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Titre: Dépistages de la mucoviscidose : conséquences attendues
Année: 1998
Auteurs: - Sarles J.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Mucoviscidose

Dépistages de la mucoviscidose :conséquences attendues.

J. Sarles - Marseille

 

La découverte en 1989 du gène CFTR et de mutations responsables de la mucoviscidose avait créé l'espoir d'une méthode diagnostique simple et fiable, éventuellement applicable à un dépistage de masse, ce que n'offrait pas le test de la sueur. Malheureusement, la mise en évidence d'un très grand nombre de mutations (plus de 700 connues à ce jour) est rapidement venue tempérer l'enthousiasme initial. Il est toutefois possible d'envisager à différents stades de la vie un dépistage des porteurs sains par une recherche des mutations les plus fréquentes dans une population donnée. Par ailleurs, l'affinement des techniques d'échographie obstétricale a permis d'identifier au niveau de l'abdomen foetal des signes évocateurs de mucoviscidose, et de réaliser ainsi un véritable dépistage antenatal. Enfin, des indicateurs biologiques d'atteinte pancréatique sont significativement associés à la mucoviscidose, permettant un dépistage néonatal. Ainsi dispose-t-on de plusieurs outils de dépistage applicables à différentes étapes : préconceptionnel, ante- ou néo-natal. Les questions qui se posent ne sont donc plus tellement d'ordre technique mais plutôt liées aux objectifs et à la pertinence de tels dépistages. Nous aborderons les problèmes posés par ces différentes méthodes, à l'exclusion du dépistage échographique obstétrical.

Dépistage des hétérozygotes :

D'un point de vue technique, le repérage systématique des hétérozygotes est possible, notamment dans des populations génétiquement homogènes comme en Bretagne (1). Toutefois, compte tenu du très grand nombre de mutations connues, la recherche ne peut jamais être exhaustive, et un nombre non négligeable d'individus echappera à un tel dépistage. Plusieurs stratégies sont possibles, qui posent des problèmes de nature différente.

On peut envisager un dépistage de masse de toute la population ou, pour des raisons d'économie, dépister dans un premier temps les sujets de sexe féminin et, secondairement, les conjoints des femmes porteuses d'une mutation. Ces deux approches posent des problèmes d'ordre éthique, mais également d'éfficacité. Une étude anglaise montre que 3 ans après le dépistage, 50% des sujets négatifs pensent que le résultat est définitif (bien qu'ils aient été informés que la recherche de mutations n'était pas exhaustive) et que 16% des positifs croient que l'anomalie n'est que transitoire (2). De plus, la connaissance du statut hétérozygote entraine de manière significative une moins bonne perception de son propre état de santé, mais ne semble pas modifier les projets de fécondation (2). Le dépistage de masse des hétérozygotes peut également être organisé à la naissance, en association avec les dépistages obligatoires (phénylcétonurie, hypothyroïdie...). Le repérage d'un enfant permettrait, en remontant aux parents, d'identifier les couples à risque. Toutefois 50% des couples (dans le meilleur des cas, avec une recherche exhaustive des mutations) ne bénéficieraient pas d'une telle stratégie : 25% auraient un enfant porteur de deux mutations, donc atteint, et 25% ne seraient pas repérés du tout (3). De plus, l'expérience du dépistage de la Thalassémie majeure dans les pays méditérranéen nous a appris que les porteurs sains oublient le plus souvent leur statut au moment de choisir leur partenaire (4). Le bénéfice à long terme d'une telle stratégie n'est donc pas certain.

Une autre approche est de faire une information de la population générale et de ne proposer le dépistage qu'à ceux ou celles qui en font une demande volontaire. Cette attitude, sans doute moins "eugénique", est probablement moins efficace en termes de santé publique. Toutefois, il a été calculé que si 10% des adultes jeunes se faisaient tester et informaient leurs apparentés d'un resultat positif, 30% des hétérozygotes seraient identifiés en testant seulement 11% de la population (5). Par ailleurs, si on demande à des couples de la population générale s'ils veulent être dépistés, 81% de ceux qui répondent optent pour un dépistage avec, en général, intention d'interruption de grossesse en cas d'atteinte foetale (6).

Une dernière stratégie est de ne proposer un dépistage qu'aux couples à risque dans l'entourage d'un malade atteint de mucoviscidose et d'élargir, en cascade, autour des sujets hétérozygotes avérés. Il ne s'agit plus, à proprement parler d'un dépistage, mais d'une logique médicale d'enquète familiale comme on en fait, par exemple, face à une maladie contagieuse comme l'hépatite à virus B. Le taux de couverture des hétérozygotes dépistés avec une telle stratégie n'a pas été évalué.

