Chapitre 5
le traitement hormonal en "prêt à porter"
M. BUHLER
introduction
Pourquoi faire compliqué alors que l'on peut
faire simple ?
Le traitement hormonal de la ménopause (THS)
est utilisé de façon courante en France depuis une quinzaine
d'années.
Les pays d'Europe du Nord utilisent depuis
longtemps les associations estroprogestatives alors que les
Nord-Américains préfèrent encore l'Estrogénothérapie seule.
20% des femmes américaines traitées âgées de plus de 65 ans
ont actuellement un traitement non associé à un progestatif (Réf.1).
Seule la France utilise de façon
préférentielle le traitement "à la carte" associant
les 2 hormones et le plus souvent avec 2 formes galéniques
différentes : gel ou patch + comprimés progestatifs.
Allemagne, Royaume-Uni et Finlande utilisent la voie orale associée.
Les pays du sud, Italie et Espagne, utilisent le "sur
mesure".
Fig 1 Tendance du marché
pharmaceutique : 1989/1993
|
Allemagne |
Espagne |
France |
Royaume U |
Italie |
Finlande
|
Traitement
"sur mesure" |
9% |
41% |
20% |
27% |
8% |
11%
|
Traitement
"Prêt à l'emploi" |
29% |
2% |
20% |
28% |
46% |
2%
|
La France est donc l'un des seuls pays où le
débat existe et ce, de façon souvent très polémique.
Pourquoi le THS serait-il différent dans sa
forme de la pilule contraceptive?
L'idée d'associer séparément les 2 hormones
constituant la pilule contraceptive ne s'est jamais posée. La
simplicité, gage d'efficacité et d'observance a toujours
semblé nécessaire.
La contraception orale doit être efficace,
simple, bien tolérée. Pourquoi doit-on raisonner différemment
au moment de la ménopause ? 70 à 80% des femmes qui
désirent la pilule tolèrent toutes les associations.
Seule une petite minorité a besoin de changer
de pilule ; encore plus rarement, certaines femmes ont
besoin d'une pilule sur mesure.
Jusqu'à une période récente 30% des femmes
en âge de procréer utilisaient une pilule contraceptive. La
légère diminution de ce type de contraception est due
essentiellement à l'obligation d'utiliser des contraceptifs
locaux pour des raisons de protection contre le sida.
Pourquoi doit-on agir différement au moment
de la ménopause ?
Le THS doit être de même manière :
- Efficace
- Bien toléré
- Simple d'utilisation
Le but du traitement, hormis l'amélioration
des troubles fonctionnels, est de prévenir l'apparition de l'ostéoporose
et d'obtenir une protection cardiovasculaire. Seule l'utilisation
à long terme, sur plusieurs années, permet d'obtenir ces résultats.
C'est donc l'observance qui confère
l'éfficacité du THS.
efficacité du ths combiné
Sur les symptômes de la ménopause
Il n'est pas nécessaire de démontrer à
nouveau l'efficacité des traitements sur les troubles
climatériques.
De très nombreux essais cliniques ont
démontré la disparition des bouffées de chaleur, sueurs
nocturnes, une amélioration des syndromes dépressifs et une
meilleure qualité de vie dès le 1er mois de traitement.
7 études internationales utilisant
l'association valérate d'estradiol et acétate de
médroxyprogestérone le confirment (Réf. 2).
Fig 4. Réponses
cliniques chez 24 femmes traitées
Une étude française avec E2V + MPA montre une
efficacité sur les différents paramètres de l'indice de
Kupperman analysé à M0 et M3. Les effets se maintiennent à M6.
