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Titre: Les recommandations de l'AFFSAPS : analyses et justifications
Année: 2005
Auteurs: - André G.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Les recommandations de l'AFSSPAS : analyses et justifications

DR Gabriel ANDRE - STRASBOURG

Les recommandations de l'AFSSAPS en sont à leur 3e mouture en moins de 2 ans. Ces changements incessants semblent davantage dictés par le principe de « sur-précaution » (nos autorités étant encore traumatisées par l'histoire du sang contaminé) que par une réelle avancée ou de nouvelles certitudes dans l'appréhension du rapport risque-bénéfice du THS. Le plus simple nous semble donc de reprendre les recommandations de décembre 2003 et de les commenter.

Mise au point actualisée sur le traitement hormonal

substitutif de la ménopause (THS) - décembre 2003

Introduction

Des publications sur le traitement hormonal substitutif de la ménopause (THS), dont une vaste étude américaine publiée en juillet 2002 (WHI), ont conduit l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à revoir l'ensemble des données concernant les bénéfices mais aussi les risques liés à l'utilisation de ce traitement.

En janvier 2003, l'Afssaps avait émis des recommandations basées sur l'ensemble des données cliniques et épidémiologiques disponibles à cette date. Ces recommandations étaient les suivantes :

• les risques observés étant corrélés à la durée de traitement, les bénéfices du THS à court terme ne sont pas actuellement remis en cause par la communauté scientifique ;

• chez la femme ménopausée présentant des troubles fonctionnels liés à la carence estrogénique, un THS peut être instauré si la patiente le souhaite, à la dose minimale efficace, et ce tant que durent les symptômes ;

• que la femme ait des troubles climatériques ou non, le THS garde un intérêt dans la prévention de l'ostéoporose post-ménopausique dans la mesure où des facteurs de risque d'ostéoporose sont identifiés.

Depuis janvier 2003, d'autres études sont venues compléter les connaissances sur les risques et les bénéfices du THS chez la femme ménopausée.

Dès juillet 2003, l'Allemagne puis la France et la Belgique ont demandé une réévaluation européenne du bénéfice/risque dans les indications « traitement des troubles du climatère et prévention de l'ostéoporose ».

Cette nouvelle mise au point se base sur les conclusions du groupe d'experts européen qui ont notamment pris en compte l'évaluation réalisée par le groupe d'experts français qui s'est réuni à l'Afssaps en octobre 2003.

Ce qu'il y a de nouveau depuis la mise au point de

l'Afssaps diffusée en janvier 2003

L'étude Women's Health Initiative [1] (étude randomisée en double-insu, ayant inclu 16 608 femmes américaines ménopausées non hystérectomisées, sans antécédent cardio-vasculaire, qui ont reçu soit 0,625 mg/j d'estrogènes équins conjugués (ECE) et 2,5 mg de d'acétate de médroxyprogestérone (MPA), soit un placebo) a fait l'objet d'analyses complémentaires, qui ont

notamment apporté des précisions sur le risque de cancer du sein et de démence [2-7]. Ainsi, contrairement à ce qui avait été observé précédemment, une analyse de la WHI a montré que, par rapport au groupe placebo, les tumeurs mammaires sont diagnostiquées à un stade plus avancé.

Oui, dans les conditions de cette étude, mais ce fait est formellement contredit par les 14 études épidémiologiques disponibles et par 3 études françaises : dans les conditions réelles d'utilisation, à une prescription de THS sont associées des tumeurs mammaires plus petites et à un stade moins avancé (cf. infra) et le pourcentage de mammographies anormales dès la première année de traitement est supérieur dans le groupe traité par THS (9,4 % versus 5,4 % dans le groupe placebo) [3]. Une autre étude a mis en évidence l'absence de bénéfice du THS sur les fonctions cognitives, et suggère une augmentation possible du risque de démence [6].

L'âge moyen de ce sous-groupe de la WHI pour la maladie d'Alzheimer (MA) et la démence est 72 ans (1). À cet âge, l'athérosclérose cérébrale est présente et nombre de patientes ont une MA encore infra clinique. Nous le savons depuis longtemps, en prévention secondaire, le THS n'a pas
d'effet bénéfique sur la MA [2-4].

 

Une étude d'observation, la Million Women Study (MWS) a été menée au Royaume-Uni auprès de 1 084 110 femmes d'âge compris entre 50 et 64 ans.

