Bénéfices et risques attendus
du traitement de la ménopause : où en est-on à la lumière
des grandes études ? Dans le système nerveux central
Gabriel ANDRÉ
La discussion de l'intérêt
des œstrogènes pour le système nerveux central (SNC) est relativement
récente. L'espérance de vie allant croissante, l'incidence des démences
et de la maladie d'Alzheimer augmente régulièrement. Le fait qu'elle touche
davantage la femme que l'homme laisse penser que la carence œstrogénique de
la ménopause pourrait être un facteur de risque. L'étude HERS en
1998 et plus récemment celle de la WHI 2002 ont par leurs résultats porté
le discrédit sur le traitement hormonal substitutif. Le cerveau n'a pas été
épargné puisque les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ont
été trouvés en augmentation en prévention secondaire (étude
HERS) et primaire (WHI). La problématique ici n'est guère différente
de celle des affections cardio-vasculaires en général. On peut penser
qu'avec des œstrogènes naturels donnés à des doses plus faibles,
avec une voie d'administration peut être différente, accompagnés
d'un progestatif plus neutre (autre que de la MPA), les résultats auraient
probablement été différents. Néanmoins, les faits sont là
: l'Evidence Base Medecine ne montre pas d'intérêt à un traitement
hormonal substitutif (THS) en prévention et en traitement des AVC.
Dans la maladie d'Alzheimer, la composante
vasculaire a une importance majeure. Un traitement qui augmente le risque d'AVC
ne peut prétendre prévenir ou traiter la maladie d'Alzheimer, ni à
24 G.
ANDRé fortiori
l'important contingent des démences vasculaires qui ont souvent pour origine
des micro-thromboses au niveau du SNC.
Nous continuons néanmoins de penser sans
pouvoir aujourd'hui formellement le démontrer que pour le SNC et la maladie
d'Alzheimer, les œstrogènes exercent un effet favorable.
Les bénéfices des œstrogènes sur le
SNC
La dépression et les troubles de l'humeur
Les femmes ont un plus grand risque de dépression
que les hommes. Celles qui étaient dépressives avant leurs règles
ou après leurs accouchements, ont un risque majoré de dépression
en ménopause (Studd 1994). Les progestatifs, au contraire des androgènes,
réduisent partiellement l'effet anti-dépresseur des œstrogènes. L'effet
de ces derniers est associé à leur activité sérotoninergique
(Sumner 1999). Celle-ci s'exerce via le récepteur aux œstrogènes : Tamoxifène
et progestatifs ont ici un effet antagoniste.
Chez les femmes âgées, l'effet
anti-dépresseur des inhibiteurs du recaptage de la Sérotonine, comme la
Fluoxetine, est significativement augmenté par un traitement œstrogénique
(Schneider 1997).
L'effet des œstrogènes sur la fonction cognitive
Les œstrogènes ont essentiellement un effet
sur la mémoire verbale et une très bonne revue critique de la littérature
est faite par Barbara Sherwin (1). A tous les âges de la vie, les œstrogènes
sont des activateurs neuronaux. Un certain nombre d'études négatives le
sont parce qu'elles ne se sont pas adressées aux tests cognitifs adéquats.
Par ailleurs, si un test est «parlant» dans 1 ou 2 domaines de la cognition,
il n'est pas possible d'étendre ses conclusions à tous les autres domaines
cognitifs, et ils sont nombreux !
Nous retiendrons quelques études parmi les plus
récentes :
Resnick (1997) a montré pour la première
fois l'effet protecteur d'un traitement œstrogénique sur la variation de la
mémoire avec le temps. 288 femmes ont été suivies 6 ans avec mesure
des ...
DANS LE SYSTèME
NERVEUX CENTRAL 25
scores cognitifs tous les 2 ans. Les femmes
sous traitement gardent intact leur score mémoire réévalué après
2 ans, tandis que celles qui ont arrêté le traitement après le premier
test ont un déclin cognitif superposable aux femmes qui n'ont jamais pris d'œstrogène.
Contrairement aux travaux de Sherwin, cette étude met en évidence un effet
favorable des œstrogènes sur la mémoire visuelle.
Jacobs (1998) a étudié une cohorte de
727 femmes suivies longitudinalement en moyenne 2 ans et demi. Les femmes qui avaient
utilisé un THS ont des performances cognitives supérieures aux non utilisatrices
et leur mémoire verbale augmente légèrement avec le temps. Celles
qui n'ont jamais eu de traitement œstrogénique, ont une mémoire qui diminue.
