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Titre: La prise en charge thérapeutique des allergies alimentaires
Année: 2002
Auteurs: - Rance F.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Allergies

La prise en charge thérapeutique des allergies alimentaires

Fabienne Rancé

Allergologie-Pneumologie, Hôpital des Enfants, CHU Toulouse
330 av. de Grande Bretagne, 31026 Toulouse cedex
e-mail : rance.f@chu-toulouse.fr

L'allergie alimentaire correspond à une réaction adverse aux protéines alimentaires par mécanisme immuno-allergique. Dans la population générale, 20 à 30% des individus pensent être allergiques à un ou plusieurs aliments. Pourtant, l'allergie alimentaire est authentifiée par le test de référence, le test de provocation par voie orale en double aveugle, dans seulement 2 à 4% des cas (1, 2). L'allergie alimentaire est plus fréquente chez l'enfant que chez l'adulte (3). Aux Etats-Unis, l'incidence de l'allergie alimentaire est de 8,5% chez l'enfant d'âge préscolaire (4).

Le diagnostic d'allergie alimentaire établi sur la base de tests standardisés permet d'aborder le traitement de l'allergie alimentaire sous trois aspects : le traitement des symptômes de l'allergie alimentaire, le traitement préventif, et le traitement de fond qui pourrait théoriquement se fonder sur l'immunothérapie.

1. Traitement des symptômes de l'allergie alimentaire

Les traitements d'urgence des symptômes de l'allergie alimentaire associent à des degrés divers, les antihistaminiques, les corticoïdes, les thérapeutiques bronchodilatatrices et l'adrénaline. Il est impossible de donner une ordonnance standardisée, celle ci dépend des manifestations que présente l'enfant, de son risque de développer une anaphylaxie, de son âge et de ses expériences lors des réactions antérieures. Dans tous les cas cette ordonnance d'urgence (plan d'urgence), doit être la plus simple et claire possible (tableau 1). Il faut limiter le nombre de médicaments, afin d'obtenir une prescription applicable dans un contexte d'urgence où les manifestations cliniques génèrent souvent de l'anxiété.

Tableau 1. Les traitements d'urgence des symptômes de l'allergie alimentaire

1. Urticaire, angiodème (sans signes d'asphyxie), rhinite et conjonctivite

Anti-histaminique par voie orale
+/- corticoïde par voie orale

Traitement pendant 2 à 5 jours

2. Asthme (toux, sifflements, chute du débit expiratoire de pointe)

Bronchodilatateur utilisant un système d'inhalation adapté à l'âge de l'enfant
2 bouffées (ou 2 doses) renouvelables 3 fois à 10 mn d'intervalle,
puis, poursuivies 4 à 6 fois par jour pendant 2 jours

+/- corticoïde par voie orale
Traitement pendant 2 à 5 jours


3. Oedème laryngé (avec signes d'asphyxie) et choc anaphylactique (incluant des symptômes respiratoires, un malaise ou une perte de connaissance et un collapsus)

Adrénaline (ou ANAPEN®)
injection intramusculaire, dans la face antéro-latérale de la cuisse, à la dose de 0,01 mg/kg (ANAPEN® 0,15 mg avant 20 kg et 0,30 mg au delà de 20 kg) ; à renouveler si besoin, jusqu'à disparition des symptômes

Avis médical d'urgence et hospitalisation secondaire obligatoire

 

L'adrénaline est le traitement d'urgence du choc anaphylactique (tableau 2). Face aux urgences dues à l'allergie alimentaire, l'adrénaline est diversement utilisée en fonction des pays : aux Etats Unis et au Canada l'adrénaline injectable est très largement prescrite, presque dès les premiers signes de réaction allergique ; en France il existe encore des réticences à injecter ou conseiller d'injecter de l'adrénaline face à une urgence allergologique sévère. Pourtant l'adrénaline injectable est le traitement de choix de l'urgence allergologique, ses effets secondaires chez l'enfant sont tout au plus modérés et transitoires, et surtout le retard à l'injection d'adrénaline dans les accidents sévères par allergie alimentaire est un des facteurs mis en avant pour expliquer les évolutions fatales (5).

