Les recommandations de l'AFSSPAS : analyses
et justifications
DR Gabriel ANDRE - STRASBOURG
Les recommandations de l'AFSSAPS en
sont à leur 3e mouture en moins de 2 ans. Ces changements incessants
semblent davantage dictés par le principe de « sur-précaution »
(nos autorités étant encore traumatisées par l'histoire du sang contaminé)
que par une réelle avancée ou de nouvelles certitudes dans l'appréhension
du rapport risque-bénéfice du THS. Le plus simple nous semble donc de
reprendre les recommandations de décembre 2003 et de les commenter.
Mise au point actualisée sur le traitement hormonal
substitutif de la ménopause (THS) - décembre 2003
Introduction
Des publications sur le traitement hormonal substitutif
de la ménopause (THS), dont une vaste étude américaine publiée
en juillet 2002 (WHI), ont conduit l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (Afssaps) à revoir l'ensemble des données
concernant les bénéfices mais aussi les risques liés à l'utilisation
de ce traitement.
En janvier 2003, l'Afssaps avait émis
des recommandations basées sur l'ensemble des données cliniques et épidémiologiques
disponibles à cette date. Ces recommandations étaient les suivantes :
• les risques observés étant
corrélés à la durée de traitement, les bénéfices du
THS à court terme ne sont pas actuellement remis en cause par la communauté
scientifique ;
• chez la femme ménopausée
présentant des troubles fonctionnels liés à la carence estrogénique,
un THS peut être instauré si la patiente le souhaite, à la dose minimale
efficace, et ce tant que durent les symptômes ;
• que la femme ait des troubles
climatériques ou non, le THS garde un intérêt dans la prévention
de l'ostéoporose post-ménopausique dans la mesure où des facteurs
de risque d'ostéoporose sont identifiés.
Depuis janvier 2003, d'autres études
sont venues compléter les connaissances sur les risques et les bénéfices
du THS chez la femme ménopausée.
Dès juillet 2003, l'Allemagne
puis la France et la Belgique ont demandé une réévaluation européenne
du bénéfice/risque dans les indications « traitement des troubles
du climatère et prévention de l'ostéoporose ».
Cette nouvelle mise au point se base
sur les conclusions du groupe d'experts européen qui ont notamment pris en
compte l'évaluation réalisée par le groupe d'experts français
qui s'est réuni à l'Afssaps en octobre 2003.
Ce qu'il y a de nouveau depuis la mise au point de
l'Afssaps diffusée en janvier 2003
L'étude Women's Health Initiative [1] (étude
randomisée en double-insu, ayant inclu 16 608 femmes américaines ménopausées
non hystérectomisées, sans antécédent cardio-vasculaire, qui
ont reçu soit 0,625 mg/j d'estrogènes équins conjugués (ECE)
et 2,5 mg de d'acétate de médroxyprogestérone (MPA), soit un placebo)
a fait l'objet d'analyses complémentaires, qui ont
notamment apporté des précisions
sur le risque de cancer du sein et de démence [2-7]. Ainsi, contrairement à
ce qui avait été observé précédemment, une analyse de la
WHI a montré que, par rapport au groupe placebo, les tumeurs mammaires sont
diagnostiquées à un stade plus avancé.
Oui, dans les conditions de cette étude,
mais ce fait est formellement contredit par les 14 études épidémiologiques
disponibles et par 3 études françaises : dans les conditions réelles
d'utilisation, à une prescription de THS sont associées des tumeurs mammaires
plus petites et à un stade moins avancé (cf. infra) et le pourcentage
de mammographies anormales dès la première année de traitement est
supérieur dans le groupe traité par THS (9,4 % versus 5,4 % dans le groupe
placebo) [3]. Une autre étude a mis en évidence l'absence de bénéfice
du THS sur les fonctions cognitives, et suggère une augmentation possible du
risque de démence [6].
L'âge moyen de ce sous-groupe
de la WHI pour la maladie d'Alzheimer (MA) et la démence est 72 ans (1). À
cet âge, l'athérosclérose cérébrale est présente et
nombre de patientes ont une MA encore infra clinique. Nous le savons depuis longtemps,
en prévention secondaire, le THS n'a pas d'effet bénéfique
sur la MA [2-4].
Une étude d'observation, la Million
Women Study (MWS) a été menée au Royaume-Uni auprès de 1 084
110 femmes d'âge compris entre 50 et 64 ans.