Fig 5 : Indice de
Kupperman
SYMPTOMES |
(Poids
statistiques)
|
Bouffées de chaleur
Paresthésies
Troubles du sommeil
Nervosité (irritabilité)
Tendance dépressive
Asthénie
Arthralgies/myalgies
Céphalées
Palpitations
Fourmillements
Vertiges
|
(4)
(2)
(2)
(2)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
(1)
|
COTATION
0 Absent
1 Léger, sans retentissement sur la
qualité de vie de la patiente
2 Moyen, altérant de façon
significative la qualité de vie de la patiente
3 Important, altérant de façon
sévère la qualité de vie de la patiente
|
Kupperman HS, Blatt MHG, Wiesbader H, Filler W, Comparative
clinical evaluation of estrogenic preparations by the menopausal
and amenorrheal indices, J.Clin. Endocrinol. 1953; 13; 668-703
Fig : Évolution de l'indice de
Kupperman
Efficacité sur la prévention de
l'ostéoporose
Si le THS a droit de cité dans les livres de
médecine, ce n'est pas parce qu'il améliore la qualité de vie
des femmes (ce serait un "traitement de confort") mais
bien parce qu'il a une efficacité dans un domaine plus noble: la
prévention de la perte osseuse.
L'ostéopénie débute avant la ménopause mais
est largement accentuée après l'installation de la carence
hormonale. La courbe de perte osseuse physiologique se rapproche
alors de la zone fracturaire chez les femmes dont le capital
osseux pré-ménopausique était faible. Certaines femmes ont de
plus une perte osseuse très rapide dans les deux ans qui suivent
la ménopause.
Les traitements combinés associant estrogènes
naturels et progestatifs nor- stéroïdes ou dérivés de la
17OHPg ont montré leur efficacité sur la prévention de
l'ostéoporose. Christiansen et son équipe depuis 1980
montre même un gain osseux avec les traitements associant en
séquentiel ou en continu estrogène naturel et Acétate de
Noréthistérone (Réf. 3)
De même, l'association E2V + Ac de
cyprotérone montre dès le 3e mois une chute des indices de
résorption osseuse (Réf. 4).
Éfficacité sur le plan
cardiovasculaire
Les études épidémiologiques, que ce soit
celle de Framingham, ou celle des Nurses de Boston, ont permis
depuis quelques années de prouver que les femmes traitées par
estrogènes avaient moins d'accidents cardiovasculaires que les
femmes non traitées.
Le problème posé actuellement est de savoir
si l'adjonction de progestatifs ne diminue pas la protection
cardiaque des estrogènes seuls.
L'étude seule des lipoprotéines est
insuffisante, même si les variables vont dans le sens d'une
amélioration du bilan lipidique, pour affirmer le rôle
protecteur des estroprogestatifs.
Les études prospectives et rétrospectives
vont devoir être menées pour pouvoir apprécier de façon plus
scientifique sur de grandes cohortes si les résultats obtenus
avec les estrogènes seuls sont applicables lorsque l'on associe
un progestatif. Néanmoins, nous savons que sur des variables
telles que la tension artérielle et les lipoprotéines, les
résultats des études montrent une modification dans un sens
favorable.
tolérance - innocuité
Innocuité cardiovasculaire
Bilan lipidique
Toutes les études montrent que les
associations estroprogestatives ont un effet sur le cholestérol
total et le LDL cholestérol : il existe une diminution
significative de ces taux.
Le HDL varie peu, et souvent en fonction des
progestatifs utilisés.
Le lévonorgestrel associé au valérate
d'estradiol fait baisser le HDL de façon significative alors que
le E2 associé au NETA 1mg montre une stabilité du HDL et
augmente même de façon significative lorsqu'il est associé au
MPA (Réf. 1-5)
La tension artérielle
Il n'y a pas de modification de la tension
artérielle avec les associations estroprogestatives;
L'étude sur E2V + MPA ne montre aucune
modification de la tension artérielle systolique.
Hassager (Réf. 6-7) utilise l'association E2V
+ Ac de Cyprotérone à 1mg et la compare à l'association 17 b E2 + 1 mg
d'acétate de noréthistérone cyclique ou de façon continue.
Si l'augmentation d'angiotensinogène est
constante dans les 2 études, il n'y a par contre aucun effet sur
la tension artérielle. Il retrouve même une baisse de la
tension artérielle diastolique à 18 et 21 mois de traitement
par rapport au groupe placebo.
