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Titre: Une supplémentation en minéraux et en micronutriments a-t-elle une place chez l'enfant et l'adolescent ? L'exemple du fer, du calcium et de la vitamine D
Année: 2005
Auteurs: - Duhamel J F.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

Une supplémentation
en minéraux et en micronutriments a-t-elle une place
chez l'enfant et l'adolescent ?
L'exemple du fer, du calcium
et de la vitamine D

J.-F. DUHAMEL, I. SEVIN, A. ARION, M. LAURANS*

On pourrait légitimement concevoir que dans notre pays, avec la spectaculaire évolution du niveau de vie depuis 50 ans, les situations de déficits du statut minéral et en micro-nutriments dans les populations d'âge pédiatrique soient devenues exceptionnelles.

La réalité est différente pour un ensemble de raisons que nous allons essayer d'expliciter.

•   Les déficits d'apports représentent, et de loin, la première cause de déficit. Ils intéressent principalement pour les minéraux : le calcium et le magnésium, pour les oligo-éléments, le fer et le zinc, pour les vitamines, la vitamine D, et à un moindre degré, les vitamines C, folates, B12 et A. A l'énoncé de ces divers paramètres, il apparaît que ceci correspond à un déficit d'apport en laitages d'une part, en viande ou poisson, mais aussi en fruits frais et en légumes verts d'autre part. Les périodes de croissance rapide donc la pré-adolescence et l'adolescence, augmentent les besoins donc majorent aussi les risques de carence, les régimes restrictifs comme on les observe chez les jeunes filles trop soucieuses de leur ligne représentent également un risque majeur. Enfin, le développement de la restauration rapide et la presque généralisation de la consommation d'aliments transformés, donc souvent appauvris en vitamines, s'ajoutent aux paramètres précédents.

   Comme nous le reverrons, 25 % environ des adolescents de 13 à 15 ans ont un apport en calcium ou en fer inférieur ou très inférieur aux apports conseillés en 2001 pour la population française (1).

•   Le second mécanisme, plus rare, est celui d'un trouble du métabolisme des minéraux ou micro-nutriments lié à une pathologie de la muqueuse intestinale, à une insuffisance pancréatique, hépato-biliaire, à une maladie inflammatoire du tube digestif ou à une néphropathie. Ceci s'observe dans les intolérances aux protéines du lait de vache, ou au gluten, la mucoviscidose, les cirrhoses et insuffisances hépatiques, les néphropathies. Il faut y ajouter les troubles d'origine génétique plus rares et spécifiques de certains micro-nutriments, zinc et cuivre pour les oligo-éléments, folates, B12, vitamine D pour les vitamines.

•   La troisième situation plus « physiologique » est celle où existe une augmentation des besoins, nous avons déjà évoqué les périodes de croissance staturo-pondérale rapide ; il faut y ajouter l'activité physique intense comme on l'observe chez les enfant sportifs de haut niveau (2) ou les rares situations de grossesse et d'allaitement chez les adolescentes.

•   la quatrième situation est liée d'une part à l'usage des poisons sociaux qui interfèrent avec le métabolisme de certains micro-nutriments : tabac pour la vitamine C, alcool pour les vitamines B1 et B6, d'autre part, aux conséquences de l'utilisation de certaines molécules médicamenteuses, antibiotiques pour le statut en vitamine K, B12 ou en folates, anti-convulsivants la vitamine D et les folates, anti-inflammatoires pour la vitamine C,
chélateurs des acides biliaires pour les vitamines liposolubles, contraception orale pour les vitamines du groupe B. Les exemples sont donc
nombreux et si les conséquences de ces déficits ont avant tout une expression biologique, elles peuvent néanmoins faciliter une fragilité aux infections, c'est le cas pour le fer, le zinc, les vitamines A, C, E, D, folates et B6, réduire le rendement physique et intellectuel comme on l'observe dans les déficits en fer, ou retentir sur le développement de la masse osseuse comme ceci s'observe dans les déficits d'apport en calcium et en vitamine D.

Nous allons faire une revue rapide des trois situations les plus fréquemment rencontrées dans notre pays : déficit en fer, en calcium et en vitamine D.