Pourquoi accorder tant de poids à
cette étude d'observation [5] qui certes, si elle comprend 1 million de patientes,
s'accompagne d'un recueil de données des plus sommaires. Parmis les très
nombreuses critiques que l'on peut faire à cette étude, nous en retiendrons
au moins 3 majeures :
- la Million Study est la seule
étude où le risque de cancer du sein diminue avec l'âge : femmes
en pré-ménopause RR = 1, femmes en péri-ménopause RR = 0,75
(0,68-0,82), femmes en ménopause RR = 0,63 (0,56-0,68).
- Avec moins d'un an de traitement,
l'administration d'un THS œstroprogestatif moins d'un an, s'accompagne d'un risque
de cancer du sein de 1,45 (1,19-1,78) (dans la WHI, après 5,3 ans de THS, ce
risque, toutes patientes confondues, n'est que de 1,24 !).
- L'administration d'estrogènes
seuls (femmes hystérectomisées) s'accompagne d'un risque de 1,30 (1,22-1,38).
Dans la WHI, bras œstrogènes seuls, ce risque est à 0,77 (0,59-1,01).
Tous les risques de la MWS sont donc
surévalués d'environ 40 % pour le groupe contrôle. L'étude collaborative
du Lancet de 1976 [6], méta-analyse de 51 études internationales, nous
semble autrement sérieuse et ses conclusions bien moins alarmistes que celles
de la MWS.
La moitié de ces femmes a reçu
un THS (composition et voie d'administration variées mais comparables aux THS
utilisés en Europe) à un moment donné de leur vie, l'autre moitié
n'en a jamais reçu. Cette étude a confirmé le risque de cancer du
sein associé au THS, et ce chez des femmes européennes quel que soit le
type de THS [9].
Ce qui est établi en termes de risques
Essentiellement, sur la base des données
établies dans les études WHI, MWS et HERS, les risques calculés pour
1000 femmes et exprimés en nombre de cas supplémentaires chez les femmes
traitées par THS, par rapport au risque de base dans la population générale
sont présentés dans le tableau 1.
Actuellement aucune donnée issue
d'essais randomisés ne permet de savoir si les risques associés au THS
sont influencés ou non par le type d'estrogène (estrogènes conjugués
équins, estradiol), ou par le type de progestatif (acétate de médroxyprogestérone,
noréthistérone, lévonorgestrel), ou par la voie d'administration
de l'estrogène (orale, transdermique), ou enfin par les modalités d'utilisation
du progestatif (administration séquentielle ou continue). Il semble cependant
que ces risques augmentent avec la dose et la durée d'exposition au THS.
La dose : c'est sans doute vrai en
terme d'accident vasculaire cérébral (AVC) où l'étude de Grodstein
[7] a montré un effet-dose indiscutable. Les AVC sont progressivement décroissants
avec la diminution de la dose de Prémarin. Avec la dose la plus faible (0,3
mg/jour), le RR est < à 1.
La durée d'exposition au THS :
c'est indiscutable pour le cancer du sein où le risque augmente avec la durée.
Mais il est des bénéfices qui augmentent aussi avec la durée : pour
l'os c'est évident, pour le cardiovasculaire et l'Alzheimer, et un THS administré
en prévention primaire, rien n'indique que cela ne soit pas possible.
Tableau 1 : Nombre de cas attendus pour
différentes pathologies dans la population générale, et nombre
de cas supplémentaires dans la population de femmes traitées par THS.
1- Le tableau en annexe 1 regroupe
l'ensemble des données de la littérature publiées en 2002 et 2003.
2- Ces données sont issues d'études
qui ne portaient que sur des THS utilisés par voie orale.
Ce tableau des « cas attendus »
est particulièrement fallacieux. Il reprend essentiellement les risques observés
avec la WHI dont il faut souligner encore une fois la population particulière
: 63 ans de moyenne d'âge, un nombre de pathologies cardiovasculaires non négligeables
(34 % d'HTA), un BMI moyen à 28, traités 13 années après le
début de leur ménopause. Il s'agit davantage d'une étude de prévention
secondaire alors qu'elle nous est présentée comme une étude de prévention
primaire. Le traitement utilisé est le même pour toutes les patientes
: administration per os à 0,625 mg/jour de Prémarin associé
à 2,5 mg de Médroxyprogestérone Acétate (MPA). Pour cette dernière,
son effet délétère cardiovasculaire propre n'est plus à démontrer
! Rien n'indique qu'en prévention primaire, chez des patientes en bonne santé,
avec des posologies modérées, et un traitement plus naturel, il puisse
y avoir sur 1 an +0,7 événements cardiovasculaires, et +1 AVC pour 1000
femmes traitées (cf. infra).