Pourquoi accorder tant de poids à cette étude d'observation [5] qui certes, si elle comprend 1 million de patientes, s'accompagne d'un recueil de
données des plus sommaires. Parmis les très nombreuses critiques que l'on peut faire à cette étude, nous en retiendrons au moins 3 majeures :

- la Million Study est la seule étude où le risque de cancer du sein diminue avec l'âge : femmes en pré-ménopause RR = 1, femmes en péri-ménopause RR = 0,75 (0,68-0,82), femmes en ménopause RR = 0,63 (0,56-0,68).

- Avec moins d'un an de traitement, l'administration d'un THS œstroprogestatif moins d'un an, s'accompagne d'un risque de cancer du sein de 1,45 (1,19-1,78) (dans la WHI, après 5,3 ans de THS, ce risque, toutes patientes confondues, n'est que de 1,24 !).

- L'administration d'estrogènes seuls (femmes hystérectomisées) s'accompagne d'un risque de 1,30 (1,22-1,38). Dans la WHI, bras œstrogènes seuls, ce risque est à 0,77 (0,59-1,01).

Tous les risques de la MWS sont donc surévalués d'environ 40 % pour le groupe contrôle. L'étude collaborative du Lancet de 1976 [6], méta-analyse de 51 études internationales, nous semble autrement sérieuse et ses conclusions bien moins alarmistes que celles de la MWS.

 

La moitié de ces femmes a reçu un THS (composition et voie d'administration variées mais comparables aux THS utilisés en Europe) à un moment donné de leur vie, l'autre moitié n'en a jamais reçu. Cette étude a confirmé le risque de cancer du sein associé au THS, et ce chez des femmes européennes quel que soit le type de THS [9].

Ce qui est établi en termes de risques

Essentiellement, sur la base des données établies dans les études WHI, MWS et HERS, les risques calculés pour 1000 femmes et exprimés en nombre de cas supplémentaires chez les femmes traitées par THS, par rapport au risque de base dans la population générale sont présentés dans le tableau 1.

 

Actuellement aucune donnée issue d'essais randomisés ne permet de savoir si les risques associés au THS sont influencés ou non par le type d'estrogène (estrogènes conjugués équins, estradiol), ou par le type de progestatif (acétate de médroxyprogestérone, noréthistérone, lévonorgestrel), ou par la voie d'administration de l'estrogène (orale, transdermique), ou enfin par les modalités d'utilisation du progestatif (administration séquentielle ou continue). Il semble cependant que ces risques augmentent avec la dose et la durée d'exposition au THS.

La dose : c'est sans doute vrai en terme d'accident vasculaire cérébral (AVC) où l'étude de Grodstein [7] a montré un effet-dose indiscutable. Les AVC sont progressivement décroissants avec la diminution de la dose de Prémarin. Avec la dose la plus faible (0,3 mg/jour), le RR est < à 1.

La durée d'exposition au THS : c'est indiscutable pour le cancer du sein où le risque augmente avec la durée. Mais il est des bénéfices qui augmentent aussi avec la durée : pour l'os c'est évident, pour le cardiovasculaire et l'Alzheimer, et un THS administré en prévention primaire, rien n'indique que cela ne soit pas possible.

 

Tableau 1 : Nombre de cas attendus pour différentes pathologies dans la population générale,
et nombre de cas supplémentaires dans la population de femmes traitées par THS.

1- Le tableau en annexe 1 regroupe l'ensemble des données de la littérature publiées en 2002 et 2003.

2- Ces données sont issues d'études qui ne portaient que sur des THS utilisés par voie orale.

 

Ce tableau des « cas attendus » est particulièrement fallacieux. Il reprend essentiellement les risques observés avec la WHI dont il faut souligner encore une fois la population particulière : 63 ans de moyenne d'âge, un nombre de pathologies cardiovasculaires non négligeables (34 % d'HTA), un BMI moyen à 28, traités 13 années après le début de leur ménopause. Il s'agit davantage d'une étude de prévention secondaire alors qu'elle nous est présentée comme une étude de prévention primaire. Le traitement utilisé est le même pour toutes les patientes : administration per os à 0,625 mg/jour de Prémarin associé à 2,5 mg de Médroxyprogestérone Acétate (MPA). Pour cette dernière, son effet délétère cardiovasculaire propre n'est plus à démontrer ! Rien n'indique qu'en prévention primaire, chez des patientes en bonne santé, avec des posologies modérées, et un traitement plus naturel, il puisse y avoir sur 1 an +0,7 événements cardiovasculaires, et +1 AVC pour 1000 femmes traitées (cf. infra).

