Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Prébiotiques, probiotiques, synbiotiques et alimentation infantile
Année: 2000
Auteurs: - Chouraqui J-P.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

Prébiotiques, probiotiques, synbiotiques et alimentation infantile

J.P. CHOURAQUI

Gastro-entérologie et Nutrition Pédiatriques, Département de Pédiatrie, CHU Grenoble

 

L’objectif primaire de toute alimentation et en particulier de l’alimentation infantile reposant sur une alimentation lactée est de pouvoir, en l’absence d’allaitement maternel, fournir les nutriments nécessaires, dans un équilibre donné, à combler les besoins de maintenance, de croissance mais également de maintien en bonne santé. Les acquisitions les plus récentes dans le domaine des biosciences ont conforté l’hypothèse, pourtant ancienne, du rôle que pouvaient jouer certains aliments dans le contrôle ou la modulation de différentes fonctions de l’organisme et ainsi de leur contribution au maintien en bonne santé ou à la diminution de certains risques, c’est-à-dire un rôle préventif. Ce concept a abouti à la définition «d’aliments fonctionnels » qui, à côté de leur valeur nutritionnelle propre, ont pu démontrer une action bénéfique sur la santé ou une action préventive (1,2). D’emblée il faut insister sur le fait que ces aliments ne doivent pas être considérés comme la solution magique dans le domaine de la prévention, et que d’autre part l’allégation d’une activité fonctionnelle de ce type doit reposer sur des faits scientifiques établis par des essais cliniques contrôlés reposant sur une méthodologie rigoureuse, calquée sur celle employée dans le domaine du médicament (1).

Dans ce contexte interviennent les différents ingrédients susceptibles d’interférer avec, de modifier, ou de moduler la flore intestinale (2-4). Trois différents types d’ingrédients peuvent être ainsi distingués : les prébiotiques, les probiotiques, et les synbiotiques (2-4). Si ces appellations peuvent paraître nouvelles, les concepts qui les ont fait émerger datent de longue date. En effet, l’influence du lait maternel sur l’établissement de la flore intestinale et son rôle bénéfique en matière de prévention des infections digestives sont bien connus, de même que l’effet bénéfique des laits fermentés et des yoghourts (5-10).

ETABLISSEMENT DE LA FLORE INTESTINALE

* Le tube digestif de l’adulte est colonisé par une microflore très importante puisque l’on évalue le nombre de bactéries le colonisant à 1014 , implantées essentiellement au niveau colique, avec une diversité extrêmement importante puisque estimées à plus de 400 espèces différentes (2,11). La composition taxonomique de cette microflore colique semble être extrêmement stable chez un individu sain, mais très variable d’un individu à l’autre en fonction notamment des habitudes alimentaires. Le rôle d’une flore intestinale équilibrée chez l’adulte est très certainement important mais reste très mal connu, intervenant dans la dégradation des polyosides, la fermentation des oses, la transformation de xénobiotiques, la protéolyse et la fermentation des acides aminés, la production d’hydrogène fermentaire et sa réutilisation, le métabolisme des acides biliaires, la production de mutagènes, mais aussi et surtout au niveau du développement du système immunitaire intestinal (Gut Associated Lymphoïd Tissue). Ainsi l’équilibre de la flore intestinale participe à empêcher la pénétration d’antigènes hostiles et à éviter la pullulation de germes pathogènes (11).

* Chez le nouveau-né, la colonisation du tube digestif durant les premiers jours est relativement stéréotypée. Elle dépend en partie de la composition de la flore vaginale et fécale maternelle où prédominent des germes anaérobies facultatifs, Escherichia coli et Enterococci. Cette colonisation pendant les premières 48 H est indépendante du type d’alimentation et est retardée chez les enfants nés par césarienne. Dès le 3ème jour de vie apparaissent des Bifidobactéries et des Lactobacillis, parallèlement à l’apparition dans une moindre mesure de Bactéroïdes et de Clostridiae. L’implantation de cette flore est directement dépendante des conditions environnementales et de la prescription éventuelle d’antibiotiques (11).

A la fin du premier mois des différences très nettes existent dans la composition de la flore intestinale selon le type d’alimentation reçue par le nouveau-né (6,11,12). Ainsi la flore intestinale des enfants allaités est presque exclusivement composée de Bifidobactéries. Cette flore reste relativement constante tant que l’enfant est allaité. Par contre dès que l’alimentation commence à être diversifiée, la différence entre la flore des enfants nourris au sein et celle des enfants nourris artificiellement s’estompe. Cette modification de flore est caractérisée par une augmentation de la concentration en Escherichia coli, Entérococci et Clostridiae. Entre l’âge de 1 an et 2 ans, l’enfant acquiert une flore intestinale du même type que celle de l’adulte.