Que dire aussi du +4 pour 1000 femmes
dans la tranche 50 - 59 ans d'accidents thrombo-emboliques veineux attendus
! Les patientes de la WHI sont à risque thrombo-embolique majoré. Les
œstrogènes per os perturbent les facteurs de coagulation au contraire
des oestrogènes per cutanés. L'étude de Scarabin (étude d'observation
: mais il ne serait vraiment plus à l'heure actuelle possible de faire une
étude randomisée en double aveugle chez des patientes à risque avec
ce que l'on sait !) a montré un risque d'accidents thrombo-emboliques veineux
= 0,9 avec les voies transcutanées vs 3,2 avec les voies per os
dans une population française (8). Pour le cancer du sein, le nombre de cas
supplémentaires pour 1000 femmes par œstrogènes seuls +2 sur 5 ans, +5
sur 10 ans, est surréaliste compte tenu des données récentes du bras
œstrogènes seuls de la WHI. Les cas supplémentaires +6 cancers après
5 ans de traitement, +19 cancers après 10 ans de traitement sont très
probablement surestimés. Le risque de cancer du sein augmentant avec l'âge,
l'accroissement de ce risque est plus élevé chez les femmes les plus âgées.
Dans la WHI, on note une augmentation de 34 % chez les femmes entre 70 et 79 ans.
Cette augmentation n'est que de 20 % entre 50 et 59 ans (et encore ce risque est
surévalué en raison des femmes antérieurement traitées). Il
aurait été plus juste de tenir compte de ce dernier % pour chiffrer le
risque. Ensuite, le risque global de 1,24 observé dans l'étude WHI comprend
l'ensemble des femmes, celles traitées antérieurement et celles qui ne
l'étaient pas. Le seul risque utilisable si l'on veut apprécier l'effet
de seulement 5 ans de THS est celui qui ne porte que sur les femmes non encore traitées.
Ce risque est de 1,09 (0,86-1,39). Il n'est donc pas significativement différent
de 1. Aucune appréciation du nombre réel de nouveaux cancers après
5 ans de traitement n'est donc possible.
Dans la WHI, les femmes recrutées
n'avaient pas de troubles climatériques. Personne ne sait si l'effet du THS
est identique suivant la présence ou non de ces troubles climatériques.
Cancer du sein
Le risque de cancer du sein est corrélé
à l'imprégnation estrogénique, qui dépend d'une part de la durée
de la période qui se situe entre la puberté et la ménopause et d'autre
part de la dose et la durée d'un éventuel traitement estrogénique
(par exemple la contraception orale). Le THS prolonge l'imprégnation estrogénique
naturelle et place la femme traitée dans une catégorie de risque supérieur
à celui d'une femme de même âge non traitée.
Le risque de cancer du sein est plus
important chez les patientes traitées parl'association estrogène/progestatif
que chez les patientes traitées par estrogène seul. Il diminue dès
l'arrêt du THS pour disparaître progressivement dans les 5 ans, au plus.
Ce fait est très important. Dans
la MWS, on ne note plus d'augmentation du risque 1 an après l'arrêt du
traitement hormonal. L'étude collaborative du Lancet retrouve 5 ans. Cette
disparition rapide du risque à l'arrêt du traitement est un argument fort
pour penser que le THS serait plutôt promoteur (accélération de cancers
déjà là) qu'initiateur (création de novo de cancers du sein).
Des études récentes ont montré
que les tumeurs mammaires ont été diagnostiquées à un stade
plus invasif.
La WHI est la seule étude qui
montre que sous traitement hormonal le cancer du sein est diagnostiqué
à un stade plus invasif que sans traitement. C'est faux en pratique courante
et totalement contredit par 14 études internationales et 3 études françaises
bien menées. La première est celle d'un observatoire national initié
dès 2002 pour répondre à cette question (9). Sous THS vs sans traitement,
les tumeurs stade 4 sont à 1,4 % vs 5,3 % (p < 0,01), les grades SBR3
17,7 % vs 29,5 % (p < 0,01), la présence de plus de 3 ganglions envahis
11,2 % vs 20 % (p < 0,03). L'étude cas-témoins de Bonnier [10] va dans
le même sens : sous THS, les tumeurs T0-T1 sont 60 % vs 39 % sans traitement
(p < 0,0001). La taille moyenne est de 16 mm avec THS vs 28 mm sans traitement
(p < 0,0001).