Que dire aussi du +4 pour 1000 femmes dans la tranche 50 - 59 ans d'accidents thrombo-emboliques veineux attendus ! Les patientes de la WHI sont à risque thrombo-embolique majoré. Les œstrogènes per os perturbent les facteurs de coagulation au contraire des oestrogènes per cutanés. L'étude de Scarabin (étude d'observation : mais il ne serait vraiment plus à l'heure actuelle possible de faire une étude randomisée en double aveugle chez des patientes à risque avec ce que l'on sait !) a montré un risque d'accidents thrombo-emboliques veineux = 0,9 avec les voies transcutanées vs 3,2 avec les voies per os dans une population française (8). Pour le cancer du sein, le nombre de cas supplémentaires pour 1000 femmes par œstrogènes seuls +2 sur 5 ans, +5 sur 10 ans, est surréaliste compte tenu des données récentes du bras œstrogènes seuls de la WHI. Les cas supplémentaires +6 cancers après 5 ans de traitement, +19 cancers après 10 ans de traitement sont très probablement surestimés. Le risque de cancer du sein augmentant avec l'âge, l'accroissement de ce risque est plus élevé chez les femmes les plus âgées. Dans la WHI, on note une augmentation de 34 % chez les femmes entre 70 et 79 ans. Cette augmentation n'est que de 20 % entre 50 et 59 ans (et encore ce risque est surévalué en raison des femmes antérieurement traitées). Il aurait été plus juste de tenir compte de ce dernier % pour chiffrer le risque. Ensuite, le risque global de 1,24 observé dans l'étude WHI comprend l'ensemble des femmes, celles traitées antérieurement et celles qui ne l'étaient pas. Le seul risque utilisable si l'on veut apprécier l'effet de seulement 5 ans de THS est celui qui ne porte que sur les femmes non encore traitées. Ce risque est de 1,09 (0,86-1,39). Il n'est donc pas significativement différent de 1. Aucune appréciation du nombre réel de nouveaux cancers après 5 ans de traitement n'est donc possible.

Dans la WHI, les femmes recrutées n'avaient pas de troubles climatériques. Personne ne sait si l'effet du THS est identique suivant la présence ou non de ces troubles climatériques.

Cancer du sein

Le risque de cancer du sein est corrélé à l'imprégnation estrogénique, qui dépend d'une part de la durée de la période qui se situe entre la puberté et la ménopause et d'autre part de la dose et la durée d'un éventuel traitement estrogénique (par exemple la contraception orale). Le THS prolonge l'imprégnation estrogénique naturelle et place la femme traitée dans une catégorie de risque supérieur à celui d'une femme de même âge non traitée.

Le risque de cancer du sein est plus important chez les patientes traitées parl'association estrogène/progestatif que chez les patientes traitées par estrogène seul. Il diminue dès l'arrêt du THS pour disparaître progressivement dans les 5 ans, au plus.

Ce fait est très important. Dans la MWS, on ne note plus d'augmentation du risque 1 an après l'arrêt du traitement hormonal. L'étude collaborative du Lancet retrouve 5 ans. Cette disparition rapide du risque à l'arrêt du traitement est un argument fort pour penser que le THS serait plutôt promoteur (accélération de cancers déjà là) qu'initiateur (création de novo de cancers du sein).

Des études récentes ont montré que les tumeurs mammaires ont été diagnostiquées à un stade plus invasif.

La WHI est la seule étude qui montre que sous traitement hormonal le
cancer du sein est diagnostiqué à un stade plus invasif que sans traitement. C'est faux en pratique courante et totalement contredit par 14 études internationales et 3 études françaises bien menées. La première est celle d'un observatoire national initié dès 2002 pour répondre à cette question (9). Sous THS vs sans traitement, les tumeurs stade 4 sont à 1,4 % vs 5,3 %
(p < 0,01), les grades SBR3 17,7 % vs 29,5 % (p < 0,01), la présence de plus de 3 ganglions envahis 11,2 % vs 20 % (p < 0,03). L'étude cas-témoins de Bonnier [10] va dans le même sens : sous THS, les tumeurs T0-T1 sont 60 % vs 39 % sans traitement (p < 0,0001). La taille moyenne est de 16 mm avec THS vs 28 mm sans traitement (p < 0,0001).

Dans la cohorte de dépistage des Bouches du Rhône [11], on trouve 10 % de tumeurs grade 3 sous THS vs 32 % sans traitement (p < 0,001).

et suggèrent une mortalité plus importante.

Quant à la mortalité, elle n'est pas plus importante dans la WHI, mais elle l'est dans la MWS dont nous avons vu ce qu'il fallait en penser.

L'hypothèse d'un retard de diagnostic est évoquée, lié à une hyper densité mammaire.

