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Titre: Alimentation du nourrisson et diarrhées aigues modérées : existe-t-il encore une controverse
Année: 2002
Auteurs: - Olives J.-P.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

ALIMENTATION DU NOURRISSON ET DIARRHEES AIGUES MODEREES :
EXISTE-T-IL ENCORE UNE CONTROVERSE ?

JP Olives - Gastroentérologie et Nutrition - Hôpital des Enfants - CHU Toulouse

 

L'incidence annuelle des diarrhées aiguës infantiles dans les pays industrialisés est estimée actuellement entre 1,3 à 2,3 épisodes par enfant, les chiffres étant plus élevés chez les enfants séjournant en collectivité. Aux Etats-Unis, plus de 200 000 enfants sont hospitalisés chaque année pour diarrhée aiguë, ce qui représente environ 900 000 journées d'hospitalisation (1). Les enquêtes publiées récemment montrent que les recommandations thérapeutiques et/ou diététiques largement diffusées concernant l'utilisation des solutions de réhydratation orale (SRO) et les indications très limités des médicaments sont peu suivies (2). De nombreuses études confirment que les diarrhées aiguës dans les pays favorisés sur le plan économique sont peu sévères et évoluent favorablement de manière spontanée (3). La poursuite de protocoles thérapeutiques surannés conduisant à la prescription de nombreux médicaments et/ou à l'indication d'hospitalisation inutiles ont un coût considérable en terme de santé publique. Dans les pays en voie de développement, l'incidence des diarrhées aiguës infantiles est nettement plus élevée : le nombre d'épisodes variant de 3 à 9 par an et par enfant (3).

Diarrhées aiguës et intolérance au lactose :

Toute diarrhée aiguë peut être à l'origine de troubles de la digestion et de l'absorption de certains nutriments. Des lésions épithéliales et une atrophie villositaire modérée ont surtout été démontrées au cours des infections à rotavirus.
Elles sont à l'origine d'une diminution des activités disaccharidasiques. Les troubles de la motricité intestinale peuvent également diminuer les capacités d'absorption des hydrates de carbone. La survenue d'un déficit en lactase et d'une intolérance secondaire en lactose ont pendant longtemps été considérés comme des complications fréquentes des diarrhées aiguës et ont été à l'origine de la mise en œuvre de régimes spéciaux ou de protocoles de réintroduction très progressive du lait. Si le déficit en lactose secondaire à l'atrophie villositaire qui accompagne la malnutrition reste une complication fréquente et redoutable dans les pays pauvres chez un enfant qui va présenter en plus une diarrhée aiguë, l'intolérance au lactose au cours des diarrhées aiguës habituellement rencontrée dans les pays développés est devenue exceptionnelle (3). L'étude par méta-analyse des différentes études publiées depuis une quinzaine d'années concernant la tolérance au lactose au cours des protocoles de réalimentation des diarrhées aiguës du nourrisson montrent qu'à partir de 1985, il n'y a pas de différence entre les groupes d'enfants recevant du lactose et ceux chez qui il est exclu (ou réintroduit progressivement), pour ce qui concerne la durée du syndrome diarrhéique et le nombre d'échecs ou de rechutes (4).
Au contraire, les quantités de lait ingérées et la prise de poids sont supérieures chez les enfants recevant du lactose. Une étude récente menée sous l'égide de la Société Européenne (ESPGHAN) chez 230 enfants dans 12 centres hospitaliers en Europe confirme ces données et conduit cette société à ne plus recommander l'utilisation des laits sans lactose et à préconiser une renutrition très précoce au cours de tout épisode de diarrhée aiguë (5).

Diarrhées aiguës et sensibilisation aux protéines alimentaires

Une autre complication a également conduit la prescription de régime spéciaux plus particulièrement chez le jeune nourrisson : il s'agit du risque de sensibilisation aux protéines du lait de vache. Cette entité a été un temps dénommée " syndrome post-entéritique " et semblait plus spécifiquement liée à l'infection à rotavirus (6).
En fait cette complication paraît peu fréquente et fait discuter l'utilisation systématique d'hydrolysats de protéines, ou des formules partiellement hydrolysées chez les nourrissons de moins de 4 mois présentant un épisode diarrhéique. Seule une évolution supérieure à une semaine justifie, chez les très jeunes enfants, l'utilisation de formules extensivement hydrolysées.