Le fer

Rappelons d'abord quelques données essentielles de son métabolisme. A partir d'un stock de 290 mg à la naissance, 470 mg à 1 an et 900 mg à 3 ans, l'organisme doit contenir en fin d'adolescence, 35 mg/kg de fer pour le sexe féminin et 45 mg/kg pour le sexe masculin (3).

Le fer joue un rôle essentiel dans le transport de l'oxygène, donc dans les activités physiques et intellectuelles, mais aussi au niveau de l'immunité. Halterman et al en 2001, dans une large étude portant sur 5 398 enfants ont insisté sur les conséquences d'une carence martiale sur les performances
scolaires, particulièrement en mathématiques (4). Ceci s'ajoute aux données récentes de Lozoff sur les conséquences d'un déficit en fer sur le développement du cerveau en période néonatale (5).

Quelle est dans la période actuelle l'importance de ce déficit en Pédiatrie ? Si chez l'enfant entre 6 et 10 ans, la majorité des études conduisent à une prévalence très réduite de la carence en fer et même de ferritinémies inférieures à 10 ng/ml (6), la situation est très différente à l'adolescence et particulièrement dans le sexe féminin.

En 1994, dans une large étude dans le Val de Marne, Préziosi et al ont objectivé une carence chez 14 % des jeunes enfants et 15 % des adolescentes (7). Dans une étude Finlandaise de Kivivioru et al, la proportion de ferritinémies inférieures à 16 ng/ml augmente de 3 % en début de puberté à 30 à 35 % en fin de puberté (8). D'autres études internationales, en Suède, au Canada, aux Etats-Unis et Autriche, confirment la fréquence de la carence martiale à l'adolescence, 9 à 15 % chez les garçons, 23 à 42 % chez les filles.

Plus récemment, une étude multicentrique espagnole chez des enfants de 13 à 18 ans, situe à 9.2 % chez les garçons et 44.8% chez les filles, le niveau des apports en fer inférieurs aux 2/3 des recommandations (9). En 2004, Harris place la carence martiale parmi les trois plus importants troubles nutritionnels du XXIe siècle (10).

Ces données incitent à être particulièrement vigilant chez les adolescents quant à leurs apports, en aliments riches en fer, bien absorbés comme la viande et le poisson. Compte tenu de leur mode d'alimentation, il peut être justifié s'il apparaît des signes cliniques d'appel en faveur d'un déficit, de revoir le régime, voire de proposer une supplémentation pendant 1 à 2 mois.

L'interprétation de la fréquence des carences martiales chez les adolescentes doit prendre en compte, outre un défaut d'apport, une augmentation des besoins en période de croissance rapide et des pertes supplémentaires chez les jeunes filles : 0,5 à 1 mg/j. (Tableau 1).

Le calcium

Pour aborder ce second exemple, il est également nécessaire de rappeler quelques données de son métabolisme (11). A partir d'un stock néonatal d'environ 30 g, puis de 80 g à 1 an et de 400 g à 10 ans, va apparaître en période prépubertaire, puis pubertaire, une majoration de l'accrétion du calcium qui peut atteindre 400 mg/jour aux stades 3 à 5 Tanner, et aboutir à un stock en fin de croissance de 900 à 1 000 g pour le sexe féminin, et 1 200 g pour le sexe masculin. (12)

Encore faut-il que plusieurs conditions soient réunies : le trépied majeur comprend :

•   un apport journalier de calcium réévalué par l'AFSSA en 2001 à 1 200 mg/j dès l'âge de 10 ans (Tableau 1) ;

•   un statut en vitamine D normal ;

•   une activité physique journalière.

Il s'y ajoute le statut en magnésium avec un apport journalier de 280 à 410 mg/jour entre 10 et 19 ans, et des facteurs génétiques.