CONCEPTS ET DEFINITIONS

* Le développement chez le nouveau-né d’une flore où prédominent les Bifidobactéries est considéré comme étant, au moins partiellement, responsable de la résistance des enfants allaités vis-à-vis des infections gastro-intestinales (6,11-13). Bifidobactérie est une bactérie anaérobique, qui est susceptible de fermenter le glucose, le lactose, le galactose et le fructose, et donc capable de générer par ce biais un certain degré d’acidification inhibant le développement d’une flore putréfactive et est d’autre part capable d’avoir un certain rôle immuno-régulateur (2,11,13). De ce fait de nombreuses tentatives ont été effectuées pour reproduire chez les nourrissons nourris artificiellement la bactériologie intestinale des enfants nourris au sein. C’est ainsi que sont nés les concepts de prébiotiques, probiotiques et synbiotiques (2-4).

* L’appellation prébiotique, introduite assez récemment, concerne des ingrédients alimentaires, généralement non digestibles, dont la présence dans la lumière intestinale stimule la croissance sélective d’une flore considérée comme bénéfique en terme de santé.

Les probiotiques sont des micro-organismes qui, une fois ingérés, sont susceptibles de demeurer vivants lors du transit intestinal et de s’implanter suffisamment pour modifier la flore intestinale en ayant un effet bénéfique démontré sur la santé.

* Le terme de synbiotique désigne toute solution ayant à la fois un effet pré- et probiotique.

LES PREBIOTIQUES

* La clé de l’efficacité d’un prébiotique est qu’il puisse être fermenté par une microflore intestinale spécifique dont le développement ainsi engendré sera bénéfique. Ce mode d’action implique donc l' ingestion régulière de l' ingrédient concerné. De ce fait un certain nombre d’études ont tenté d’identifier les facteurs potentiellement bifidogènes et au premier rang des candidats se sont inscrits certains oligo-saccharides (2,4,14). Les oligo-saccharides non digestibles résistent à l’hydrolyse des enzymes de la bordure en brosse et vont se comporter comme des substrats énergétiques pour certains éléments de la flore colique tels que les Lactobacilli et les Bifidobactéries.

* Les galacto-oligosaccharides sont considérés comme de bons candidats prébiotiques dans la mesure où ils sont naturellement présents dans le lait féminin et dans le lait de vache. Les études montrant leur impact sur la flore intestinale ont été menées surtout chez le rat, et pour quelques unes chez l’homme, mais ont nécessité l’existence préalable intra-luminale de Bifidobactéries (2,14).

Le lactulose et le lactitol sont des exemples de prébiotiques utilisés de longue date au niveau pharmaceutique, leur administration entraîne des modification de flore en terme de diminution de la population de Bactéroïdes, de Clostridiae, de Coliformes, parallèlement à une augmentation des Bifidobactéries, Lactobacilles et Streptocoques. Cependant cette utilisation s’accompagne d’une fermentation importante entraînant une production d’hydrogène relativement importante.

* Les fructo-oligosaccharides :  il s’agit de ß-D-fructanes ayant des degrés de polymérisation divers, essentiellement représentés par l’inuline et ses dérivés, qui sont naturellement présents dans de nombreux fruits et légumes. Chez l’adulte l’administration de 15 g de fructo-oligosaccharides pendant 15 jours entraîne de profondes modifications de la flore intestinale au niveau de laquelle les Bifidobactéries deviennent majoritaires (82 %), ces études ont été menées chez l’adulte où les oligo-fructose ont remplacé une partie du saccharose de l’alimentation. Dès que l’administration d’oligo-fructose est interrompue, la flore retourne à son état préalable (2,14).

* L’effet bifidogène des prébiotiques ainsi que leur action immunitaire et métabolique potentielle font penser qu’ils peuvent avoir un effet bénéfique notamment dans le cadre de la prévention des infections intestinales. Cependant ces effets semblent être dépendants de l’état de la flore bifidobactérienne avant la prise d’oligosaccharides, d’autre part les données expérimentales actuelles ne permettent pas d’affirmer ce rôle préventif. Il ne faut pas oublier enfin que, si un certain nombre d’éléments, présents dans le lait maternel, ont un effet bifidogène certain, l’effet préventif du lait maternel fait aussi intervenir d’autres facteurs et notamment la présence d’immunoglobulines de type A (2-4,13).