Cancer de l'endomètre

Les nouvelles données ont confirmé l'absence d'augmentation du risque de cancer de l'endomètre lorsque les estrogènes, connus pour augmenter ce risque, sont associés à un progestatif.

Cancer de l'ovaire

Quelques données suggèrent que le THS pourrait être associé à une
augmentation du risque de cancer de l'ovaire, mais ceci reste à être confirmé.

Risque thromboembolique veineux

Le THS augmente le risque thromboembolique veineux (phlébite, embolie pulmonaire), surtout la première année de traitement, ce qui nécessite de
respecter scrupuleusement les contre-indications de prescription. Ce risque augmente avec l'âge. Les antécédents familiaux thromboemboliques veineux représentent un facteur de risque à prendre en considération.

Une étude française cas-témoin a montré qu'il n'y avait pas d'augmentation de ce risque lors de l'administration transdermique d'estrogène par rapport au THS administré par voie orale [10].

Il est bien de reconnaître l'existence de l'étude de Scarabin, mais peut-être aurait-il été utile de préconiser la voie transdermique chez toutes les patientes à risque et au-delà d'un certain âge.

Ce résultat ne permet en aucun cas de conclure que la voie transdermique réduirait l'ensemble des autres risques induits par le THS.

Risque cardio-vasculaire

Les études HERS I et II (Heart and Estrogen/progestin Replacement Study) [11, 12] avaient montré que le THS, administré par voie orale, ne diminuait pas les risques cardio-vasculaires chez les femmes ayant une maladie coronaire connue. Les nouvelles données [1, 4] confirment que le THS ne protège pas du risque d'accident coronaire et entraînerait même une augmentation du risque d'infarctus du myocarde et d'accident vasculaire cérébral au cours de la première année de traitement chez les femmes sans antécédents cardio-vasculaires.

Certes, les femmes de la WHI n'avaient pas stricto sensu « d'antécédents cardiovasculaires », mais leur profil est bien celui de femmes à risques cardiovasculaires.

Cette augmentation du risque d'accident ischémique a été observée chez des femmes de plus de 60 ans.

C'est bien de dire que l'augmentation du risque d'accidents ischémiques a été observée chez des femmes de plus de 60 ans. Il serait peut être plus honnête de souligner que les patientes qui ont reçu un THS dans les 10 ans qui suivent le début de leur ménopause, ont un risque qui n'est que de 0,89. Ce même risque augmente chez les autres patientes proportionnellement au temps écoulé depuis la ménopause, avant l'introduction de ce même traitement : 10 à 19 ans RR = 1,22, > à 20 ans RR = 1,71.

L'effet de l'âge, donc du temps écoulé depuis la ménopause, est un paramètre fondamental. La méta-analyse de Salpeter [12] reprenant toutes les études contrôlées randomisées du THS entre 1966 et 2002 (30 études poolées et 26 708 patientes) trouve avant 60 ans sous traitement une mortalité globale à 0,61 (0,39-0,95) par rapport aux patientes non traitées et une tendance à la réduction de mortalité cardiovasculaire 0,68 (0,22-2,15) pour les patientes traitées. Une autre étude randomisée en double aveugle vs placebo [13] souligne encore l'importance de ce temps écoulé depuis la ménopause dans les effets que l'on peut attendre d'un THS : chez les patientes ménopausées depuis moins de 5 ans, le THS (pourtant Prémarin + MPA) s'est accompagné d'une diminution de la tension systolique et diastolique d'environ 8 mm de mercure (p < 0,0007 pour la systolique et p < 0,0001 pour la diastolique). Ce même traitement instauré au-delà des 5 ans d'apparition de la ménopause n'a eu aucun effet sur la tension artérielle. L'endothélium vasculaire privé d'œstrogène a tendance à s'altérer rapidement avec le temps et probablement après 5 ans de privation hormonale le THS perd beaucoup de ses bénéfices protecteurs.

Troubles cognitifs

Contrairement à ce qui était attendu, il n'y a pas aujourd'hui de données mettant en évidence un effet protecteur du THS sur les troubles cognitifs. Le THS pourrait même accroître le risque de démence (chez des femmes de plus de 65 ans).