Les études les plus récentes nous apportent des informations importantes. Si chez les enfants de 6 à 10 ans, les apports calciques sont proches des recommandations de l'AFSSA (Tableau I), chez les pré-adolescents et adolescents, au contraire, on observe pour le sexe féminin 25 à 30 % de carence. Cette situation préoccupante correspond essentiellement à un défaut d'apport en produits laitiers. Elle s'observe dans les populations rurales et citadines de notre pays, elle est également rapportée en Espagne (9.13). Des efforts sont donc nécessaires, au moment de nos consultations, pour convaincre les adolescentes de consommer suffisamment de laitages et d'y associer une activité journalière suffisante. Les pouvoirs publics informés des heures passées chaque jour par des enfants et adolescents devant les postes de télévision ou les ordinateurs devraient imposer au moins 1 heure de sport par jour dans les collèges et les lycées ; ceci participerait à aider à la fixation osseuse du calcium majorée de façon significative par l'exercice physique, mais aussi à ralentir la croissance galopante de l'obésité (10, 14).

Le troisième volet de notre trépied est le statut en vitamine D.

La vitamine D

Depuis l'enrichissement en 1992 des laits infantiles en vitamine D, la politique de supplémentation systématique de tous les nouveau-nés et nourrissons, même ceux allaités par leur mère, le rachitisme carentiel s'est très largement réduit dans notre pays comme dans ceux qui nous entourent au cours des premières années de la vie, hormis chez les populations d'origine africaine ou asiatique (10, 15). Au cours des années suivantes, et plus spécifiquement entre 5 à 10 ans, nous ne disposons que de très peu de données sur le statut en vitamine D des enfants.

A partir de l'âge de 10 ans, au contraire, plusieurs études ont mis en évidence des taux de vitamine D inférieurs à 6 ng/ml chez 25 % des sujets en fin d'été et même 38 % chez ceux en fin de puberté ; il s'y associe une élévation de la PTH (16, 17, 18). La seconde information de ces travaux est l'effet bénéfique de charges orales de 100 000 UI de vitamine D sur le statut biologique qui incite à généraliser cette mesure en octobre de chaque année chez tous les 10-16 ans. Mallet et al ont rapporté en 2004, 41 rachitisme symptomatique de l'adolescent dans une large étude multicentrique effectuée entre 1985 et 2000 (15) ; il existait des douleurs osseuses, des déformations et même pour 15 % des convulsions. Le taux moyen de 25 OHD était à 5 ng/ml des anomalies osseuses présentes dans 50 % des cas avec des bandes claires métaphysaires et une déminéralisation. Ces adolescents étaient pour 80 % d'origine africaine ou asiatique, ceci corrobore les études anglaises. (19).

Conclusion

Ces trois exemples illustrent les conditions de survenue et la réalité de carences biologiques plus rarement aggravées de manifestations cliniques chez des adolescents de notre pays. Les évolutions sociologiques actuelles, celles des modes d'alimentation de beaucoup de ces jeunes, sont largement responsables de cette situation. Des conseils diététiques à chaque consultation et des supplémentations minérales et/ou en micro-nutriments quand elles sont nécessaires doivent permettre de mieux prévenir ou de corriger les déficits.

Bibliographie

[1]   BEAUFRERE B, BRIEND A, GHISOLFI J, GOULET O, PUTET G, RIEU D et al. Nourrissons, enfants et adolescents. In : MARTIN A eds. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Londres - Paris - New York. Tec et Doc 2001 : 255-291.

[2]   BELLISLE F, BERTA JL, BRESSON JL, DUHAMEL JF, GUILLAND JC, VIDAILHET M et al. Apports nutritionnels conseillés pour les enfants et adolescents sportifs de haut niveau de performance. First ed. Londres - Paris - New York. Tec et Doc ed, 2004 ; p 120.

[3]   DUHAMEL JF, ARION A, SEVIN I, LAURANS M. Carence martiale récidivante du jeune enfant : que rechercher, que faire ? Realités Pediatr 2004 ; 89 : 53-6.

[4]   HALTERMAN JS, KACZOROWSKI JM, ALIGNE A, AUINGER P, SZILAGYI PG. Iron deficiency and cognitive achievement among school-aged children and adolescents in the United States. Pediatrics 2001 ; 107 : 1381-6.

[5]   LOZOOF B. Perinatal iron deficiency and the developing brain. Pediat Res 2000 ; 48 : 137-9.

