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Titre: Retards de croissance : indications et resultats du traitement par l'hormone de croissance
Année: 2000
Auteurs: - Rochiccioli P.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Hormones de croissance

Retards de croissance :  indications et résultats du traitement par l’hormone de croissance 

P. Rochiccioli

 Hôpital des Enfants : Unité d’Endocrinologie – Toulouse

L'hormone de croissance humaine est utilisée depuis plus de 30 ans en pathologie pédiatrique, hormone extractive tout d'abord avec des indications limitées et des posologies faibles, puis hormone biosynthétique à partir de 1985 permettant une extension des indications et une augmentation des posologies. Il existe actuellement 4 indications qui ont reçu l'AMM : les déficits somatotropes, le syndrome de Turner, le Retard de Croissance Intra-Utérin (RCIU) et l'Insuffisance Rénale Chronique. Enfin depuis le 5 juillet 1996 les hormones de croissance ont le statut de médicament d'exception avec prescription restreinte et ont fait l'objet d'une fiche d'information thérapeutique parue au Journal Officiel. Ces hormones de croissance sont distribuées dans les pharmacies d'officine. 

LES DEFICITS SOMATOTROPES 

* Conditions d'attribution 

La taille doit être inférieure ou égale à - 2 DS et la vitesse de croissance inférieure à - 1 DS pour l'âge chronologique ou inférieure à 4 cm/an. Le déficit somatotrope doit être confirmé par 2 tests de stimulation (dont un couplé) (pic de GH < 10 ng/ml). La dose est de 0,6 à 0,7 UI/kg/semaine en 6 ou 7 injections par semaine. La poursuite du traitement est accordée si la vitesse de croissance est supérieure au mois à 2 cm/an à la vitesse de croissance antérieure ou au moins égale à la vitesse de croissance normale pour l'âge chronologique. Le traitement est arrêté si la vitesse de croissance est inférieure à 3 cm/an, si l'âge osseux est supérieur ou égal à 15 ans chez le garçon ou supérieur ou égal à 13 ans chez la fille et si la taille atteint 170 cm chez le garçon ou 160 cm chez la fille. Les déficits somatotropes représentent l'indication essentielle et princeps de ce traitement. Le recul est actuellement suffisant pour disposer des tailles finales et pour analyser ces résultats afin de préciser les facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique. Dans l'ensemble, les résultats varient selon les séries de la littérature et selon les différents groupes étiologiques, diagnostiques ou thérapeutiques. Ainsi plusieurs séries ont été récemment rapportées (1) mais avec un nombre limité de patients. Deux séries plus importantes, l'une française (2) et l'autre européenne (3) permettent une analyse plus complète des résultats. Pour l'ensemble des groupes, les résultats varient pour les garçons de 160 cm (2) à 169 cm (3) et pour les filles de 150 cm (2) à 155 cm (3). Il existe donc des différences importantes qui nécessitent d'analyser ces résultats en fonction des groupes étiologiques et diagnostiques. Dans l'enquête française il n'existe pas de différence significative entre les déficits organiques (163 cm pour les garçons et 150.9 cm pour les filles) et les déficits idiopathiques (161 cm pour les garçons et 150 cm pour les filles). Par contre les tailles finales sont nettement inférieures dans les déficits post-radiothérapiques (tumeur cérébrale, leucémie, etc) : 158 cm pour les garçons et 147.5 cm pour les filles. Dans l'enquête européenne (3) les résultats exprimés en SDS sont pratiquement identiques dans les différents groupes mais légèrement supérieurs aux résultats français. Dans les déficits idiopathiques la moyenne des tailles finales est de - 1.0 SDS pour les garçons (soit 169 cm) et - 1.1 SDS pour les filles (soit 156 cm) alors que dans les déficits organiques cette moyenne est de - 1.6 SDS et dans les déficits post-radiothérapiques de - 1.2 SDS. Le type de déficit complet ou partiel a été aussi analysé. Dans l'enquête française, il n'existe pas de différence significative : 161.2 cm versus 162.2 cm pour les garçons et 150.3 cm versus 150.0 cm chez les filles. 