Comment attendre un effet protecteur sur les troubles cognitifs lorsqu'on s'adresse à une population d'âge moyen de 72 ans (1) ? Dans cette population donnée, avec le traitement administré, les accidents vasculaires cérébraux ont augmenté de 40 %. L'ischémie cérébrale consécutive à ces accidents entraîne dans les 2 ans une augmentation du risque de démence
X 4 [14]. Cette ischémie va donc faire apparaître un certain nombre de maladies d'Alzheimer qui étaient à un stade pré-clinique et qui seraient apparues des années plus tard en l'absence de souffrance vasculaire cérébrale. La MPA a par ailleurs un effet neuronal toxique propre [15]. Sur les modèles animaux, lorsque l'inflammation est déjà installée, les œstrogènes ont un effet aggravant sur les lésions cérébrales au contraire de ce qui se passe chez les animaux plus jeunes au cerveau intact [16]. L'ensemble des études épidémiologiques récentes conclut à une réduction du risque de maladie d'Alzheimer, le traitement étant instauré dès le début de la ménopause et non à distance [17]. La Cash Country Study (18), étude prospective d'observation particulièrement bien faite, retrouve les mêmes résultats que la WHI : un THS administré 3 à 10 ans, tardivement, après 70 ans, s'accompagne d'un doublement de maladie d'Alzheimer. Par contre, ce même traitement administré dès le début de la ménopause durant le même temps, s'accompagne d'une diminution significative du risque de démence.

Ce qui est établi en termes d'efficacité

Troubles du climatère

L'efficacité du THS dans le traitement des troubles du climatère, notamment sur les symptômes vasomoteurs, a été largement démontrée.

Là pourtant la WHI est formelle. Le bénéfice en qualité de vie du THS est nul [19] ! Nos autorités sont donc capables de faire preuve (quand elles le veulent bien) d'un certain discernement et de reconnaître que les conclusions de la WHI ne s'appliquent pas à la population des femmes françaises traitées, si différentes de celles de la WHI !

Prévention de l'ostéoporose

Effet sur la densité osseuse

La perte osseuse, qui est associée à un risque fracturaire, est rapide la première année de ménopause. Le THS permet de prévenir cette perte osseuse et l'effet est dose-dépendant. À l'arrêt du THS, la perte osseuse reprend au rythme physiologique.

Effet sur les fractures

Le THS est le seul traitement ayant démontré son efficacité dans la prévention primaire des fractures ostéoporotiques dans la population générale (en l'absence de mesure de la densité minérale osseuse -DMO-). Le bénéfice anti-fracturaire (en termes de risque relatif) est identique quel que soit le risque fracturaire initial. Dans l'étude WHI, le pourcentage de fractures observées au terme de 5 années de traitement est de 8,6 % chez les femmes ayant reçu un THS, versus 11,1 % chez les femmes non traitées.

La durée, après l'arrêt du traitement, pendant laquelle le risque fracturaire est réduit n'est pas connue mais il semble qu'elle ne soit pas supérieure à quelques années.

Il n'est pas établi non plus qu'un THS administré en début de ménopause prévienne les fractures à distance de l'arrêt du traitement.

Enfin, il n'y a pas ou peu de données d'efficacité sur la prévention des fractures en cas de ménopause précoce, de DMO basse, ainsi que chez les femmes ayant des antécédents de fractures vertébrales.

Cancer colo-rectal

Actuellement, les données sont trop limitées pour se prononcer (étude
portant sur le traitement ECE + MPA) sur un éventuel effet protecteur du THS sur la survenue d'un cancer colo-rectal, notamment sur la durée de cette protection.

Il est quand même curieux que pour le cancer colo-rectal, il soit trop tôt pour se prononcer et que le bénéfice du THS ne soit pas reconnu : RR = 0,61 (0,47-0,87) ( p = 0,007). Il y a là aussi une certaine mauvaise foi à mettre en avant et à reconnaître comme certains les risques cardiovasculaires, thrombo-emboliques et mammaires de cette même étude WHI dont nous avons vu les limites. La diminution du risque est tout à fait significative pour le cancer colo-rectal, mais bien entendu « les données sont trop limitées pour se prononcer » [20].

En pratique

Quel est le rapport bénéfice/risque du THS en fonction des indications ?

Quelles sont les recommandations ?

Chez les femmes souffrant de troubles du climatère

Le rapport bénéfice/risque du THS reste favorable dans les troubles du
climatère perçus par la patiente comme altérant sa qualité de vie.

Dans cette situation, le traitement peut être instauré si la femme le souhaite,

l'avis de la patiente est donc prépondérant et elle a bien entendu le droit de faire son choix.

à la dose minimale efficace, pour une durée la plus courte possible. Toutefois, à l'instauration du traitement, les patientes doivent être clairement informées des risques inhérents à ce traitement. De plus, le traitement doit être ré-évalué régulièrement, au moins une fois par an, en prenant en considération l'évolution du rapport bénéfice/risque. Cette ré-évaluation pourra s'accompagner d'une suspension temporaire du traitement afin de contrôler la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité.