Dans ce travail, les œstrogènes ont aussi un effet positif sur le raisonnement
et le langage, effet indépendant de l'âge, de l'éducation, de l'ethnie
et du génotype de l'ApoE.
Une autre étude longitudinale
rétrospective sur 1 an a étudié 3128 femmes se présentant à
une clinique de la mémoire (Costa 1999). Là aussi les patientes sans œstrogène
ont une détérioration significative de la cognition lors du suivi des
tests, alors que celles qui ont pris des œstrogènes n'ont aucune détérioration
des tests cognitifs.
Nous insisterons davantage sur l'étude
de Yaffe (2000). 2429 femmes de plus de 65 ans ont été enrôlées
dans une étude cardio-vasculaire. Elles ont passé chaque année un
test cognitif global : le 3 MSE. Après 5 ans, la variation annuelle moyenne
a été estimée suivant la prise ou non d'œstrogène : 274 femmes
étaient utilisatrices actuelles, 278 utilisatrices anciennes. Celles qui n'ont
pas pris d'hormone durant le suivi des 5 ans, même si elles étaient utilisatrices
anciennes, ont vu leurs tests cognitifs décliner. Celles qui étaient sous
traitement depuis leur ménopause et l'ont poursuivi de 1 à 4 ans durant
la période de suivi, sont restées stables. Celles qui ont été
traitées 5 à 8 ans durant cette même période, ont amélioré
leur test cognitif.
Prendre des œstrogènes longtemps
est associé à un moindre déclin cognitif et un traitement long peut
influencer positivement la cognition global
L'étude de Shaywitz (1999) est
très intéressante. 46 patientes ménopausées âgées
de 33 à 61 ans ont été évaluées en IRM fonctionnel dans
une étude randomisée contre placebo en double cross-over avec une dose
thérapeutique d'œstrogène administrée 21 jours (Prémarin 1,25
mg/24 heures). Les œstrogènes augmentent significativement la micro circulation
cérébrale (variation ins 26 G.
ANDRé tantanée
mesurée par effet Bold) dans les zones de mémoire, au cours d'un effort
de mémoire ou de restitution de mémoire, ce qui est un argument fort pour
leur implication dans l'acquisition mnésique. Cet effet survient alors même
que les tests cognitifs à la fin de la période œstrogénique restent
inchangés. Cette action des œstrogènes sur l'organisation fonctionnelle
cérébrale apparaît bien plus sensible que les tests cliniques cognitifs.
Chez des patientes ménopausées normales, un effet patent des œstrogènes
peut n'apparaître qu'au bout de plusieurs mois ou années. Quoiqu'il en
soit, ceci suggère le maintien d'une plasticité fonctionnelle au niveau
des aires de mémoire chez la femme âgée et la possibilité pour
les œstrogènes de la moduler très rapidement.
L'étude de Wolf (1999) est elle aussi randomisée
en double aveugle contre placebo. 38 patientes ménopausées au moins depuis
17 ans, n'ayant jamais reçu de traitement, ont eu un patch transdermique (TTS
100) durant 2 semaines seulement. Aucun effet sur les scores mémoires n'a été
observé. Ont été analysées séparément les patientes
à haut niveau d'œstradiolémie (supérieur à 29 pg/ml). Dans ce
sous-groupe, il y avait une amélioration significative de la mémoire verbale.
Cette étude est certes peu puissante (petit nombre de patientes), mais permet
de retenir deux idées :
- il y a indiscutablement un effet-dose
en ce qui concerne l'amélioration des tests cognitifs à court terme,
- après 17 ans de ménopause,
la sensibilité cérébrale aux œstrogènes semble maintenue.
Yaffe (2000) a trouvé un lien
entre l'œstradiol libre et le déclin cognitif dans une cohorte de 425 femmes
de plus de 65 ans suivies pendant 6 ans. Un déclin cognitif significatif a
été montré chez 15% des femmes dans le tercile le plus bas, alors
qu'il n'est que de 5% pour celles ayant les taux d'œstradiol libre les plus élevés
(tercile le plus haut). Il n'y a pas de corrélation entre le déclin cognitif
et le taux de Testostérone.
Les œstrogènes et la maladie d'Alzheimer
En théorie, au niveau du cerveau, les œstrogènes
seraient probablement d'autant plus efficaces que le traitement est prescrit tôt,
lorsque le cerveau est encore indemne de lésions dégénératives.
