Chapitre 3
progestatif dans le traitement hormonal substitutif, oui ou
non ?
continu ou séquentiel
B. BLANC, L. BOUBLI, C. D'ERCOLE ET L. CRAVELLO
introduction
L'adjonction d'un progestatif de synthèse à
une estrogénothérapie prolongée administrée sous forme
séquentielle ou continue est habituellement admise chez les
patientes n'ayant pas été hystérectomisées.
Cependant plusieurs problèmes restent en
discussion :
- Le choix du progestatif. Plusieurs
molécules sont à notre disposition. Le progestatif choisi ne
doit pas être délétère sur le métabolisme lipidique et
glucidique et donc ne pas hypothéquer les effets bénéfiques
des estrogènes naturels vis à vis du risque atheromateux.
- La durée de la séquence progestative
en cas de traitement séquentiel. Celui-ci doit permettre une
protection efficace sur l'endomètre et doit être prescrit au
minimum 10 jours.
- L'intérêt du traitement continu ne se
discute pas sur le plan théorique. Il reste cependant à
"trouver" l'équilibre idéal entre estrogènes et
progestatifs pour éviter la survenue de saignements.
intérêt du traitement progestatif.
La séquence progestative entraîne une
desquamation de l'endomètre qui protège vis à vis du risque
d'hyperplasie. La majorité des études admettent un seuil
minimum de 10 jours comme durée de la séquence progestative.
L'utilisation isolée d'estrogènes comme traitement de
substitution augmente le risque de survenue de cancer de
l'endomètre. Le risque relatif (RR) des estrogènes pour le
cancer de l'endomètre est variable car lié à la dose et à la
durée du traitement. Il est actuellement de 2 mais présente des
variables de 2 à 25, selon les études, leur ancienneté,
la dose d'estrogènes prescrite et la durée du traitement. Le
risque relatif apparaît après 3 ans de traitement et persiste
10 à 15 ans après son arrêt (1-2).
Le cancer de l'endomètre associé aux
estrogènes est cependant de meilleur pronostic (diagnostic
précoce, cancer bien différencié, meilleur suivi médical des
patientes sous traitement hormonal substitutif (THS) COLLINS (3)
a montré une meilleure survie chez les femmes sous traitement
hormonal substitutif présentant un cancer de l'endomètre par
rapport à la population générale du même âge et indemne de
cancer de l'endomètre. On attribue la moindre mortalité de
cette population à la protection vis à vis des maladies
cardio-vasculaires qu'apportent les estrogènes. L'adjonction
d'un progestatif à l'estrogénothérapie prévient l'hyperplasie
de l'endomètre et la majorité des études admet que cette
séquence progestative ne doit pas être inférieure à 10 jours
(456-7).
Aucun travail n'a cependant permis de
déterminer avec précision une durée optimale pour le
traitement progestatif (8). Les progestatifs accélèrent la
conversion d'oestradiol en estrone moins active, diminuent les
récepteurs aux estrogènes, favorisent la différenciation
cellulaire et s'opposent au développement de l'hyperplasie (9).
La transformation de l'hyperplasie est lente. Dans une étude
prospective KURMAN suit 170 patientes ayant une hyperplasie. Sur
122 hyperplasies sans atypie, il trouve 2 cancers de
l'endomètre (1,6%) après une progression moyenne de 10 ans, et
sur la population de 48 hyperplasies avec atypie il trouve 11
cancers (22%) après une progression moyenne de 4 ans (10).
La séquence progestative présente d'autres
effets sur les différents métabolismes et ceux-ci sont liés à
la nature du produit, la dose, mais aussi en fonction de
l'imprégnation estrogénique associée et de la variabilité des
réponses individuelles. La pharmacologie française est en effet
tris riche en matière de molécules progestatives ce qui permet
d'adapter la prescription de manière individuelle. (Tableau).
Sur le métabolisme lipidique,
l'effet est variable en fonction de la
structure de la molécule, de la dose et probablement de la voie
d'administration (11-12). La progestérone micronisée, la
dihydroprogestérone n'ont pas d'influence sur le métabolisme
lipidique. La tolérance métabolique des dérivés de la 10
Norprogestérone semble excellente (13). Les dérivés de la 17
OHprogestérone ne semblent pas modifier le profil lipidique aux
doses utilisées. En ce qui concerne les dérivés 19
Norstéroïdes, ces molécules présentent du fait de leur
androgénicité une activité antagoniste de celle des
estrogènes sur la synthèsedes apolipoprotéïnes et l'activité
de la triglycéride lipase hépatique. Leur prescription à
faible dose dans le traitement de la ménopause n'entraîne
cependant pas d'effet délétère sur le métabolisme lipidique
(14-15) et ces molécules peuvent être utilisées à faible dose
dans le traitement substitutif de la ménopause.