Dans la cohorte de dépistage des
Bouches du Rhône [11], on trouve 10 % de tumeurs grade 3 sous THS vs 32 % sans
traitement (p < 0,001).
et suggèrent une mortalité
plus importante.
Quant à la mortalité, elle
n'est pas plus importante dans la WHI, mais elle l'est dans la MWS dont nous avons
vu ce qu'il fallait en penser.
L'hypothèse d'un retard de diagnostic
est évoquée, lié à une hyper densité mammaire.
Cancer de l'endomètre
Les nouvelles données ont confirmé l'absence
d'augmentation du risque de cancer de l'endomètre lorsque les estrogènes,
connus pour augmenter ce risque, sont associés à un progestatif.
Cancer de l'ovaire
Quelques données suggèrent que le THS
pourrait être associé à une augmentation du risque de cancer
de l'ovaire, mais ceci reste à être confirmé.
Risque thromboembolique veineux
Le THS augmente le risque thromboembolique veineux
(phlébite, embolie pulmonaire), surtout la première année de traitement,
ce qui nécessite de respecter scrupuleusement les contre-indications de
prescription. Ce risque augmente avec l'âge. Les antécédents familiaux
thromboemboliques veineux représentent un facteur de risque à prendre
en considération.
Une étude française cas-témoin
a montré qu'il n'y avait pas d'augmentation de ce risque lors de l'administration
transdermique d'estrogène par rapport au THS administré par voie orale
[10].
Il est bien de reconnaître l'existence
de l'étude de Scarabin, mais peut-être aurait-il été utile de
préconiser la voie transdermique chez toutes les patientes à risque et
au-delà d'un certain âge.
Ce résultat ne permet en aucun
cas de conclure que la voie transdermique réduirait l'ensemble des autres risques
induits par le THS.
Risque cardio-vasculaire
Les études HERS I et II (Heart and Estrogen/progestin
Replacement Study) [11, 12] avaient montré que le THS, administré par
voie orale, ne diminuait pas les risques cardio-vasculaires chez les femmes ayant
une maladie coronaire connue. Les nouvelles données [1, 4] confirment que le
THS ne protège pas du risque d'accident coronaire et entraînerait même
une augmentation du risque d'infarctus du myocarde et d'accident vasculaire cérébral
au cours de la première année de traitement chez les femmes sans antécédents
cardio-vasculaires.
Certes, les femmes de la WHI n'avaient
pas stricto sensu « d'antécédents cardiovasculaires »,
mais leur profil est bien celui de femmes à risques cardiovasculaires.
Cette augmentation du risque d'accident
ischémique a été observée chez des femmes de plus de 60 ans.
C'est bien de dire que l'augmentation
du risque d'accidents ischémiques a été observée chez des femmes
de plus de 60 ans. Il serait peut être plus honnête de souligner que les
patientes qui ont reçu un THS dans les 10 ans qui suivent le début de
leur ménopause, ont un risque qui n'est que de 0,89. Ce même risque augmente
chez les autres patientes proportionnellement au temps écoulé depuis la
ménopause, avant l'introduction de ce même traitement : 10 à 19 ans
RR = 1,22, > à 20 ans RR = 1,71.
L'effet de l'âge, donc du temps
écoulé depuis la ménopause, est un paramètre fondamental. La
méta-analyse de Salpeter [12] reprenant toutes les études contrôlées
randomisées du THS entre 1966 et 2002 (30 études poolées et 26 708
patientes) trouve avant 60 ans sous traitement une mortalité globale à
0,61 (0,39-0,95) par rapport aux patientes non traitées et une tendance à
la réduction de mortalité cardiovasculaire 0,68 (0,22-2,15) pour les patientes
traitées. Une autre étude randomisée en double aveugle vs
placebo [13] souligne encore l'importance de ce temps écoulé depuis la
ménopause dans les effets que l'on peut attendre d'un THS : chez les patientes
ménopausées depuis moins de 5 ans, le THS (pourtant Prémarin + MPA)
s'est accompagné d'une diminution de la tension systolique et diastolique d'environ
8 mm de mercure (p < 0,0007 pour la systolique et p < 0,0001 pour la diastolique).
Ce même traitement instauré au-delà des 5 ans d'apparition de la
ménopause n'a eu aucun effet sur la tension artérielle. L'endothélium
vasculaire privé d'œstrogène a tendance à s'altérer rapidement
avec le temps et probablement après 5 ans de privation hormonale le THS perd
beaucoup de ses bénéfices protecteurs.