La seule voie d'administration de l'adrénaline qui a fait la preuve de son efficacité est la voie intramusculaire (6). L'administration d'adrénaline par voie sublinguale, n'a pas à notre connaissance, fait la preuve de son efficacité. On ne peut donc pas conseiller cette voie pour traiter les urgences allergiques. Le constat est le même pour l'adrénaline administrée par pulvérisations laryngées : la technique est complexe, le goût est amer pour l'enfant et l'efficacité est identique à celle du placebo. D'après Simons et al., les règles de bonne utilisation de l'adrénaline comportent l'injection intramusculaire, dans la cuisse, à l'aide du stylo auto-injectable, à la posologie de 0,01 mg/kg (6) Une hospitalisation secondaire de 24 heures est obligatoire. La recherche étiologique est à prévoir un mois plus tard.

Tableau 2. Traitement du choc anaphylactique (d'après Chamberlain D. Consensus guidelines. J Accid Emerg Med 1999,16, 243-7)


Si de l'adrénaline auto-injectable est prescrite, il est indispensable qu'elle soit à disposition immédiate chaque fois que l'enfant se trouve dans une situation où il peut être amené à ingérer un aliment : les accidents par allergie alimentaire surviennent le plus souvent en dehors du domicile, quand l'alimentation est moins bien contrôlée. Si l'adrénaline reste dans le réfrigérateur familial, alors que l'enfant prend la plupart de ses repas en dehors du domicile, la prescription est inutile! L'ANAHELP® et l'ANAKIT® sont au mieux conservés au froid, mais pour les déplacements il faut bien sûr l'avoir sur soi ; dans leur trousse, ces deux présentations peuvent supporter des séjours de quelques semaines à température ambiante. La prescription d'adrénaline s'accompagne obligatoirement de l'apprentissage de la technique d'injection par l'enfant et/ou sa famille. Il est possible que les prescriptions d'adrénaline injectable évoluent rapidement avec la mise à disposition en France d'adrénaline auto-injectable, facile à utiliser (ANAPEN®), et qui ne se conserve pas au froid. L'utilisation est unique et 2 dosages sont disponibles : junior à la dose de 0,15 mg/0,3 ml pour un poids inférieur à 20 kg et dosage à 0,30 mg/0,3 ml pour les adultes et les enfants de plus de 20 kg. Il convient de respecter la date de péremption pour une efficacité optimale. Le changement de couleur de l'ampoule n'est plus retenu comme critère de non validité de l'adrénaline.

2. Traitement préventif de l'allergie alimentaire

Le traitement préventif de l'allergie alimentaire comporte le régime d'exclusion de l'aliment allergisant, le traitement pharmacologique, l'éducation du patient et de son entourage, ainsi que d'autres mesures d'ordre général.

2.1. Régime d'éviction

Le traitement préventif est fondé sur l'éviction stricte du (ou des) aliment (s) identifié(s) par une exploration allergologique rigoureuse. Le régime d'éviction doit être longuement expliqué. Il faut détailler les formes masquées d'allergènes, les contaminations possibles et aussi la présence de l'allergène sous d'autres formes (médicaments, cosmétiques). Les patients et les familles doivent apprendre à lire attentivement l'étiquetage et la dénomination des allergènes. A titre d'exemple, caséine, caséinate, lactalbumine, lactosérum, protéines animales, margarine, crème, beurre, bas-beurre désigne la présence de protéines du lait de vache dans un produit fini.

L'aide d'une diététicienne permet d'éviter les carences nutritionnelles, d'obtenir un équilibre dans les apports alimentaires et de proposer des remplacements d'aliments.

2.1.1. Les hydrolysats de protéines

L'allergie aux protéines du lait de vache de l'enfant jeune conduit à proposer une substitution par une formule adaptée aux besoins nutritionnels liés à l'âge, et dont l'allergénicité est réduite. Depuis 1989, les hydrolysats de protéines sont recommandés par le comité de nutrition pour le traitement des allergies aux protéines du lait de vache (7). Les hydrolysats de protéines sont obtenus après traitement des protéines, par la chaleur, par le clivage enzymatique ou les 2 méthodes réunies. L'objectif est de réduire le poids moléculaire (PM) des protéines pour obtenir des peptides de PM inférieur à 1200 daltons (tableau 3).

