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Titre: Aliments fonctionnels et nouveaux aliments : évolution du concept et aspects règlementaires
Année: 2001
Auteurs: - Secretin M.-C.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Nutrition

ALIMENTS FONCTIONNELS ET NOUVEAUX ALIMENTS :
EVOLUTION DU CONCEPT ET ASPECTS REGLEMENTAIRES

Marie-Christine Secretin

Ingénieur-chimiste
Conseiller scientifique Nestec S.A.

L'une des modifications les plus profondes de notre société industrielle à l'aube du troisième millénaire réside dans notre approche de la nutrition. Nous sommes passés d'une économie de subsistance, où manger était une question de survie, à une économie de pléthore où les excès alimentaires ont entraîné une recrudescence des maladies dites de civilisation : maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, en particulier, ainsi que certains types de cancer.

Nous nous orientons maintenant vers la recherche d'une alimentation "optimale" où l'on cherche à promouvoir la consommation d'aliments ayant un effet bénéfique sur la santé, au détriment de ceux connus pour avoir un effet néfaste. C'est dans ce contexte qu'est apparu le concept d'aliments fonctionnels, sur lequel nous voulons faire le point aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'un aliment fonctionnel ?

Malgré l'usage courant de cette expression, il n'existe pas de consensus universel sur la définition, et chaque pays tend à utiliser des nuances dans son interprétation. Nous verrons plus en détail les diverses approches proposées.

Il est toutefois communément admis qu'un aliment fonctionnel est un aliment qui exerce un effet bénéfique spécifique sur une ou plusieurs fonctions du corps auxquelles il s'adresse en particulier. Cet effet va au-delà des effets nutritionnels habituels. C'est un aliment qui devrait faire partie du régime quotidien et qui, par son goût, son apparence ou son odeur, ne se différencie pas d'un aliment ordinaire.

Les aliments fonctionnels se différencient donc des aliments "diététiques" (tableau 1) qui sont destinés à une alimentation particulière et doivent faire l'objet d'une formulation ou d'un procédé de fabrication spécifique pour se différencier de l'aliment courant et répondre à des besoins physiologiques particuliers soit en raison d'une maladie, soit en raison d'une situation physiologique hors de la normale (par ex. convalescence, grossesse, activités sportives intenses.

Tableau 1. Aliments diététiques
(Foods for Special Dietary Uses)

Codex Alimentarius

Directive Européenne

Aliments spécialement fabriqués ou formulés pour satisfaire les besoins alimentaires spécifiques dus
- soit à une condition physique ou physiologique particulière
- soit à une maladie ou un trouble spécifique et présentés comme tels.

La composition de ces aliments doit se différencier significativement de la composition des aliments ordinaires de même nature, lorsqu'ils existent.

Aliments qui du fait de leur composition particulière ou de leur procédé de fabrication, se distinguent clairement des aliments ordinaires, qui conviennent à l'objectif nutritionnel indiqué et qui sont commercialisés de manière à répondre à cet objectif.
Une alimentation particulière doit répondre aux besoins nutritionnels particuliers :
- de personnes dont le processus d'assimilation ou le métabolisme est perturbé
- de personnes qui se trouvent dans des conditions physiologiques particulières
- des nourrissons ou enfants en bas âge, en bonne santé


Japon

Historiquement, les aliments fonctionnels sont apparus en premier lieu au Japon dans les années 80, où un certain nombre de programmes de recherche sur "l'analyse systématique et le développement des fonctionnalités des aliments" ont été subventionnés par le gouvernement. Ces recherches ont conduit le gouvernement japonais à introduire officiellement en 1991 une nouvelle catégorie parmi les "Aliments Diététiques", celle des "aliments à usage santé spécifique", plus connus sous leur abréviation de FOSHU (Foods for Specified Health Use). Pour être FOSHU, un aliment doit avoir fait la preuve de son effet physiologique ou bénéfique sur la santé.

La certification FOSHU est donnée après examen du dossier scientifique concernant le produit fini. Des données concernant les effets d'ingrédients isolés ne sont pas suffisantes, et l'autorisation donnée pour un produit contenant un ingrédient considéré comme actif ne peut pas être extrapolée à un autre aliment contenant le même principe actif.

Ne peuvent prétendre au statut FOSHU que les aliments, à l'exclusion des pastilles, gélules ou capsules, devant être consommés dans le cadre d'une alimentation ordinaire, et non lors de l'apparition de symptômes spécifiques.