Troubles cognitifs
Contrairement à ce qui était attendu,
il n'y a pas aujourd'hui de données mettant en évidence un effet protecteur
du THS sur les troubles cognitifs. Le THS pourrait même accroître le risque
de démence (chez des femmes de plus de 65 ans).
Comment attendre un effet protecteur
sur les troubles cognitifs lorsqu'on s'adresse à une population d'âge
moyen de 72 ans (1) ? Dans cette population donnée, avec le traitement administré,
les accidents vasculaires cérébraux ont augmenté de 40 %. L'ischémie
cérébrale consécutive à ces accidents entraîne dans les
2 ans une augmentation du risque de démence X 4 [14]. Cette ischémie
va donc faire apparaître un certain nombre de maladies d'Alzheimer qui étaient
à un stade pré-clinique et qui seraient apparues des années plus
tard en l'absence de souffrance vasculaire cérébrale. La MPA a par ailleurs
un effet neuronal toxique propre [15]. Sur les modèles animaux, lorsque l'inflammation
est déjà installée, les œstrogènes ont un effet aggravant sur
les lésions cérébrales au contraire de ce qui se passe chez les animaux
plus jeunes au cerveau intact [16]. L'ensemble des études épidémiologiques
récentes conclut à une réduction du risque de maladie d'Alzheimer,
le traitement étant instauré dès le début de la ménopause
et non à distance [17]. La Cash Country Study (18), étude prospective
d'observation particulièrement bien faite, retrouve les mêmes résultats
que la WHI : un THS administré 3 à 10 ans, tardivement, après 70
ans, s'accompagne d'un doublement de maladie d'Alzheimer. Par contre, ce même
traitement administré dès le début de la ménopause durant le
même temps, s'accompagne d'une diminution significative du risque de démence.
Ce qui est établi en termes d'efficacité
Troubles du climatère
L'efficacité du THS dans le traitement des
troubles du climatère, notamment sur les symptômes vasomoteurs, a été
largement démontrée.
Là pourtant la WHI est formelle.
Le bénéfice en qualité de vie du THS est nul [19] ! Nos autorités
sont donc capables de faire preuve (quand elles le veulent bien) d'un certain discernement
et de reconnaître que les conclusions de la WHI ne s'appliquent pas à
la population des femmes françaises traitées, si différentes de celles
de la WHI !
Prévention de l'ostéoporose
Effet sur la densité osseuse
La perte osseuse, qui est associée
à un risque fracturaire, est rapide la première année de ménopause.
Le THS permet de prévenir cette perte osseuse et l'effet est dose-dépendant.
À l'arrêt du THS, la perte osseuse reprend au rythme physiologique.
Effet sur les fractures
Le THS est le seul traitement ayant
démontré son efficacité dans la prévention primaire des fractures
ostéoporotiques dans la population générale (en l'absence de mesure
de la densité minérale osseuse -DMO-). Le bénéfice anti-fracturaire
(en termes de risque relatif) est identique quel que soit le risque fracturaire
initial. Dans l'étude WHI, le pourcentage de fractures observées au terme
de 5 années de traitement est de 8,6 % chez les femmes ayant reçu un THS,
versus 11,1 % chez les femmes non traitées.
La durée, après l'arrêt
du traitement, pendant laquelle le risque fracturaire est réduit n'est pas
connue mais il semble qu'elle ne soit pas supérieure à quelques années.
Il n'est pas établi non plus qu'un
THS administré en début de ménopause prévienne les fractures
à distance de l'arrêt du traitement.
Enfin, il n'y a pas ou peu de données
d'efficacité sur la prévention des fractures en cas de ménopause
précoce, de DMO basse, ainsi que chez les femmes ayant des antécédents
de fractures vertébrales.
Cancer colo-rectal
Actuellement, les données sont trop limitées
pour se prononcer (étude portant sur le traitement ECE + MPA) sur un éventuel
effet protecteur du THS sur la survenue d'un cancer colo-rectal, notamment sur la
durée de cette protection.
Il est quand même curieux que
pour le cancer colo-rectal, il soit trop tôt pour se prononcer et que le bénéfice
du THS ne soit pas reconnu : RR = 0,61 (0,47-0,87) ( p = 0,007). Il y a là
aussi une certaine mauvaise foi à mettre en avant et à reconnaître
comme certains les risques cardiovasculaires, thrombo-emboliques et mammaires de
cette même étude WHI dont nous avons vu les limites. La diminution du
risque est tout à fait significative pour le cancer colo-rectal, mais bien
entendu « les données sont trop limitées pour se prononcer »
[20].
