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Titre: Les coliques du nourrisson
Année: 1994
Auteurs: - Chouraqui J-P.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Coliques du nourrisson

LES COLIQUES DU NOURRISSON

 

J.-P. CHOURAQUI

 

Unité de Nutrition Pédiatrique

C. H. U. de Grenoble

Département de Médecine et Réanimation Pédiatriques

BP 217 - 38043 GRENOBLE CEDEX 9

 

Le terme "colique du nourrisson" (CN) fait usuellement référence à une entité clinique caractérisée par la survenue paroxystique chez un nourrisson de moins de 3 mois de pleurs prolongés et de phases d'agitation dont la cause est présumée être d'origine intestinale.

En fait, cette entité concerne des groupes d'enfants inhomogènes et donne lieu de par son cadre nosologique mal délimité à des perceptions différentes. D'une part, un certain nombre de caractéristiques comportementales mettant en exergue le rôle de l'environnement familial ont pu être identifiées, d'autre part, certains éléments continuent à faire évoquer une pathologie digestive éventuellement secondaire au type d'alimentation délivrée.

Quoiqu'il en soit, ces pleurs incessants sont une cause de détresse maternelle et de perturbations familiales et donc un motif fréquent de consultations par des parents inquiets, épuisés, voire exaspérés. Le premier rôle du praticien va être d'analyser l'anamnèse et les symptômes présentés, puis d'éliminer une cause organique avant d'établir une démarche de prise en charge. Cependant, notre connaissance des mécanismes en causes, des étiologies et donc du traitement, est loin d'être complète.

 

Définitions

La survenue paroxystique d'accès de pleurs prolongés avec agitation chez un nourrisson de moins de 3 mois, par ailleurs en bonne santé apparente, est la base de la description de l'entité CN. Cependant, dans 30 % des cas, ces symptômes persistent au 4ème voire au 5ème mois.

• Durée des pleurs normaux

Tout le problème est de savoir à partir de quand des pleurs deviennent anormaux par leur fréquence ou/et par leur durée.

En 1962 Brazelton étudie chez 80 nourrissons, considérés comme indemnes de toute pathologie, la durée cumulative des pleurs sur la journée. Celle-ci est de 1h 40 au cours de la 2ème semaine de vie, de 2 h 45 à 6 semaines puis diminue pour être inférieure à 1 heure à 12 semaines. Même chez des enfants considérés comme indemnes, donc l'âge de 6 semaines-2 mois correspond à la période où les pleurs sont les plus fréquents et les plus prolongés et surviennent préférentiellement entre 15 heures et minuit.

• Critères de définition

la difficulté devant des pleurs considérés comme préoccupants par la mère est de discriminer ce qui procède d'un phénomène normal mal vécu par l'entourage de ce qui s'intègre dans un cadre nosologique pathologique.

Dans la définition assez stricte de Wessel (1954), la durée cumulée sur la journée des pleurs, doit être de plus de 3 heures et ce, plus de 3 jours par semaine pendant au moins 3 semaines (règle des 3 x 3). Ces critères ne correspondent en fait, qu'à 35 % des nourrissons consultants pour CN. Barr considère que les nourrissons présentant des CN pleurent aussi souvent, mais pendant plus longtemps que ceux indemnes. la durée cumulative normale de pleurs augmente de 1 heure 3/4 à 6 semaines, pour diminuer ensuite. Il existe, de ce fait, un certain chevauchement entre la population dite normale et la population de nourrissons CN.

Finalement, les CN vraies correspondent à des nourrissons pleurant plus d'une heure de manière inconsolable et présentant fréquemment une agitation et de nombreux gaz. Elles contrastent avec les pleurs, fréquents mais vites apaisés par l'intervention parentale, de certains nourrissons.

Le terme colique a donc trois significations pouvant engendrer des attitudes différentes

* la première approche prend en compte l'augmentation de la durée et de l'intensité des pleurs et correspond à la définition de Wessel.

* la deuxième privilégie la façon dont la mère décrit et vit le problème.

* la troisième met en exergue l'existence vraisemblable d'un trouble gastro-intestinal sous-jacent et sa relation éventuelle avec l'alimentation.

Ces trois approches sont en réalité complémentaires et leur apparente disparité rend compte de la variabilité de l'estimation de la prévalence des CN. Celle-ci est évaluée comme concernant 10 à 40 % des nourrissons.

 

Clinique

Le tableau clinique est donc assez stéréotypé dans sa présentation. Les pleurs, plus ou moins stridents, continus et angoissants se pérennisent parfois pendant plusieurs heures. L'abdomen est souvent tendu avec les membres inférieurs repliés sur lui et agités de mouvements saccadés. Les mains sont souvent crispées, le faciès vultueux ou pâle. Souvent, la crise se termine par l'émission spontanée ou provoquée de gaz ou d'une selle.

Typiquement, ce tableau survient plutôt en fin d'après-midi et surtout vers l'âge de 2 mois. Mais cela correspond à l'acmé des pleurs chez des nourrissons indemnes de CN. D'autre part, les signes d'accompagnement des pleurs décrits plus haut peuvent parfaitement être la conséquence des pleurs incessants et n'avoir, de ce fait, aucune spécificité.

Causes et Mécanismes

L'étiologie des CN est loin d'être évidente. la nature douloureuse des manifestations présentées est étayée par l'existence concomitante de phases d'agitations et trémulations, de crispation des mains et de flexion des membres inférieurs sur l'abdomen, ainsi que par le soulagement occasionné par l'émission de gaz ou l'exonération d'une selle. Ceci a amené de nombreux auteurs à considérer, toute cause organique identifiable étant éliminée, les CN comme la traduction d'un phénomène douloureux d'origine digestive.