En effet, dans l'étude WHI, le groupe traité par estro-progestatif a été arrêté prématurément au terme de 5 années de traitement, le rapport bénéfice/risque ayant été jugé défavorable par rapport au groupe placebo.

Chez les femmes ménopausées ayant des facteurs de risque
d'ostéoporose

Dans la prévention du risque fracturaire, le rapport bénéfice/risque du THS, quel que soit le produit envisagé, est défavorable sur la base des données actuellement disponibles.

Là, il est particulièrement difficile de comprendre. C'est vrai qu'à doses minimales efficaces, pour une durée la plus courte possible, la protection osseuse ne vas pas être optimisée... Il faut rappeler que la WHI a montré pour la
première fois l'efficacité du THS en terme de réduction de fracture dans une population non sélectionnée. On ne comprend pas bien ce que signifie « un risque élevé de fracture » : faut-il faire une DMO ? elle n'est pas remboursée. Ce n'est de loin pas le seul élément à prendre en compte. Les risques de fracture sont étroitement dépendants de l'âge, mais aussi d'autres facteurs comme une ménopause précoce, un BMI bas, un tabagisme, une corticothérapie, des antécédents personnels ou familiaux de fracture ... Quels sont les facteurs à prendre en compte et quel est leur poids relatif ? Aucune
indication ni échelle de risque ne sont données pour aider le praticien à apprécier ce « risque fracturaire élevé ». D'autre part, préconiser le THS en 2e intention est pour le moins illogique compte tenu du fait qu'au début de la ménopause, les biphosphonates et le Raloxifène n'ont pas été évalués en terme de diminution du risque fracturaire. Ces traitements ne sont pas non plus remboursés. Face à ces incohérences, nous pensons que le THS doit
rester l'option thérapeutique de 1re intention dans les 5 premières années de la post-ménopause, lorsqu'il y a une augmentation du risque osseux. Certes, l'effet va s'épuiser avec le temps [21, 22] et le bénéfice osseux devra être ultérieurement entretenu. Mais il le sera d'autant plus facilement que la femme abordera sa soixantaine avec un bon capital osseux. C'est ce risque qu'il faudrait maintenant affiner. Nous avons urgemment besoin d'une échelle de risque nous permettant de situer la place des marqueurs osseux et de mieux préciser les situations cliniques pour lesquelles ce risque existe.

 

L'administration d'un THS pourra être envisagée chez la femme ménopausée qui a un risque élevé de fractures, uniquement lorsqu'elle présente une intolérance à un autre traitement indiqué dans la prévention de l'ostéoporose et après une évaluation individuelle précise et soigneuse du rapport bénéfice /risque. La place exacte de cette indication de deuxième intention dans la stratégie de prise en charge de l'ostéoporose chez la femme ménopausée reste à préciser.

Chez les femmes ménopausées en bonne santé sans trouble du climatère et sans facteur de risque d'ostéoporose

Dans cette situation, la prescription de THS n'est pas recommandée, en raison d'un rapport bénéfice/risque défavorable.

 

Quelle que soit l'indication, il est rappelé que :

 

Avant d'initier ou de ré-instaurer un THS, un examen clinique et gynécologique complet (y compris analyse des antécédents familiaux) doit être effectué. Un examen régulier des seins doit être pratiqué selon les recommandations en vigueur (palpation, mammographie, échographie...) et adapté en fonction des cas individuels. Le THS est contre-indiqué en cas de cancer du sein connu ou suspecté, ou d'autres tumeurs estrogéno-dépendantes connues ou suspectées (par exemple cancer de l'endomètre).

L'utilisation d'un THS chez des patientes présentant des antécédents d'accident thromboembolique veineux ou un état thrombotique connu nécessite une évaluation attentive du rapport bénéfice/risque. Le THS est contre-indiqué en cas d'accident thromboembolique veineux en évolution, ou d'antécédents thromboemboliques veineux récidivants, ou de maladie thrombotique connue chez une patiente non encore traitée par anticoagulants.

Le THS est également contre-indiqué dans les situations suivantes : hémorragie génitale sans diagnostic établi, accident thrombo-embolique artériel récent ou en évolution, affection hépatique aiguë ou chronique, ou antécédents d'affection hépatique, jusqu'à normalisation des tests hépatiques, hypersensibilité aux principes actifs ou à l'un des excipients.