En pratique
Quel est le rapport bénéfice/risque
du THS en fonction des indications ?
Quelles sont les recommandations ?
Chez les femmes souffrant de troubles du climatère
Le rapport bénéfice/risque du THS reste
favorable dans les troubles du climatère perçus par la patiente comme
altérant sa qualité de vie.
Dans cette situation, le traitement
peut être instauré si la femme le souhaite,
l'avis de la patiente est donc prépondérant
et elle a bien entendu le droit de faire son choix.
à la dose minimale efficace, pour
une durée la plus courte possible. Toutefois, à l'instauration du traitement,
les patientes doivent être clairement informées des risques inhérents
à ce traitement. De plus, le traitement doit être ré-évalué
régulièrement, au moins une fois par an, en prenant en considération
l'évolution du rapport bénéfice/risque. Cette ré-évaluation
pourra s'accompagner d'une suspension temporaire du traitement afin de contrôler
la persistance du syndrome climatérique et sa sévérité.
En effet, dans l'étude WHI, le
groupe traité par estro-progestatif a été arrêté prématurément
au terme de 5 années de traitement, le rapport bénéfice/risque ayant
été jugé défavorable par rapport au groupe placebo.
Chez les femmes ménopausées ayant des facteurs
de risque d'ostéoporose
Dans la prévention du risque fracturaire,
le rapport bénéfice/risque du THS, quel que soit le produit envisagé,
est défavorable sur la base des données actuellement disponibles.
Là, il est particulièrement
difficile de comprendre. C'est vrai qu'à doses minimales efficaces, pour une
durée la plus courte possible, la protection osseuse ne vas pas être optimisée...
Il faut rappeler que la WHI a montré pour la première fois l'efficacité
du THS en terme de réduction de fracture dans une population non sélectionnée.
On ne comprend pas bien ce que signifie « un risque élevé de fracture
» : faut-il faire une DMO ? elle n'est pas remboursée. Ce n'est de loin
pas le seul élément à prendre en compte. Les risques de fracture
sont étroitement dépendants de l'âge, mais aussi d'autres facteurs
comme une ménopause précoce, un BMI bas, un tabagisme, une corticothérapie,
des antécédents personnels ou familiaux de fracture ... Quels sont les
facteurs à prendre en compte et quel est leur poids relatif ? Aucune indication
ni échelle de risque ne sont données pour aider le praticien à apprécier
ce « risque fracturaire élevé ». D'autre part, préconiser
le THS en 2e intention est pour le moins illogique compte tenu du fait
qu'au début de la ménopause, les biphosphonates et le Raloxifène
n'ont pas été évalués en terme de diminution du risque fracturaire.
Ces traitements ne sont pas non plus remboursés. Face à ces incohérences,
nous pensons que le THS doit rester l'option thérapeutique de 1re
intention dans les 5 premières années de la post-ménopause, lorsqu'il
y a une augmentation du risque osseux. Certes, l'effet va s'épuiser avec le
temps [21, 22] et le bénéfice osseux devra être ultérieurement
entretenu. Mais il le sera d'autant plus facilement que la femme abordera sa soixantaine
avec un bon capital osseux. C'est ce risque qu'il faudrait maintenant affiner. Nous
avons urgemment besoin d'une échelle de risque nous permettant de situer la
place des marqueurs osseux et de mieux préciser les situations cliniques pour
lesquelles ce risque existe.
L'administration d'un THS pourra être
envisagée chez la femme ménopausée qui a un risque élevé
de fractures, uniquement lorsqu'elle présente une intolérance à un
autre traitement indiqué dans la prévention de l'ostéoporose et après
une évaluation individuelle précise et soigneuse du rapport bénéfice
/risque. La place exacte de cette indication de deuxième intention dans la
stratégie de prise en charge de l'ostéoporose chez la femme ménopausée
reste à préciser.
Chez les femmes ménopausées en bonne santé
sans trouble du climatère et sans facteur de risque d'ostéoporose
Dans cette situation, la prescription de THS n'est
pas recommandée, en raison d'un rapport bénéfice/risque défavorable.
Quelle que soit l'indication, il est
rappelé que :
Avant d'initier ou de ré-instaurer
un THS, un examen clinique et gynécologique complet (y compris analyse des
antécédents familiaux) doit être effectué. Un examen régulier
des seins doit être pratiqué selon les recommandations en vigueur (palpation,
mammographie, échographie...) et adapté en fonction des cas individuels.