Tableau 3. Les hydrolysats de protéines disponibles en France en 2001

Hydrolysats de protéines du lactosérum
Alfaré® (Nestlé)
Peptijunior® (Nutricia)

Hydrolysats de caséine
Galliagène Progress® (Gallia)
Nutramigen® (Mead Johnson)
Pregestimil® (Mead Johnson)

Isolats de soja et collagène de porc
Prégomine® (Milupa)

Acide-aminé de synthèse
Néocate® (SHS International)

 

En présence de signes réaginiques, de signes digestifs plus ou moins chroniques et plus généralement chez tout enfant atteint d'une allergie au lait de vache dont les symptômes ne disparaissent pas totalement sous régime d'exclusion comportant un hydrolysat de protéines, il faut savoir évoquer l'allergie aux hydrolysats de protéines. Bien que la charge antigénique protéique des hydrolysats soit plusieurs millions de fois plus faible que celle du lait de vache, il peut arriver que des quantités significatives d'antigènes protéiques soient présentes dans ces substitutifs. La réduction du PM des protéines ne suffit pas à garantir la non antigénicité. De plus, les lipides et les carbohydrates, non atteints par l'hydolyse, peuvent lier des structures protéiques et favoriser la production de nouveaux épitopes. Initialement anecdotiques, les observations de réactions adverses aux hydrolysats de protéines semblent de plus en plus fréquentes. Selon les auteurs, une allergie aux hydrolysats de protéines est mentionnée chez 1 à 19 % des enfants allergiques aux protéines du lait de vache. Les enfants allergiques à tous les hydrolysats de protéines, atteints d'allergies alimentaires multiples, d'eczéma sévère, de signes digestifs persistants sous hydrolysats doivent bénéficier d'un substitution par un amino-acide de synthèse.

Les régimes d'exclusion peuvent conduire à des troubles du comportement alimentaire. Ces effets secondaires sont plus fréquents en cas d'éviction d'un grand nombre d'aliments sur une période prolongée. La complexité de certains régimes alimentaires est à l'origine d'un sentiment de frustration pour l'enfant, d'une angoisse pour les parents et l'entourage, ou d'un manque de compliance au régime.

2.1.2. Les allergies croisées

La réactivité clinique aux allergènes alimentaires est généralement très spécifique. Les patients sont rarement allergiques à un plus d'un aliment de la même famille botanique ou de la même espèce animale (tableau 4). A titre d'exemple, les allergies croisées arachide et autres légumineuses (pois, fèves, lentilles, haricots blancs..) concernent seulement 4% des allergiques à l'arachide. En revanche, l'allergie croisée arachide - fruits à coque (amande, noisette, noix, différentes variétés de noix, pistache, pignon…) est plus fréquente : elle concerne 30 à 60% des allergiques à l'arachide. En l'absence d'exploration allergologique adapté, le régime doit comporter l'éviction des allergènes croisés.

Tableau 4. Les allergies croisées aliment - aliment (d'après Sampson HA. J Allergy Clin Immunol 1999, 103, 981-9)*

  Aliment réaction croisée %
Animal oeuf
lait de vache

boeuf/veau
poisson
poulet
boeuf/veau
lait de chèvre
agneau
autres espèces
<5%
10%
90%
50%
>50%
Végétal arachide
soja
blé
légumineuses sauf lentilles
légumineuses
autres céréales
<10%
<5%
25%
  arachide oléagineux 35%
  oléagineux oléagineux >50%

2.1.3. Les régimes partiels

Le régime est également adapté à la gravité de l'allergie alimentaire. La compliance au régime d'éviction est un critère important pour favoriser la guérison de l'allergie alimentaire. Néanmoins, passé l'âge de guérison habituel de l'allergie alimentaire (un an pour le lait de vache, daux ans pour l'œuf et six ans pour l'arachide), et pour des quantités élevées d'aliment qui déclenche les symptômes de l'allergie, un régime partiel peut être proposé. Il a pour objectif d'améliorer la qualité de vie de l'enfant en autorisant des aliments jusqu'alors interdits qui contiennent de faibles quantités de l'aliment allergisant. Il permet également le développement d'une tolérance immunologique. Il consiste à autoriser en cas d'allergie à l'œuf, la consommation de petites quantités d'œuf cuit, ou en cas d'allergie à l'arachide la consommation d'huile d'arachide ou de graisses végétales sans autre précision.