Le poids
La période de la péri-ménopause correspond
à l'âge de la prise de poids. Environ 50% des femmes prendront
8 kg entre 45 et 55 ans (Ref.8). Seule 20% d'entre elles ne
prendront que 1,5 kg et 3% maigriront.
L'étude menée par D. Elia avec le CERIS
(Centre Européen de Recherche et d'Information sur le Surpoids)
a montré les modifications de poids tout au long de la vie
génitale des femmes européennes. Il retrouve les mêmes
chiffres mais, ce qui est intéressant, la prise de poids chez
les femmes prenant un THS est moins fréquente (31% contre 44%)
et moins importante (6,1 kg contre 7,8 kg).
67% des femmes prenant un traitement hormonal
gardent un poids stable.
Les saignements
Depuis que l'on pose la question aux femmes sur
leur raison d'arrêter les THS, nous savons que c'est la
persistance des règles ou leur réapparition qui peut faire
arrêter le THS.
L'association combinée continue permettant
d'instaurer une aménorrhée est théoriquement la réponse à ce
problème. Mais la tolérance de ces traitements, en particulier
la première année, ne permet pas de le donner très
fréquemment.
L'avantage du traitement cyclique est de
programmer les saignements. Leur tolérance est bonne. Il y a -
de 10% de spotting intermenstruels avec l'association E2V + MPA.
Il est possible dans l'avenir d'imaginer qu'un
traitement donnant des hémorragies de privation de façon
trimestrielle, ou même semestrielle, permettra d'allier
protection de l'endomètre aux désir des femmes de ne pas avoir
de règles trop fréquentes.
observance
Les THS combinés ont donc au minimum la même
efficacité et la même tolérance que les associations
dissociées.
On peut penser, par contre, qu'ils permettent
par leur simplicité d'augmenter l'observance et la durée des
traitements. Car si l'intérêt du THS semble actuellement faire
l'unanimité du corps médical, la faible observance et la faible
durée moyenne des traitements posent un problème.
Nous pouvons comparer les proportions de femmes
par pays prenant un THS :
Globalement, la femme allemande est la plus traitée en péri et
post-ménopause. Mais c'est la française qui se voit administrer
le plus de traitements avant l'instauration de la ménopause.
Cette attitude préventive n'existe ni en Italie, ni dans les
pays anglosaxons.
En France, 7 femmes sur 10 traitées en
pré-ménopause arrêteront leur traitement en post-ménopause.
Si nous comparons avec la prise de
tranquillisants, nous voyons par contre que ce sont les
Françaises qui sont les championnes de leur consommation.
Il semble donc que les médecins français
considèrent les tranquillisants comme moins dangereux pour la
santé des femmes que les hormones !
Que faut-il faire pour augmenter l'observance
lorsque l'on sait que tout traitement préventif a une observance
faible.
Les femmes présentant des troubles
climatériques importants ont plus de chance que les
autres ! Gênées dans leur vie quotidienne, elles seront
beaucoup plus motivées pour prendre régulièrement leur
traitement que leurs homologues qui ne se plaindront d'aucun
symptôme.
L'expérience des "hypertensiologues"
est intéressante car ils traitent des patients sans symptôme,
préventivement, pour éviter des complications à court et moyen
termes. Ils ont défini la "règle des moitiés" :
1 hypertendu diagnostiqué sur 2 bénéficie d'un
traitement.
Pour le THS, les chiffres sont
semblables :
- 30% des femmes n'achètent pas le
traitement prescrit
- 20% l'abandonnent avant 9 mois et
- 10% l'utilisent de façon intermittente.
50 à 60% des femmes ne
prennent pas ou prennent mal le traitement qui leur a été
prescrit.
Une étude suédoise portant sur 2 465 femmes
(Réf. 9) entre 55 et 65 ans a permis d'observer que 2 femmes sur
10 avaient bénéficié d'un traitement mais seulement
1 sur 10 avait persévéré. C'est lors de la 1ere
année (49%) que les femmes abandonnent le traitement; et en
dehors de la gène occasionnée par la réapparition des règles,
c'est la peur du cancer qui provoque en 1er l'arrêt intempestif
du traitement.