182 produits bénéficiaient en mars 2000 du label FOSHU (tableau 2). Pour 65% d'entre eux, l'allégation santé concerne la régulation du transit intestinal, due à la présence d'oligosaccharides (40% des produits concernés), de bactéries lactiques (30%) ou de fibres solubles (30%). La gamme des aliments concernés va du yaourt au vinaigre, en passant par le sucre de table, les biscuits, le chocolat, les saucisses et les nouilles.

Tableau 2. Principaux aliments fonctionnels au Japon (FOSHU)
182 produits en mars 2000

Allégation

Nombre de produits

Composant actif

Régulation du transit intestinal


Total

51
36
35
122

Oligosaccharides
Bactéries lactiques
Fibres solubles

Réduction du taux de cholestérol


Total

9
1
2
12

Protéines de soja
Alginate
Chitosah

Hypertension

Total

10
3
13

Peptides
Extraits végétaux (Tochucha et guave)

Favorise l'absorption du calcium

10

Prévient la carie dentaire

5


États-Unis

L'initiative suivante est venue des États-Unis, avec l'introduction du "Nutrition Labeling and Education Act" (NLEA), voté en 1990 dans le but de donner aux consommateurs plus d'information scientifique sur les aliments qu'ils consomment. Au terme de cet acte, des allégations reliant la consommation d'un ingrédient alimentaire à une réduction du risque de maladie peuvent être autorisées par la Food and Drug Administration (FDA).

Pour donner son accord à une telle allégation, la FDA évalue les données scientifiques disponibles et détermine si elles peuvent être considérées comme ayant fait l'objet d'un accord parmi la communauté scientifique (Significant Scientific Agreement – SSA).

Les modalités de constitution du dossier permettant à la FDA d'évaluer si l'allégation proposée fait bien l'objet d'un SSA ont été révisées par la FDA en décembre 1999.

En 1997, la FDA a assoupli la procédure d'autorisation par le Food and Drug Administration Modernisation Act qui admet qu'une allégation puisse être autorisée si elle a fait l'objet d'une "déclaration autorisée" (authorisation statement) par un organisme scientifique fédéral tel que l'Institut National de la Santé (NIH) ou l'Académie des Sciences. Une notification doit être faite à la FDA 120 jours avant la mise sur le marché du produit, en précisant exactement la formulation de l'allégation. La FDA peut intervenir a posteriori pour demander la suppression de ces allégations, ce qu'elle a déjà fait à plusieurs reprises. Jusqu'à présent, une seule allégation a été approuvée par cette procédure : celle reliant la consommation de farines entières à la réduction du risque de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers (décembre 1999). Il y a à l'heure actuelle 13 allégations santé autorisées aux États-Unis (voir tableau 3).

Tableau 3. Allégations santé approuvées aux États-Unis

Caractéristique nutritionnelle

Réduction du risque

Riche en calcium

Ostéoporose

Pauvre en sodium

Hypertension

Pauvre en graisses

Certains cancers

Pauvre en acides gras saturés et en cholestérol

Maladies cardio-vasculaires

Pauvre en graisses et bonne source de fibres

Certains cancers

Pauvre en graisses, acides gras saturés, cholestérol et > 0.6 g de fibres solubles par portion

Maladies cardio-vasculaires

Pauvre en graisses, contenant de la vitamine A, de la vitamine C et des fibres (brocoli)

Certains cancers

Riche en acide folique (> 40 mg par portion)

Malformation du tube neural chez le bébé

Polyalcools

Carie dentaire

Fibres solubles, faisant partie d'un régime pauvre en graisses saturées et en cholestérol

Maladies cardio-vasculaires

Protéine de soja (25 g/jour) dans un régime pauvre en graisses et en cholestérol
26 octobre 1999

Maladies cardio-vasculaires

Céréales complètes
décembre 1999, procédure FDAMA

Maladies cardio-vasculaires et certains cancers

Stérols (> 0.65 g par portion) ou
stanols (> 1.7 g par portion)
végétaux
8 septembre 2000

Maladies cardio-vasculaires


Codex Alimentarius

Le Codex a conduit très rapidement un gros effort de réflexion en matière d'allégations nutritionnelles, dans le cadre de son Comité sur l'Étiquetage des Denrées Alimentaires.