2.2. Traitement médicamenteux

Les traitements comme les antihistaminiques H1, antihistaminiques H2, le kétotifène, les corticoides et les inhibiteurs des leucotriènes ont été proposés dans l'objectif de modifier les symptômes de l'allergie induite par l'ingestion d'un aliment. Les antihistaminiques peuvent masquer partiellement les symptômes du syndrome oral et des signes cutanés IgE-médiés. Néanmoins, leur efficacité est minime. Les corticoides oraux sont efficaces dans le traitement de maladie chronique IgE-dépendante comme l'asthme ou la dermatite atopique, de maladie chronique non IgE-dépendante comme l'oesophagite à éosinophiles, la gastroentérite et l'entéropathie induite par la diététique. Mais les effets secondaires des corticoides rendent inacceptable leur utilisation. Des études anecdotiques ont suggéré l'utilisation de cromoglycate disosdique par voie orale : aucune étude contrôlée en démontre scientifiquement l'efficacité.

2.3. Autres mesures générales

La difficulté de certains régimes d'éviction, arachide en particulier, est telle que l'allergique est exposé inévitablement à des ingestions accidentelles. Elles concernent 35 à 50% des allergiques à l'arachide dans les deux à trois années suivant le diagnostic. Les patients atteints d'allergie alimentaire sévère doivent avoir sur eux une carte ou un bracelet mentionnant leur allergie. Une conduite à tenir ou " plans d'action " en cas de réaction allergique, incluant éventuellement de l'adrénaline doit être remise et expliquée à l'enfant et aux parents. Chez l'enfant et l'adolescent, les formes sévères d'allergie alimentaire justifient de la mise en place d'un projet d'accueil individualisé selon la circulaire 93-248 du 22 juillet 1993, actualisé par le bulletin officiel N° 41 du 18 novembre 1999 qui établit un partenariat " établissement - parents - enfants -médecin " sur la conduite à tenir (régime, traitement). Ce projet concerne les enfants ayant déjà été confrontés à une urgence allergologique, les enfants asthmatiques qui présentent une allergie alimentaire, et ceux qui présentent des réactions allergiques au simple contact, à l'inhalation, pour des doses minimes ou pour des allergènes particuliers (arachide, sésame, allergies multiples). L'objectif est de permettre la réussite scolaire et l'insertion sociale et professionnelle des enfants et adolescents atteints d'une maladie chronique, en favorisant la scolarité grâce à certains aménagements.

2.4. Education

L'éducation a une place déterminante : il est nécessaire d'éduquer à ne pas partager ou échanger des collations, à éviter les aliments dont la composition n'est pas connue, à lire les étiquettes, à se laver les mains avant et après les repas, à faire attention aux activités extra-scolaires à risque, à connaître le lieu de rangement des médicaments et à apprendre le maniement des injections d'adrénaline (8, 9). L'information du patient doit être associée à une véritable mise en situation. En effet, le principal objectif est de donner la possibilité au patient d'avoir un comportement adapté en lui permettant d'identifier les situations à risque et d'adopter rapidement des mesures efficaces pour éviter de mettre sa vie en danger.

L'enseignement des aspects techniques du traitement des réactions allergiques a pour objectif principal la maîtrise des stylos auto-injectables d'adrénaline et des inhalateurs de bronchodilatateurs. Les brochures sont inefficaces et l'exemple ne suffit pas. L'allergique doit pratiquer le geste en étant accompagné et guidé dans un premier temps. Il est indispensable de montrer la technique, puis de laisser faire en accompagnant. L'utilisation de stylos d'entraînement permet aux parents et aux grands enfants d'apprendre la technique des injections sur une peluche, par exemple. Il en va de même avec les dispositifs d'inhalation placebo.

L'absence de connaissance de la technique d'injection d'adrénaline par les patients allergiques, et même par les médecins qui la prescrivent, est illustrée par deux publications récentes. Grouhi et al. observent que 81% des médecins qui prescrivent de l'adrénaline n'ont pas de matériel placebo pour éduquer leurs patients, que 76% ne connaissent pas les doses disponibles de l'Épipen®, stylo auto-injectable d'adrénaline disponibles dans la plupart des pays, et que seulement 25% connaissent les 3 stades successifs d'utilisation de ce matériel (In 10). De même, Sicherer et al. observent que seulement la moitié des patients et des internes en médecine utilisent correctement le stylo auto-injectable (In 10).

Si l'adrénaline est prescrite, il est indispensable qu'elle soit à disposition immédiate, chaque fois que le patient se trouve dans une situation où il peut être amené à être en contact avec l'allergène. Ainsi, les accidents par allergie alimentaire surviennent le plus souvent en dehors du domicile. Pumphrey et al. (5) ont rapporté 8 cas de chocs anaphylactiques ou l'adrénaline n'a pas été utilisée pour différentes raisons, dépassement de la date de péremption, trousse prescrite mais non achetée, trousse prêtée et donc non disponible. Si l'adrénaline reste au domicile, alors que l'enfant prend la plupart de ses repas à la cantine, la prescription est inutile ...