LES PROBIOTIQUES

L’idée d’incorporer des micro-organismes dans l’alimentation humaine ou du moins d’utiliser des effets bénéfiques potentiels de la présence de ces micro-organismes remonte à la plus haute antiquité. Différents laits fermentés, parfois découverts de manière totalement accidentelle, sont ainsi utilisés dans le monde, et il semble que le yoghourt ait été introduit en France à la Renaissance. A l’heure actuelle différentes études mettent en exergue l’effet bénéfique de certains probiotiques et leur innocuité liée au caractère non pathogène des souches utilisées (2,4,15). Les probiotiques utilisés sont des souches micro-organiques vivantes, productrices d’acide lactique tels que les Lactobacilles, certains Streptocoques, et les Bifidobactéries, notamment Bifidobacterium bifidum (4,15).

* Les mécanismes d’action potentiellement impliqués dans l’effet bénéfique de ces probiotiques sont nombreux faisant intervenir l’amélioration de la digestibilité du lactose, l’inhibition compétitive de l’adhésion bactérienne, la synthèse de composés qui inhibent voire détruisent certains pathogènes telle que la baisse du pH intestinal, la stimulation de la réponse immune, et la consommation compétitive de certains nutriments empêchant par ce biais la prolifération de certains pathogènes (15). Certains organismes tels que Saccharomyces boulardii sont susceptibles d’avoir un effet trophique sur la muqueuse intestinale par le biais de la production de polyamines. Il faut insister sur le fait que le facteur majeur qui détermine l’efficacité d’un probiotique et sa capacité à survivre lors du transit gastro-intestinal et de ce fait à coloniser l’intestin. Ainsi il a pu être montré que Bifidobacterium bifidus (13,16,17) et Lactobacillus GG (15) survivaient, s’implantaient et persistaient plusieurs jours après leur administration dans l'alimentation.

* Effets bénéfiques des probiotiques :  le principal effet de l’administration de probiotiques s’exerce au niveau du traitement ou de la prévention de la diarrhée. Nombreuses parmi ces études concernent la prévention ou le traitement de la diarrhée associée aux antibiotiques et liée au développement de Clostridium difficile. Plusieurs espèces se sont avérées efficaces dans ce cadre: Saccharomyces boulardii, Bifidobacterium longum, Enterococcus faecium SF 68, Lactobacillus GG (revue in 15).

Lactobacillus GG et Saccharomyces boulardii se sont révélés efficaces, administrés à de forte dose, dans le traitement de la diarrhée aiguë en association avec l'administration d'une solution de réhydratation orale (revue in 2 et 15). Dans les deux cas les enfants traités se sont avérés présenter plus rapidement moins de selles et ont eu une évolution plus brève, surtout lorsqu’il s’agissait de diarrhées virales. De même Lactobacillus GG et Saccharomyces boulardii se sont avérés efficaces pour diminuer l’incidence de la diarrhée des voyageurs dans des groupes contrôlés.

Deux études récentes ont démontré dans une étude randomisée en double aveugle l’efficacité de l’administration d’un lait fermenté secondairement enrichi en Bifidobacterium bifidum en terme de prévention de la diarrhée aiguë chez des nourrissons (18,19). Par contre deux études menées avec Lactobacillus GG n’ont pas obtenu de résultat positif (revue dans 15).

D’autres effets bénéfiques ont pu être attribués aux probiotiques. Ainsi certaines études laissent à penser que les probiotiques peuvent avoir un effet positif vis-à-vis de l’allergie alimentaire ou encore de l’hypercholestérolémie ou dans la prévention du cancer (revue dans 15). Mais ces études sont beaucoup trop limitées et parcellaires pour pouvoir actuellement fournir des arguments suffisants à l’utilisation des probiotiques dans ce cadre.

LES SYNBIOTIQUES

Il s’agit finalement de la combinaison d’effets prébiotiques et probiotiques au sein de la même solution. L’addition en effet de prébiotiques dans une solution comportant un probiotique permettrait d’en favoriser l’action en en favorisant le développement. Il s’agirait en particulier de la combinaison de l’ajout de Bifidobactéries à celle de fructo-oligosaccharides ou celle de galacto-oligosaccharides. Il s’agit là d’une approche intéressante, mais les études manquent à l’heure actuelle pour en affirmer l’intérêt. L’addition de prébiotiques dans le lait infantile nécessite vraisemblablement une modification de la réglementation actuelle après que l’on ait pu en démontrer l’absence d’effet délétère notamment en terme de fermentation abusive.