Les œstrogènes pourraient alors exercer un effet neurotrophique et neuroprotecteur
susceptible de retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer.
... DANS
LE SYSTèME NERVEUX CENTRAL 27
Comme pour l'os et le système cardiovasculaire,
administrés tardivement les œstrogènes sont bien moins efficaces. Face
à des lésions cérébrales irréversibles, telles qu'on les
rencontre dans la maladie d'Alzheimer, les œstrogènes s'ils retardent un déclin
cognitif devenu inéluctable, ne le retardent que de peu.
Le traitement préventif de la maladie d'Alzheimer
14 études épidémiologiques d'observation
ont été publiées ces dernières années. Toutes celles publiées
depuis 1994 (7 études) vont dans le sens d'une protection (globalement par
un facteur 2) du THS vis-à-vis de la maladie d'Alzheimer.
L'étude de Paganini-Hill montre
un effet-dose et un effet-durée.
Les œstrogènes équins ( à
0,625 mg/jour ont un RR = 0,59 et une dose ( à 1,25 mg/jour a un RR = 0,46
(p = 0,02). Le traitement donné moins de 7 ans a un RR = 0,74 et plus de 7
ans un RR = 0,49 (p = 0,01).
L'étude prospective de Tang (1996)
demeure la plus intéressante. 1282 femmes, non démentes, d'âge moyen
74,2 ans, ont été suivies de 1 à 5 ans. Durant cette période,
167 patientes ont eu un diagnostic de maladie d'Alzheimer. Pour celles qui avaient
pris un THS, le RR de maladie d'Alzheimer est de 0,47 (0,22 - 0,85) et celles
qui l'ont pris plus d'un an, en moyenne 7 ans, le risque est à 0,13 (0,02 -
0,92).
2 autres études montrent également
une diminution du risque : celle de Baldereschi (1998) avec un RR = 0,28 (0,08 -
0,98) et celle de Waring (1999) avec un RR = 0,42 (0,18 - 0,96).
La maladie d'Alzheimer d'origine génétique
(mutation au niveau de PS1, PS2 ou de l'APP la protéine précurseur de
la b4-Amyloïde) est particulièrement redoutable, car elle s'exprime tôt,
avant 65 ans. Slooter (1999) a montré pour la première fois que le THS
s'accompagne aussi d'une diminution du risque dans ces Alzheimer génétiques
: RR = 0,34 (0,12 - 0,94).
Deux méta-analyses récentes
sont concordantes : celle de Horgervorst (2) et celle de Le Blanc (3). Elles montrent
en prévention de la maladie d'Alzheimer un risque respectivement RR = 0,56
(0,46 - 0,68) et RR = 0,66 (0,53 - 0,82).
Même si la plupart de ces études
ont été ajustées en fonction des risques connus de la maladie d'Alzheimer,
il nous manque là aussi des études prospectives randomisées contre
placebo pour nous convaincre définitivement de cette protection et en mesurer
de façon précise l'importance. Quoi qu'il en soit, il y a actuellement
une convergence biologique et épidémiologique qui permet d'en
28 G.
ANDRé visager
une probabilité de protection par le THS vis-à-vis de la maladie d'Alzheimer.
Le traitement curatif
6 petites études essentiellement japonaises,
pas toutes randomisées, comparant le déclin cognitif de patientes ayant
un Alzheimer avec ou sans THS, montrent que les œstrogènes peuvent retarder
le déclin cognitif chez des patientes ayant une maladie d'Alzheimer déjà
diagnostiquée. Le mécanisme est essentiellement symptomatique dû
à l'effet des œstrogènes sur la synthèse de l'Acétylcholine
Synthétase. L'augmentation de l'Acétylcholine au niveau des noyaux de
la base est responsable de l'amélioration de la mémoire. Comme les inhibiteurs
de l'Acétylcholinestérase, les œstrogènes sont d'autant plus efficaces
qu'ils sont administrés tôt à un stade où subsiste suffisamment
de cellules sécrétantes.
Deux études récentes viennent
cependant freiner l'enthousiasme des œstrogènes dans le traitement de la maladie
d'Alzheimer.
L'étude de Mulnard (4) comprend
120 patientes ayant une maladie d'Alzheimer (MA) avec un MMSE compris entre 12 et
25 et ayant eu une hystérectomie. L'étude est randomisée en aveugle
en 3 groupes : 42 patientes ont été traitées par Œstrogènes
Conjugués Equins (ECE) à 0,625 mg/jour, 39 par ECE à 1,25 mg/jour
et 39 ont reçu un placebo. Au terme du traitement hormonal suivi 15 mois, les
ECE sont restés sans effet sur le ralentissement de la progression de la MA.