[6]   SIIMES MA, KALLIO M K, PERHEENTUPA J, SALMENPERA L. Effects of heredity on hemoglobin. J Pediatr 1994 ; 124 : 100-2.

[7]   PREZIOSI P, HERCBERG S, GALAN P et al. Iron status of a healthy french population : factors determining biochemical markers. Ann Nutr Metab 1994 ; 38 : 192-202.

[8]   KIVIVIORU SM, ANTTILA R, VIINIKA J, PESONEN K, SIIMES MA. Serum transferin receptor of the assessment of iron status in healthy prepubertal and early pubertal boys. Pediatr Res 1993 ; 34 : 297-9.

[9]   SERRA MAJEM L, RIBAS L, NGO J, ARANCETA J, GARAULET M, CARAZO E et al. Risk of inadequate intakes of vitamins A, B1, B6, C, E, folate, Iron and calcium in the Spanish population aged 4 to 18. Int J Vitam Nutr Res 2001 ; 71 : 325-31.

[10]   HARRIS RJ. Nutrition in the 21st century : what is going wrong ? Arch Dis Child 2004; 89: 154-8.

[11]   DUHAMEL JF, LAURANS M, HAMEL A, BACH N. Le calcium à l'adolescence : quoi de neuf ? Paediatrica 2002 ; 13 : 22-4.

[12]   ABRAMS SA, GRUSAK MA, STUFF J, O'BRIEN KO. Calcium and magnesium balance in 9-14 -y-old childen. Am J Clin Nutr 1997 ; 66 : 1172-7.

[13]   KERSTETTER JE. Do diary products improve bone density in adolescent girls ? Nutr Rev 1995 ; 53 : 328-32.

[14]   ANDERSON JJB. The important role of physical activity in squeletal development : how exercice may counter low calcium intake. Am J Clin Nutr 2000 ; 71 : 1384-6.

[15]   MALLET E, GAUDELUS J, REINERT P, LE LUYER B, LECOINTRE C, LEGER J et al. Le rachitisme symptomatique de l'adolescent. Arch Pediatr 2004 ; 11 : 871-8.

[16]   ZEGHOUD F, DELAVEYNE R, REHEL P, CHALAS J, GARABEDIAN M, ODIEVRE M. Vimanine D et maturation pubertaire. Intérêt et tolérance d'une supplémentation vitaminique D en période hivernale. Arch Pediatr 1995 ; 2 : 221-6.

[17]   DUHAMEL JF, ZEGHOUD F, SEMPE M, BOUDAILLIEZ B, ODIEVRE M, LAURANS M et al. Prophylaxie de la carence en vitamine D chez l'adolescent et le pré-adolescent. Etude interventionnelle .multicentrique sur les effets biologiques d'un apport répété de 100 000 UI de vitamine D. Arch Pediatr 2000 ; 7 : 148-53.

[18]   CHENG S, TYLAVSKY F, KROGER H, KARKKAINEN M, LYYTIKAINEN A, KOISTINEN A et al. Association of low 25-hydroxyvitamin D concentrations with elevated parathyroïd hormone concentrations and low cortical bone density in early pubertal and prepubertal Finnish girls. Am J Clin Nutr 2003 ; 78 : 485-92.

[19]   SHAW NJ, PAL BR. Vitamine D deficiency in UK Asian families : activating a new concern. Arch Dis Child 2002 ; 86 : 147-9.

* CHU Clémenceau 14000 Caen.

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   UNE SUPPLéMENTATION EN MINéRAUX ET EN MICRONUTRIMENTS...   181

Tableau I. Apports en fer, calcium et vitamine D conseillés par l'AFssa en 2001
chez l'enfant et l'adolescent.

  ˙

˙Fer

˙Calcium

˙Vitamine

 
˙  ˙ 

˙mg

˙mg

˙mg

˙Enfants 4-6 ans ˙7

˙700

˙5

 
˙Enfants 7-9 ans ˙8

˙900

˙5

 
˙Enfants 10-12 ans ˙10

˙1200

˙5

 
˙Adolescents 13-19 ans ˙13

˙1200

˙5

 
˙Adolescents 13-19 ans ˙16

˙1200

˙5

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