En ce qui concerne les conséquences d'un dépistage sur l'incidence de la maladie, il est intéressant de noter que, au Royaume-Uni, 90% des couples de la population générale repérés à haut risque (1/4) optent pour un diagnostic prénatal suivi d'une interruption de grossesse en cas d'atteinte foetale (7). On pourrait se demander si un chiffre aussi élevé n'est pas influencé par le type d'informations délivrées par le corps médical mais la majorité des patients mucoviscidosiques et de leurs parents sont favorables à un dépistage de masse des hétérozygotes (respectivement 78% et 90%), à un diagnostic antenatal pour les couples à risque (88% et 90%) dans le but d'une interruption de grossesse (68 et 84%) (8). Il faut également garder à l'esprit qu'un couple dans le quel le dépistage a montré la présence d'un hétérozygote et d'un homozygote négatif a un risque supérieur à celui de la population générale.

Quelles que soient les stratégies envisagées, elle supposent donc la mise en place de structures d'information et de consultations de conseil génétique à la fois très rigoureuses et très disponibles. Actuellement, la découverte de nombreux hétérozygotes dans certains programmes de dépistage néonatal qui utilisent la biologie moléculaire est considérée comme un facteur limitant à la généralisation de telles stratégies du fait de l'incertitude sur les moyens de prise en charge de ces porteurs sains (9).

Dépistage néonatal

Le dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose est toujours l'objet de discussions, et aucun pays ne l'a encore intégré aux dépistages de masse installés en routine, comme pour la phénylcétonurie ou l'hypothyroïdie. Si la fréquence et la gravité de la mucoviscidose en font un candidat théoriquement tout désigné pour une action de santé publique, deux écueils ont jusqu'à ce jour freiné la mise en place de programmes de grande envergure : d'une part le test de référence, la Trypsine ImmunoRéactive (TIR) ne répond pas aux critères de sensibilité mais surtout de spécificité exigés et, d'autre part l'absence de traitement curatif de la maladie va à l'encontre d'un des critères majeurs de sélection des maladies susceptibles d'être dépistées.

La TIR mesurée à partir d'un prélévement sur carton séché prélevé au 3ème jour de vie, a une sensibilité de 90 à 95%, et proche de 99% si on rajoute les cas d'iléus méconial. Sa spécificité par contre est faible (0,7 à 2% de faux positifs), contraignant au rappel d'un nombre exagérément élevé d'enfants normaux (10). C'est la raison pour laquelle la plupart des centres de dépistage y associent la recherche de la mutation DF 508. Cette stratégie à deux étapes permet d'atteindre des chiffres de sensibilité (95,2%) et surtout de spécificité (99,9%) tout à fait acceptables (11). Elle a cependant l'inconvénient de faire découvrir un nombre élevé de sujets hétérozygotes pour la mutation DF 508 (12). Ceci pose, comme on l'a déja évoqué, le problème du conseil génétique à organiser pour ces individus et de la recherche de mutations dans leur entourage. Dans certains pays, et singulièrement en France depuis la parution des lois de bioéthique de 1994, l'approche moléculaire d'une maladie n'est plus possible sans le consentement éclairé du malade ou de ses parents. Une telle exigence, même si elle ne manque pas de justifications, est peu compatible avec un dépistage néonatal de masse faisant intervenir une recherche de mutations. Une autre approche est donc souhaitable.

Nous avons recemment testé un nouveau marqueur, la PAP (Pancreatitis Associated Protein), sur une population de 210 000 nouveau-nés. Avec un seuil bien choisi, ce marqueur permet de reconnaître 98% des enfants atteints de mucoviscidose sans iléus méconial, avec un taux de faux positifs raisonnable (0,75%) (13). Deux tiers de ces faux positifs étaient des nouveau-nés hospitalisés pour des pathologies diverses (prématurité, affections digestives néonatales sévères, infections, retard de croissance intra-utérin ...) et très peu étaient hétérozygotes pour une mutation du gène CFTR. Le couplage du dosage de la PAP à la TIR réduirait encore le taux de faux positif à 0,13%, sans qu'il soit nécessaire d'étudier les mutations de CFTR.