Le THS est contre-indiqué en cas de cancer du sein connu ou suspecté,
ou d'autres tumeurs estrogéno-dépendantes connues ou suspectées (par
exemple cancer de l'endomètre).
L'utilisation d'un THS chez des patientes
présentant des antécédents d'accident thromboembolique veineux ou
un état thrombotique connu nécessite une évaluation attentive du
rapport bénéfice/risque. Le THS est contre-indiqué en cas d'accident
thromboembolique veineux en évolution, ou d'antécédents thromboemboliques
veineux récidivants, ou de maladie thrombotique connue chez une patiente non
encore traitée par anticoagulants.
Le THS est également contre-indiqué
dans les situations suivantes : hémorragie génitale sans diagnostic établi,
accident thrombo-embolique artériel récent ou en évolution, affection
hépatique aiguë ou chronique, ou antécédents d'affection hépatique,
jusqu'à normalisation des tests hépatiques, hypersensibilité aux
principes actifs ou à l'un des excipients.
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[8] Relationship Between
Long Durations and Different Regimens of Hormone Therapy and Risk of Breast Cancer.
Li CI et al., JAMA 2003, 289 (24) : 3254-3263
[9] Breast Cancer
and Hormone-Replacement Therapy in the Million Women Study (MWS). Lancet 2003, 362
: 419-427
[10] Differential
Association of Oral and Transdermal Oestrogen-Replacement Therapy with Venous Tromboembolism
Risk. Scarabin PY et al., Lancet 2003, 362 : 428-432
[11] Randomized trial
of estrogen plus progestin for secondary prevention of coronary disease in postmenopausal
women (HERS I) : Hulley S. et al., JAMA, 1998, 280 : 605-613
[12] Non cardiovascular
disease outcomes during 6.8 years of hormone therapy (HERS II). Hulley S. et al.,
JAMA, 2002, 288 : 58-66.
Annexe 1
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 421
422 G. ANDRE
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 423
Nombre de cas attendus Nombre
de cas supplémentaires
dans la population générale (pour
1000 femmes traitées)1
(pour 1000 femmes)1
Cancer du sein Sur 15 ans
: 32 Estrogène seul :
(femmes entre 50 et 65 ans) sur
5 ans : + 2
sur 10 ans : + 5
Estrogène+progestatif
:
sur 5 ans : + 6
sur 10 ans : + 19
Cancer de l'endomètre Sur 5 ans
: 5 Estrogène seul :
sur 5 ans : + 4
sur 10 ans : + 10
Estrogène + progestatif
:
sur 5 ans : variation minime
sur 10 ans : variation minime
Événement cardiovasculaire2
Sur 1 an : 3 Sur 1 an : + 0,7
Accident thromboembolique Sur 5 ans Sur
5 ans
veineux2 Tranche d'âge
50-59 ans : 3 Tranche d'âge 50-59 ans : + 4
Tranche d'âge 60-69 ans Tranche
d'âge 60-69 ans : + 9
Accident vasculaire cerébral2 Sur
5 ans Sur 5 ans
Tranche d'âge 50-59 ans : 3 Tranche
d'âge 50-59 ans : + 1 Tranche d'âge
60-69 ans : 11 Tranche d'âge 60-69 ans : + 4
424 G. ANDRE
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 425
426 G. ANDRE
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 427
428 G. ANDRE
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 429
430 G. ANDRE
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 431
432 G. ANDRE
Tableau comparatif des données publiées
en 2002 et en 2003 Ostéoporose WHI
-2002 [1] WHI-2003 [2]
Nombre de fractures de hanche Nombre
de fractures de hanche : 52 versus 73 ; RR : 0,67 (0,47-0,96)
44 versus 62 ; RR : 0,66 (0,45-0,98) DMO
à 3 ans au niveau de la hanche : + 3,7 % versus + 0,14 % (p < 0,001)
Cancer du sein WHI -2002 [1] WHI-2003
[3]
Invasif - Invasif : 199
versus 150 ; RR : 1,24 (1,01-1,54)
166 versus 124. RR : 1,26 (1,00-1,59) -
In situ : 47 versus 37 ; RR : 1,18 (0,77-1,82) Non significatif
- histologie et grade
similaires
- tumeurs plus grandes
sous THS (1,7 + 1,1 cm vs 1,5+ 0,9 ; p = 0,04)