Utilisation des formules lactées avec probiotiques dans le traitement des diarrhées aiguës du nourrisson

Les probiotiques sont d'après la définition de Fuller des suppléments alimentaires en micro-organismes vivants qui affectent l'hôte de façon bénéfique en améliorant l'équilibre de la flore microbienne intestinale. Depuis quelques années, ils sont de plus en plus utilisés dans le traitement diététique des diarrhées aiguës du nourrisson. Les mécanismes précis d'action des probiotiques dans les diarrhées aiguës ne sont que partiellement connus. Les actions possibles comprennent : la production de substances antimicrobiennes, la compétition pour les nutriments et les facteurs de croissance des agents pathogènes, un effet inhibiteur sur l'adhésion des agents pathogènes, la modification des toxines et de leurs récepteurs et enfin une stimulation spécifique et non spécifique du système immunitaire intestinal muqueux et systémique.
Une étude détaillée par méta-analyse (H. Szajewska - communication personnelle) de 10 articles publiés entre 1996 et 2001 concernant l'effet des probiotiques dans les diarrhées aiguës de l'enfant (âge : 1 à 48 mois) a permis de comparer l'effet de différentes souches : lactobacillus GG, lactobacillus reuteri, lactobacillus acidophilus, saccharomyces boulardii, streptococcus thermophilus lactis, lactobacillus acidophilus et lactobacillus bulgaricus. L'effet de ces souches a pu être étudié sur deux groupes homogènes de 731 et 773 enfants pour ce qui concerne respectivement le risque de diarrhée persistant au delà de 3 jours et la durée de la diarrhée exprimée en heures. Les conclusions de ce travail montent que, à l'évidence, il existe un effet statistiquement significatif pour lactobacillus GG et à un degré moindre pour lactobacillus reuteri ; cet effet est plus marqué pour les diarrhées à rotavirus que pour les diarrhées dues à d'autres germes pathogènes (7). Pour confirmer ces résultats, de futures études avec une méthodologie rigoureuse (randomisation, double aveugle et contre placebo) sont indispensables. De plus, pour parvenir à des conclusions scientifiquement acceptables, les protocoles devront comparer des souches de probiotiques parfaitement définies avec des doses d'organismes vivants identiques et le poids des selles ou l'excrétion fécale devront être quantifiés.


Diarrhées aiguës et réalimentation précoce

La nécessité d'une alimentation précoce, voire très précoce 4 heures après le début de la réhydratation, n'est plus à discuter (8). L'alimentation précoce maintient ou améliore l'état nutritionnel sans aggraver le syndrome diarrhéique. La prise en charge de l'enfant diarrhéique doit se fonder plus sur la surveillance de la courbe de poids que sur l'aspect de selles. C'est déjà au milieu du 20ème siècle que quelques auteurs avaient montré la supériorité d'une alimentation normale par rapport à la réintroduction progressive des aliments. Les conclusions des études récentes et les recommandations actuelles peuvent être résumées de la façon suivante (9,10) :
- pour les enfants atteints de diarrhée aiguë modérée ou bénigne en Europe, une réintroduction rapide de l'alimentation avec le lait habituel de l'enfant, non dilué, doit être proposée dès la 3ème ou 4ème heure de la réhydratation avec SRO, tout en poursuivant celle-ci. Si l'enfant est nourri au sein, l'allaitement maternel sera maintenu pendant toute la durée de l'épisode diarrhéique.
- il n'y a pas plus de complications et de rechutes chez les enfants avec déshydratation modérée ou absente qui reçoivent immédiatement un lait non dilué que chez eux à qui une réintroduction progressive est proposée.
- l'utilisation de formules sans lactose n'est pas justifiée lorsque l'enfant a reçu dans un premier temps une SRO et qu'il est par ailleurs nourri avec des aliments solides.
Lorsque l'enfant reçoit une alimentation diversifiée celle-ci peut être poursuivie normalement durant l'épisode diarrhéique, cependant certains aliments semblent améliorer le confort en ralentissant le transit et en augmentant la consistance des selles c'est le cas du riz, de la carotte, de la banane, de la pomme ou du coing.
Dans un certain nombre de cas, rares dans notre pays, la reprise de l'alimentation habituelle et impossible, soit parce qu'un syndrome diarrhéique important persiste, soit parce que la diarrhée rechute lors de la réintroduction des aliments en particulier lactés. Ces diarrhées à rechutes ou prolongées s'observent particulièrement chez l'enfant de moins de six mois, lorsqu'existe un état de malnutrition ou après une infection à rotavirus. Ces situations doivent conduire à moduler l'apport alimentaire ou supprimer dans un premier temps les apports lactés et le gluten et à utiliser des aliment naturels solides en proportion équilibrée.
En cas d'échec, l'attitude diététique sera plus prudente et ce d'autant que l'enfant à moins de 3 mois, que la diarrhée reste grave et qu'il existe un état de malnutrition.
Dans ce cas, il est préférable d'éliminer les protéines antigéniques et l'alimentation polymérique et de proposer une diète semi élémentaire équilibrée sous la forme d'un hydrolysat de protéines.
Exceptionnellement la persistance et la gravité de ce syndrome, malgré l'utilisation d'une nutrition entérale à débit continu, conduisent à l'indication d'une nutrition parentérale et à la recherche de facteurs favorisants de diarrhée grave prolongée.