L'étude d'Henderson (5) compare
2 groupes de 21 patientes avec une MA moyenne à modérée en double
aveugle contre placebo. Les ECE étaient administrés à la dose de
1,25 mg/jour durant 16 semaines. Là aussi, aucune différence significative
n'a été observée entre les 2 groupes.
Sans nier l'impact de ces deux études
randomisées en aveugle contre placebo, il faut leurs reconnaître certaines
limites.
Le relatif petit nombre de patientes.
120 et 42 patientes, alors que l'étude
de Knapp qui a permis de démontrer l'efficacité de la Tacrine*, premier
inhibiteur commercialisé de l'Acétylcholine Estérase, était
tout juste significative avec plus de 500 patientes...
Dans l'étude du Jama, le sous-groupe
traité avec ECE 1,25 mg/jour et ne possédant pas l'allèle e4 de l'ApoE
ne comprend que 11 patientes.
Le problème de l'ApoEe4.
... DANS
LE SYSTèME NERVEUX CENTRAL 29
Les réponses aux inhibiteurs de l'Acétylcholine
Estérase (AChE) et aux œstrogènes sont meilleures chez les patientes sans
allèle e4 (ces patientes auraient un plus grand contingent de cellules sécrétant
l'Acétylcholine ?). L'ApoEe4 est donc un facteur confondant qu'il n'est plus
possible d'ignorer.
Dans l'étude du Jama, seulement 41 patientes
n'expriment pas e4 et le phénotype de l'ApoE n'a pas été recherché
dans l'étude d'Henderson.
Le temps trop court d'administration.
15 mois et 4 mois, c'est trop court
pour juger de l'impact réel des œstrogènes. Les œstrogènes (activateurs
de l'Acétylcholine Synthétase) ont certainement moins d'effet sur ce neurotransmetteur
que les inhibiteurs de l'AChE. Dans la MA, leur intérêt sur le plan «symptomatique»
(amélioration de la mémoire) est sans doute assez limité.
Le problème de l'ApoEe4
Les réponses aux inhibiteurs de l'Acétylcholine
Estérase (AChE) et aux œstrogènes sont meilleures chez les patientes sans
allèle e4 (ces patientes auraient un plus grand contingent de cellules sécrétant
l'Acétylcholine ?). L'ApoEe4 est donc un facteur confondant qu'il n'est plus
possible d'ignorer.
Dans l'étude du Jama, seulement
41 patientes n'expriment pas e4 et le phénotype de l'ApoE n'a pas été
recherché dans l'étude d'Henderson.
Le temps trop court d'administration.
15 mois et 4 mois, c'est trop court
pour juger de l'impact réel des œstrogènes. Les œstrogènes (activateurs
de l'Acétylcholine Synthétase) ont certainement moins d'effet sur ce neurotransmetteur
que les inhibiteurs de l'AChE. Dans la MA, leur intérêt sur le plan «symptomatique»
(amélioration de la mémoire) est sans doute assez limité.
Les traitements associés
En l'absence de certitudes pathogéniques,
l'avenir du traitement de la MA est aux associations thérapeutiques. L'absence
d'un effet démontré des œstrogènes administrés seuls n'élimine
en rien un effet potentialisateur vis-à-vis d'autres thérapeutiques.
Le travail de Schneider (6) en est
un bon exemple : n'ont vraiment bien répondu à la Tacrine* que les patientes
qui étaient en même 30 G.
ANDRé temps
sous œstrogènes. La variation de l'ADASc n'était pas différente du
placebo après 30 semaines d'un traitement par Tacrine* en l'absence d'œstrogène.
Ce score était par contre significativement amélioré (p < 0,02)
chez celles qui étaient sous traitement hormonal lors de l'administration de
la Tacrine*.
L'effet trophique cérébral des œstrogènes
pourrait-il permettre aux autres traitements d'exercer leur plein effet ?
Par contre, leurs nombreux effets trophiques
reconnus en font des acteurs bien plus intéressants sur le long terme (augmentation
du débit sanguin cérébral, élévation des facteurs de croissance
et de l'ApoE cérébrale, activité anti-inflammatoire, activation du
transfert du glucose, réduction de la formation de la protéine bamyloïde,
facteur anti-apoptotique...).
Les œstrogènes, s'ils étaient
administrés plusieurs années chez les patientes atteintes
de MA, donneraient probablement des résultats différents.