Les premières normes sur l'étiquetage nutritionnel, définies en 1985, ont été révisées en 1993 pour faire apparaître la notion d'allégation nutritionnelle.

Puis en 1997, le Codex a émis une recommandation spécifique sur l'utilisation des allégations nutritionnelles ( tableau 4 ), en les regroupant en 3 catégories principales :

  • allégation concernant la teneur en nutriments, par exemple : source de calcium, riche en fibres, ou pauvre en graisses
  • allégations comparatives, qui comparent les teneurs en nutriments ou les valeurs énergétiques des deux aliments ou plus (par exemple : teneur réduite, moins que..., plus que...)
  • et une première "allégation fonctionnelle", décrivant le rôle physiologique d'un nutriment sur la croissance, le développement et les fonctions normales de l'organisme
    par exemple : le calcium aide au développement de dents et d'os solides
    les protéines aident à construire et réparer les tissus de l'organisme

Tableau 4. Codex (ALINORM 01/22 – Appendice VIII)

Allégation nutritionnelle

Toute représentation qui affirme, suggère ou implique qu'un aliment a des propriétés nutritionnelles particulières, y compris, mais pas uniquement limitée à sa valeur énergétique et à sa teneur en protéines, graisses, hydrates de carbone, vitamines et sels minéraux.

Allégation santé

Toute représentation qui affirme, suggère ou implique une relation entre un aliment ou un constituant de l'aliment a un effet sur la santé.


Depuis 1999, l'introduction d'"allégations santé" est en discussion. Le dernier projet (ALINORM 01/22/Appendix VIII) distingue les "allégations nutritionnelles" des "allégations santé" (tableau 5).

Tableau 5. CODEX (ALINORM 01/22 – App. VIII)

Allégations nutritionnelles

  • teneur en nutriment
    (source de calcium, riche en fibres)
  • allégation comparative
    (plus riche, teneur réduite)

Allégations santé

  • fonction nutritionnelle
    (le calcium aide au développement des os)
  • amélioration d'une fonction
    (l'acide folique aide à diminuer le taux d'homocystine plasmatique)
  • réduction du risque de maladie
    (un apport de calcium suffisant pour réduire le risque d'ostéoporose. L'aliment est riche en calcium)

L'allégation fonctionnelle mentionnée ci-dessus devient une allégation santé, à laquelle on envisage d'en ajouter deux autres :

  • allégation relative à l'amélioration d'une fonction : ces allégations se réfèrent à l'effet spécifique d'un aliment ou de ses constituants, dans le contexte de l'alimentation globale, sur une fonction physiologique ou biologique, en dehors de ses fonctions purement nutritionnelles
  • allégation relative à la réduction du risque de maladie. L'allégation doit être constituée de deux parties :
    1. une information sur la relation nutriment/aliment – santé, suivie par
    2. une information sur la composition de l'aliment se rapportant à l'information 1.

Réduction du risque signifie modification substantielle d'un ou des facteurs de risque importants que l'on admet être présents dans le développement d'une maladie chronique ou d'un état de santé non souhaitable. La présentation d'une allégation de réduction du risque doit donc être faite de telle façon que le consommateur ne l'interprète pas comme une prévention de la maladie.

Le Comité du Codex sur les Aliments Diététiques (CX/NFSDU) est chargé de définir les critères scientifiques nécessaires pour établir les bases d'une allégation santé.

Europe

Il n'existe pas de législation harmonisée sur les aliments fonctionnels ou sur les allégations santé.

Les allégations nutritionnelles ont été définies dans le cadre général de la Directive étiquetage du 24 septembre 1990 : "toute représentation ou message publicitaire qui énonce, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire spécifique possède des propriétés nutritionnelles particulières de par l'énergie qu'elle fournit, fournit à un taux réduit ou accru, ou ne fournit pas, et/ou de par les nutriments qu'elle contient, contient en proportion réduite ou accrue, ou ne contient pas".

Les allégations santé sont, à l'heure actuelle, traitées au niveau national, et chaque pays à une approche différente. Le pays le plus "progressiste" est peut-être la Suède, qui a introduit en 1996 un système proche de celui considéré par le Codex, à savoir une allégation en deux parties : la première se référant à l'une des 8 relations approuvées aliment/santé, la deuxième à la composition du produit relative à cette relation. Les relations approuvées sont : obésité/énergie, cholestérol sanguin/qualité des graisses, hypertension/sodium, athérosclérose – cholestérol sanguin – hypertension/acides gras polyinsaturés n-3 du poisson, constipation/fibres alimentaires, ostéoporose/calcium, caries dentaires/hydrates de carbone fermentés cibles, carence en fer/fer.