* Les facteurs prédictifs 

Les résultats montrent l'efficacité du traitement par rhGH mais il est difficile de l'affirmer de manière formelle puisqu'il n'existe pas de série contrôle non traitée. Avant l'utilisation de l'hormone de croissance, les tailles finales des "nanismes hypophysaires" se situaient autour de 130-140 cm mais il s'agissait probablement de déficit complet et non de déficit partiel. Les résultats actuels montrent, par ailleurs, une grande variation individuelle et il est donc important de rechercher les facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique. La dose d'hormone de croissance n'a jamais été précisée de manière formelle. Certes il existe une dose-réponse mais cependant la pente est faible et cette corrélation n'est retrouvée que pendant les 2 premières années de traitement. Cependant, il est intéressant de comparer les résultats de l'enquête française utilisant une dose faible de 0,4 UI/kg/semaine et de l'enquête européenne dont les doses sont plus fortes (0,6 UI/kg/semaine). Il existe de manière évidente de meilleurs résultats avec les doses plus fortes, pour les garçons 169 cm contre 161 cm et pour les filles 154.3 cm contre 150 cm. D'autres facteurs interviennent aussi sur les tailles finales : La survenue de la puberté : les tailles finales sont nettement plus élevées lorsque la puberté est induite (173.1 cm pour les garçons et 159.1 cm pour les filles) et plus faibles dans les pubertés spontanées (164.8 cm pour les garçons et 153.3 cm pour les filles). L'âge chronologique de début du traitement : plus le traitement est précoce et meilleurs sont les résultats. Il existe une corrélation négative entre les tailles finales et l'âge chronologique de début de traitement. L'intensité du retard statural au début du traitement : les résultats sont meilleurs lorsque le retard statural est plus modéré tout en sachant cependant que le rattrapage statural est d'autant plus important que le retard statural est plus sévère. Compte tenu de ces données (3) il a été établi une étude multiparamétrique des facteurs prédictifs qui dans les deux sexes fait intervenir dans l'ordre d'importance : la taille SDS en début de traitement, la durée du traitement par l'hormone de croissance, la taille cible ou la moyenne des tailles parentales et enfin la fréquence des injections. 

LE SYNDROME DE TURNER 

* Conditions d'attribution 

Le diagnostic doit être confirmé par le caryotype. Il n'existe pas de limite d'âge inférieur, ni de limite de taille, par contre le traitement doit être arrêté pour un âge osseux de 12 ans. La dose est de 0,9 à 1 UI/kg/semaine en 6 ou 7 injections. Le traitement est poursuivi si la vitesse de croissance est supérieure ou égale à 2 cm/an par rapport à la vitesse de croissance antérieure, ou si la vitesse de croissance est supérieure ou égale à 4,5 cm/an jusqu'à 12 ans et e" 3 cm/an si l'âge osseux est supérieur à 12 ans. Le syndrome de Turner constitue la deuxième indication du traitement par l'hormone de croissance. Les premiers traitements remontent à 1985 et l'on dispose maintenant des tailles définitives. Des résultats récents (4) ont permis de préciser ces tailles finales dans différents pays. Dans la première étude américaine (5) les tailles finales sont connues chez 30 enfants traités pendant 7 ans par l'hormone de croissance. La moyenne des tailles définitives est de 151,9 cm ce qui représente une amélioration de 8 cm par rapport à la taille adulte projetée. Dans une étude collaborative française récente portant sur un nombre important de cas (n = 117) (6), la moyenne des tailles finales est de 150.1 cm ± 5.5 cm. Il faut signaler que dans cette série la date d'institution du traitement a été assez tardive (12,5 ans) et que par ailleurs la durée du traitement a été plus courte (4 ans) que dans la série américaine (7 ans). Par ailleurs dans des séries publiées récemment (4), la moyenne des tailles finales se situe autour de 150 cm avec l'hormone de croissance seule et de 150 à 155 cm avec l'association hormone de croissance et oxandrolone. Contrairement au déficits somatotropes , on dispose pour les syndromes de Turner dans de nombreux pays des tailles finales spontanées sans traitement par GH. Les tailles varient entre 135 cm (Japon) et 147 cm (Allemagne). En France, la moyenne des tailles se situe entre 141 et 142 cm. Le gain obtenu avec le traitement par GH varie donc selon les pays. Il est peu important en Allemagne : 3 cm, beaucoup plus important en France par exemple : 8 à 9 cm. 