- tumeurs plus souvent
régionales/métastasées (25,4 % vs 16,0 % ; p = 0,04)
- envahissement ganglionnaire
plus fréquent (25,9 % vs 15,8 % ;
p = 0,03)
Étude cas-témoin
[8]
Cancer lobulaire : 29,6 %
vs 16,4 % ; RR : 2,7 (1,7-4,3) (traitement est-prg)
Million Women Study
[9]
• cas supplémentaires : •
cas supplémentaires pour 5 ans de traitement : 6/1 000 femmes
pour 5 ans de traitement : 6/1 000 femmes •
cas supplémentaires pour 10 ans de traitement : 19/1 000 femmes
pour 7 ans de traitement : 18/1 000 femmes Mortalité
globale par cancer du sein : 0,07 % (femmes traitées) 0,06 % (femmes non
traitées) ; RR : 1,22 (1,00-1,48)
Cancers de WHI-2002 [1] WHI-2003
[4]
l'endomètre 22 versus 25 ; RR : 0,83
(0,47-1,47) 27 versus 31 ; RR : 0,81 (0,48-1,36) NS
Cancers de l'ovaire - WHI-2003
[4]
20 versus 12 ; RR : 1,58 (0,77-3,24)
NS
Maladie coronaire WHI-2002 [1] WHI-2003
[5]
(mort et infarctus du 164 vs 122 ; 188
versus 147 ; RR : 1,24 (1,00-1,54) myocarde non fatal) RR
: 1,29 (1,02-1,63) Cas supplémentaires : 6/10 000 femmes-années
Accident thromboem- WHI-2002 [1] Étude
cas-témoin 2003 [10]
bolique veineux RR : 2,11 (1,58-2,82) Estrogènes
oraux : RR : 3,5 (1,8-6,8) Estrogènes
transdermiques : RR : 0,9 (0,5-1,6)
Démence - WHI-2003
[6]
40 (dont 20 Alzheimer) vs
21 (dont 12 Alzheimer) ; RR : 2,05 (1,21-3,48)
Qualité de vie - WHI-2003
[7] (échelle non spécifique Pas
d'effet global cliniquement significatif chez les femmes asymptomatiques RAND
36) Amélioration modeste pour 3 items
sur 13 : activité physique, douleur et qualité du sommeil (statistiquement
significatif à un an mais plus à 3 ans)
Nombre d'événements observés dans le groupe
THS versus le groupe contrôle
RR : Risque relatif
En pratique que retenir ?
LES RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS 433
RECOMMANDATIONS DE L'AFSSAPS
(MAI 2004)
TROUBLES CLIMATéRIQUES
perçus par la patiente comme altérant sa qualité de vie
- si la femme le souhaite
- dose minimale efficace
- durée la plus courte possible (pas
de limite fixée)
- clairement informée des risques
- ré-évalué régulièrement
(tous les ans)
- suspension temporaire (reprise précoce,
tardive)
PRéVENTION OSTéOPOROSE
- rapport bénéfice-risque défavorable
- si risque élevé de fracture
+ intolérance à un autre traitement la durée
- place exacte de cette indication de
2e intention reste à préciser
EN L'ABSENCE DE TR. DU CLIMATèRE ET DE FACTEURS DE RISQUE
D'OSTéOPOROSE
le THS n'est pas recommandé (même si
commencé tôt CV, Alz.) RECOMMANDATIONS
DE L'AFSSAPS (MAI 2004)
QUELLE QUE SOIT L'INDICATION IL EST RAPPELé
QUE
- examen clinique et gynécologique
complet + antécédents
- examen régulier des seins adapté
individuellement
THS CONTRE-INDIQUé
- cancer du sein, tumeur estrogénodépendante
- accident thromboemboliques veineux en
évolution
- antécédents thromboemboliques
veineux récidivants
- hémorragie génitale sans diagnostic
- accident thromboembolique artériel
récent ou en évolution
- affection hépatique aiguë
ou chronique (normalisation des tests)
LE THS PEUT êTRE INTERROMPU à TOUT
MOMENT 434 G. ANDRE
RECOMMANDATIONS DE L'AFSSAPS
(MAI 2004)
L'OBLIGATION D'INFORMATION (arrêt cour
de cassation février 1997)
Le médecin doit prouver qu'il a exécuté cette
obligation
Nécessité d'une information orale (ANAES) doit
évoluer avec les connaissances
écrit remis souhaitable
Consentement écrit et signature inutile
Première consultation primordiale +++
Fiche d'information AFEM, régulièrement
mise à jour, téléchargeable
www.menopauseafem.com
à consigner
dans le dossier LES
RECOMMANDATIONS DE L'AFSSPAS : ANALYSES ET JUSTIFICATIONS
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