3. L'immunothérapie et les traitements du futur

4.1. L'immunothérapie

Le traitement étiologique de l'allergie alimentaire repose sur l'immunothérapie spécifique, appelée actuellement traitement vaccinal des maladies allergiques. Les rares études disponibles dans l'allergie alimentaire ne sont pas encourageantes : la désensibilisation entraîne des réactions sévères lors des injections. La première étude en double-aveugle publiée par Oppenheimer et al. concerne des patients sévèrement allergiques à l'arachide (In 10). Les trois patients désensibilisés ont une réduction notable du score clinique (de 67 à 100 %) et de la réactivité cutanée, mais pas les patients sous placebo. Cette " rush-thérapie " n'est pas dénuée de risque : un décès est survenu par injection " accidentelle " d'une dose d'entretien chez un patient sous placebo.

L'étude plus récente de Nelson et al. semble montrer que les injections répétées d'extraits modifiés d'arachide permettent d'augmenter la dose tolérée des sujets sévèrement allergiques à l'arachide. Six patients bénéficient d'une désensibilisation spécifique et six autres reçoivent un placebo. Les réactions systémiques sont constantes pendant la phase de montée des doses et surtout en phase d'entretien. En phase d'entretien, il a été nécessaire de réaliser en moyenne 35 injections d'adrénaline, par patient et par an, pour traiter les réactions systémiques. La quantité d'aliments tolérée est augmentée par la désensibilisation et maintenue chez trois patients, mais chez deux patients les résultats sont partiels et un a perdu totalement cette protection. Les auteurs n'ont pas observé de modifications des paramètres dans le groupe contrôle.

Dans ces conditions, la désensibilisation aux allergènes alimentaires actuellement disponibles n'est pas éthiquement recommandée chez l'enfant.

4.2. Les traitements du futur

Une nouvelle voie de recherche concerne l'utilisation de peptides qui seraient des épitopes T ne présentant pas de capacité de liaison aux IgE spécifiques (In 10). Par exemple, l'arachide soumise à la digestion pepsinique perd sa capacité de liaison aux IgE spécifiques du sérum utilisé. Elle conserve par contre un pouvoir de stimulation de la prolifération des T lymphocytes de sujets allergiques à l'arachide, et permet la production d'interféron gamma, mais à un degré moindre que l'arachide native. Elle est capable de stimuler les clones lymphocytaires T réactifs à l'arachide native, suggérant la présence d'épitope T en cause dans la réaction croisée entre arachide native et arachide digérée par la pepsine. On envisage de pratiquer une immunothérapie avec un tel extrait. Burks et Sampson élaborent une protéine recombinante modifiée. Ils effectuent, au niveau du gène Ara h 1, une mutation d'un épitope du site de liaison des IgE par un autre acide aminé. Cette mutagenèse dirigée permet de concevoir une protéine " hypoallergénique " utilisable dans le traitement vaccinal des maladies allergiques. Cette protéine serait immunogène, mais non réactogène.

D'autres travaux expérimentaux sont en cours aux Etats-Unis. Ils portent sur une protéine d'arachide dont le DNA porteur du gène Ara h 2 est associé à des particules de chitosan (polysaccharide de la coquille des crustacés). Chez la souris, la sévérité des signes cliniques de l'anaphylaxie est réduite par l'ingestion de ce complexe par voie orale. Il s'agit de travaux expérimentaux qui doivent être confirmés chez l'homme.

Les probiotiques auraient peut être un rôle dans le prise en charge de l'allergie alimentaire. La flore intestinale protège des bactéries pathogènes et stimule le développement du système immunitaire. Les probiotiques sont généralement des micro-organismes vivants présents dans l'alimentation, comme dans les yoghurts. Ils survivent durant le passage dans le tube digestif et sont bénéfiques à la flore intestinale normale. Les probiotiques et les prébiotiques contenus dans l'alimentation peuvent modifier la composition et certaines activités métaboliques de la flore. Ils sont été déjà utilisés pour traiter et prévenir les diarrhées et l'intolérance au lactose.

Mots-clés: Allergie alimentaire, adrénaline, éducation

Références

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