Les facteurs prédictifs 

Comme dans les déficits somatotropes, il existe de grandes variations individuelles qui ont fait rechercher l'existence de facteurs prédictifs. Il n'existe pas de corrélation avec la formule chromosomique, les résultats étant identiques quelle que soit l'anomalie chromosomique : monosomie X, mosaïque, iso chromosome X, ou même formule chromosomique comprenant un chromosomeY.(6) Il n'exite pas non plus de corrélation avec la taille de naissance. Par contre il existe une corrélation avec les tailles parentales et avec les tailles cibles. Il n'existe pas de corrélation avec la dose d'hormone de croissance (dans les limites des doses utilisées) mais cependant la durée du traitement intervient puisque la taille finale est plus élevée chez les enfants dont la durée du traitement a été plus longue. Les résultats sont meilleurs lorsque la puberté a été induite et nettement moins bons lorsqu'il existe une puberté spontanée. Enfin il existe une corrélation avec la taille au début du traitement, les résultats étant meilleurs lorsque le retard statural est plus modéré, mais il faut signaler là aussi l'existence d'un rattrapage plus élevé lorsque le retard statural est plus sévère au début du traitement. 

RETARD DE CROISSANCE INTRA-UTERIN 

* Conditions d'attribution 

La taille de naissance doit être inférieure à - 2 DS pour l'âge gestationnel en fonction des courbes de Usher et Mac Lean, la taille au moment de l'examen inférieure ou égale à - 3 DS, l'âge chronologique supérieur à 3 ans et inférieur à 10 ans chez le garçon et à 8 ans chez la fille. La dose d'attribution est de 1,2 UI/kg/semaine pour 3 ans. A l'arrêt du traitement, si la taille reste inférieure à - 2 DS, le traitement est poursuivi à 0,6 UI/kg/semaine. Si la taille est supérieure à - 2 DS, le traitement est arrêté pendant un an et repris seulement s'il existe un ralentissement de la vitesse de croissance. Les résultats des différentes études réalisées à ce jour montrent dans l'ensemble un gain de 1,5 à 2 DS au cours des 3 années de traitement et un retour de la taille dans la zone normale (moyenne ± 2 DS) dans 80 à 90 % des cas. Au cours de ce traitement, on assiste à une légère accélération de la maturation osseuse mais qui cependant reste nettement inférieure au gain statural. A l'arrêt du traitement, l'évolution spontanée montre un ralentissement de la vitesse de croissance avec une perte de 1 DS après 2 ou 3 ans d'évolution spontanée. Ceci pose naturellement le problème de la reprise thérapeutique après la 3ème année de traitement, reprise à dose plus faible dans le cadre de l'AMM et lorsqu'il existe un ralentissement de la vitesse de croissance. Le recul est actuellement insuffisant pour savoir si cette dose est suffisante pour maintenir une vitesse de croissance normale et le même gain de rattrapage. Enfin l'évolution de la puberté en cas de traitement et les tailles finales ne sont pas encore connues. Au cours de ce traitement et malgré des doses plus fortes, il n'a pas été rapporté d'incident secondaire notable si ce n'est un hyperinsulinisme transitoire qui disparaît à l'arrêt du traitement. 

INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE 

* Conditions d'attributions 

La fonction glomérulaire doit être inférieure à 50 %, la taille inférieure ou égale à - 2 DS, la vitesse de croissance inférieure à - 1 DS pour l'âge chronologique. L'âge chronologique doit être supérieur à 2 ans et inférieur à 13 ans chez les garçons et inférieur à 11 ans chez les filles. Il ne doit pas exister de signes pubertaires. La dose attribuée est de 1 UI/kg/semaine. Le traitement est poursuivi si la vitesse de croissance est supérieure à 2 cm par rapport à la vitesse de croissance antérieure et arrêté si la vitesse de croissance est supérieure à la vitesse de croissance normale pour l'âge chronologique. Dans l'insuffisance rénale chronique avec traitement conservateur (7), le traitement par GH permet une accélération nette de la vitesse de croissance qui passe en moyenne de 4 à 5 cm par an avant traitement, à 9 à 10 cm par an la première année avec un rattrapage de 0,5 DS en moyenne. Dans les années suivantes, on assiste à une réduction de cette vitesse de croissance comme cela est habituel avec ce type de traitement. La réponse thérapeutique est inversement corrélée à la clairance de la créatinine au départ, et elle est d'autant meilleure que la vitesse de croissance de base est plus basse. Il n'a pas été noté d'effet secondaire, et en particulier l'évolution de l'insuffisance rénale ne semble pas être accélérée par le traitement par GH. Dans l'insuffisance rénale chronique avec hémodialyse, les résultats sont un peu moins nets, il existe certes une accélération de la vitesse de croissance mais la réponse thérapeutique est variable selon les enfants et certains malades ont une réponse faible. Dans l'insuffisance rénale chronique avec greffe rénale, il n'existe pas actuellement d'AMM mais les protocoles thérapeutiques ont montré une accélération de la vitesse de croissance qui est cependant inférieure à celle obtenue dans l'insuffisance rénale chronique avec traitement conservateur. La fonction rénale n'est pas modifiée par le traitement. Cependant il a été noté dans certaines études des crises de rejet sous traitement mais une analyse plus fine a permis de montrer que ces crises de rejet ne surviennent que dans les cas où le malade a déjà présenté plus d'une crise avant le traitement par GH. Il n'a pas été rapporté au cours de ces traitements d'effets secondaires particuliers si ce n'est une élévation de l'insulinémie mais qui régresse en cours de traitement et disparaît à l'arrêt du traitement. 

CONCLUSION Le traitement par l'hormone de croissance a montré son efficacité dans les indications actuelles. Cependant il est probablement possible d'améliorer encore ces résultats en analysant mieux les facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique afin de moduler les doses thérapeutiques sur le plan individuel. 

Références 

1. Frish H, Severi F. Final height after growth hormone therapy. Horm Res 1995 ; 43 : 121-147. 

2. Costes J., Letrait m., Carel JC., Tresca JP., Chatelain P., Rochiccioli P., Chaussain JL., JOb JC. Long term results of growth hormone treatment in France in children of short stature population, register based study. BMJ 1997 ; 315 : 708-713. 

3. Price DA., Ranke M. Final height following growth hormone treatment. in Progress in Growth hormone therapy. 5 years of KIGS MB Ranke R. Gunnarson (Eds) J&J; Verlag Mannheim 1994 ; 129-144. 

4. Turner Syndrome in a life span perspective : Research and Clinical Aspects. K Albertsson-Wikland, MB. Ranke, eds Elsevier 1995. 

5. Rosenfeld R., Attie K., Frane J., Johanson A. Turner syndrome : optimizing treatment for short stature. International Symposium on Turner syndrome, Goteborg 1995. May 18-20. 

6 Rochiccioli P., Battin J., Bertrand AM., Chaussain JL., Chatelain P., Tauber M. et al. Final height in Turner syndrome patients treated with growth hormone Horm Res 1995 ; 44 : 172-176. 

7. Mehls O., Broyer M. Growth response to recombinant human growth hormone in short prepubertal children with chronic renal failure with or whithout dialysis. Acta Paediatrica (suppl) 1994 ; 399 : 81-87. 

8. Chipman JJ., Attanasio AF., Birkets MA., Bates PC., Webbs S., Lamberts SWJ. The safety profile of GH replacement therapy in adults. Clinical Endocrinology 1997 ; 45 : 473-481.