Bibliographie

[1]   Writing group for the Women's Health Initiative investigators. Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy post menopausal women. JAMA 2002 ; 288 : 321-333

[2]   Effects of Estrogen Plus Progestin on Risk of Fracture and Bone Mineral Density. Cauley J et al., JAMA 2003, 290 (13) : 1729-1738

[3]   Influence of Estrogen Plus Progestin on Breast Cancer and Mammography in Healthy Postmenopausal Women (WHI). Chlebowski RT et al., JAMA 2003, 289 (24) : 3243-3253

[4]   Effects of Estrogen Plus Progestin on Gynecologic Cancers and Associated Diagnostic Procedures. Anderson GL et al, JAMA 2003, 290 (13) : 1739 - 1748

[5]   Estrogen plus Progestin and Risk of Coronary Heart Disease. Manson EJ et al., N Engl J Med 2003, 349 : 523-534

[6]   Estrogen Plus Progestin and the Incidence of Dementia and Mild Cognitive Impairment in Postmenopausal Women : The Women's Health Initiative Memory Study (WHIMS). Shumaker SA et al, JAMA 2003, 289 (20) : 2651-2662

[7]   Effects of Estrogen Plus Progestin on Health-Related Quality of Life. Hays J et al., N Engl J Med 2003, 348 : 1839-1854

[8]   Relationship Between Long Durations and Different Regimens of Hormone Therapy and Risk of Breast Cancer. Li CI et al., JAMA 2003, 289 (24) : 3254-3263

[9]   Breast Cancer and Hormone-Replacement Therapy in the Million Women Study (MWS). Lancet 2003, 362 : 419-427

[10]   Differential Association of Oral and Transdermal Oestrogen-Replacement Therapy with Venous Tromboembolism Risk. Scarabin PY et al., Lancet 2003, 362 : 428-432

[11]   Randomized trial of estrogen plus progestin for secondary prevention of coronary disease in postmenopausal women (HERS I) : Hulley S. et al., JAMA, 1998, 280 : 605-613

[12]   Non cardiovascular disease outcomes during 6.8 years of hormone therapy (HERS II). Hulley S. et al., JAMA, 2002, 288 : 58-66.

Annexe 1

   LES RECOMMANDATIONS DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS    421

422   G. ANDRE

   LES RECOMMANDATIONS DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS    423

   Nombre de cas attendus    Nombre de cas supplémentaires

   dans la population générale   (pour 1000 femmes traitées)1

   (pour 1000 femmes)1   

Cancer du sein    Sur 15 ans : 32   Estrogène seul :

   (femmes entre 50 et 65 ans)   sur 5 ans : + 2

      sur 10 ans : + 5

      Estrogène+progestatif :

      sur 5 ans : + 6

      sur 10 ans : + 19

Cancer de l'endomètre    Sur 5 ans : 5   Estrogène seul :   

       sur 5 ans : + 4

      sur 10 ans : + 10

      Estrogène + progestatif :

      sur 5 ans : variation minime

      sur 10 ans : variation minime

Événement cardiovasculaire2    Sur 1 an : 3   Sur 1 an : + 0,7

Accident thromboembolique    Sur 5 ans   Sur 5 ans

veineux2   Tranche d'âge 50-59 ans : 3   Tranche d'âge 50-59 ans : + 4

   Tranche d'âge 60-69 ans   Tranche d'âge 60-69 ans : + 9

Accident vasculaire cerébral2   Sur 5 ans    Sur 5 ans   

   Tranche d'âge 50-59 ans : 3    Tranche d'âge 50-59 ans : + 1      Tranche d'âge 60-69 ans : 11    Tranche d'âge 60-69 ans : + 4

424   G. ANDRE

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Tableau comparatif des données publiées en 2002 et en 2003

Ostéoporose   WHI -2002 [1]   WHI-2003 [2]

   Nombre de fractures de hanche   Nombre de fractures de hanche : 52 versus 73 ; RR : 0,67 (0,47-0,96)

   44 versus 62 ; RR : 0,66 (0,45-0,98)   DMO à 3 ans au niveau de la hanche :
+ 3,7 % versus + 0,14 % (p < 0,001)

 

Cancer du sein   WHI -2002 [1]   WHI-2003 [3]

   Invasif   - Invasif : 199 versus 150 ; RR : 1,24 (1,01-1,54)

   166 versus 124. RR : 1,26 (1,00-1,59)   - In situ : 47 versus 37 ; RR : 1,18 (0,77-1,82) Non significatif

      - histologie et grade similaires

      - tumeurs plus grandes sous THS (1,7 + 1,1 cm vs 1,5+ 0,9 ; p = 0,04)

      - tumeurs plus souvent régionales/métastasées
(25,4 % vs 16,0 % ; p = 0,04)

      - envahissement ganglionnaire plus fréquent
      (25,9 % vs 15,8 % ; p = 0,03)

