harpon.
Elle comporte en réalité de nombreuses « sources de difficultés »
(déplacement du harpon, exérèse insuffisante, etc), et elle impose
une étape chirurgicale supplémentaire car l'examen extemporané est
rarement réalisable. Elle reste toutefois essentielle en cas de présence
d'une lésion très suspecte et d'une taille rendant illusoire ou insuffisante
les techniques précédentes. A titre d'exemple, un foyer de microcalcifications(sans
suspicion d'invasion) de 20 mm, ACRV , nous conduit généralement à
proposer d'emblée l'exérèse chirurgicale de ce foyer car une biopsie
rassurante n'aurait pas suffisamment de valeur prédictive négative (du
fait de l'insuffisance de l'échantillon) et à l'inverse une biopsie positive
conduirait dans tous les cas à réaliser l'intervention.
Il nous faut également rappeler
pour toutes ces techniques les conditions d'interprétation :
- Une réflexion entre le
Radiologue et le Clinicien (Médecin ou Chirurgien) pour fixer une probabilité
de malignité et un « objectif » à atteindre par cette
biopsie.
- Vérifier que le résultat
est réellement significatif, concordant avec l'imagerie et répondant à
la question posée. Malheureusement de nombreuses erreurs sont liées à
une biopsie réalisée avec un objectif inadéquat (cytoponctions sur
microcalcifications par exemple) et avec un résultat mal interprété
(absence de cellules et résultat non significatif pris pour un résultat
bénin).
- Ces techniques ne sont donc
qu'une étape dans la réflexion diagnostique et stratégique face à
une lésion (en particulier infra-clinique) du sein. L'idéal résidant
dans leur utilisation après analyse des clichés dans des réunions
multidisciplinaires qui permettent également d'évaluer avec le Radiologue
la faisabilité de la technique qu'il n'est pas toujours possible de mettre
en uvre (taille du sein, position de la lésion, etc.).
Synthèse
des techniques d'Imagerie interventionnelle.
|
˙ |
˙Cytoponction |
˙Microbiopsie |
˙Macrobiopsie |
˙Chirurgie |
˙Chirurgie |
|
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙stéréotaxique |
˙conventionnelle |
˙ Information (1) |
˙Cytologie |
˙«Micro» histologie |
˙Histologie |
˙Histologie berges |
˙Histologie berges |
|
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙ |
˙recoupes |
˙ |
˙Informative |
˙> 90 % (2) |
˙> 92 % |
˙> 95 % |
˙> 95 % |
˙> 98 % (3) |
˙ |
˙Faux négatif |
˙< 7-8 % |
˙< 7 % |
˙< 5 % |
˙< 5 % |
˙< 2 % |
˙ |
˙Faux positif |
˙< 1-2 % |
˙# 0 |
˙# 0 |
˙# 0 |
˙# 0 |
˙ |
˙Complications |
˙# 0 |
˙Hématomes + |
˙Hématomes ++ |
˙Hématomes ++ |
˙Hématomes ++ |
˙ |
˙Anesthésie (5) |
˙0 |
˙AL |
˙AL |
˙AL |
˙AG |
˙ |
˙Cicatrice |
˙0 |
˙# 0 |
˙2-4 mm |
˙10-20 mm |
˙> 15 mm |
(1) La « biologie tumorale »
est réalisable avec toutes les techniques.
(2) > 80 % si réalisée sous stéréotaxie.
(3) Quelles que soient les précautions, peut ne pas retirer
la cible dans sa totalité.
(4) Concerne les lésions malignes.
(5) L : locale, G : générale.
158 S.
UZAN, J.-Y. SEROR, J. CHOPIER, M. ANTOINE, J.F. COLLET
IMAGERIE
INTERVENTIONNELLE DU SEIN 159
160 S.
UZAN, J.-Y. SEROR, J. CHOPIER, M. ANTOINE, J.F. COLLET
IMAGERIE
INTERVENTIONNELLE DU SEIN 161 |