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Titre: Faut-il dépister les hypercholestérolémies familiales ?
Année: 1998
Auteurs: - Girardet J.P
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

Faut- il dépister les hypercholestérolémies familiales ?

J.Ph. GIRARDET

Gastro-entérologie et Nutrition Pédiatriques

Hôpital Armand-Trousseau : 26 Avenue du Dr A. NETTER 75O12 PARIS

L'hypercholestérolémie familiale (H.F.) provient de défauts du récepteur LDL. Ce récepteur assure l'endocytose des LDL par interaction avec l'apolipoprotéine B. Le gène du récepteur est unique, localisé sur le bras court du chromosome 19. L'H.F. se transmet sur le mode dominant.

Sa forme hétérozygote a une prévalence de un individu sur 500 ce qui la situe comme la plus fréquente des maladies monogéniques dans les pays développés. Elle donne lieu dès l'enfance à une hypercholestérolémie pure dont le niveau est déjà largement supérieur à 300 mg/dl, pouvant s'étager entre 300 et 500 mg/dl. Mais cette anomalie biologique reste en pédiatrie isolée, généralement découverte de façon fortuite ou dans le cadre d'un bilan familial chez un enfant en parfaite santé, indemne de tout symptôme ; les complications cardio-vasculaires sont plus tardives ne survenant qu'après l'âge de 30 ou 40 ans.

On peut donc s'interroger sur l'intérêt de dépister ce type d'hypercholestérolémie au cours de l'enfance et sur le bénéfice en terme de risque cardio-vasculaire que peut procurer une prise en charge précoce de cette anomalie biologique.

 

1 - Intér't du dépistage de l'H.F. chez l'enfant

Chez l'adulte de nombreuses études épidémiologiques prospectives ont mis en évidence l'existence d'une relation positive forte, continue, curvilinéaire entre la concentration du cholestérol total (CT) plasmatique et le risque de cardiopathie ischémique (CI) ; cette relation est encore plus étroite si l'on considére la fraction LDL du cholestérol. D'autres facteurs de risque indépendants ont également été isolés ; en particulier le tabagisme, l'obésité, l'hypertension artérielle, le diabéte ou la sédentarité, et ces facteurs doivent être pris en compte parallélement à l'hypercholestérolémie. Cependant, il est maintenant bien établi que les traitements diététiques ou médicamenteux donnés chez les adultes hypercholestérolémiques pour abaisser le taux de cholestérol permettent une diminution de la mortalité coronarienne ; cet effet est particuliérement clair en ce qui concerne la prévention secondaire des CI mais a également été démontré dans le cadre de la prévention primaire et confirme l'existence d'une relation causale entre l'augmentation du LDL-cholestérol et la maladie coronarienne (1).

Sur ce sujet, il n'y a pas chez l'enfant d'études comparables à celles qui ont été menées chez l'adulte puisque les complications coronariennes n'apparaissent généralement que plusieurs décennies plus tard, à partir de l'âge de 30 ou 40 ans. Aussi le rôle prédisposant de l'hypercholestérolémie de l'enfance sur le risque ultérieur de CI ne repose que sur des arguments indirects. Des études autopsiques ont ainsi révélé que les lésions d'athérosclérose commençaient à se constituer précocement au cours de l'enfant et que la prévalence de ces lésions, mais aussi leur extension sur l'aorte et les artéres coronaires étaient positivement corrélées avec les concentrations plasmatiques de VLDL et de LDL-cholestérol mesurées avant le décés (2). En réalité la meilleure preuve que l'hypercholestérolémie de l'enfant prédispose au développement précoce d'une CI est apportée par les sujets atteints d'hypercholestérolémie familiale ; au cours de cette affection responsable dés le trés jeune âge d'une hyper-LDL-cholestérolémie pure, les individus hétérozygotes développent en effet fréquemment une cardiopathie ischémique avant l'âge de 50 ans, tandis que chez les sujets homozygotes, la survenue d'une maladie coronarienne est quasi-inéluctable avant l'âge de 20 ans (3).

Le dépistage précoce des ces enfants qui, dés le jeune âge, ont un facteur de risque cardio-vasculaire sur lequel il est possible d'intervenir, apparaît donc comme l'un des éléments d'une approche rationnelle de la prévention de la maladie coronarienne. L'hypercholestérolémie familiale dans sa forme hétérozygote est en effet une affection fréquente et il est logique de penser que, si l'abaissement du taux de cholestérol chez les adultes permet de diminuer sur quelques années le risque de CI, on obtiendra un effet préventif encore meilleur en abaissant le taux de cholestérol pendant l'enfance, à un stade moins avancé des lésions athéromateuses, et en maintenant cet abaissement sur plusieurs décennies.

Aussi la principale question actuellement n'est plus de savoir s'il faut dépister l'hypercholestérolémie chez l'enfant, mais plutôt de déterminer quelle est la meilleure stratégie pour dépister les enfants à haut risque de CI c'est à dire ceux qui sont atteints d'hypercholestérolémie familiale.