Conclusion

L'analyse des études publiées et des recommandations de l'OMS et des sociétés scientifiques concernant la prise en charge diététique des diarrhées aiguës de l'enfant montre une parfaite homogénéité des conclusions et un consensus sur l'ensemble des directives et recommandations. Il n'y a donc pas de controverse.
Par contre, plusieurs enquêtes confirment que, tant dans les pays favorisés que dans les pays pauvres, ces protocoles sont peu, ou pas du tout, appliqués (2,3).
A l'évidence, les recommandations sont connues des médecins, la compréhension des mécanismes de la diarrhée est acquise et l'utilité (ou l'inutilité) des thérapeutiques est admise. Donc plus qu'une controverse, c'est un décalage qui est observé et qui conduit parfois à une mauvaise prise en charge et souvent à une augmentation inacceptable du coût économique de la diarrhée dans toutes les régions du globe.

Il est essentiel que le médecin spécialiste ou généraliste comprenne et entende à la fois la demande des parents et le bien fondé des recommandations thérapeutiques. Seuls un échange, une écoute et une réflexion peuvent ouvrir sur le sens de l'acte médical dans le traitement d'une des affections les plus répandues dans le monde. La prise en compte de ce décalage conduira à modifier les pratiques médicales et permettra surtout de stimuler une recherche de nouvelles thérapeutiques dont les conséquences pratiques sont considérables.

Références bibliographiques

1 - American Academy of Pediatrics. Provisional Committee on Quality improvement, Subcommittee on Acute gastroenteritis. Practice parameter : the management of acute gastroenteritis in young children. Pediatrics, 1996, 97 : 424-435.
2 - Szajewska H, Hoekstra JH, Sandhu B. Management of acute gastroenteritis in Europe and the impact of the new recommendations : a multicenter study. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000 ; 30:522-7
3 - Olives JP, Ghisolfi J. Diarrhées aiguës. In. J Schmitz, J. Navarro. Gastroentérologie Pédiatrique. Paris. Flammarion Medecine Sciences - Paris 2000 : 274-5
4 - Brown KH, Peerson JM, Fontaine O. Use of non human milks in the dietary management of young children with acute diarrhea : a meta-analysis of clinical trials. Pediatrics 1994, 93 : 17-27.
5 - Sandhu BK, Isolauri E, Walker-Smith and al. A multicentre study on behalf of the European Society of Paediatric Gastroenterology and Nutrition. Working group on acute diarrhoea. J Pediatr Gastroenterol Nutr, 1997, 24 : 522-527.
6 - Walker-Smith JA. Cow's milk intolerance as a cause of post-enteritis diarrhea. J. Pediatr Gastroenterol Nutr 1982, 1 : 163-173.
7 - Szajewska H, Mrukowicz JZ. Probiotics in the treatment and prevention of acute infectious diarrhea in infants and children : a systematic review of published randomized double blind placebo-controlled trials. (Communication Personnelle) J Pediatr Gastroenterol Nutr 2002 (à paraître)
8 - Dupont C. Renutrition précoce au cours des diarrhées aiguës infantiles. Med Therap Pediatr 1998, 1 : 49-53.
9 - Walker-Smith JA, Sandhu BK, Isolauri E et al. Medical position paper. Guidelines prepared by the ESPGHAN working group on acute diarrhoea. Recommendations for feeding in childhood gastroenteritis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1997, 24 : 619-620.
10 - Guandalini S. Treatment of acute diarrhea in the new millenium (editorial).
J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000 ; 30 :486-9