CONCLUSION

Les récentes études menées dans l’utilisation de probiotiques dans l’alimentation infantile ont mis en exergue l’intérêt de la modulation de la composition de la flore microbienne intestinale à travers l’utilisation d’une supplémentation diététique et ont confirmé les données pragmatiques acquises de longue date concernant les laits fermentés. Ces différentes études mettent également en exergue le fait que l’on ne peut considérer comme équivalente l’addition de flore, quelque soit la quantité apportée, et montrent combien il est important qu’une allégation concernant un bienfait sur la santé doit s’appuyer sur des faits scientifiques faisant appel à une méthodologie indiscutable. Il importe enfin pour toutes ces études de tenir compte de la population étudiée mais aussi des différents facteurs confondants pouvant interférer avec les résultats.

REFERENCES

Schenker S : Functionnal foods '99 - claims and evidence. British Nutrition Foundation, Nutrition Bulletin 1999; 24 : 108-13.

Hanson LÅ, Yolken RH : Probiotics, other nutritional factors, and intestinal microflora. Nestlé Nutrition Workshop series, Nestec Ltd, Vevey/Lippincott-Raven pub., Philadelphia 1999; 42 : 306p.

Roberfroid MB. Prebiotics and symbiotics : concepts and nutritional properties. Br J Nutr 1998; 80 : S197-202.

Collins MD, Gibson GR : Probiotics, prebiotics, and symbiotics : approaches for modulating the microbial ecology of the gut. Am J Clin Nutr 1999; 69 : S1052-7.

Bullen CL, Willis AT : Resistance of the breast-fed infant to gasroenteritis. Br Med J 1971; 3 : 338-43

Benno Y, Sawada K, Mitsuoka T : The intestinal microflora of infants : composition of fecal flora in brest-fed end bottle-fed infants. Microbiol. Immunol. 1984; 28 : 975-86.

Clemens J, Rao M, MEng, Ahmed F et all : Breast-feeding and the risk of life-threatening rotavirus diarrhea : prevention or postponement ?  Pediatrics 1993; 92 : 680-5.

Bauchner H, Leventhal JM, Shapiro ED : Studies of breast-feeding and infections. How good is the evidence? J Am Med Assoc 1986; 256 : 887-92.

Saavedra JM :  Microbes to fight microbes : a not so novel approach to controlling diarrheal disease. J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr 1995; 21 : 125-9.

Comité Scientifique: Mission Scientifique de Recherche Nutritionnelle sur les Aliments Laitiers Frais. Les laits fermentés. Actualités de la recherche. John Libbey Eurotext Ltd, 1989 : 295p.

Langhendries JP, Paquay T, Hannon M, Darimont J : Acquisition de la flore intestinale néonatale : rôle sur la morbidité et perspectives thérapeutiques. Arch Pediatr 1998; 5 : 644-53.

Yoshioka H, Isaki K, Fujita K : Development and differences of intestinal flora in the neonatal period in breast-fed and bottle-fed infants. Pediatrics 1983; 72 : 317-21.

Langhendries JP, Detry J, Van Hees J et all : Effect of a fermented infant formula containing viable Bifidobacteria on the fecal flora composition and pH of healthy full-term infants. J . Pediatr. Gastroenterol. Nutr 1995; 21 :177-81.

Ratcliffe B, Mc Millan J : The potential for beneficial manipulation of the gut microflora by dietary means. British Nutrition Foundation, Nutrition Bulletin 1999; 24 : 82-90.

Vanderhoof JA, Young RJ : Use of probiotics in childhood gastrointestinal disorders. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1998; 27 : 323-32.

Pahwa A, Mathur BN : Assessment of a Bifidus containing infant formula : Part II, implantation of Bifidobacterium bifidum. Indian J Dairy Sci 1987; 40 : 364-7.

Pochart P, Marteau P, BouhnikYet all : Survival of bifidobacteria ingested via fermented milk during their passage through the human small intestine : an in vivo study using intestinal perfusion. Am J Clin Nutr 1992; 55 : 78-80.

Saavedra JM, Bauman NA, Oung Iet all : Feeding of Bifidobacterium bifidum and Streptococcus thermophilus to infants in hospital for prevention of diarrhoea and shedding of rotavirus. Lancet, 1994, 344, 1046-49.

Chouraqui JP, Fichot MC, Van Egroo LD : Has feeding of Bifidobacterium bifidum to infants in a boarding centre a probiotic effect in the prevention of diarrhoea ? Clin Nutr 1999; 18 : S54-5.