Le deuxième écueil à un dépistage néonatal généralisé de la mucoviscidose est l'absence à ce jour de traitement curatif. Malgrè ça, avec les thérapeutiques palliatives conventionnelles, le pronostic global de la mucoviscidose s'est considérablement amélioré au cours des 30 dernières années. Depuis la découverte du gène, des progrès importants ont été faits, tant dans le domaine des techniques moléculaires qu'avec les approches pharmacologiques. L'avènement d'une thérapeutique efficace est donc aujourdhui un espoir raisonnable, qu'il s'agisse de thérapie génique ou de médicaments agissant sur les transferts ioniques. Il faut donc au moins être prêt à dépister dés qu'un tel traitement sera disponible. La question se pose toutefois de savoir si il faut attendre cette échéance pour généraliser le dépistage de la mucoviscidose.

Une donnée importante, connue depuis peu, est que les enfants atteints de mucoviscidose ont une surinfection et des lésions d'inflammation bronchique dés les premières semaines de vie, même en l'absence de symptômes pulmonaires (14), alors que le diagnostic spontané de la maladie se fait en général autour de l'âge de 2,5 ans en France.

Un certain nombre d'états américains et de régions d'Europe ou d'Australie qui ont instauré le dépistage depuis le début des années 80, commencent à avoir un recul suffisant pour analyser leurs cohortes de patients. Le principal défaut de la plupart de ces études est qu'elles ne disposent pas, pour la plupart, d'un groupe contrôle valable. Ainsi, en Australie, des enfants dépistés pendant 3 ans, comparés à ceux nés les 3 années précédentes, sans dépistage, ont à l'âge de 10 ans des meilleurs paramètres nutritionnels, un meilleur score de Shwachman et des meilleurs tests d'exploration fonctionnelle respiratoire (15). En Hollande, la comparaison d'enfants dépistés et non dépistés, nés pendant la même période mais suivis dans des centres différents, montre que la survie à l'âge de 11 ans est à 95% chez les dépistés contre 65% (16). Enfin la seule étude ayant un vrai groupe contrôle, celle du Wisconsin, montre que les enfants dépistés ont un avantage notable sur le plan nutritionnel pendant les 10 ans de suivi (17). Les résultats des paramètres respiratoires de cette étude ne sont pas encore connus, mais on peut supposer qu'ils seront également favorables étant donné la relation bien établie entre l'état nutritionnel et l'état pulmonaire. Rappelons, de plus, que tous ces résultats ont été obtenus avant même que soient utilisés les nouvelles thérapeutiques aujourd'hui disponibles, telles que la DNase ou l'Ibuprofen.

En conclusion, tout indique que le dépistage néonatal apporte un avantage durable aux patients atteints de mucoviscidose. Certes ça n'est pas encore une guérison, mais il semble raisonnable de suivre l'éditorialiste du New England Journal of Medicine qui écrivait trés récemment : " La plupart des objections au dépistage de la mucoviscidose qui étaient justifiées en 1983 ont progressivement disparues, dans la mesure où les résultats se sont accumulés qui prouvent qu'un diagnostic et un traitement précoces sont profitables aux patients et qu'un dépistage aboutit probablement à une économie sans effet pernicieux évident.... Le temps est venu maintenant pour un dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose."(18).

 

Bibliographie

1/ Ferec C et al. Nature Genet 1992 ; 1 : 188-91

2/ Axworthy D et al. Lancet 1996 ; 347 : 1443-6

3/ Modell B. J Med Genet 1990 ; 27 : 475-9

4/ Angastiniotis MA et al. World Health Forum 1986 ; 7 : 291-7

5/ Raeburn S. Br Med J 1994 ; 308 : 1451-2

6/ Livingstone J. Clin Genet 1993 ; 43 : 57-62

7/ Brock DJ. Lancet 1996 ; 347 : 148-50

8/ Conway SP. Clin Genet 1994 ; 45 : 308-12

9/ Ranieri E et al. Pediatr Pulmonol 1996 ; (Suppl 13) : 248

10/ Farriaux JP et al. Rev Pneumol Clin 1995 ; 51 : 109-14

11/ Gregg RG et al. Pediatrics 1997 ; 99 : 819 - 24

12/ Wilcken B et al. J Pediatr 1995 ; 127 : 965 - 70

13/ Sarles J et al. Pediatr Pulmonol 1996 ; (Suppl 13) : 249

14/ Armstrong DS et al. B Med J 1995 ; 310 : 1571-2

15/ Waters D et al. Inf Screen 1996 ; 19 : 12-3.

16/Dankert-Roelse J. Pediatr Pulmonol 1996 ; (Suppl 13) : 86-7

17/Farrell PM et al. N Engl J Med 1997 ; 337 : 963-9

18/ Dankert-Roelse J. N Engl J Med 1997 ; 337 : 997-8