Le moment de l'administration des œstrogènes
:
Comme pour les inhibiteurs de l'AChE
et en raison de leur mode d'action particulier, les œstrogènes devraient être
d'autant plus efficaces qu'ils sont administrés tôt dans la maladie. Pour
les inhibiteurs de l'AChE, l'effet attendu est bien meilleur pour un MMSE à
25 (MA débutante) qu'à 12 (MA évolutive). C'est sans doute aussi
vrai pour les œstrogènes.
Certains marqueurs intermédiaires
(imagerie cérébrale...) permettent maintenant une prédiction de MA
quelques années avant l'apparition des signes cliniques. Voilà une situation
où les œstrogènes mériteraient d'être privilégiés.
Mais c'est en préventif que les
œstrogènes devraient en fait avoir leurs meilleurs résultats. Il faudra
attendre 2005 les résultats du bras cognitif de la Women's Health Initiative
(WHI), première étude randomisée contre placebo, pour apprécier
l'ampleur de la protection.
Ces deux petites études, faites
dans le contexte particulier d'une MA évolutive et dont nous venons de voir
les limites, ne sauraient remettre en cause la longue histoire des œstrogènes
et du SNC. Les travaux méritent d'être poursuivis et étendus à
d'autres pathologies concernées par la souffrance cérébrale comme
la maladie de Parkinson, l'épilepsie, les AVC en prévention et surtout
en traitement précoce. ...
DANS LE SYSTèME
NERVEUX CENTRAL 31
Le problème des progestatifs
En curatif, deux études japonaises ont montré
que la MPA ajoutée à l'œstrogène faisait perdre la moitié du
bénéfice cognitif de celui-ci. Compte tenu du handicap vasculaire propre
à ce progestatif (annulation du bénéfice endothélial et lipidique
-HDL- des œstrogènes), ce n'est guère étonnant. Il en est de
même des résultats de la WHI (augmentation de 40% du nombre d'AVC dans
le groupe Prémarin + MPA) qui malheureusement porte injustement le discrédit
sur toute la classe des progestatifs.
Nous ne pensons pas qu'il en soit de
même avec les progestatifs dérivés des Norprégnanes ou avec
la Progestérone naturelle. Même si leur neutralité métabolique
peut permettre de l'envisager, nous n'en avons pour l'instant aucune démonstration.
Cette même incertitude est aussi en traitement préventif. Nous ne savons
pas si les œstro-progestatifs seraient différents des œstrogènes seuls.
La WHI ne pourra sans doute pas permettre de répondre à cette question
car il s'agit ici encore et toujours de la MPA...
Traitement hormonal substitutif et accident vasculaire
cérébral
Les études d'observation
Les résultats sont contradictoires avec un
RR = 0,40 (Busch 1987) à 2,27 (Wilson 1985). Le THS a peu d'effet sur les hémorragie
méningées et intra-cérébrale, mais les résultats sont plus
variables pour les AVC ischémiques avec une tendance à l'augmentation
du risque pour les études les plus récentes : dans la Nurse Health Study
(7), RR = 1,40 (1,02 - 1,92). A noter pour cette étude un effet-dose
: une protection est retrouvée avec le Prémarin 0,3 mg/24 heure avec un
RR 0,64 (0,30 - 1,36) ensuite le risque passe au-dessus de 1 et va progressivement
croissant avec l'augmentation des doses. Dans cette même étude, le traitement
par œstro-progestatifs n'est pas différent du traitement par œstrogènes
seuls : Prémarin + MPA RR = 1,09 (0,68 - 1,80) et Prémarin seul
RR = 1,27 (0,85 - 1,69).
Par contre, le risque d'AVC fatal avec
le THS est trouvé diminué pour toutes les études et ceci mérite
d'être souligné (Grady 1992, 32 G.
ANDRé Busch
1987, Pedersen 1997, Grodstein 1997, Funicane 1993, Sourander 1998). Dans l'étude
des Nurse par exemple, le risque de décès par AVC est 0,68 (0,38 -
1,16) chez les patientes en cours de traitement et il est de 1,7 (0,68 - 1,69)
chez les anciennes utilisatrices du THS. Dans l'étude de Sourander, sous traitement
la mortalité par AVC à un RR = 0,16 (p = 0,049).
La conclusion de ces études d'observation
est que contrairement au risque d'infarctus du myocarde, où l'ensemble des
travaux conclut à une protection, le risque de l'AVC, lui, n'est en moyenne
pas diminué par un THS.