Sur le métabolisme glucidique,
les progestatifs n'ont en général pas d'effet
notable sur le métabolisme glucidique (11) lorsqu'ils sont
utilisés avec de faible dose d'estrogènes naturels. Par contre
lorsqu'ils sont associés à des estrogènes de synthèse
prescrits à forte dose (supérieure à 50 gammas), ils diminuent
la tolérance glucidique et augmentent le rapport
insuline/glucose. Ce schéma thérapeutique n'a cependant aucune
approche avec le traitement substitutif de la ménopause.
Pour le risque vasculaire, il est actuellement
bien établi que la chute de l'oestradiolémie au-dessous des
valeurs physiologiques chez la femme accélère la progression de
l'athérosclérose. Les estrogènes ont en effet un effet
favorable sur la prévention de l'athérome. Le mécanisme
principal se situe dans la paroi de l'artère et ne semble pas
avoir de relation significative avec les variations quantitatives
et qualitatives (HDL LDL) du cholestérol. Le rôle exact
des progestatifs sur la paroi artérielle n'a pas cependant
encore fait l'objet d'études importantes. Il semble que la
progestérone naturelle préserve tous les bénéfices de
l'estrogénothérapie. L'impact osseux des progestatifs est
actuellement assez bien documenté. Les estrogènes jouent un
rôle très important dans la prévention de l'ostéoporose en
inhibant la résorption osseuse et probablement en stimulant
directement la formation osseuse. Les progestatifs de synthèse
mais aussi la progestérone naturelle semblent avoir une action
trophique sur le tissu osseux (16). Les dérivés des 19
Norstéroides sont susceptibles d'exercer une action anabolique
sur l'os du fait de leur activité androgénique. Cette action
semble indépendante des estrogènes. PRIOR (17) a montré
récemment que les patientes présentant une insuffisance en
sécrétion de progestérone pendant leur période d'activité
génitale ont une ostéopénie vertébrale plus importante que
celles ne présentant pas d'insuffisance lutéale. C. RIBOT
(18-19) a récemment montré que les progestafis non
androgéniques et la progestérone naturelle avaient une
activité mitogène sur les ostéoblastes humains en culture et
freinaient la perte osseuse chez les femmes ménopausées. Le
mécanisme d'action des progestatifs sur l'os n'est pas encore
bien connu. Des récepteurs osseux de la progestérone sur les
ostéoblastes et peut être les ostéoclastes ont été
récemment rapportés. Il existe donc probablement une action
directe des progestatifs sur le tissu osseux. L'effet indirect de
type antiglucocortico de androgénique est également
vraisemblable.
ii inconvénients du traitement progestatif
La survenue mensuelle d'une desquamation
menstruelle est à l'origine d'un nombre important d'arrêt du
THS. BARENSTEIN (20) a montré que la survenue des règles était
considérée comme un événement désagréable chez 45% des
patientes soumises à un questionnaire et ce d'autant plus que la
patiente était en période post ménopausique. Plusieurs
équipes ont proposé un rythme trimestriel (21) (long cycle).
Les estrogènes sont administrés de façon isolée pendant 80
jours et une séquence progestative est associée pendant une
période allant de 12 à 14 jours. La desquamation menstruelle
est habituellement importante ce qui entraîne la survenue de
"règles abondantes" souvent mal perçues par les
patientes. L'enquête de BARENSTEIN (20) a montré que cet
événement trimestriel était perçu de façon aussi négative
par 45% des patientes interrogées. Le traitement substitutif
continu sans règles représente donc une alternative théorique
très intéressante car elle ne provoque pas de desquamation
menstruelle. L'association estroprogestative est responsable
d'une atrophie de l'endomètre, l'aménorrhée n'est cependant
pas constamment obtenue et dans 30 à 50% des cas suivant les
auteurs on observe des pertes sanguines très discrètes mais
répétées (spotting) qui régressent progressivement au bout de
4 à 6 mois (si les patientes n'ont pas cessé le traitement).
Les effets néfastes des progestatifs sur les
métabolismes lipidiques et les risques vasculaires ont été
soulignés par de nombreuses publications, celles-ci faisant
craindre que les progestatifs tendent à diminuer les bénéfices
cardio-vasculaires des estrogènes (22-23-24). Par ailleurs les
travaux récents de LOBO (25) suggèrent que ces effets
métaboliques néfastes pourraient s'exercer à partir du 10
jours de telle sorte qu'il apparaît raisonnable à cet auteur de
minimiser la dose cumulée de progestatif (26).
séquence progestative, oui ou non
Doit-on prescrire une séquence progestative
dans le traitement hormonal substitutif de la ménopause ?