Différents auteurs donnent des recommandations
pour augmenter l'observance des traitements quels qu'ils
soient :
L'observance s'améliore :
Si les médecins sont convaincus de leur
prescription
Il est étonnant de constater que toutes les
études sur le THS ayant pour but de vérifier l'observance
montrent des taux de continuation aux environs de 80 à 90% ce
qui est donc tout à fait éloignés des chiffres que nous venons
de voir.
Nachtigall (Réf.10) observe 7% d'arrêt à un
an.
Si les patientes sont informées
Il faut systématiquement vérifier avec elles
les idées fausses se rapportant au THS :
- expliquer la différence entre
"fausses règles" et fécondité
- parler de la prise de poids
- et surtout, ne pas oublier de parler de
la peur du cancer qui a elle seule est responsable de la grande
majorité des arrêts prématurés.
Si les médecins pensent en prescrivant à
l'observance future
- en faisant des ordonnances lisibles,
simples : au delà de 3 prescriptions différentes,
les pharmacologues considérent que l'on ne contrôle plus les
effets du traitement.
- en donnant le choix à la patiente de la
forme galénique, ce qui pour la ménopause revient à
demander à la femme : préférez-vous utiliser un gel, un
timbre, un comprimé, une association unique ou un traitement à
la carte ?
- en sachant que les mots ne sont pas toujours
compris de la même manière entre médecin et patient. L'exemple
connu du médecin annonçant "vous êtes hypertendu"
est entendu "c'est vrai je suis trop nerveux". La
réponse médicale évidente est: "vous devez prendre un
traitement anti-HTA". Alors que la réponse logique du
patient est : "je vais me mettre au calme, je n'aurai pas
besoin de traitement" (Réf. 11-12).
conclusion
Si l'on pense que les traitements "tout
faits" ont
- une efficacité importante,
- une tolérance satisfaisante,
- des effets secondaires comparables à
ceux des traitements "à la carte",
la logique de la simplicité, et donc de
l'observance, fait que ce devrait être une prescription de 1ère
intention, quitte bien évidemment, si cela était nécessaire,
de changer pour un traitement adaptable.
On peut citer l'évaluation faite par des
patientes à qui on a donné pendant 6 mois l'association
E2V + MPA. 128 d'entre elles prenaient auparavant un autre
traitement.
- 72% ont préféré cette association
qu'elles ont trouvé : plus efficace à 26%, mieux tolérée
à 41% et surtout moins astreignante pour 64% d'entre elles.
- 87% ont décidé de continuer ce
traitement après l'arrêt de l'étude.
Actuellement en France, c'est souvent dans le
sens inverse que se font les prescriptions: chaque médecin fait
ses propres associations, ce qui, d'un point de vue épidémiologique
en tout cas, n'est pas souhaitable. Aucune étude sérieuse ne
peut se faire, le nombre de traitements différents étant trop
important. Quant à l'observance, nous savons ce qu'elle est
actuellement en France.
Nous pouvons citer les conclusions publiées
dans le Quotidien du Médecin suite à la parution d'une
enquête faite aux USA sur le THS et qui montre:
- que les estrogènes à long terme sont
plus utiles que dangereux
- que même si l'on écarte la baisse du
risque cardiovasculaire, il y a un gain de 118 années de vie
sans handicap en faveur du THS (Réf. 13)
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14. Raudrant D, Intérêt de Divina® dans
l'hormonothérapie substitutive de la ménopause, Réf.
Gynécol. Obst. 1994 n°2 - TAP
Docteur Marianne BUHLER - Hôpital
Jean Rostand - Sèvres
: JOURNÉES DE TECHNIQUES AVANCÉES EN GYNÉCOLOGIE
OBSTÉTRIQUE ET PÉRINATALOGIE PMA, Fort de France 12 - 19
Janvier 1995
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