      Étude cas-témoin [8]

      Cancer lobulaire : 29,6 % vs 16,4 % ; RR : 2,7 (1,7-4,3)
(traitement est-prg)

      Million Women Study [9]

   • cas supplémentaires :   • cas supplémentaires pour 5 ans de traitement :
6/1 000 femmes

   pour 5 ans de traitement : 6/1 000 femmes   • cas supplémentaires pour 10 ans de traitement :
19/1 000 femmes

   pour 7 ans de traitement : 18/1 000 femmes   Mortalité globale par cancer du sein : 0,07 % (femmes traitées)
0,06 % (femmes non traitées) ; RR : 1,22 (1,00-1,48)

 

Cancers de    WHI-2002 [1]   WHI-2003 [4]

l'endomètre   22 versus 25 ; RR : 0,83 (0,47-1,47)   27 versus 31 ; RR : 0,81 (0,48-1,36) NS

 

Cancers de l'ovaire    -    WHI-2003 [4]

      20 versus 12 ; RR : 1,58 (0,77-3,24) NS

 

Maladie coronaire    WHI-2002 [1]   WHI-2003 [5]

(mort et infarctus du   164 vs 122 ;   188 versus 147 ; RR : 1,24 (1,00-1,54)
myocarde non fatal)   RR : 1,29 (1,02-1,63)   Cas supplémentaires : 6/10 000 femmes-années

 

Accident thromboem-   WHI-2002 [1]   Étude cas-témoin 2003 [10]

bolique veineux   RR : 2,11 (1,58-2,82)   Estrogènes oraux : RR : 3,5 (1,8-6,8)
      Estrogènes transdermiques : RR : 0,9 (0,5-1,6)

Démence    -    WHI-2003 [6]

      40 (dont 20 Alzheimer) vs 21 (dont 12 Alzheimer) ;
      RR : 2,05 (1,21-3,48)

 

Qualité de vie    -   WHI-2003 [7]
(échelle non spécifique
      Pas d'effet global cliniquement significatif chez les femmes
asymptomatiques
RAND 36)
      Amélioration modeste pour 3 items sur 13 : activité physique,
douleur et qualité du sommeil (statistiquement significatif à
un an mais plus à 3 ans)

Nombre d'événements observés dans le groupe THS versus le groupe contrôle

RR : Risque relatif

En pratique que retenir ?

   LES RECOMMANDATIONS DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS    433

RECOMMANDATIONS DE L'AFSSAPS (MAI 2004)

 

TROUBLES CLIMATéRIQUES perçus par la patiente comme altérant sa qualité de vie

   - si la femme le souhaite

   - dose minimale efficace

   - durée la plus courte possible (pas de limite fixée)

   - clairement informée des risques

   - ré-évalué régulièrement (tous les ans)

   - suspension temporaire (reprise précoce, tardive)

 

PRéVENTION OSTéOPOROSE

   - rapport bénéfice-risque défavorable

   - si risque élevé de fracture + intolérance à un autre traitement la durée

   - place exacte de cette indication de 2e intention reste à préciser

 

EN L'ABSENCE DE TR. DU CLIMATèRE ET DE FACTEURS DE RISQUE D'OSTéOPOROSE

le THS n'est pas recommandé (même si commencé tôt CV, Alz.)

RECOMMANDATIONS DE L'AFSSAPS (MAI 2004)

 

QUELLE QUE SOIT L'INDICATION IL EST RAPPELé QUE

   - examen clinique et gynécologique complet + antécédents

   - examen régulier des seins adapté individuellement

 

THS CONTRE-INDIQUé

   - cancer du sein, tumeur estrogénodépendante

   - accident thromboemboliques veineux en évolution

   - antécédents thromboemboliques veineux récidivants

   - hémorragie génitale sans diagnostic

   - accident thromboembolique artériel récent ou en évolution

   - affection hépatique aiguë ou chronique (normalisation des tests)

 

LE THS PEUT êTRE INTERROMPU à TOUT MOMENT

434   G. ANDRE

RECOMMANDATIONS DE L'AFSSAPS (MAI 2004)

 

L'OBLIGATION D'INFORMATION (arrêt cour de cassation février 1997)

Le médecin doit prouver qu'il a exécuté cette obligation

Nécessité d'une information orale (ANAES) doit évoluer avec les connaissances

écrit remis souhaitable

Consentement écrit et signature inutile

Première consultation primordiale +++

 

Fiche d'information AFEM, régulièrement mise à jour, téléchargeable

 

www.menopauseafem.com

à consigner

dans le dossier

   LES RECOMMANDATIONS DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS    435