Les études randomisées de prévention
secondaire
Dans l'étude HERS (8), étude randomisée
en double aveugle Prémarin 0,625 mg/jour + MPA 2,5 mg/jour vs placebo durant
4,5 ans, chez 2760 femmes ménopausées avec lésion coronariennes,
le risque d'AVC est à 1,23 (0,89 - 1,70). Ont été incriminées
la molécule Prémarin et sa forte dose, ainsi que la MPA dont chacun s'accorde
à dire que ce n'est pas le meilleur progestatif sur le plan vasculaire. On
était légitimement en droit de penser qu'un traitement sans progestatif
avec des petites doses d'œstrogènes naturels, aurait pu donner des résultats
différents.
L'étude WEST (9) répond justement
à cette interrogation. Il s'agit d'une étude randomisée en double
aveugle vs placebo chez 664 femmes ménopausées d'âge moyen 71 ans
ayant fait récemment un AVC ischémique ou un AVC ischémique transitoire
recruté dans 21 hôpitaux américains. Le traitement a été
E217b à 1 mg/per-os administré seul qu'il y ait ou non un utérus,
vs placebo durant 2,8 ans.
Le risque d'AVC non fatal et RR = 1
(0,7 - 1,4), le risque d'AVC fatal RR = 2,9 (0,9 - 9,0) et le risque
de décès RR = 1,2 (0,8 - 1,8).
En conclusion, 1 mg d'œstradiol 17b
donné per-os est inefficace en prévention secondaire des AVC.
En prévention primaire, nous disposons
d'une seule étude, la WHI (10).
Il s'agit d'une étude randomisée
vs placebo portant sur 16808 femmes de 50 à 79 ans prenant un THS fait de ECE
0,625 mg/jour + MPA 2,5 mg/jour vs placebo. L'étude a été arrêtée
après 5,2 ans en raison d'un surcroît de cancer du sein. Le risque d'AVC
est de 1,41 ce qui correspond à 8 cas supplémentaires pour 10000 années/femmes.
Soulignons une fois encore qu'il s'agit d'une population bien particulière
traitée par un traitement bien particu ...
DANS LE SYSTèME
NERVEUX CENTRAL 33
lier ! âge médian 63,2 ans, BMI moyen
28, 35% sont traitées pour HTA, et le traitement et les doses sont bien moins
éloignés de ce qui se fait chez nous... Il ne s'agit donc pas à priori
chez ces patientes «à risque» d'une étude de prévention
primaire, mais plutôt d'une étude de prévention secondaire...
Quoiqu'il en soit, c'est la seule étude disponible
et nous ne disposons d'aucun autre travail randomisé pour affirmer que les
œstrogènes sont préventifs des AVC.
Les SERMs
1. Le Tamoxifène
Le Tamoxifène est un SERM prescrit maintenant
depuis 20 ans chez les patientes ayant un cancer du sein. La durée de traitement
optimum a été clairement établie à 5 ans. L'effet secondaire
le plus gênant est l'apparition de bouffées de chaleur chez environ 40%
des patientes.
Cet inconvénient a pu faire croire
que le Tamoxifène pouvait être un anti-œstrogène «total»
au niveau du cerveau. Cette impression a été renforcée par le fait
qu'expérimentalement, dans un certain nombre d'études, le Tamoxifène
s'opposait à l'effet trophique des œstrogènes notamment en ce qui concerne
la pousse dendritique. Les premiers résultats de traitements combinés,
Tamoxifène + chimiothérapie, étaient en faveur d'une diminution des
fonctions cognitives. La part de l'un et de l'autre traitement dans un tel contexte
ne permettait toutefois pas une conclusion formelle. Une autre étude a montré
que chez des patientes dépressives, ayant un cancer du sein, l'administration
de Tamoxifène seul était susceptible d'aggraver cette dépression.
Par ailleurs, s'il n'y avait pas de différences statistiquement significatives
concernant les tests cognitifs, les patientes en cours de Tamoxifène se plaignaient
davantage de problèmes de mémoire que celles qui n'avaient pas ce traitement.
Des données récentes viennent
quelque peu gommer cette mauvaise impression. Elles laissent à penser que dans
certaines fonctions du système nerveux central, le Tamoxifène pourrait
avoir un effet «neutre» ou même «œstrogène-like» .
Dans l'étude préventive américaine
chez les femmes à risque du NSABBPP, les symptômes dépressifs, la
qualité de vie, la santé |