Parmi les causes organiques de pleurs inexpliqués et de phase d'agitation post-prandiale ou pendant le sommeil, une place particulière est occupée par le reflux gastro-oesophagien avec oesophagite. Bien entendu ce diagnostic sera facilement évoqué s'il existe en outre des régurgitations. Sinon il faut l'envisager quasiment de principe lorsque les symptômes sont per ou post-prandiaux ou surviennent pendant le sommeil avec troubles du sommeil. Deux examens complémentaires ont alors un particulier intérêt : l'endoscopie à la recherche d'une oesophagite, la pHmétrie qui authentifiera le reflux et tentera d'établir la relation de cause à effets entre les épisodes de chute du pH et la survenue de pleurs ou d'agitation.

Le plus souvent le praticien est consulté pour des pleurs incessants et exaspérants qui peuvent, en l'absence d'étiologie manifeste, l'amener à envisager un trouble du comportement.

L'opposition entre ces deux aspects n'est, en fait, qu'apparente, même si elle est souvent source de confusion. En effet, les deux abords ne sont pas exclusifs l'un de l'autre.

 

Trouble Comportemental

Un certain nombre d'auteurs ont mis en exergue le fait que les CN pouvaient correspondre au maintien d'un état organisé de pleurs à une période où normalement l'état d'alerte et d'éveil devrait émerger. L'apaisement obtenu par une prise en charge parentale attentionnée plaide en faveur d'une telle perturbation comportementale. Cependant, certaines CN restent inconsolables. D'autre part, les pleurs incessants des CN sont eux-mêmes générateurs d'angoisse et de tension émotionnelle parentale. Les CN pourraient donc être une interaction d'incompatibilité entre le caractère du nourrisson et son environnement. L'intervention au niveau de facteurs psycho-sociaux, environnementaux et comportementaux distingués est alors susceptible d'entraîner une amélioration de la situation, en sachant que les CN vont disparaître entre 3 à 5 mois.

Le rôle de la tension émotionnelle parentale pendant et après la grossesse a été étudié par Paradise. Cet auteur montre que les mères qui ont, au cours de leur grossesse, subi un stress émotionnel et/ou une phase dépressive, sont plus sujettes à avoir un nourrisson présentant des coliques. Plus récemment, Rautava et Coll., étudiant 1208 femmes, leur partenaire et leur progéniture, confirment ces données et mettent en exergue l'influence néfaste sur la survenue de colique du stress quelqu'il soit pendant la grossesse, d'une insatisfaction sexuelle ou de difficultés lors de l'accouchement. Les auteurs insistent de ce fait sur l'importance d'une prise en charge psycho-sociale du couple pendant la grossesse.

 

Affection Digestive

- Pour un certain nombre d'auteurs, les CN ne sont que la première manifestation d'une colopathie fonctionnelle et s'intègrent dans le syndrome du "colon irritable" .

- D'autres considèrent le phénomène douloureux inhérent aux CN comme secondaire à l'accumulation de gaz localisé à un segment intestinal. Cette accumulation peut être la conséquence d'une déglutition exagérée d'air lors de la tétée ou lors des pleurs eux-mêmes, d'une éructation post-prandiale insuffisante ou d'une production endoluminale de gaz au niveau colique par fermentation bactérienne d'hydrates de carbone non absorbés en amont. Le lactose qui représente 30 à 45 % de l'apport énergétique fourni à un nourrisson est, chez le jeune nourrisson, incomplètement digéré et peut donc donner lieu à une fermentation colique avec production d'H2 comme le montre le Breath-test. L'activité lactasique peut ainsi limiter la tolérance au lactose jusque vers 3 mois. Cependant, ce mécanisme n'est pas démontré dans tous les cas de coliques.

- La production excessive de gaz pourrait être à l'origine de contractions et de troubles de la motilité intestinale, à moins que ceux-ci ne soient primitifs et soient eux-mêmes la cause de l'accumulation segmentaire de gaz ou de résidus. Dans ce cadre, certains ont insisté sur le rôle essentiel des prostaglandines présentes dans le lait maternel, tandis que d'autres ont pu montrer une augmentation de la motiline chez le nourrisson CN.

- Allergie aux protéines du lait de vache (PLV)

Plusieurs études récentes ont mis en exergue cette possibilité, qu'il s'agisse d'une sensibilisation directe par un lait pour nourrisson ou indirecte via le lait maternel. Quoique discutée par certains, et n'expliquant pas toutes les CN, cette hypothèse doit être sérieusement envisagée. Lorsque ce diagnostic est suffisamment fortement envisagé, la suppression, puis la réintroduction des PLV à la mère, en cas d'allaitement au sein, ou à l'enfant, doivent apporter la conviction nécessaire au maintien d'un régime d'exclusion. Sinon, le risque est grand de proposer un régime d'exclusion excessif qui d'ailleurs ne résoudra rien, contribuant en cela à majorer l'angoisse parentale.

 

Conduite A Tenir

1 - Rassurer les parents.

2 - Corriger la sur- ou la sous-alimentation.

3 - Détecter les causes d'aérophagie éventuelle, les corriger.

4 - Utiliser tous les petits moyens d'apaisement et de prise en charge attentionnée du nourrisson.

5 - Si gaz fréquents, envisager une intolérance au lactose et de ce fait un changement de lait par un lait moins lactosé.

6 - En cas d'échec des mesures précédentes, envisager une allergie au lait de vache et réaliser une épreuve d'exclusion/réintroduction.

7 - Les drogues sédatives et anticholinergiques sont inefficaces.

8 - Aider les parents à mieux vivre le problème

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