DEPISTAGE ANTÉNATAL DE LA MUCOVISCIDOSE
Jean-marc
LEVAILLANT
gynécologue-obstétricien-échographiste
- Créteil
Claude Talmant
échographiste -
Nantes
Définition
et critères diagnostiques.
Il s’agit
d’une pathologie généralisée des glandes exocrines, héréditaire, dont la transmission
est autosomique récessive.
Elle
frappe les glandes à sécrétion muqueuse, elle est due à une anomalie de la protéïne
CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Régulator Factor).
De nombreux organes sont touchés, appareil respiratoire, tube digestif :
pancréas, foie, voie biliaire, glandes sudoripares et tractus génital.
Il s’agit
d’une maladie fréquente.
Elle touche 1/2000 à 1/3500 naissances vivantes dans la population caucasienne.
Il s’agit d’ailleurs de la maladie héréditaire la plus fréquente.
Elle est plus rare chez les sujets de race noire : 1/15000 chez les orientaux.
L’identification
du gène des différentes mutations est possible depuis plus de 10 ans.
Le gène
CF (Cystic Fibrosis) est un gène de 250 kilo-base qui code, pour une protéine
de 1480 acides aminés appelée protéine CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane
conductance Regulator).
En 1999,
plus de 800 mutations ont été isolées. La plus fréquente, découverte en 1989,
baptisée DF 508 est présente chez 70 % des malades.
Mais
déjà, dès 1953, l’élévation anormale du chlore et du sodium de la sueur suggérait
une implication des transports électrolytiques au niveau des canaux sudoraux
et permettait, mais plus tard, de comprendre que l’épithélium respiratoire et
des glandes sudorales est imperméable à l’ion et au chlore, qu’il existe une
plus grande réabsorption du sodium.
Une
des caractéristiques cliniques de la maladie est l’obstruction des canaux pancréatiques
qui aboutit à un déficit sécrétoire du pancréas exocrine.
Le mucus,
trop épais au niveau du tube digestif, peut favoriser la survenue d’occlusion
anténatale et néonatale appelée iléus méconial : ce mucus va ralentir le
transit et contribuer ainsi à la malabsorption intestinale des nutriments en
post-natal.
L’obstruction
des voies biliaires peut aussi rendre compte de lithiases observées à ce niveau.
Pathologies
digestives révélées par l’échographie
L’iléus
méconial :
15 % représentent un signe de mucoviscidose.
La péritonite méconiale, l’atrésie intestinale avec perforation :
un cas sur 3 est en rapport avec une mucoviscidose.
Les plages
hyperéchogènes
Elles représentent :
- Soit
une variante normale : un suivi échographique montrera le plus souvent
la disparition des images.
- Soit
une infection par CytoMégaloVirus.
- Soit
une Trisomie 21.
Diagnostics
différentiel d’une dilatation intestinale ftale :
L’atrésie intestinale
La maladie de Hirschprung
Le volvulus du grêle
La malrotation
La mucoviscidose
Diagnostics
étiologiques d’anses grêles hyperéchogènes dans la fosse iliaque droite ftale.
L’iléus
méconial
La mucoviscidose
Variantes anatomiques normales avant 20 SA.
Sémiologie
échographique anténatale et conduite à tenir :
Le poumon
est, généralement normal jusqu’à la naissance.
Les lésions pancréatiques et les anomalies du mucus intestinal existent dès
la phase ftale, permettant ainsi de la dépister en échographie.
I) L’iléus méconial
est une occlusion anténatale ou néonatale par un méconium insuffisamment liquéfié.
Il constituera la manifestation initiale de la maladie dans 10 % des cas.
L’occlusion siège au niveau de l’iléon terminal.
2) Les dilatations digestives,
en dehors d’anomalies chromosomiques démontrées par l’amniocentèse, peuvent
traduire une mucoviscidose.