La Commission Européenne interroge toutefois les États Membres sur l'opportunité de prévoir une législation communautaire, pour faciliter la circulation des produits. Elle a également subventionné un programme d'action concerté sur la "Science des Aliments fonctionnels en Europe" (FUFOSE) en lui fixant pour but de :

  • évaluer l'état actuel des connaissances scientifiques à disposition
  • examiner ces données plutôt dans une perspective "effet fonctionnel" que dans une perspective "produit"
  • arriver à un consensus sur les modifications utiles des aliments et de leurs ingrédients, et sur les options possibles pour leur application.

Les conclusions du groupe de travail coordonné par ILSI Europe ont été publiées récemment. Elles comprennent :
1. Une définition des aliments fonctionnels :

"un aliment peut être considéré comme fonctionnel s'il a été démontré de façon satisfaisante qu'il exerce un effet bénéfique sur une ou plusieurs fonctions cibles de l'organisme, au-delà des effets nutritionnels de base, de manière à améliorer la santé et le bien-être et/ou à réduire le risque de maladie".

2. Une stratégie de développement des aliments fonctionnels qui s'appuierait sur :

  • l'identification et la compréhension des mécanismes d'interaction entre un composant alimentaire et une fonction spécifique de l'organisme
  • la validation des effets du composant au moyen de modèles appropriés, de préférence en faisant appel a des biomarqueurs spécifiques
  • la démonstration par des études appropriées, chez l'homme, que les effets observés sont bénéfiques pour la santé

Evolution des aliments fonctionnels

Au travers de cette évolution de la législation, on peut suivre en filigrane l'évolution du marché, et partant des souhaits des consommateurs. Le législateur au début des années 1990 visait, à travers un étiquetage nutritionnel, à orienter le consommateur dans ses choix alimentaires, en lui recommandant de privilégier les aliments bons pour sa santé au détriment de ceux dont la consommation excessive peut avoir des effets néfastes.

Aujourd'hui, le consommateur veut aller au-delà de cette éducation nutritionnelle et recherche des aliments qui lui permettent de rester en bonne santé le plus longtemps possible et de maintenir ses performances physiques et intellectuelles à leur meilleur niveau.

Pour répondre à cette attente, il est à prévoir que le développement des aliments fonctionnels passera par l'augmentation, dans les aliments existants, de la teneur en composants actifs, ou par l'augmentation de la consommation d'aliments jusque-là peu utilisés.

On peut dire aujourd'hui qu'il y a accord à l'échelle internationale sur les points suivants :

  • Les aliments fonctionnels sont destinés à être utilisés dans le cadre d'une alimentation normale; ce ne sont pas des aliments de régime
  • Les allégations attribuées à ces aliments fonctionnels doivent être spécifiquement prouvées; elles ne doivent être ni fausses, ni trompeuses
  • Les travaux portent donc à l'heure actuelle sur la définition des dossiers scientifiques et le type de preuves à présenter à l'autorité de réglementation des allégations : Significant Scientific Agreement de la FDA américaine, Scientific Criteria for Health Related Claims du Comité du Codex sur la Nutrition et les Aliments Diététiques et de Régime – les aliments doivent être sans danger.
  • Les aliments fonctionnels doivent être sans danger.
    Une procédure existe déjà pour vérifier leur innocuité totale : celle fixée par la législation "novel foods". Mais au-delà de l'innocuité du produit elle-même, il faudra également s'assurer que les modifications du régime induites par leur consommation n'entraînent pas de déséquilibres alimentaires.

Dans la mesure où ces diverses conditions sont déjà bien prises en considération par tous les intervenants, on ne peut que partager l'opinion exprimée par le Prof. Roberfroid lors de la réunion de l'ESPGHAN à Varsovie en juin 1999 :

"Le développement des aliments fonctionnels est une opportunité unique d'améliorer la qualité des aliments proposés au consommateur pour son bien-être et sa santé. La science des aliments fonctionnels n'est rien d'autre que le progrès vers une alimentation optimale".