La réponse est OUI chez la patiente dont l'appareil génital est
indemne. En effet le risque relatif (RR) de voir survenir une
hyperplasie de l'endomètre est de 2 en cas d'estrogénothérapie
isolée. Aucune étude n'a permis de déterminer avec précision
une durée optimale pour cette séquence (8). La plupart des
études admettent un seuil minimal de 10 jours (4-5-6-7).
J.H. J.M. MEUWISSEN (27) propose cependant un
traitement estrogénique isolé pendant une période de 24 mois.
La surveillance est échographique et l'administration de
progestatif sont réalisées lorsque l'endomètre présente une
épaisseur minimale de 8 mm. Cet auteur distingue ainsi deux
groupes de patientes en fonction de la rapidité de la croissance
endométriale sous estrogènes. Il a par ailleurs pu apprécier
la qualité de l'inhibition de la croissance de l'endomètre par
les progestatifs.
Chez la femme hystérectomisée la réponse
doit être plus nuancée et la séquence progestative ne doit pas
être proposée de façon systématique car celle-ci n'entraîne
pas de prévention du cancer du sein. Lorsqu'il existe enfin une
contre indication au traitement estrogénique l'utilisation
isolée de progestatif peut être une alternative utile bien que
cette attitude ne soit pas bien documentée. Les progestatifs
peuvent exercer un effet favorable sur les troubles
neurovégétatifs et en particulier les bouffées de chaleur. Cet
effet n'est cependant pas immédiat. L'impact osseux des
progestatifs est actuellement bien documenté de même que leur
effet de prévention sur l'hyperplasie de l'endomètre et le
cancer de l'endomètre. Ils peuvent donc être proposés chez la
femme à risque de cancer de l'endomètre.
iv traitement séquentiel ou traitement continu
Le traitement séquentiel est actuellement bien
documenté et ses effets favorables ont été bien évalués sur
les métabolismes lipidiques, protidiques, glucidiques et la
prévention de l'ostéoporose et de l'hyperplasie de
l'endomètre. La survenue d'une desquamation menstruelle est
cependant responsable d'un taux important d'arrêt
thérapeutique.
Nous pensons cependant que le traitement
séquentiel doit être privilégié, il doit débuter après une
période d'aménorrhée de type ménopausique documenté par des
tests aux progestatifs négatifs ou des dosages hormonaux.
Chez la femme hystérectomisée nous
préconisons un traitement estrogénique isolé en continu.
Le traitement substitutif continu doit être
proposé en cas d'arrêt du traitement séquentiel du fait de la
survenue des règles. Il doit être proposé en première
intention chez la femme en post ménopause confirmée. Le schéma
thérapeutique consiste à administrer de façon continu un
strogène et un progestatif. Plusieurs protocoles utilisant
des posologies différentes de progestatifs sont actuellement à
l'étude mais l'équilibre idéal reste à trouver.
Progestatifs :
classes, molécules, posologies
Progestatifs
|
Nom pharmaceutique
|
Cp dosés à (mg)
|
Posologie quotidienne
usuelle (mg)
x 12 à 14 jours |
NORSTÉROÏDES
* oestranes
Noréthistérone
Acétate de noréthhistérone
Diacétate d'ethtnodiol
Lynestrénol
|
Norluten Primolut Nor
Lutométrodiol
Orgamétril
|
10 10
2
5
|
Peu employés dans cette indication en
France
2,5 à 10
2 à 8
5 à 10
|
* gonanes
Norgestrel, désogestrel, gestodène,
norgestimate : disponibles seulement en association
avec l'éthinyl-oestradiol contraception
|
PRÉGNANES Acétate
de médroxy-
progestérone (MPA)
Acétate de chlormadinone
Médrogestone
Acétate de cyprotérone
|
Farlutal Prodasone
Lutéran
Colprone 5
Androcur
|
10
2 à 5
5
50
|
10
10
10
Peu employé dans cette indication
|
NORPRÉGNANES
Démégestone
Promégestone
Acétate de nomégestrol
|
Lutionex Surgestone
Lutényl
|
5 0.25 à 0.5
5
|
10 0,5
5
|
PROGESTÉRONE NATURELLE
et DÉRIVÉS Progestérone micronisée
Dydrogestérone ou
Rétroprogestérone
|
Utrogestan Duphaston
|
100 5 à 10
|
200 à 300 20
|
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B. BLANC*, L. BOUBLI**, C.
D'ERCOLE*, L. CRAVELLO*
* Hôpital de la conception 13005 Marseille, ** Maternité de
la Belle de Mai 13003 Marseille
: JOURNÉES
DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE OBSTÉTRIQUE ET
PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19 Janvier 1995
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