Dans une des premières enquêtes pratiquées à l’hôpital Necker, 7,7 % des enfants
présentant une atrésie du grêle étaient atteints d’une mucoviscidose.
Ainsi, devant une dilatation digestive située en amont d’une zone d’hyperéchogénicité
intestinale, il faut penser à la fibrose kystique du pancréas.
Devant
toute dilatation digestive, avant 18 SA, on peut utiliser l’étude des enzymes
digestives. Au-delà de 18 SA il est préférable d’utiliser l’étude moléculaire
du gène de la mucoviscidose CFTR.
La mise
en évidence de deux mutations de ce gène, permettra alors d’affirmer le diagnostic
mais leur absence ne permet pas de l’informer dans la grande majorité des cas.
Cependant,
il faut savoir qu’en recherchant les 11 mutations les plus fréquentes dont le
DF 508, on pourra dépister plus de 85 % des gènes mutés et donc, 3 mucoviscidoses
sur 4.
3) La pseudo masse intestinale
échographique détectée
au 2ème trimestre de la grossesse peut être alors le témoin d’un
iléus méconial précoce et s’il existe un contexte familial positif, incite à
rechercher une mucoviscidose.
Cet iléus précoce peut se résoudre sans séquelle ou bien évoluer vers un iléus
tardif dont la traduction échographique est souvent une dilatation intestinale
à contenu très échogène.
Cette image est suggestive de mucoviscidose à 95 %.
4) Enfin, la péritonite méconiale
est moins systématiquement associée à la mucoviscidose (± 45 % cependant). Elle
se caractérise par la présence de calcifications pariétales intestinales ou
péritonéales. Des pseudo-kystes méconiaux peuvent aussi s’organiser.
L’étude
des enzymes digestives peut être pratiquée systématiquement en cas de suspicion
d’une sténose duodénale.
Ces
enzymes peuvent alors traduire un iléus méconial ou une péritonite associées
à une mucoviscidose.
Les enzymes digestives étudiées sont, la gamma-glutamyl transpeptidase (GGTP),
la leucine amino-peptidase LAP et les iso-enzymes de la phosphatase alcaline
PAL.
Le
diagnostic anténatal
Le diagnostic
anténatal est possible pour les couples hétérozygotes repérés par la naissance
d’un enfant atteint où le risque de récurrence sera alors de 1/4.
Il s’agit, en effet, d’une affection autosomique récessive.
Les
consultations génétiques sont confrontées également à la demande de familles
à risque plus faible (il s’agit souvent de fratrie de parents d’enfants atteints).
Actuellement
on pratique le diagnostic anténatal par prélèvement des villosités choriales
à la 10ème semaine d’aménorrhée. Il est préféré à l’étude des enzymes
digestifs possible dès 18 SA, par amniocentèse.
Bien
entendu, le diagnostic anténatal par biologie moléculaire doit être précédé
d’une étude familiale de l’ADN, celle-ci devant avoir lieu avant la grossesse
ou à son tout début pour en connaître les résultats avant la date du diagnostic
ftal.
En effet, la recherche des mutations sera effectuée parallèlement chez le ftus.
La recherche du gène peut être pratiquée directement par cette méthode PCR en
sachant que la mutation la plus couramment retrouvée est la mutation Delta F
508.
Exemples
d’observations cliniques en guise de conclusion
Observation
n°1
Femme de 32
ans, d’origine anglaise.
L’échographie pratiquée à 25 semaines de gestation montre une hyperéchogénicité
de l’abdomen ftal avec de nombreuses anses dilatées.
Toxoplasmose, rubéole, Cytomégalovirus, herpès, etc, négative.
La recherche du portage de muviscidose chez le père n’est pas réalisée car
la jeune femme refuse de révéler le nom de son compagnon, irlandais.
La recherche chez la mère met en évidence la mutation Delta F 508, et, sur
le liquide amniotique, le diagnostic d’atteinte homozygote pour le Delta
F 508 est confirmé.