 

2 - Stratégie du dépistage

Deux conceptions s'opposent concernant les modalités du dépistage de l'hypercholestérolémie chez l'enfant : celle qui prône le dépistage systématique par le dosage du cholestérol chez tous les enfants ; et celle qui défend le dépistage ciblé en fonction des facteurs de risque génétiques et éventuellement environnementaux (4,5)

Trois études longitudinales nord-américaines ont mesuré la cholestérolémie chez de grandes populations d'individus depuis l'enfance ou l'adolescence jusqu'à l'âge adulte et permettent donc d'évaluer son degré d'alignement avec le temps. La Fels longitudinal study (6) révéle que le coefficient d'alignement du CT et du LDL-cholestérol mesurés annuellement entre l'âge de 9 ans et l'âge de 21 ans est de 0,7, témoignant du fait qu'une hypercholestérolémie posséde, pour une enfant de 9 ans, une assez bonne valeur prédictive d'avoir à l'âge de 21 ans, une cholestérolémie élevée ; toutefois, dans la Beaver country study (7) et dans la Muscatine study (8), seulement 41% et 43% des enfants ou adolescents qui avaient une cholestérolémie élevée (supérieure au 80e ou au 90e percentile) conservaient des valeurs du même ordre à l'âge adulte.

Il existe donc un alignement des valeur du cholestérol plasmatique entre l'enfance et l'âge adulte mais il est imparfait ; et de façon générale, l'élévation du cholestérol sanguin chez l'enfant ne constitue qu'un facteur de risque d'hypercholestérolémie à l'âge adulte, laquelle est à son tour un facteur de risque de CI (4). Le danger est donc grand que le dépistage systématique conduise à prescrire des restrictions alimentaires abusives et à provoquer des inquiétudes injustifiées chez de nombreux enfants.

L'augmentation du risque de CI n'étant prouvé de façon indiscutable que chez les sujets ayant une hypercholestérolémie familiale, génétiquement transmise, la tendance actuelle est donc de s'orienter vers un dépistage ciblé. Ainsi l'American Academy of Pediatrics (4) recommande de ne doser le cholestérol plasmatique que chez les enfants dont les parents ou les grands parents ont eu un infarctus myocardique documenté, une coronarographie anormale ou un accident vasculaire cérébral avant l'âge de 55 ans, ainsi que chez les enfants dont les parents ont un taux de cholestérol plasmatique supérieur ou égal à 240 mg/dl. Le comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie a adopté une attitude trés comparable (9). Toutefois, si le dosage sélectif ou ciblé du cholestérol en fonction des antécédents familiaux améliore la valeur prédictive du dépistage vis à vis du risque ultérieur de CI, il en diminue considérablement la sensibilité puisque d'aprés certaines études un tiers à la moitié des enfants hypercholestérolémiques ne seraient pas dépistés par cette méthode (5). Aussi le National Cholesterol Education Program (10) propose-t-il d'étendre le dépistage aux enfants dont les antécédents familiaux sont inconnus et à ceux qui ont d'autres facteurs de risque tels que l'obésité, le tabagisme, une alimentation riche en graisse, une hypertension ou un diabéte.

Quelque soient les modalités du dépistage chacun s'accorde sur le fait qu'il ne doit pas être réalisé dans la période néonatale car, à cet âge, la concentration plasmatique des lipoprotéines est trés dépendante de différents facteurs environnementaux et materno-foetaux. C'est vers l'âge d'un an que les mécanismes de régulation s'adaptent de façon plus fine et que le taux de cholestérol échappe aux influences de l'environnement ; mais ce n'est qu'à partir de l'âge de 4 ans que les taux de cholestérol sont corrélés avec les taux mesurés à l'âge de 11 ans et acquiérent donc une certaine valeur prédictive.

Au total, il se dégage actuellement des différents travaux et rapports d'experts sinon un consensus, du moins une tendance assez forte pour conseiller de dépister l'hypercholestérolémie chez les enfants qui ont des facteurs de risque, notamment génétiques, et d'effectuer le dosage aprés l'âge de 4 ans.

 

REFERENCES

1 - HEPHERS J., COBBE S.M., FORD V. et al, ´†Prevention of coronary heart disease with pravastatin in men with hypercholesterolemia†ª. N. Engl. J. Med. 1995, 333 : 1301-1307.

2 - NEWMAN W.P., FREEDMLAN D.S., VOORS A.W. et al. ´†Relation of serum lipoprotein levels and systolic blood pressure to early atherosclerosis†ª. N. Engl. J. Med, 1986, 314 : 138-144.

3 - GOLDSTEIN J.L., BROWN MS, ´†Familial hypercholesterolemia†ª. In SCRIVER CR., BEAUDET AL., SLY WS., The metabolic basis of inherited disease. 6th edit. Highstown : New Jersey, Mc GRAW Hill, 1989, pp 1215-1250.

4 - American Academy of Pediatrics - committee on nutrition. ´†Statement on cholesterol†ª. Pediatrics,1992, 90 : 469-73.

5 - PRIMROSE ED., SAVAGE JM., BOREHAM CA et al., ´†Cholesterol screening and family history of vascular disease†ª. Arch. Dis. Child, 1994, 71 : 239-42

6 - GUO S., BECKETT L., CHUMLEA C. et al, ´†Serial analysis of plamas lipids and lipoproteins from individuals 9-21 y of age†ª. Am. J. Clin. Nutr, 1993, 58 : 61-67

7 - STUHLDREHER WL., ORCHARD TJ., DONAHUE RP. et al, ´†Cholesterol screening in childhood : sixteen years Beaver country lipid study experience††ª J. Pediatr. 1991, 119 : 552-556

8 - LAUER RM., LEE J., CLARKE WR, ´†Factors effecting the relationship between chilhood and adults cholesterol levels. The muscatine study†ª. Pediatrics, 1988, 82 : 309-18

9 - Société Française de Pédiatrie - Comité de Nutrition. ´†Contrôle diététique de la cholestérolémie et prévention de l'athérome†ª. Arch. Fr. Pediat,. 1987, 44 : 211-17

10 - National Cholesterol Education Program. ´†Report of the expert panel on blood cholesterol levels in children and adolescents.†ª. Pediatrics, 1992, 89 : 525-84