Après la naissance, le test à la salive est positif et confirme la maladie.
Observation
n°2
Femme de 35 ans d’origine russe qui présente, à 17 SA, une hyperéchogénicité
marquée de l’abdomen ftal et de nombreuses dilatations digestives.
Le père est anglais.
A 22 SA le tableau échographique est confirmé avec une petite dilatation
intestinale qui évoque une obstruction.
L’ensemble des tests : toxoplasmose, rubéole, cytomégalovirus, herpès
etc, négatif.
Les études ADN pratiquées sur le sang des parents montre que les deux parents
sont porteurs d’une mutation de mucoviscidose fréquente dans leur groupe
ethnique.
Le diagnostic de mucoviscidose étant hautement probable, la famille décide
d’arrêter la grossesse. Les études ftales confirment le diagnostic de mucoviscidose.
Observation
n°3
L’échographie révèle également, au 2ème trimestre, de nombreuses
hyperéchogénicités abdominales avec un syndrome de péritonite méconiale.
A la naissance, le test à la salive est négatif à 6 mois.
Observation
n°4
L’échographie montre une dilatation intestinale, une paroi intestinale très
échogène et une impression de péritonite méconiale.
Les tests de toxoplasmose, rubéole, cytomégalovirus, herpès sont négatifs.
Le prélèvement des deux parents (ADN) est négatif.
La surveillance échographique confirme l’absence d’anomalie.
Les images disparaissent à 32 SA.
Le nouveau-né est normal.
AU
TOTAL
Ces
4 cas cliniques permettent d’éclairer l’utilité de la recherche
chez les parents, d’un portage de mucoviscidose.
Ainsi, dans l’arbre de décision, lorsque l’échographie révèle des anomalies
digestives et surtout d’hyperéchogénicités intestinales, l’étude des six mutations
les plus fréquentes chez lez parents va permettre de dépister 3/4 des porteurs
de mucoviscidose.
Lorsqu’un seul des parents est porteur, il est très difficile de conclure
puisqu’un certain nombre de porteurs ne seront pas dépistés par le dépistage
des six mutations.
C’est pourquoi la confirmation du diagnostic ne peut être réalisée que par
l’étude des cellules de liquide amniotique par méthode moléculaire PCR.
Quelle est la place de l’analyse des enzymes intestinaux dans ces cas
contraires ?
Les enzymes intestinaux peuvent être analysés dans le liquide amniotique
et peuvent être utiles, par exemple chez un couple cité connu comme étant
un risque d’avoir un enfant à mucoviscidose. Cette information n’est cependant
pas spécifique puisque l’on sait que n’importe quelle sorte d’obstruction
intestinale, qu’elle soit anatomique ou fonctionnelle, peut entraîner une
diminution de ces taux et, par conséquent, ne présente pas un caractère
spécifique et n’évitera pas la technique moléculaire.
Cliché n°1 : Atrésie du grêle. Images liquidiennes multiples.
Cliché n°2 : Atrésie du grêle. Images liquidiennes en continuité.
Cliché n°3 : Sténose duodénale. Image en double bulle.
Cliché n°4 : Sténose duodénale : passage du pylore. Image en sablier.
Cliché n°5 : Péritonite méconiale. Perforation récente. Ascite banale.
Cliché n°6 : Péritonite méconiale. Régression spontanée de l’ascite.
Cloisonnement.
Clichés n°7 et 8 : Péritonique méconiale. Calcifications péritonéales.
Cliché n°9 : Iléus méconial. Anse intestinale dilatée à paroi hyperéchogène.
Cliché n°10 : Iléus méconial. Petites boules de méconium en chapelet,
moulant les anses grêles.
Cliché n°11 : Dilatation du grêle. Coupe Triplan.
Cliché n°12 : Atrésie du grêle.
Cliché n°13 : Anse hyperéchogène. Iléus méconial.
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